5) L'ouverture des sessions (chapitre V) : articles 231-57 à 231-75

Comme le fait actuellement le code de procédure pénale à propos de l'ouverture des sessions de la cour d'assises, le projet de loi reprend la distinction entre la révision de la liste du jury et la formation du jury de jugement.

a) La révision de la liste du jury : articles 231-57 à 231-62

· L'article 231-57 est relatif à l'appel des jurés et à la sanction des jurés défaillants

S'agissant de l'appel des jurés, le projet de loi n'apporte pas de modification par rapport au dispositif applicable actuellement devant la cour d'assises (article 288 du code de procédure pénale) : il prévoit que le tribunal prend séance aux lieu, jour et heure fixés pour la session, que le greffier procède à l'appel des jurés de la liste de session et que le tribunal statue sur le cas des jurés absents.

En revanche, le projet de loi aggrave sensiblement la sanction prévue à l'encontre du juré défaillant (celui-ci étant défini comme le juré qui, sans motif légitime, n'a pas déféré à la citation qui lui a été notifiée ou qui se retire avant l'expiration de ses fonctions sans une excuse jugée valable par le tribunal) :

- actuellement, cette sanction consiste en une amende de 100 francs pour la première fois (la cour d'assises pouvant la réduire de moitié), de 200 F pour la deuxième fois et de 500 F (plus l'incapacité d'exercer à l'avenir les fonctions de juré) pour la troisième fois ;

- le projet de loi prévoit une peine de 5 000 F d'amende -montant de l'amende prévue pour les contraventions de la 4e classe- ainsi que l'interdiction, pour une durée de cinq ans, des droits civiques. Ces peines peuvent être prononcées par le tribunal d'assises lui-même, comme pour les infractions commises à l'audience. L'appel de la condamnation est porté devant la chambre des appels correctionnels.

Votre commission vous propose deux amendements à cet article 231-57 :

- le premier amendement est de pure logique : il se limite à prévoir que le juré défaillant peut être condamné par le tribunal, sans préciser que celui-ci suit alors la procédure prévue pour les infractions commises à l'audience. En effet, une telle précision n'a pas lieu d'être dans la mesure où le contrevenant n'est pas, par hypothèse, présent à l'audience ;

- le second amendement , présenté dans l'exposé général, porte à 25.000 F d'amende la peine encourue par le juré défaillant. Celui-ci serait ainsi coupable d'un délit, ce qui permet de maintenir la peine complémentaire d'interdiction des droits civiques, de nature correctionnelle. Bien entendu, conformément aux principes généraux du droit pénal, ce montant est un maximum. Mais votre commission a cru utile d'aller au-delà de la peine de 5.000 F afin d'avoir une sanction véritablement dissuasive pour certains comportements, et notamment de punir sévèrement le juré qui, sans motif légitime, renonce à ses fonctions en cours de procès, conduisant ainsi à reprendre la procédure. Certains de nos collègues ont d'ailleurs émis l'idée de distinguer entre le juré " insoumis " (absent dès le début de l'audience) et le juré " déserteur ". Votre commission n'a pas souhaité retenir cette distinction, source de complication, et a préféré s'en remettre à l'appréciation des juridictions, en fonction des circonstances de l'espèce.

· L'article 231-58 est relatif à la radiation de noms de jurés à l'initiative du tribunal d'assises . Il transpose à celui-ci le dispositif actuellement prévu par l'article 289 du code de procédure pénale pour la radiation à l'initiative de la cour d'assises. Il prévoit ainsi trois séries d'hypothèses dans lesquelles le tribunal doit ordonner la radiation :

- pour les noms des jurés décédés ;

- pour les noms des jurés qui ne remplissent pas les conditions d'aptitude légales. Dans cette hypothèse comme dans la précédente, le tribunal doit adresser les noms des intéressés au président du TGI aux fins de radiation de la liste annuelle ;

- pour les noms des proches d'un membre du tribunal ou d'un juré inscrit avant sur la liste : il s'agit des conjoints, parents ou alliés jusqu'au degré d'oncle ou neveu inclusivement ; le projet de loi y ajoute, par rapport au droit actuel, les noms des personnes vivant notoirement en situation maritale avec un membre du tribunal ou l'un des jurés.

A l'initiative de M. Jean-François Deniau, l'Assemblée nationale a précisé que le tribunal devait s'assurer effectivement que les jurés présents remplissent les conditions d'aptitude légales. Comme l'a indiqué M. Pascal Clément, rapporteur, à propos de la même précision apportée à l'article 37 du projet de loi pour la cour d'assises, il s'agit de prévoir que le tribunal s'assure " concrètement que tous les membres du jury sont effectivement capables de remplir leurs fonctions tout en (lui) donnant les moyens d'écarter ceux qui s'avéreraient hors d'état de le faire, pour une cause légale ou pour une autre raison comme l'ivresse, la surdité ou la cécité (...). Il s'agit de contrôler si les jurés sont capables d'entendre, d'écouter et, qui sait, de comprendre ".

