4) La procédure préparatoire aux audiences du tribunal d'assises (chapitre IV) : articles 231-36 à 231-56.

Le projet de loi reprend sur ce point la distinction traditionnelle entre actes obligatoires et actes facultatifs ou exceptionnels.

a) Les actes obligatoires : articles 231-36 à 231-51

· L'article 231-36 envisage l'hypothèse dans laquelle l'accusé est placé en détention provisoire dans l'attente de sa comparution .

Comme il a été indiqué précédemment (cf. article 231-5), à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter de la mise en accusation, l'accusé détenu est en principe immédiatement remis en liberté s'il n'a pas comparu devant le tribunal d'assises.

Le tribunal peut cependant, à titre exceptionnel, prolonger les effets de l'ordonnance de prise de corps pour une nouvelle durée de quatre mois si l'audience sur le fond ne peut débuter avant l'expiration de ce délai. La comparution personnelle de l'accusé est de droit si lui-même ou son avocat le demande.

Cette décision ne peut être renouvelée sauf si le président du tribunal ordonne un supplément d'information ou si le tribunal ordonne le renvoi d'une affaire qui ne lui paraît pas en état d'être jugée. L'Assemblée nationale a précisé que, dans ce cas, chaque renouvellement serait prononcé pour une durée maximale de quatre mois. Votre rapporteur, qui s'est interrogé sur l'opportunité de limiter dans le temps cette possibilité de renouvellement, reconnaît toutefois que, dans certaines situations, le tribunal ne pourra être effectivement en mesure de se réunir. Une telle situation sera, bien entendu, exceptionnelle et concernera des hypothèses extrêmes telles qu'une maladie grave de l'accusé.

· L'article 231-37 envisage l'hypothèse dans laquelle l'accusé est laissé en liberté dans l'attente de sa comparution .

Il reprend intégralement le dispositif actuellement prévu en cette hypothèse par l'article 215-1 du code de procédure pénale : l'accusé doit se constituer prisonnier au plus tard la veille de l'audience du tribunal d'assises ; l'ordonnance de prise de corps est exécutée si l'accusé ne se présente pas pour l'interrogatoire préalable ou s'est soustrait aux obligations du contrôle judiciaire.

· L'article 231-38 envisage l'hypothèse dans laquelle l'accusé ne peut être saisi ou ne se présente pas .

En l'état actuel du droit, l'accusé est, dans une telle hypothèse, jugé par contumace (article 270 du code de procédure pénale). Cette procédure étant supprimée par le présent projet de loi, le texte proposé pour l'article 231-38 prévoit donc l'application de la nouvelle procédure de défaut devant le tribunal d'assises (cf. article 101 du projet de loi).

· L'article 231-39 envisage l'hypothèse dans laquelle l'affaire ne doit pas être jugée au siège de la juridiction d'instruction .

Il prévoit que le dossier de la procédure et les pièces à conviction sont alors renvoyés par le procureur de la République au greffe du TGI où siège le tribunal d'assises.

· Les articles 231-40 à 231-44 sont relatifs à l'interrogatoire préalable de l'accusé .

Ils reprennent le dispositif actuellement prévu par les articles 272 à 276 du code de procédure pénale à propos de l'interrogatoire préalable à la comparution devant la cour d'assises : l'interrogatoire préalable a lieu à la maison d'arrêt ; il y est procédé par le président du tribunal d'assises ou par un de ses assesseurs délégué à cette fin ; si l'accusé ne parle ou ne comprend pas le langue française, il doit être fait appel à un interprète ; le président interroge l'accusé sur son identité et s'assure qu'il a reçu notification ou signification de la décision de mise en accusation ; l'accusé est invité à choisir un avocat (à défaut de choix par l'accusé le président lui en désigne un d'office, cette désignation étant non avenue si, par la suite, l'accusé choisit un avocat) ; à titre exceptionnel, le président peut autoriser l'accusé à prendre pour conseil un de ses parents ou amis.

Comme actuellement, il est prévu que l'accomplissement de ces formalités sera constaté par un procès-verbal signé par le président ou son délégué, le greffier, l'accusé et, s'il y a lieu, l'interprète.

