TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 16 avril 1997, sous la présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, président, la commission a procédé à l' examen de la proposition de loi n° 225 (1996-1997), adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture, relative à la promotion de l'apprentissage dans le secteur public non industriel et commercial et de la proposition de loi n° 107 (1996-1997) de M. Louis Souvet et de plusieurs de ses collègues tendant à développer l'apprentissage dans le secteur public et modifiant la loi n° 92-675 du 17 juillet 1992 portant diverses dispositions relatives à l'apprentissage, à la formation professionnelle et modifiant le code du travail.

M. Louis Souvet, rapporteur, a tout d'abord précisé que la proposition de loi examinée par la commission, relative à la promotion de l'apprentissage dans le secteur public non industriel et commercial, avait été déposée par M. Michel Jacquemin, député du Doubs, et adoptée par l'Assemblée nationale le 6 février 1997. Il a souligné que cette proposition de loi avait pour objet d'assurer la pérennisation et le développement du dispositif expérimental prévu par la loi du 17 juillet 1992.

Le rapporteur a rappelé qu'il avait lui-même déposé le 28 novembre 1996 une proposition de loi relative au développement de l'apprentissage dans le secteur public, laquelle prévoyait un dispositif financier important. Tout en se félicitant de l'initiative de l'Assemblée nationale, il a toutefois regretté que le Gouvernement soit revenu sur ses engagements à son égard qu'illustrait notamment une lettre du ministre Jacques Barrot du mois d'août 1996.

Le rapporteur a rappelé que le contexte économique et social se caractérisait par un environnement nouveau auquel devaient s'adapter les entreprises. Il a souligné combien la mondialisation de l'économie avait augmenté la pression concurrentielle sur les entreprises françaises et compliqué la gestion du social, celle de l'emploi en particulier.

Il a insisté ensuite sur le fait que les entreprises qui embauchaient recherchaient des jeunes immédiatement opérationnels, rompus aux techniques les plus récentes, et que l'apprentissage était devenu une filière pertinente pour rapprocher les jeunes du milieu du travail.

Après avoir rappelé que les différentes réformes adoptées depuis la loi importante du 16 juillet 1971 avaient permis de faire passer le nombre d'apprentis de 110.000 dans les années 1950 à 200.000 dans les années 1970 et 1980, puis 310.000 en 1996, M. Louis Souvet, rapporteur, a dû constater que l'extension de l'apprentissage au secteur public prévu par la loi du 17 juillet 1992 à titre expérimental n'avait pas contribué autant qu'on aurait pu l'espérer à cette progression des effectifs d'apprentis.

Le rapporteur s'est félicité que le dispositif ait révélé une capacité de formation et d'encadrement inemployée dans le secteur public ; il a toutefois observé que l'on ne comptait pas plus de 7.000 apprentis dans le secteur public à la fin 1996, dont 1.000 pour la Poste.

M. Louis Souvet, rapporteur, a évoqué plusieurs facteurs pour expliquer ce phénomène. Malgré une prise en charge des cotisations sociales par l'Etat, dont les cotisations d'assurance-chômage, il a considéré que le dispositif de soutien financier avait pu être un obstacle au développement de l'apprentissage dans le secteur public. Il a en effet rappelé que les aides avaient été supprimées au secteur public à partir de janvier 1996. De plus, le rapporteur a tenu à souligner que les employeurs publics avaient pu, comme les employeurs privés, être séduits par des contrats aidés comme les contrats emploi-solidarité (CES) qui présentaient plus de souplesse et des dispositions financières d'accompagnement plus substantielles.

Le rapporteur a évoqué comme second facteur explicatif les débouchés proposés aux apprentis diplômés. Il a rappelé qu'une partie d'entre eux pouvait rejoindre la fonction publique après avoir passé le concours. Il a toutefois noté qu'un nombre important d'apprentis formés dans le secteur public pouvait être amené à trouver un employeur privé. Il a considéré que cette perspective pouvait laisser perplexe nombre d'employeurs publics et d'apprentis, le manque de passerelles pouvant, en effet, selon lui, dissuader les initiatives locales qui, autrement, auraient pu être plus nombreuses.

M. Louis Souvet, rapporteur, a rappelé ensuite les trois dispositions contenues dans la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale :

- autorisation donnée aux personnes morales de droit public dont le personnel ne relève pas du droit privé pour conclure de façon pérenne des contrats d'apprentissage ; le rapporteur a rappelé qu'il s'agissait de l'Etat, des collectivités locales et de leurs établissements publics, des établissements administratifs, des établissements publics locaux d'enseignement, des établissements publics hospitaliers et des établissements publics particuliers à caractère culturel, scientifique, technique, sanitaire...

