ARTICLE 24

Ratification du décret relevant le plafond d'avances de trésorerie du régime général pour 1997

Commentaire : cet article tend à ratifier le décret n o 97-918 du 8 octobre 1997 par lequel le Gouvernement a porté de 66 à 80 milliards de francs les limites dans lesquelles les besoins de trésorerie du régime général peuvent être couverts par des ressources non permanentes.

L'article LO 111-5 du code de la sécurité sociale prévoit "qu'en cas d'urgence, les plafonds de trésorerie des régimes de sécurité sociale autorisés à recourir à des ressources non permanentes peuvent être relevés par décret pris en Conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat. La ratification de ces décrets doit être discutée au Parlement dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale."

Ce dispositif, inspiré de la procédure des décrets d'avances prévue par l'ordonnance n o 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, constitue un grand progrès pour l'information du Parlement.

Auparavant, lorsque les besoins de trésorerie du régime général venaient à dépasser en cours d'exercice le plafond conventionnel des avances de la Caisse des dépôts et consignations à l'ACOSS, des avances du Trésor prenaient le relais sur une simple décision du ministre de l'économie et des finances, sans que le Parlement ait à en connaître. Le montant des avances du Trésor au régime général n'était ratifié que deux ans plus tard, par la loi portant règlement définitif du budget de l'année concernée.

Ainsi, l'article 9 du projet de loi portant règlement définitif du budget de 1995 autorise l'ouverture de 13.961 milliards de francs de crédits sur le compte d'avances n o 903-58 intitulé "Avances à divers services de l'Etat ou organismes gérant des services publics", au titre des avances du Trésor à l'ACOSS. Ce montant impressionnant d'avances cumulées correspond, d'après "l'Etat récapitulatif des crédits constituant la contribution de l'Etat au financement de la sécurité sociale", à un solde moyen annuel de 32,3 milliards de francs, le régime général s'étant trouvé déficitaire à la fin de 1995 de 67,4 milliards de francs. Le compte d'avances n'est pas pourvu en loi de finances initiale, s'agissant de crédits évaluatifs au sens de l'article 9 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 (Etat F annexé).

Avec l'instauration des lois de financement de la sécurité sociale, le plafond des avances de trésorerie du régime général ne peut plus être dépassé sans un acte solennel du Gouvernement, qui doit procéder par décret en Conseil des ministres.

De surcroît, l'article 8 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 fait obligation au Gouvernement de déposer au Parlement, dans un délai de quinze jours, un rapport présentant les raisons du dépassement des limites de trésorerie et justifiant l'urgence de la mesure. Cette disposition, qui résulte d'un amendement présenté l'an dernier par le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, M. Charles de Courson, vise à assurer une information parfaite du Parlement.

Le Gouvernement n'a pas formellement déposé le rapport requis. Néanmoins, on peut admettre que l'annexe B au présent projet de loi de financement, relative à la mise en oeuvre des dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997, en fait office. En effet, ce document retrace de façon détaillée les raisons pour lesquelles les prévisions de recettes de la sécurité sociale ont été inférieures de 5,1 milliards de francs au montant inscrit en loi de financement, et ses objectifs de dépenses supérieurs de 5,7 milliards de francs.

S'agissant du seul régime général, ces évolutions se traduisent par une variation de son fonds de roulement de - 37,6 milliards de francs en 1997, contre - 30 milliards de francs prévus initialement en loi de financement de la sécurité sociale. Compte tenu du déficit effectif de 1996, soit - 53,2 milliards de francs, et du versement de 17,5 milliards de francs effectué par la CADES au titre du déficit provisionnel de 1996, le besoin de trésorerie du régime général devrait s'établir à - 74,7 milliards de francs au 31 décembre 1997. Ce besoin de trésorerie sera intégralement couvert par la Caisse des dépôts et consignations, à l'exclusion de toutes avances du Trésor.

Décision de la commission : votre commission a donné un avis favorable à l'adoption de cet article sans modification.

ARTICLE 25

Prolongation de cinq ans du mécanisme de la CADES

Commentaire : Cet article vise à transférer la dette du régime général de sécurité sociale portée par l'ACOSS à la CADES et à prolonger de 5 ans la durée de vie de cette caisse.

La Caisse d'amortissement de la dette sociale -la CADES- est une structure de cantonnement de la dette accumulée par le régime général de la sécurité sociale.