Votre commission approuve le principe de cette précision mais vous propose un amendement tendant à la mettre au début de l'article 231-58. Il lui paraît en effet plus logique de demander au tribunal de vérifier l'aptitude des jurés avant de lui demander d'exclure ceux qui sont inaptes.

· L'article 231-59 est relatif à l'appel aux juges suppléants . Il s'inspire du dispositif prévu actuellement par l'article 289-1 du code de procédure pénale pour la cour d'assises.

Si, en raison des absences ou à la suite des radiations par le tribunal, il reste moins de douze jurés sur la liste de session (qui, selon l'article 231-34, en comprend initialement vingt), ce nombre est complété par les juges suppléants, suivant l'ordre de leur inscription. En cas d'insuffisance, il est recouru à des jurés tirés au sort, en audience publique, parmi les jurés inscrits sur la liste spéciale et subsidiairement parmi les jurés de la ville inscrits sur la liste annuelle.

Si le tribunal d'assises tient audience dans un lieu autre que celui où il siège habituellement, le nombre des jurés titulaires est complété par un tirage au sort, en audience publique, parmi les jurés de la ville inscrits sur la liste annuelle.

Bien entendu, les noms des jurés suppléants ainsi tirés au sort peuvent être rayés des listes.

· L'article 231-60 exige que l'ensemble des décisions du tribunal fasse l'objet d'un jugement motivé , le ministère public entendu. Une telle exigence est déjà formulée à propos des décisions de la cour d'assises par l'article 290 du code de procédure pénale.

Il est précisé que ce jugement ne peut faire l'objet d'aucun recours (précision qu'il convient de rapprocher de celle énoncée par l'article 290 selon laquelle l'arrêt motivé de la cour d'assises ne peut être attaqué par la voie du recours en cassation qu'en même temps que l'arrêt sur le fond).

· L'article 231-61 permet la révision de la liste du jury avant le jugement de chaque affaire .

Il reprend dans une large mesure le texte de l'article 291 du code de procédure pénale applicable devant la cour d'assises.

Il permet ainsi au tribunal de procéder, s'il y a lieu, aux opérations prévues par des articles 231-57 (appel des jurés et sanction des défaillants), 231-58 (radiations) et 231-59 (désignation de suppléants).

Il prévoit en outre le retrait provisoire de la liste de session du nom :

- des proches de l'accusé, d'une partie civile ou d'un avocat (conjoint, parents, alliés jusqu'au degré d'oncle ou de neveu inclusivement ainsi que des personnes vivant notoirement en situation maritale avec une partie ou un avocat) ;

- de ceux qui, dans l'affaire, sont témoins, interprètes, dénonciateurs, experts, plaignants ou parties civiles ou ont accompli un acte de police judiciaire ou d'instruction.

Votre commission vous propose d'adopter un amendement rédactionnel au texte proposé pour l'article 231-61 du code de procédure pénale.

· L'article 231-62 est relatif à l'information de l'accusé en cas de modification de la liste de session . Reprenant le texte de l'actuel article 292 du code de procédure pénale, il prévoit que tout jugement modifiant la composition de cette liste est porté par les soins du greffier, sans formalité, à la connaissance de l'accusé ; celui-ci ou son avocat peut alors demander qu'un délai, ne pouvant excéder une heure, soit observé avant l'ouverture des débats. On observera que ce sont toutes les modifications de la liste de session qui, comme aujourd'hui, devront être notifiées à l'accusé (il en sera par exemple ainsi en cas de changement d'adresse ou de profession d'un juré).

Conformément à la solution retenue par la jurisprudence à propos de l'actuel article 292 du code de procédure pénale, le défaut de notification ne devrait entraîner nullité que dans la mesure où il aura entravé l'exercice du droit de récusation.

b) La formation du jury de jugement : articles 231-63 à 231-75

· Les articles 231-63 à 231-65 sont relatifs aux formalités préalables à la formation du jury de jugement.

Ils reprennent à la lettre les articles 293 à 295 relatifs à la formation du jury de jugement devant la cour d'assises.

Il est ainsi prévu que, au jour indiqué pour chaque affaire, le tribunal prend séance et fait introduire l'accusé, que le jury de jugement est formé en audience publique et que la présence de l'avocat de l'accusé n'est pas prescrite à peine de nullité. Sur ce dernier point, le code de procédure pénale n'a fait que consacrer une solution jurisprudentielle traditionnelle aux termes de laquelle, si " les conseils ont le droit d'assister les accusés au tirage du jury et d'exercer concurremment avec eux telles récusations qu'ils jugeraient convenables, l'exercice de ce droit est entièrement facultatif et il ne peut résulter aucune nullité de l'abstention volontaire du conseil sur ce point " ( chambre criminelle : 3 janvier 1956 ). En revanche, l'absence de l'accusé est une cause de nullité. "

Le président demande ensuite à l'accusé ses nom, prénoms, date et lieu de naissance, profession et résidence.

