VI. L'IMPACT DES FLUCTUATIONS. DES MONNAIES EUROPÉENNES SUR LE COMMERCE EXTÉRIEUR FRANÇAIS

Depuis l'élargissement des marges de fluctuation du mécanisme du système monétaire européen, décidé le 2 août 1993, la situation des changes en Europe a été marqué par une stabilisation de la situation monétaire en 1994, suivie d'une nouvelle période de perturbation en 1995. Au total, les monnaies de plusieurs États membres ont fortement baissé, traduisant dans certains cas une dépréciation compétitive de grande ampleur, dont les effets sur le commerce extérieur français sont réels.

A. DE NOUVELLES PERTURBATIONS MONÉTAIRES SE SONT DÉVELOPPÉES DÉPUIS 1995

Le contexte monétaire européen s'est radicalement transformé depuis avril 1995, point bas pour la peseta, la lire et la livre sterling, contre les monnaies du « noyau dur » européen (DM, FF, Florin, FB).

En termes de taux de change nominaux par rapport au noyau dur exprimés en base 100, en 1987 (année censée représenter un niveau d'équilibre des parités au sein du SME), la peseta était sous-évaluée de 20 % en 1995, la livre de 22 % et la lire de 36 %. Les chiffres respectifs en juin 1996 sont de 18 %, 19 % et 28 %. La lire s'est donc appréciée de 12,5 % entre la moyenne 1995 et juin 1996.

L'analyse des niveaux des taux de change réels, déflatés des coûts salariaux unitaires, des monnaies faibles par rapport aux devises du noyau s'avère encore plus éclairante :

- la surévaluation réelle maximale a été atteinte en 1991 pour ces trois monnaies, puisque pour une base 100 en 1987, la livre était surévaluée de 37 %, la peseta de 33 % et la lire de 21 % ;

- en 1995, la livre et la peseta étaient revenues à leur niveau de 1987, alors que la lire restait sous-évaluée de 22 % ;

- en juin 1996, les deux premières devises apparaissaient à nouveau surévaluées en termes réels de 4 %, alors que la sous-évaluation de la lire n'était plus que de 13 %.

B. LEURS CONSÉQUENCES SUR LES ÉCHANGES EXTÉRIEURS DE LA FRANCE


• La dépréciation de la lire, de la livre et de la peseta a eu pour conséquence de doper, au moins temporairement, la croissance des trois pays concernés. Comme ceux-ci représentent le quart de nos débouchés, l'effet indirect sur nos exportations, et donc sur notre croissance, n'est pas négligeable.

La bonne tenue du franc est favorable à notre économie, notamment par son effet en terme de diminution des coûts d'importation.

Les effets bénéfiques sont cependant moins importants pour la France que pour l'Allemagne, pour trois raisons principales :

- en premier lieu, la position compétitive de nos entreprises est en moyenne moins forte que celle des entreprises allemandes, et nous restons donc en partie soumis aux nécessités de la compétitité-prix ;

- en second lieu, alors même que les entreprises allemandes bénéficient d'effets de marque qui les mettent à l'abri de pertes éventuelles de compétitivité-prix, elles commencent à s'inquiéter de la situation actuelle, ce qui en révèle le caractère sérieux ;

- en troisième lieu, notre industrie intègre peu de coûts en lires ou en pesetas (sauf peut-être le secteur automobile, les constructeurs nationaux étant fortement implantés en Espagne) et l'effet bénéfique de la dépréciation de ces devises sur leurs coûts est donc assez limité.


Certains secteurs industriels sont cependant affectés par la sous-évaluation de ces monnaies européennes, et les marchés agricoles, caractérisés par une intégration poussée, connaissent des bouleversements préjudiciables à nos producteurs.

En matière d'échanges industriels, il convient de distinguer entre l'Italie, dont on peut dire qu'elle a pratiqué une véritable dévaluation compétitive, et l'Espagne et le Royaume-Uni, dont les monnaies se sont dépréciées dans des proportions qui constituent plus un rattrapage de leurs différentiels d'inflation ou de coût salariaux passés.

Nos échanges avec l'Espagne (solde positif compris entre 14 et 15 milliards de francs de 1993 à 1995) et le Royaume-Uni (excédent de 19, 26 et 22 milliards de francs sur les trois dernières années), ont peu souffert des récentes dépréciations de la monnaie de ces pays, alors que, avec l'Italie, la dégradation est plus nette (solde négatif de 10 milliards en 1991, équilibre en 1992, puis déficit de 4 et de 6 milliards en 1993 et 1994). Ces soldes recouvrent, pour l'Italie, à la fois une percée des exportateurs italiens en France et un recul des exportations françaises vers l'Italie.

L'analyse en termes de parts de marché confirme l'analyse en terme de solde : de 1990 à 1995, alors que nous avons gagné 0,3 point au Royaume-Uni et 2,5 points en Espagne, nous n'en avons perdu en fait que 0,3 avec l'Italie.


• Enfin, si nos parts de marché restent à peu près stables en Europe, les entreprises françaises bénéficiant d'un surcroît de compétitivité-prix dans leurs échanges avec les pays dont la monnaie est liée au mark, nos positions sur les marchés des pays tiers extracommunautaires s'effritent quelque peu, spécialement en Asie, et cet effritement trouve une explication dans la progression de l'Italie et, dans une moindre mesure, du Royaume-Uni et de l'Espagne.

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