C'est un outil vertueux en ce sens qu'il est destiné à apurer une dette en capital et intérêts au moyen de ses ressources propres, exigence que ne s'impose pas l'Etat. Il est donc bien préférable de confier cette mission à un organisme dont la responsabilité à cet égard est bien définie et identifiable.

Mais, cette vertu, reconnue par les marchés, n'est que toute relative. Instrument efficient et "a priori" efficace, la CADES exerce des tâches peu louables.

Elle reporte sur les générations futures les charges nées de l'intempérance des bénéficiaires de la sécurité sociale. Il n'y a guère de justification à ce report de charges s'agissant d'opérations de régimes d'assurance sociale par répartition dont les déficits ne trouvent pas d'excuses dans quelque dépense d'investissement que ce soit.

La CADES ne doit pas servir de lénitif aux prestataires de l'assurance sociale, non plus qu'à leurs gestionnaires. C'est ainsi que le texte soumis par le Gouvernement qui vise à prolonger son existence ne saurait être approuvé s'il n'était le dernier de son genre.

I. CONSIDÉRATIONS JURIDIQUES

A. UN CURIEUX EXERCICE DE RATIFICATION


Le présent article comporte ratification -implicite- de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale.

Cette situation doit donc conduire à montrer beaucoup d'attention à cet article. D'emblée, cette conséquence indirecte d'un vote favorable sur l'article 25 apparaît comme une bizarrerie juridique.

L'article 38 de la Constitution indique en effet que les ordonnances prises sur son fondement deviennent caduques si le projet de loi de ratification n'est pas déposé devant le Parlement avant la date fixée par la loi d'habilitation.

Un tel projet a certes bien été déposé par le précédent Gouvernement dans les délais impartis. Cette formalité étant accomplie, la caducité de l'ordonnance a ainsi pu être évitée.

Il est cependant piquant d'observer que la ratification de l'ordonnance n° 96-50 ne résulterait pas de l'adoption du projet de loi de ratification qui avait alors été déposée mais du projet de loi présentement examiné. Or, celui-ci a été déposé bien après l'expiration du terme fixé par la loi autorisant le Gouvernement à réformer la protection sociale par voie d'ordonnance qui déterminait la date à laquelle le projet de loi portant ratification des ordonnances devait être au plus tard déposé, à savoir le 31 mars 1996.

B. UNE DISPOSITION DONT L'INSCRIPTION DANS LA LOI DE FINANCEMENT DE LA SECURITÉ SOCIALE POSE PROBLEME

L'article 113-3 du code de la sécurité sociale issu de la loi organique n° 96-646 du 22 juillet 1996 détermine le contenu de la loi de financement de la sécurité sociale. Les dispositions susceptibles d'y figurer sont limitativement énumérées par le I de l'article.

Le présent article n'entre dans aucune des catégories énumérées par ce I. Mais, le III de l'article indique, lui : "Outre celles prévues au I, les lois de financement de la sécurité sociale ne peuvent comporter que des dispositions affectant directement l'équilibre financier des régimes obligataires de base ou améliorant le contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale."

C'est sur le fondement de ce III que le Gouvernement justifie l'inclusion de l'article 25 dans le présent projet de loi. Il est fait observer que le transfert de dette prévu par l'article, se traduisant par un allégement des charges d'intérêt de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) de l'ordre de 3 milliards de francs, l'inclusion de cet article 25 dans le présent projet de loi est justifié compte tenu de son effet sur l'équilibre financier de la sécurité sociale.

Cette interprétation paraît recevable, même si le caractère direct de l'effet de l'article 25 sur l'équilibre financier du régime général peut être discuté.

Sans doute, l'ACOSS dont l'équilibre financier est seul concerné par cet article n'est-elle pas en elle-même un régime de base de la sécurité sociale. Il s'agit en effet d'un établissement public national à caractère administratif qui, selon l'article L.225-2 du code de la sécurité sociale, jouit de la personnalité juridique et de l'autonomie financière. L'ACOSS a donc une existence juridique per se indépendante des trois caisses nationales. Elle assure certes la gestion de la trésorerie de ces caisses, et parfois même, dans le cadre de mandats donnés par leurs conseils d'administration mais elle est une personne morale autonome. Elle est donc responsable de ses dettes qu'elle supporte en propre. C'est d'ailleurs ce qui résulte logiquement de l'article 25 lui-même qui transfère la dette d l'ACOSS et pas celle de la CNAM, de la CNAF ou de la CNAVTS.