Dans la mesure où sont reprises les dispositions applicables pour l'interrogatoire préalable à la comparution devant le cour d'assises, les principes dégagés par la jurisprudence à propos de celui-ci devraient concerner également l'interrogatoire préalable devant le tribunal d'assises. Ainsi peut-on estimer que :

- l'interrogatoire préalable devant le tribunal d'assises constituera une formalité substantielle. Il devra être accompli pour toute personne renvoyée devant ledit tribunal, même si elle n'est accusée que d'un délit ;

- il n'y aura pas lieu de procéder à un nouvel interrogatoire en cas de supplément d'information ;

- l'objet de l'interrogatoire préalable sera limité aux questions ci-dessus évoquées. Il ne saurait, à peine de nullité, conduire le président à solliciter des explications sur le fond de l'affaire.

· L'article 231-45 fixe la durée minimale devant s'écouler entre l'interrogatoire préalable et l'ouverture des débats .

Reprenant la solution actuellement applicable devant la cour d'assises (article 277 du code de procédure pénale), il prévoit un délai d'au moins cinq jours, l'accusé et son avocat pouvant y renoncer.

· Les articles 231-46 à 231-48 sont relatifs à la préparation de la défense de l'accusé et à la communication de pièces du dossier à la défense et aux parties civiles .

Ils reprennent à la lettre les articles 278 à 280 du code de procédure pénale.

L'article 231-46 précise que l'accusé ne cesse pas de pouvoir communiquer librement avec son avocat et que l'avocat peut prendre sur place communication de toutes les pièces du dossier sans que cette communication puisse provoquer un retard dans la marche de la procédure.

Comme le fait observer l'instruction générale d'application du code de procédure pénale à propos de l'article 278 -que reprend le présent article 231-46-, cette disposition prend le relais de l'article 114 relatif à la communication entre la personne mise en examen et son avocat et à la consultation du dossier par celui-ci. Son objet " est de maintenir le droit du conseil et de l'accusé après la clôture de l'information ". Il s'ensuit que, comme l'actuel article 278, le futur article 231-46, quoique placé après les dispositions relatives à l'interrogatoire préalable, ne s'appliquera pas seulement après celui-ci mais dès que la décision de renvoi devant le tribunal d'assises aura acquis un caractère définitif.

La faculté reconnue au seul avocat de prendre sur place communication de toutes les pièces de la procédure ne fait aucunement obstacle à la possibilité pour les parties d'obtenir des copies desdites pièces. Une distinction est cependant opérée, comme actuellement, par les articles 213-47 et 231-48 :

- une copie des procès-verbaux constatant l'infraction, des déclarations écrites des témoins et des rapports d'expertise est délivrée gratuitement à chacun des accusés et parties civiles (art. 231-47) ;

- quant aux autres pièces de la procédure, l'accusé et la partie civile, ou leurs avocats, peuvent en prendre ou en faire prendre copie, à leurs frais (art. 231-48).

On observera que l'énumération des copies délivrées gratuitement est limitative. Ainsi, ne sont notamment pas concernés les procès-verbaux de descente sur les lieux ou d'interrogatoire des personnes mises en examen (qui ne constatent pas une infraction), les lettres écrites par des témoins au juge (qui ne sont pas des déclarations) ni le rapport de police résumant l'enquête.

Plusieurs personnes entendues par votre rapporteur ont critiqué cette distinction, souvent difficile à effectuer, entre les pièces délivrées gratuitement et celles laissées aux frais des parties. C'est pourquoi, en pratique, l'ensemble des copies sont délivrées gratuitement.

Votre commission vous propose donc un amendement tendant à entériner cette pratique. Ainsi, désormais, une fois l'instruction achevée, les parties auraient droit à la délivrance gratuite d'une copie de toutes les pièces de la procédure. Cette solution avait d'ailleurs été préconisée en 1995 par notre excellent collègue M. le Président Michel Dreyfus-Schmidt lors de l'examen de la proposition de loi déposée par les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, autorisant un accès direct à leur dossier des personnes mises en examen.