Le greffier fait l'appel des jurés non excusés ; une carte portant leur nom est déposée dans une urne.

· L'article 231-66 est relatif à la composition du jury de jugement .

Il fixe à cinq le nombre de jurés (contre neuf, selon l'article 296 du code de procédure pénale, pour le jury de l'actuelle cour d'assises).

Il impose au tribunal -comme il est déjà imposé à la cour d'assises- d'ordonner par jugement, avant le tirage de la liste des jurés, qu'indépendamment des cinq jurés, il soit tiré au sort un ou plusieurs jurés supplémentaires qui assistent aux débats. Ceux-ci sont appelés à remplacer, par ordre de leur tirage au sort, les jurés qui seraient empêchés de suivre les débats jusqu'au prononcé du jugement.

· Les articles 231-67 à 231-71 sont relatifs au droit de récusation . Ils reprennent, en y apportant les adaptations nécessaires (tenant notamment à la réduction de neuf à cinq du nombre de jurés en première instance), le dispositif prévu par les articles 297 à 301 du code de procédure pénale pour l'exercice du droit de récusation devant la cour d'assises :

- la récusation est décidée à mesure que les noms des jurés sortent de l'urne, par l'accusé ou son avocat d'abord, par le ministère public ensuite. La partie civile ne peut donc pas participer aux récusations ;

- l'exercice du droit de récusation est totalement discrétionnaire sous réserve de l'impossibilité pour l'accusé de récuser plus de trois jurés (au lieu de cinq devant la cour d'assises) et pour le ministère public de récuser plus de deux jurés (au lieu de quatre devant la cour d'assises). Ni l'accusé, ni l'avocat, ni le ministère public ne peuvent d'ailleurs exposer les raisons de leur décision ;

- s'il y a pluralité d'accusés, ils peuvent se concerter pour exercer leurs récusations ou les exercer séparément. Ils peuvent également se concerter pour exercer une partie des récusations. Mais en aucun cas le nombre total de récusations ne pourra excéder trois ;

- en cas de pluralité d'accusés et si ceux-ci ne se concertent pas pour récuser, le sort règle entre eux le rang dans lequel ils font les récusations. Aussi, si le nombre d'accusés est supérieur au nombre de récusations autorisées, certains d'entre eux sont placés hors rang : ils sont ipso facto exclus de toute participation à l'exercice du droit de récusation lequel est personnel et intransmissible. Il en est ainsi alors même que les accusés désignés par le sort n'auraient pas épuisé les possibilités de récusation (chambre criminelle ; 15 décembre 1959).

· L'article 231-72 prévoit que le greffier dresse procès-verbal des opérations de formation du jury de jugement . C'est la reprise mot pour mot de l'article 302 du code de procédure pénale applicable devant la cour d'assises.

· L'article 231-73 est relatif au placement des jurés . Il transpose au tribunal le dispositif prévu par l'article 303 du code de procédure pénale pour la cour d'assises : les jurés se placent dans l'ordre désigné par le sort, au côté du tribunal, si la disposition des lieux le permet, et sinon sur des sièges séparés du public, des parties et des témoins, en face de celui qui est destiné à l'accusé.

· L'article 231-74 est relatif à la prestation de serment des jurés .

Il reprend en le complétant la formule de la prestation de serment prévue par l'actuel article 304 du code de procédure pénale pour les jurés de la cour d'assises : promesse de ne trahir ni les intérêts de l'accusé, ni ceux de la société ; de ne communiquer avec personne ; de n'écouter ni la haine ou la méchanceté, ni la crainte ou l'affection ; de se décider d'après les charges et les moyens de défense, suivant son intime conviction, avec l'inpartialité et la fermeté qui conviennent à un homme probe et libre, de conserver le secret des délibérations.

Les compléments apportés à l'actuelle prestation de serment sont au nombre de trois :

- deux concernent le discours du serment : d'une part les jurés doivent s'engager à ne pas trahir non seulement les intérêts de la société et de l'accusé, mais également ceux de la victime. D'autre part, le discours de la prestation de serment doit désormais rappeler que l'accusé est présumé innocent et que le doute doit lui profiter ;

- le troisième complément consiste à exiger l'affichage du texte du discours en gros caractères dans le lieu le plus apparent de la chambre des délibérations.

· L'article 231-75 , reprenant littéralement l'actuel article 305 du code de procédure pénale, prévoit que le président déclare le jury définitivement constitué .

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