Mais, même si cette qualification ne peut être retenue qu'au moyen d'une analyse indirecte, l'ACOSS apparaît bien comme l'un des éléments du régime général . Celui-ci est défini à l'article L. 200-2 qui précise qu'il comprend quatre branches gérées par trois caisses et que l'équilibre financier de chaque branche est assuré par la caisse chargée de la gérer. Il est indiqué que la gestion commune de trésorerie des différentes branches par l'ACOSS ne fait pas obstacle à cette dernière obligation. On peut noter au passage que cette dernière disposition est quelque peu problématique. Dans les faits, l'institution d'un organisme autonome chargé de gérer la trésorerie des branches décharge en pratique les caisses de l'obligation imposée à elles d'assurer l'équilibre financier de chacune de branches dont elles assurent la gestion. C'est évidemment à l'ACOSS que revient effectivement cette charge en trésorerie et qui in fine se trouve porter les dettes des caisses.

On pourrait, en outre, faire valoir que le transfert à la CADES du versement autrefois à la charge du FSV de 12,5 milliards de francs au budget de l'Etat vient alléger les charges d'un régime de base de sécurité sociale et affecte directement son équilibre financier.

Il reste cependant à savoir si le FSV appartient à la catégorie des régimes de base de sécurité sociale.

Ces considérations conduisent à justifier l'insertion de l'article 25 du présent projet dans le texte déposé par le Gouvernement sous réserve des incertitudes sur le caractère direct de ses effets sur l'équilibre financier du régime général.

C. L'IMPORTANTE QUESTION DE LA QUALIFICATION JURIDIQUE DES CONTRIBUTIONS AU REMBOURSEMENT DE LA DETTE SOCIALE

La qualification juridique des contributions au remboursement de la dette sociale -CRDS- est l'objet de débats.


La Commission européenne les considère comme des cotisations sociales. Cette interprétation peut se prévaloir du fait que ces contributions se substituent aux relèvements de cotisations sociales qu'aurait rendu nécessaire l'apurement de la dette auquel ces ressources sont destinées si cette dette n'avait été transférée. Elle peut également s'asseoir, en dépit de ce transfert, sur le caractère social de la dette transférée qui correspond en effet à l'accumulation de déficits de régimes sociaux ou encore sur un choix de qualification de la CADES comme établissement public à caractère social.

Mais, le Gouvernement défend une autre position selon laquelle lesdites contributions seraient des impositions puisque constituant des prélèvements sans contrepartie, au même titre que la contribution sociale généralisée. Cette prétention peut en outre s'appuyer sur l'idée que le transfert de la dette des régimes de sécurité sociale à un organisme qui n'entre pas dans le champ des institutions de sécurité sociale aurait opéré une novation de la dette qui de ce fait aurait perdu sa qualité de dette de la sécurité sociale pour devenir dette d'un organisme divers d'administration centrale.

On se gardera bien de trancher ce débat mais il faut souligner que la position défendue par le Gouvernement laisse pendante une question importante relative à la qualification des CRDS.

On sait que le Conseil constitutionnel a innové dans sa décision n° 82-152 du 14 janvier 1983 en admettant que des "impositions de toutes natures" puissent être affectées à des établissements publics en dehors des procédures formalisées à l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 considérant que ces procédures ne devaient s'appliquer qu'aux seules recettes de l'Etat et pas aux recettes ayant le caractère de "ressources d'établissement public".

Or, les contributions au redressement de la dette sociale étant affectées à la CADES, établissement public administratif, la jurisprudence du Conseil constitutionnel invite à leur reconnaître la qualification de "ressources d'établissement public".

Une pareille qualification ne devrait être écartée, semble-t-il, que si les contributions en cause étaient des recettes de l'Etat inscrites comme telles au budget général et dont une partie seulement était affectée à la CADES. En ce cas, conformément à la décision n° 93-328 du 16 décembre 1993, l'affectation des contributions devrait obéir aux règles posées par l'article 18 de l'ordonnance du 2 janvier 1959.

Mais, comme tel n'est pas le cas, il paraît loisible à une loi autre qu'une loi de finance, en l'espèce, la loi de financement de la sécurité sociale, s'affranchissant en outre des principes commandant l'affectation des recettes de l'Etat de prévoir l'instauration d'une imposition au profit d'un établissement public.