· L'article 231-49 est relatif à la signification aux parties de la liste des témoins et des experts . Il reprend quasiment mot pour mot le texte de l'actuel article 281 du code de procédure pénale.

Selon le premier alinéa, le ministère public et la partie civile signifient à l'accusé, l'accusé signifie au ministère public et, s'il y a lieu, à la partie civile, la liste des personnes qu'ils désirent faire entendre en qualité de témoin. On observera que la signification de la liste des témoins du ministère public et de la partie civile n'est exigée qu'à l'égard de l'accusé. En conséquence, les noms des témoins cités par le ministère public n'ont pas à être signifiés à la partie civile ; inversement, les noms des témoins cités par la partie civile n'ont pas à être signifiés au ministère public.

Selon le deuxième alinéa, les noms des experts appelés à rendre compte des travaux dont ils ont été chargés au cours de l'information doivent être signifiés dans les mêmes conditions. Ne peuvent donc être cités comme experts que les personnes qui ont été chargées d'une expertise au cours de l'information. Les parties peuvent certes faire entendre d'autres " hommes de l'art " mais ceux-ci interviennent alors comme témoins et non comme experts.

Le troisième alinéa précise que la signification doit mentionner les nom, prénoms, profession et résidence ou domicile élu des témoins ou experts.

Enfin, comme aujourd'hui, il est prévu que les citations faites à la requête des parties sont à leurs frais, ainsi que les indemnités des témoins cités, s'ils en requièrent. Toutefois, le ministère public est tenu de citer à sa requête les témoins dont la liste -qui ne peut comporter plus de cinq noms- lui a été communiquée par les parties cinq jours au moins avant l'ouverture des débats.

· L'article 231-50 est relatif à la signification à chaque accusé de la liste des jurés de session . Il reprend littéralement le texte de l'article 282 du code de procédure pénale. Ainsi, cette signification devra intervenir au plus tard l'avant veille de l'ouverture des débats. La liste des jurés de session devra contenir des indications suffisantes pour permettre l'identification des jurés, à l'exception de celles concernant leur domicile ou résidence.

· L'article 231-51 concerne les personnes renvoyées devant le tribunal d'assises pour délit connexe . Il prévoit l'application à ces personnes des dispositions relatives aux actes obligatoires (articles 231-36 à 231-49), et notamment de celles de l'article 231-37 (exigeant que l'accusé en liberté se constitue prisonnier au plus tard la veille de l'audience). Il permet cependant au président, dans l'hypothèse où l'accusé n'est pas détenu, de le dispenser de se constituer prisonnier la veille de l'audience. Le président doit alors lui indiquer que, faute de se présenter devant le tribunal d'assises, l'accusé sera jugé par défaut. Le refus du président d'accorder cette dispense n'est pas susceptible de recours.

Sur cet article, votre commission vous propose un amendement rédactionnel.

b) Les actes facultatifs ou exceptionnels : articles 231-52 à 231-56

· Les articles 231-52 et 231-53 traitent du supplément d'information . Ils reprennent les articles 283 et 284 du code de procédure pénales, relatifs au supplément d'information ordonné par le président de la cour d'assises.

C'est au président du tribunal d'assises qu'il appartient d'ordonner tous actes d'information qu'il estime utiles si l'instruction lui paraît incomplète ou si des éléments nouveaux ont été révélés depuis sa clôture. S'agissant de la cour d'assises, la jurisprudence a vu dans cette faculté un droit propre du président, celui-ci appréciant souverainement l'utilité d'un supplément d'information et n'ayant pas à répondre à une demande présentée à cette fin par une partie. Elle a également estimé que le président, pouvant procéder lui-même à ces actes d'information, avait la faculté de délivrer une commission rogatoire à un officier de police judiciaire.

Les actes d'information peuvent également être effectués par un des assesseurs ou par un juge d'instruction délégué à cette fin par le président. Les règles concernant l'instruction préparatoire doivent alors être observées (en particulier celles concernant les interrogatoires, les auditions ou confrontations et les expertises) ; toutefois, n'ont pas à être observées les dispositions de l'article 167 du code de procédure pénale, relatives aux rapports d'expertise.

