INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Soucieuse de renforcer la veille et la sécurité sanitaires, la commission des Affaires sociales a décidé, le 21 mai 1996, d'avoir recours à une mission d'information pour déterminer les conditions de ce renforcement.

Sous la présidence de notre collègue Charles Descours , auquel votre rapporteur rend un hommage très sincère et chaleureux, cette mission a été confiée à M. François AUTAIN, Mme Annick BOCANDÉ, MM. Jacques BIMBENET, Paul BLANC et Louis BOYER, Mmes Marie-Madeleine DIEULANGARD et Jacqueline FRAYSSE-CAZALIS, MM. Dominique LECLERC, Georges MAZARS, Bernard SEILLIER ainsi qu'à votre rapporteur, également rapporteur de la mission d'information. Leurs travaux se sont déroulés du 13 septembre 1996 au 29 janvier 1997, date à laquelle la commission des Affaires sociales a adopté le rapport de la mission (n° 196, 1996-1997).

Les présidents des groupes politiques de la majorité sénatoriale , MM. Maurice BLIN, Guy CABANEL, Henri de RAINCOURT et Josselin de ROHAN, le président de la commission des Affaires sociales , M. Jean-Pierre FOURCADE, les sénateurs de la majorité sénatoriale membres de la mission d'information, MM. Jacques BIMBENET, Paul BLANC, Mme Annick BOCANDÉ, MM. Louis BOYER, Dominique LECLERC et Bernard SEILLIER, ainsi que M. Charles DESCOURS et votre rapporteur ont voulu tirer les conséquences des travaux de cette mission .

Constatant que les conditions de la veille et de la sécurité sanitaires n'étaient pas garanties, ils ont en effet estimé qu'il convenait de proposer une réforme et de la faire aboutir le plus rapidement possible.

C'est pourquoi, dès le 22 avril 1997, ils ont déposé la présente proposition de loi (n° 329, 1996-1997) relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme.

Cette proposition de loi propose une réforme ambitieuse et urgente des règles du contrôle et de la veille sanitaires, rendue possible notamment par une profonde modification des structures de l'administration sanitaire.

Elle repose sur cinq principes :

1- le risque zéro, qui ne peut être garanti, doit néanmoins être recherché par l'Etat, qui est garant de la sécurité sanitaire;

2- le principe de précaution doit toujours guider les autorités compétentes dans l'exercice de leur pouvoir de décision;

3- les règles de droit, d'origine nationale ou communautaire, doivent définir de manière suffisamment rigoureuse les conditions dans lesquelles la sécurité sanitaire des produits peut être assurée;

4- le contrôle de l'application de ces règles doit être effectué par une administration dont la mission est bien identifiable, de sorte qu'aucun conflit de préoccupations ne vienne entraver, ni son exercice, ni sa crédibilité;

5- le dispositif de veille sanitaire doit être en mesure de rassembler toutes les informations pertinentes émanant d'organismes publics et privés. Il doit être organisé de telle sorte que les procédures d'alerte des autorités compétentes et les recommandations qui leur sont adressées leur permettent de prendre, au moment utile, les décisions nécessaires.


Les sénateurs membres de la majorité sénatoriale qui ont signé la proposition de loi ont estimé que le respect de ces cinq principes peut seul contribuer à garantir la sécurité sanitaire, et donner aux pouvoirs publics les moyens d'assumer leur responsabilité.

Ils ont donc souhaité traduire ces principes dans l'organisation de notre administration sanitaire et dans les règles de sécurité sanitaire applicables aux produits destinés à l'homme.

En effet, on ne pourrait se satisfaire de l'indispensable création d'agences sanitaires, à laquelle l'objet de la proposition de loi est trop souvent réduit: ainsi, que vaudrait la spécialisation et l'indépendance des contrôleurs si la législation applicable aux produits de santé ou aux produits alimentaires était défaillante?

C'est pourquoi les sénateurs signataires ont proposé, non seulement une refonte des structures administratives, mais aussi une amélioration des règles de droit applicables à certains produits, tels que les dispositifs médicaux, aujourd'hui insuffisamment réglementés.

En ce qui concerne les structures administratives, la proposition de loi met en place un institut de veille sanitaire chargé de détecter tout événement susceptible d'affecter la santé de la population, d'alerter les pouvoirs publics et de formuler des recommandations.

Elle crée également deux agences sanitaires, spécialisées, pour la première, dans les produits de santé et pour la seconde dans les aliments.

Dès leur publication, le gouvernement de M. Alain Juppé , par la voix de son secrétaire d'Etat chargé de la santé et de la sécurité sociale, M. Hervé Gaymard, s'est rallié aux propositions sénatoriales , et il a fermement souhaité favoriser l'aboutissement rapide de la réforme de l'administration sanitaire dessinée par la proposition de loi.

L'interruption des travaux parlementaires résultant de la dissolution de l'Assemblée nationale a cependant retardé de quelques mois l'adoption de la proposition de loi par le Parlement.