Sur le fond une telle jurisprudence a quelque chose de peu satisfaisant. Elle incite, en effet, à l'émiettement de l'Etat et des impositions. Pour s'affranchir de la règle de l'unité budgétaire et de celle de l'universalité budgétaire, l'Etat est invité à créer des structures extérieures qui constituent alors autant de démembrements et privent d'une part importante de sa substance l'acte budgétaire.

Il existe d'ailleurs une contradiction potentielle entre la jurisprudence du Conseil et l'article 34 de la Constitution au terme duquel "Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'Etat dans les conditions et sous les réserves prévue par une loi organique". Il apparaît en effet qu'exclure du champ de l'Etat les organismes prenant la forme d'établissement public, placées sous la tutelle de ministres conduit à une conception excessivement restrictive de l'Etat. D'ailleurs, si devant la multiplication des établissements publics de cette sorte la doctrine a évoqué la dispersion ou encore l'émiettement de l'Etat, elle n'a jamais considéré que de tels établissements échappaient au champ de l'Etat. Dans ces conditions, ayant été rappelé que les jurisprudences précitées du Conseil constitutionnel concernaient des cas où les établissements publics en cause ne relevaient pas de l'orbite des administrations publiques centrales mais de celui des administrations de sécurité sociale, une distinction pourrait être retenue au terme de laquelle les ressources affectées à la CADES seraient bien des "ressources d'établissement public", mais encore, plus précisément, des "ressources d'établissement public d'Etat", comme telles soumises aux règles de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 sur les lois de finances .

Alors et alors seulement, l'affectation des CRDS à la CADES par la loi de financement de la sécurité sociale et, en son principe même, apparaîtrait constitutionnellement problématique.

II. CONSIDÉRATIONS FINANCIERES

A. L'OBJET DE LA CADES


La CADES est usuellement présentée comme une structure de cantonnement de dettes chargée d'apurer une partie de la dette publique au moyen de ressources propres et, transitoirement, de ressources d'emprunt nécessaires à la couverture des besoins de trésorerie de la Caisse.

La Caisse d'amortissement de la dette sociale -la CADES- a été instituée par l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996. C'est un établissement public à caractère administratif dont la mission est, pour l'heure :

- d'apurer la dette du régime général de 137 milliards de francs transférée à elle par l'ordonnance de 1996, correspondant pour 120 milliards aux déficits des exercices 1994 et 1995 et, pour 17 milliards au déficit prévisionnel de 1996 ;

- de verser chaque année 12,5 milliards de francs à l'Etat pour le remboursement en capital et intérêts de la dette de 110 milliards de francs du régime général reprise par lui au 1er janvier 1994 ;

- de verser, pour la seule année 1996, 3 milliards de francs à la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs non salariés des professions non agricoles (CANAM) pour couvrir ses déficits des exercices 1995 et 1996.

Le présent article tend, quant à lui, à :


·
prolonger la durée de vie de la CADES d'une période supplémentaire de 5 années ;


·
transférer à la CADES la dette de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) à l'égard de la Caisse des dépôts et consignations correspondant au financement des déficits du régime général de sécurité sociale constatés au 31 décembre 1997 et à son déficit prévisionnel pour l'exercice 1998 et ce sous un plafond de 75 milliards pour les premiers et de 12 milliards pour le second ;


·
prolonger en conséquence la durée de perception des contributions pour le remboursement de la dette sociale.

Il apparaît ainsi que l'objet de la CADES est en réalité double :

- elle est, d'une part, chargée d'apurer la dette transférée à elle ;

- elle est, d'autre part, chargée de verser à l'Etat et à la CANAM des contributions financières, le versement prévu au profit de l'Etat étant causé par les charges supportées par lui du fait de la reprise à son compte de la dette du Fonds de solidarité-vieillesse à partir du 1er janvier 1994.

Le versement de 12,5 milliards de francs au budget de l'Etat pose un vrai problème.

L'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 a en effet mis à la charge de la CADES un versement annuel de 12,5 milliards de francs au budget général pendant 13 ans, de 1996 à 2008.