Tout en reconnaissant que l'article 231-52 ne faisait que reprendre le texte de l'article 283 du code de procédure pénale, notre excellent collègue Robert Badinter s'est interrogé sur la conformité à la Convention européenne des droits de l'Homme d'un dispositif dans lequel un magistrat (en l'occurrence le président ou l'un de ses assesseurs) ayant procédé à un supplément d'information pourrait siéger, dans la même affaire, au sein de la juridiction de jugement.

Votre commission a partagé cette inquiétude et a en conséquence réservé sa position sur l'article 231-52.

L'article 231-53 prévoit que les pièces et documents réunis au cours du supplément d'information sont déposés au greffe et joints au dossier de la procédure. Ils sont mis à la disposition du ministère public et des parties qui sont avisés de leur dépôt par le greffier. Le procureur de la République peut à tout moment requérir communication de la procédure à charge de rendre les pièces dans les vingt-quatre heures.

· L'article 231-54 est relatif à la jonction des procédures devant le tribunal d'assises . Il reprend largement l'actuel article 285 du code de procédure pénale, concernant la jonction des procédures devant la cour d'assises. La jonction est ainsi décidée par le président, soit d'office, soit sur réquisition du ministère public, soit -innovation par rapport à l'actuel article 285- à la demande d'une des parties. Elle peut intervenir dans deux hypothèses :

- lorsqu'à raison d'un même crime ou de crimes connexes (cette référence expresse à la connexité marque une innovation par rapport à l'actuel article 285), plusieurs décisions de mise en accusation ont été rendues contre différents accusés ;

- lorsque, pour des infractions différentes, plusieurs décisions de mise en accusation ont été rendues contre un même accusé.

· L'article 231-55 est relatif à la disjonction des accusations devant le tribunal d'assises . Il reprend largement le texte de l'article 286 du code de procédure pénale applicable à la disjonction des accusations devant la cour d'assises.

La disjonction est ainsi décidée par le président, soit d'office, soit sur réquisition du ministère public. L'Assemblée nationale a fort opportunément étendu aux parties la faculté de demander cette disjonction.

Elle consiste à ordonner que les accusés ne soient immédiatement jugés que sur l'une ou quelques-unes des infractions visées par la décision de mise en accusation.

Elle peut être décidée lorsque la décision de mise en accusation vise plusieurs infractions non connexes. Mais, comme l'a décidé la jurisprudence à propos de l'article 286 du code de procédure pénale, l'article 231-55 n'est pas limitatif mais simplement énonciatif. La désignation des accusations pourra donc être décidée lorsqu'il y aura connexité, dès lors qu'il n'y aura pas indivisibilité absolue (par exemple lorsqu'un accusé sera en fuite ou gravement malade).

· L'article 231-56 est relatif au renvoi d'une affaire à une audience ou à une session ultérieure .

En l'état du droit actuellement applicable devant la cour d'assises, le renvoi à une session ultérieure peut, selon l'article 283 du code de procédure pénale, être prononcé par le président, soit d'office, soit sur réquisition du ministère public. Toutefois, l'article 343 du même code permet à la cour d'ordonner, d'office ou à la requête du ministère public ou de l'une des parties, le renvoi de l'affaire à la prochaine session.

Il n'y a pas à proprement parler de contradiction entre ces deux dispositions qui ont vocation à s'appliquer à des périodes différentes : l'article 287 joue tant que le jury de jugement n'a pas été formé ; l'article 343 trouve application une fois le jury de jugement constitué.

La formation du jury de jugement représente donc aujourd'hui la ligne de partage des compétences entre le président et la cour pour décider du renvoi d'une affaire.

Le projet de loi reprend la solution de l'article 287 : il confie au président le soin d'ordonner, d'office ou à la demande du ministère public ou d'une partie, le renvoi à une audience ou à une session ultérieure des affaires qui ne lui paraissent pas en état d'être jugées.

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