- ouverture du droit pour ces contrats d'apprentissage à partir du 1er janvier 1997 à l'aide à l'embauche d'apprentis prévue par l'article L. 118-7 du code du travail introduit par la loi du 6 mai 1996 portant réforme du financement de l'apprentissage, soit 6.000 francs. Le rapporteur a souligné que ce texte excluait donc le deuxième volet de l'aide relatif à l'indemnité de soutien à l'effort de formation d'un montant de 10.000 francs, majorée en fonction de l'âge de l'apprenti et des heures de formation ;

- enfin, autorisation laissée à la personne morale de droit public pour conclure avec le même apprenti jusqu'à trois contrats d'apprentissage successifs, cette disposition visant à permettre à l'apprenti de préparer des diplômes de niveaux différents et dans le cas de certains certificats d'aptitude professionnelle (CAP) des diplômes de qualification différente.

M. Louis Souvet, rapporteur, a observé que la proposition de loi allait plus loin que celle qu'il avait déposée le 28 novembre 1996 quant à la pérennisation du dispositif et la possibilité de succession de contrats. Toutefois, il a noté que le dispositif financier préconisé par l'Assemblée nationale était en retrait par rapport à sa propre proposition d'alors qui visait l'extension de l'ensemble du dispositif d'aide au secteur public : aide à l'embauche et indemnité de soutien à l'effort de formation. Il a même constaté que la prime envisagée de 6.000 francs était aussi inférieure aux primes conjoncturelles qui étaient de droit avant 1996, soit 7.000 francs et même 10.000 francs pendant quelques mois à la fin de l'année 1995.

Le rapporteur a jugé que cette différence était de nature à pénaliser le développement de l'apprentissage dans le secteur public ; il a proposé en conséquence à la commission un amendement visant à étendre l'éligibilité du secteur public au second volet financier de l'aide, en apportant toutefois une modification par rapport au droit commun : pour faciliter son calcul et permettre au Gouvernement d'allouer au secteur public un montant moindre qu'au secteur privé, il a proposé d'instituer une aide forfaitaire à l'effort de formation à destination du secteur public d'un montant fixé par décret.

Le rapporteur a considéré que cette amélioration du dispositif de soutien financier ne pouvait qu'être favorable au développement de l'apprentissage dans le secteur public. Il a rappelé que ce développement avait été considéré comme une priorité par le Gouvernement, encore dernièrement lors de la Conférence nationale sur l'emploi des jeunes du 10 février 1997.

M. Louis Souvet, rapporteur, a considéré que les débouchés professionnels des apprentis diplômés formés dans le secteur public méritaient également d'être développés. Pour assurer " l'employabilité " de ces jeunes, il a proposé une disposition visant à accroître leur compétence au moyen d'une double expérience. Il s'agirait dans son esprit de permettre à l'employeur public de s'associer avec une autre personne morale de droit public ou une entreprise pour assurer la formation pratique. Ce dispositif serait totalement facultatif, les obligations des partenaires seraient fixées dans une convention dont les matières obligatoires seraient définies par décret. Le rapporteur a rappelé que ce partenariat était déjà possible entre deux entreprises comme le prévoit explicitement l'article L. 115-1 du code du travail. Il a également remarqué que le Centre National de la Fonction Publique Territoriale pourrait utilement apporter son aide technique aux employeurs publics qui rencontreraient des difficultés pour rédiger les conventions de partenariat.

Cette extension de la possibilité de partenariat pour la formation au secteur public devrait permettre, selon M. Louis Souvet, rapporteur, une meilleure " efficacité externe " du dispositif, c'est-à-dire un meilleur taux de placement des apprentis diplômés.

Outre cet objectif qui justifie l'amendement proposé, deux autres conséquences afférentes mériteraient d'être soulignées : ces partenariats public/public et public/privé devraient renforcer le réseau économique local et notamment l'échange des pratiques, compétences et informations professionnelles. Ils devraient également renforcer l'esprit d'entreprise des apprentis formés dans le secteur public et travaillant dans le secteur privé. A cet égard, le rapporteur a souligné que les apprentis, de par leur formation, étaient naturellement amenés à se poser la question de la création de leur propre entreprise. Le fait que le partenariat pour la formation pourrait indirectement les encourager à faire aboutir un projet a été considéré par le rapporteur comme un puissant argument en faveur de la disposition.

M. Louis Souvet, rapporteur, a tenu à souligner que ces deux amendements s'inscrivaient tout à fait dans le cadre de la politique du Gouvernement qui a fait de l'emploi des jeunes une priorité de l'année 1997, comme l'a rappelé encore dernièrement la tenue d'une Conférence nationale sur l'emploi des jeunes.