Ce versement était antérieurement à la charge du Fonds de solidarité vieillesse. L'article 105 de la loi de finances pour 1994 avait en effet transféré cette dette qui était auparavant portée par le FSV à l'Etat, le FSV devant dédommager celui-ci de la charge d cette dette en capital et intérêts moyennant un échéancier explicité dans l'exposé des motifs de l'article. Le versement mis à la charge de la caisse correspond donc aux charges résiduelles de la dette -amortissements et intérêts- de 110 milliards de francs reprise à son compte par l'Etat au début de 1994, qui représentait l'endettement de l'ACOSS auprès de la Caisse des dépôts et consignations contracté pour financer le cumul des déficits du régime général tels qu'arrêtés au 31 décembre 1993.

Les modalités retenues pour organiser les versements de la CADES à ce titre ne sont pas satisfaisantes . L'Etat, au terme de ce dispositif, devrait percevoir 12,5 milliards de francs de recettes budgétaires par an -soit un total cumulé de 162,5 milliards de francs 14( * ) au cours de la période visée par l'actuel III de l'article 4 de l'ordonnance-, alors même que la dette qu'il a reprise ne donne pas lieu à des dépenses budgétaires à due concurrence le remboursement en capital de cette dette ne l'exposant qu'à supporter une charge au titre des opérations de trésorerie, "c'est-à-dire hors budget" selon les termes mêmes de la Cour des comptes. Finalement, seules les charges d'intérêt de cette dette figurent parmi les charges budgétaires de l'Etat.

Les observations de la Cour peuvent donc être reprises et, avec elle, le constat opéré que ces modalités d'imputation conduisent à minorer artificiellement le déficit budgétaire de l'Etat.

Une pareille observation conduit à juger que le déficit budgétaire tel qu'il figure à l'article d'équilibre des lois de finances manque de sincérité . En tout cas, il ne reflète pas les réalités financières du budget de l'Etat. Ainsi, la présentation qui en est faite au Parlement n'est-elle pas convenable.

Cette situation est d'autant moins admissible que la Commission européenne bénéficie, elle, d'une information financière reflétant fidèlement les comptes de l'Etat . Le besoin de financement des administrations publiques qui lui est notifié est en effet le résultat d'une correction du déficit budgétaire qui comprend, parmi d'autres retraitements, la soustraction de la part du versement ici analysé représentative des charges d'amortissement de la dette.

C'est pourquoi un amendement de votre commission propose qu'à compter du 1er janvier 1998, le versement visé par le III ancien de l'ordonnance étant inchangé dans sont montant et dans son affectation comme ressource de l'Etat, voie son imputation scindée en deux parties :


·
l'une, correspondant aux charges d'intérêt de la dette reprise par l'Etat et inscrites au chapitre 11-05 du titre I relatif à la dette publique du budget des charges communes, serait versée au budget de l'Etat ;


·
l'autre, correspondant à des opérations de trésorerie effectuées hors budget conformément à l'article 15 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 serait versée aux comptes de trésorerie visés à l'article 30 de la même ordonnance .

Sans doute, le Conseil constitutionnel a-t-il considéré dans sa décision n° 93-330 du 29 décembre 1993 que la loi de finances "n'établissait aucun lien juridique entre le règlement par l'Etat de la dette de l'agence et le prélèvement mis à la charge de l'établissement public" fonds de solidarité-vieillesse. Mais, il l'a fait à l'occasion d'une saisine qui posait une question entièrement différente de celle évoquée par la commission des finances du Sénat, même si elle portait sur la nature du remboursement mis à la charge du FSV qui apparaît analogue à celui mis à la charge de la CADES. Le Conseil a en effet répondu à une question portant sur la comptabilisation des engagements de l'Etat et non à une question portant sur celle du versement du FSV.

Il a considéré que la reprise de la dette en cause consistait en une opération de trésorerie de l'Etat et ne pouvait être assimilée à un prêt ou à une avance au sens de l'article 28.

Il en a déduit que l'Etat n'était pas contraint de la faire figurer dans un compte d'avances. Il a alors indiqué que les solutions retenues pour retracer les dépenses liées à cette reprise de dette avaient été pertinentes, les charges d'intérêt figurant au budget général en tant que charges annuelles permanentes de l'Etat tandis que les opérations de trésorerie n'avaient pas à figurer dans un titre du budget et pouvaient, à bon droit, être retracées dans des comptes distincts faisant apparaître les engagements de l'Etat.