Dans son programme électoral, la majorité gouvernementale issue des élections législatives s'est prononcée à son tour en faveur d'une réforme de l'administration sanitaire; elle avait cependant retenu un schéma sensiblement différent, reposant sur la mise en place d'une seule agence sanitaire chargée du contrôle de l'ensemble des produits destinés à l'homme. Après avoir étudié le dossier pendant l'été, le nouveau gouvernement a rejoint, lui aussi, les propositions de la majorité sénatoriale .

Votre commission s'en félicite : compte tenu de notre système institutionnel, et considérant qu'un aboutissement rapide de la réforme proposée par la majorité sénatoriale est souhaitable, ce ralliement est certainement préférable à la mise en oeuvre d'une réforme retenant une option différente, à savoir la création d'une seule agence .

En effet, les sénateurs de la commission des Affaires sociales appartenant à la majorité sénatoriale considèrent qu'une telle réforme n'aurait pas été une bonne chose, les inconvénients d'un dispositif de contrôle sanitaire unifié étant bien supérieurs à ses avantages .

En ce qui concerne les avantages, la mise en place d'une agence unique chargée de l'ensemble des produits destinés à l'homme pourrait être jugée plus satisfaisante selon des critères d'esthétique administrative. Certains considèrent aussi que l'opinion publique ne peut comprendre qu'un message simple, tel que : à un problème, la sécurité sanitaire, est apportée une réponse : la création d'une agence de sécurité sanitaire. Mais l'esthétique administrative ne peut tenir lieu de critère de décision, et votre commission estime que l'opinion publique peut être éclairée.

Les inconvénients de la mise en place d'une seule agence de sécurité sanitaire sont beaucoup plus nombreux et importants.

Un premier inconvénient tient à la complexité et à la difficulté de mise en oeuvre d'une réforme instituant une seule agence sanitaire.

La proposition de loi ne vise pas à doter notre pays d'une administration sanitaire, mais à la réformer. Nous ne partons pas de rien, et les politiques faisant table rase du passé ne sont jamais les meilleures. Sans se soumettre à des traditions ou à des corporatistes administratifs, on ne peut nier qu'il existe, par exemple, une direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes qui ne peut être transférée d'une trait de plume législatif au sein d'une agence sanitaire, ne serait-ce que parce que ses missions sont beaucoup plus larges que celle de contribuer à contrôler la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme.

Un deuxième inconvénient réside dans le risque de lourdeur administrative et d'inefficacité de l'administration sanitaire.

S'il est opportun de rationaliser les structures administratives, d'éviter de créer des organismes aux compétences proches et de regrouper ceux qui existent, on ne saurait constituer d'organismes de très grande taille sans s'interroger sur les pertes d'efficacité résultant inévitablement des lourdeurs de structure. Il est permis de se demander si le directeur général d'une agence chargée du contrôle de l'ensemble des produits destinés à l'homme aurait, dans les faits, les moyens d'assumer ses responsabilités. Il est probable qu'un tel organisme se diviserait en plusieurs structures spécialisées dont la coordination absorberait beaucoup de temps, mais aussi beaucoup de moyens humains et financiers.

Un troisième inconvénient résulte de la spécificité de l'évaluation des produits de santé par rapport à celle des denrées alimentaires.

Confier à un seul organisme la charge de contrôler l'ensemble des produits destinés à l'homme serait laisser entendre aux professionnels et à l'opinion publique que le contrôle des produits de santé et celui des denrées alimentaires reposent sur les mêmes règles et font appel aux mêmes procédures. Or, cela n'est pas le cas : par exemple, l'évaluation des produits de santé repose sur celle de leur rapport bénéfices/risques, alors que le risque zéro doit être recherché pour les denrées alimentaires. Dès lors, aucune valeur ajoutée ne serait à attendre du fait de confier deux métiers différents à un même organisme.

Ceci étant posé, un débat doit être tranché au sujet de l'agence de sécurité sanitaire des aliments. Cet organisme doit-il être un nouvel organisme d'évaluation et de réflexion, ou doit-il réellement contribuer à garantir la sécurité sanitaire des produits alimentaires?

Les partisans du statu quo font valoir que le renforcement de la sécurité sanitaire des denrées alimentaires ne nécessite que la mise en place d'une organisme d'évaluation et de réflexion. Ils verraient bien un groupe de scientifiques, en orbite administrative autour des ministères, donner des conseils lorsque ceux-ci l'interrogent.

Les sénateurs signataires de la proposition de loi ne partagent pas ce point de vue. Ils estiment que l'administration sanitaire, en France, ne manque pas d'organismes consultatifs . Si la réforme devait se traduire par la création d'une nouvelle commission d'experts, on aurait fait croire à l'opinion que l'on a créé une agence responsable alors que l'on a simplement alourdi les structures administratives actuelles. Les réformes en trompe-l'oeil sont toujours mauvaises, mais celle-ci serait particulièrement grave eu égard à l'ampleur des drames sanitaires que chacun garde en mémoire.

C'est pourquoi la commission des Affaires sociales espère que les dispositions de la proposition de loi feront l'objet du consensus qu'appelle le traitement d'un sujet aussi important pour la santé de nos concitoyens.

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