Le rapporteur a reconnu que son second amendement, de nature financière, était passible de l'article 40 de la Constitution. Il l'a toutefois considéré comme conforme, et même en retrait, par rapport aux déclarations du Gouvernement qui prévoyaient l'extension de l'ensemble des primes à l'apprentissage dans le secteur public ; il a suggéré, à cet égard, de se référer au point 4 du communiqué réalisé à l'issue de la Conférence nationale sur l'emploi des jeunes. A ce propos, il a rappelé également les assurances en ce sens qu'il avait reçues du ministre Jacques Barrot dans une lettre du 16 août 1996.

Dans l'hypothèse où le Gouvernement n'accepterait pas cet amendement pourtant raisonnable, le rapporteur a souhaité du Gouvernement une avancée significative qui pourrait prendre la forme d'une augmentation substantielle de la prime à l'embauche des apprentis dans le secteur public. Il a informé la commission de ses contacts avec le ministère sur ce sujet.

M. Louis Souvet, rapporteur, a ajouté par ailleurs que le Gouvernement avait l'intention de présenter des amendements au texte sur l'apprentissage qui pourraient porter sur le contrat d'orientation et des dispositions relatives à l'expatriation. Pour sa part, il a considéré que certains de ces amendements trouveraient plus naturellement leur place dans le texte portant diverses dispositions d'ordre économique et financier qui sera prochainement examiné par le Parlement. L'amendement projeté portant transcription législative de l'accord signé entre les partenaires sociaux le 26 février 1997 et portant sur le contrat d'orientation lui a semblé pouvoir être pris en considération au titre de ses liens avec la politique de formation alternée.

Sous réserve de ces observations et des amendements qu'il a présentés, M. Louis Souvet, rapporteur, a proposé d'adopter cette proposition de loi.

Au cours de la discussion générale, M. Guy Fischer a souligné que l'ambition du texte était de donner un vrai départ au dispositif d'apprentissage dans le secteur public. Il a pris acte des résultats mitigés de l'expérimentation et a considéré qu'ils étaient partiellement imputables à l'insuffisance du dispositif financier.

M. Guy Fischer a exprimé ses craintes que les collectivités locales ne soient pas en mesure de répondre à l'attente en matière d'insertion professionnelle. Dans cette perspective, il a insisté sur la nécessité de revaloriser les différentes aides.

M. Jean Madelain a approuvé le dispositif financier proposé par le rapporteur, le renvoi de la fixation de son montant à un décret lui semblant de nature à favoriser un accord avec le Gouvernement.

Il a également considéré que les amendements du Gouvernement trouveraient plutôt leur place dans le texte portant diverses dispositions d'ordre économique et financières qui devrait bientôt venir en discussion.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a annoncé que le groupe socialiste entendait présenter des amendements sur ce texte. Elle a insisté sur les besoins importants que devaient satisfaire les collectivités locales en regrettant les restrictions dans les dotations budgétaires qui limitent leur marge de manoeuvre.

Elle a exprimé son souci que la succession des contrats d'apprentissage autorisée par le texte adopté par l'Assemblée nationale ne porte pas atteinte à l'occupation de postes permanents par des agents titulaires.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a enfin regretté l'absence du Centre national de la fonction publique territoriale dans le dispositif ; elle a souhaité le voir jouer un rôle pour l'habilitation des tuteurs.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, et M. Roland Huguet ont souhaité que les lycées puissent jouer un rôle dans la formation générale des apprentis pour leur assurer autant que possible une formation rapprochée de leur lieu de travail et bien adaptée.

En réponse aux intervenants, M. Louis Souvet, rapporteur , a considéré que la marge de manoeuvre des collectivités locales était réelle. Pour appuyer son propos, il a évoqué sa propre expérience d'employeur public et les formations spécialisées qu'il a été en mesure de proposer, notamment dans l'imprimerie. Il a souligné que les professionnels du secteur public avaient envie de transmettre leur savoir, que le tutorat était valorisant.

Il a toutefois reconnu que la charge de la formation était incontestable et pouvait être un obstacle. Il a considéré que sa proposition d'amendement relatif à une aide à la formation devait permettre de traiter ce problème.

Le rapporteur a considéré que les lycées professionnels pourraient effectivement être associés à la formation des apprentis, ce qui permettrait notamment une plus grande utilisation de leur potentiel réel en matière d'encadrement et de compétences professionnelles.

La commission a ensuite procédé à l'examen des deux amendements proposés par le rapporteur.

Elle a adopté le premier amendement relatif à la possibilité de partenariats et à l'unanimité le second amendement relatif à la création d'une indemnité forfaitaire d'aide à la formation.

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