Sa décision portait donc sur l'imputation des engagements de l'Etat du fait de la reprise de dette mentionnée. Le fait que le Conseil ait souligné qu'aucun lien juridique entre le règlement par l'Etat de la dette du FSV et le versement mis à la charge de l'établissement n'avait été établi par la loi de finances instituant ce versement fait partie de l'argumentaire produit par le Gouvernement en réponse aux observations de la Cour des comptes dénonçant la comptabilisation de ce versement.

Compte tenu des développements qui précèdent, une pareille attitude apparaît relever d'un juridisme excessif. Plus marginalement, on peut observer qu'elle fait par ailleurs fi d'arguments juridiques aussi, sinon plus solides, que ceux produits par le Gouvernement. Car le versement mis à la charge de la CADES est bel et bien causé dans l'esprit du législateur par la nécessité de dédommager l'Etat des charges associées aux engagements contractés par lui du fait de la reprise de dette évoquée ci-dessus 15( * ) .

En outre, rien n'interdit au législateur de prévoir telle imputation qu'il souhaite à une ressource de l'Etat dans le cadre d'une disposition extérieure à un projet de loi de finances sous réserve pour lui de respecter les termes de l'article 40 de la Constitution.

B. LES RESSOURCES DE LA CADES

Pour financer ses missions, la CADES est dotée de ressources propres. Il s'agit, à titre principal, du produit des diverses contributions pour le redressement de la dette sociale instituées par le chapitre II de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996. Ces contributions concernent presque tous les éléments de revenu des ménages à l'exception de quelques minima sociaux 16( * ) .. Cette assiette, par son ampleur, conduit à solliciter des contribuables qui n'ont pas bénéficié et ne bénéficient pas des prestations dont le caractère excessif a provoqué les déficit cristallisés dans la dette transférée à la CADES. Compte tenu des principes de l'organisation de notre sécurité sociale, il y a là quelque chose de choquant.

Les taux des différentes contributions est fixé à 0,5 % par l'article 19 de l'ordonnance du 24 janvier 1996.

Compte tenu de la diversité des éléments d'assiette, les administrations du recouvrement sont elles-mêmes diverses  : les contributions prélevées sur les revenus d'activité et le remplacement font l'objet de prélèvements à la source et sont recouvrées par les Unions de recouvrement de la sécurité sociale et des allocations familiales (les URSSAF) ; les autres contributions sont recouvrées par les services du ministère de l'économie et des finances.

La CADES est donc dépourvue de moyens propres pour recouvrer les CRDS ce qui est normal dans une perspective de bonne gestion publique des prélèvements. Ce qui, en revanche, est moins normal, c'est que d'importants retards d'encaissements aient dû être constatés dans les premiers temps d'existence de la caisse. Ces retards ont été dénoncés par la Cour des comptes qui a pu constater : "Les encaissements par la CADES des produits de la CRDS ont commencé tardivement : la caisse n'a reçu qu'en juin 1996 les premiers versements de l'ACOSS (5,35 milliards de francs). Les retards se sont poursuivis jusqu'au troisième trimestre. A cette date, ni la CNAMTS, ni la CNAVTS n'avaient reversé le produit de la CRDS précompté sur les revenus de remplacement ; d'importants retards de paiement étaient relevés aussi de la part du ministère de la défense et la mutualité sociale agricole."

L'ACOSS effectue avec un grand retard la régularisation mensuelle de ses versements provisionnels, en règle générale six mois après le mois considéré. De plus, les régularisations sont parfois massives et malaisées à comprendre".

De la même manière, on peut regretter que l'article 8 de l'ordonnance n° 96-50 ait cru bon de mettre à la charge de la caisse les frais d'assiette et de recouvrement des contributions pour le remboursement de la dette sociale. Cette solution a conduit à instaurer un prélèvement de 0,5 % sur leur produit. Si elle peut justifier que la caisse ne disposant de services d'assiette et de recouvrement propres recoure aux moyens des URSSAF et de l'administration des finances, il ne faut perdre de vue que ces services ont précisément pour mission essentielle d'asseoir et de recouvrer les prélèvements obligatoires et qu'il n'est pas de bon usage de dédommager les services publics des coûts que les prélèvements obligatoires généraux sont censés couvrir. Il convient d'ajouter que la détermination forfaitaire du prélèvement pour frais d'assiette et de recouvrement n'offre aucunement la garantie que ce prélèvement est la juste contrepartie du service fourni. Enfin, les modalités d'imputation de ce prélèvement sont opaques. On ne sait comment il se répartit entre les URSSAF et le budget de l'Etat. Au sein de ce dernier, on en sait si le prélèvement est imputé au titre des recettes budgétaires ou bien s'il est l'un de ces faux fonds de concours qui vont abonder les moyens des services financiers.

Plus marginalement, la CADES bénéficie d'autres ressources propres :


·
l'article 9 de l'ordonnance susvisée prévoit le transfert à son actif du patrimoine privé à usage locatif des caisses nationales de sécurité sociale et de l'ACOSS à compter du 31 décembre 1999 et des produits des cessions de ce patrimoine intervenues entre la date d'entrée en vigueur de l'ordonnance et cette dernière date ;


·
l'article 6-II de l'ordonnance édicte, quant à lui, que la CADES bénéficiera sous certaines conditions définies par décret des remboursements à la Caisse nationale d'assurance maladie des avances détenues par elle du fait des prestations liquidées avant le 31 décembre 1995 effectués en application des règlements communautaires de coordination des régimes nationaux de sécurité sociale et des accords bilatéraux.

Trois observations s'imposent :


·
Le dispositif de l'article 6-II a été vidé de sa portée par la disposition du décret du 24 avril 1996 selon laquelle "les reversements prévus ne sauraient avoir pour effet d'entraîner un déficit ou d'aggraver un déficit de la CNAMTS". Cette réserve conduit à méconnaître les principes comptables adoptés par les caisses qui tendent à privilégier la comptabilité en droits constatés plutôt que la comptabilité de caisse.


·
Le texte de l'ordonnance que vient ratifier le projet en discussion ne comporte pas de disposition prévoyant explicitement le sort de la CADES au terme prévu par son existence. Or, la caisse est susceptible de disposer d'un patrimoine liquide -v. infra- mais aussi immobilier compte tenu de l'article 9 de l'ordonnance. C'est l'un des motifs qui a inspiré à la commission des finances son amendement n° 17 prévoyant la clôture de la CADES le 31 janvier 2014 et la dévolution de son patrimoine à cette date.


·
Enfin, l'ordonnance ne prévoit pas de versement de la part des caisses au titre de leurs éventuels excédents. Cette situation qui n'est sans doute que virtuelle aurait mérité qu'on la prévoit. La solution retenue consacre le choix implicite de ne pas affecter ces excédents à l'apurement de la dette accumulée par le régime général. Un tel choix n'est pas satisfaisant puisqu'aussi bien la constitution d'excédents financiers constitue une solution naturelle pour apurer les déficits passés.

C. L'ÉQUILIBRE FINANCIER DE LA CADES :

1. Un équilibre financier moins solide qu'il n'y paraît



Les deux tableaux qui précèdent montrent que l'équilibre financier de la CADES serait assuré dans l'une et l'autre hypothèse de durée d'existence de la caisse sur la base des seules recettes tirées des contributions au remboursement de la dette sociale.

Cependant, des opérations d'endettement externe sont indispensables à la caisse pour financer les remboursements des dettes reprises par elle. Ces opérations sont à considérer comme des emprunts-relais. Elles impliquent des charges de remboursement en capital mais aussi en intérêts.

Dans la version actuelle de la caisse, ces charges s'établissent comme suit (en milliards de francs) :

· Remboursement du capital 140

· Intérêts 76,13

· Total 216,13

Dans la version proposée par le Gouvernement, elles sont les suivantes :

· Remboursement du capital 227

· Intérêts 166,23

· Total 393,23

Les chiffres qui précèdent démontrent assez les lourdes conséquences financières des déficits des régimes sociaux qui s'accompagnent de charges d'intérêt venant grever les coûts des prestations servies. Il est à observer que ces charges d'intérêt seraient beaucoup plus lourdes si des impositions n'étaient affectées à la CADES.

Mais, les données ci-dessus démontrent aussi que la prolongation de la durée de vie de la caisse accroît mécaniquement la charge des intérêts, la durée des emprunts-relais nécessaire au financement intercalaire des besoins de la caisse étant augmentée. L'opération proposée par le Gouvernement n'est donc pas neutre financièrement .

Elle l'est d'autant moins que la prolongation de l'existence de la caisse et l'aggravation de ses engagements exposent la CADES à des risques supplémentaires par rapport à la situation actuelle.

L'établissement devra en effet faire appel à des ressources financières lui permettant d'adosser progressivement ses engagements selon un mécanisme au terme duquel des emprunts à long terme se substitueront peu à peu aux ressources courtes auxquelles elle aura fait appel pour honorer sa dette. Au cours de cette période de constitution d'une dette optimale, la caisse se trouvera en situation de risques de taux.

Cette considération n'est pas seulement théorique tant l'équilibre financier de la caisse est dépendant du coût de ses ressources externes.
Ainsi, si les perspectives de trésorerie de la caisse à la fin de son existence sont, en l'état des taux d'intérêt, convenables avec un excédent prévisible de 20 milliards en valeur actualisée, un renchérissement du coût de ses emprunts de 1 % se traduirait par une dégradation de cette position de trésorerie de 13 milliards, l'excédent prévisible passant alors à 7 milliards de francs.

La caisse, fort sensible au coût de ses ressources externes verra donc cette vulnérabilité accrue du fait de l'adoption de l'article du projet de loi.

Mais, là n'est pas le seul élément de vulnérabilité financière de la caisse. Son équilibre financier est également très dépendant des hypothèses posées en matière de croissance du produit des contributions pour le redressement de la dette sociale.
Ceux-ci devraient s'établir à 25,6 milliards de francs en 1997 et les tableaux de financement sont construits sur une progression de 3,5 % en moyenne annuelle. Cette hypothèse suppose une croissance en volume du revenu des ménages de l'ordre de 2,4 % compte tenu des perspectives d'inflation. Elle peut être jugée excessivement optimiste sur la base même des dispositions du projet de loi en discussion et compte tenu des problèmes d'équilibre des revenus de transfert qu'on peut d'ores et déjà escompter. Une part importante de l'assiette des contributions, celle constituée pour les revenus de remplacement, devra, en tout état de cause, évoluer beaucoup moins vite que les 2,4 % retenus dans le cadre des simulations d'équilibre de la caisse. La croissance des revenus d'activité et d'épargne devra donc être sensiblement plus rapide ce qui, pour les premiers d'entre eux, n'apparaît guère probable. Pour illustrer l'ampleur de l'aléa, une variante a été réalisée sur la base d'une croissance de 3 % par an des recettes des contributions pour le redressement de la dette sociale. En ce cas, l'excédent de trésorerie ne serait plus que de 8 milliards au terme prévu pour l'existence de la caisse contre 20,2 milliards sur la base d'une progression de 3,5 %.

Finalement, l'équilibre financier de la caisse sortira vulnérabilisé de la disposition proposée par le Gouvernement. La garantie implicite de l'Etat assure toutefois à la caisse des conditions de financement favorables.

2. Un transfert de charges entre générations

Le mécanisme de la CADES suppose que les générations futures supportent les conséquences financières des déficits générés par les prestations de sécurité sociale versées dans le passé.

Rien ne saurait justifier un pareil report de charges
sinon la nécessité de corriger les errements passés et la crainte que les remèdes que l'équité supposerait ne viennent "casser" la croissance. Si une imposition avait été décidée pour apurer la dette passée en une seule fois elle aurait dû rapporter 337 milliards de francs, soit près de 4 points du PIB estimé pour 1998 et plus de 13 fois la charge annuelle des contributions au redressement de la dette sociale.

De la même manière, sans prolongation de la CADES, il eut été nécessaire d'accroître de 0,2 point le taux des CRDS, soit une charge annuelle supplémentaire de l'ordre d'une dizaine de milliards de francs pesant sur les ménages.

La mécanique proposée par le Gouvernement permet d'éviter pour l'heure ces surcroîts de prélèvements.

Mais, elle ne fait que reporter ces derniers ce qui a pour effet, à terme, compte tenu des charges supplémentaires d'intérêt supposées par la prolongation de la période de refinancement d'en alourdir le poids.

Entre le 1 er février 2009 et le 31 janvier 2014, les ménages devraient supporter 209 milliards de francs de CRDS, soit 41,8 milliards de francs par an.

La commission des finances a beaucoup hésité à donner son approbation à cet article du fait de ces perspectives. C'est la mort dans l'âme qu'elle s'y est résolue sous la réserve très solennelle que pareille solution ne soit plus jamais recherchée.

C'est afin de manifester cette volonté qu'elle propose d'amender l'article en prévoyant explicitement la dissolution de la caisse au 31 janvier 2014.

Décision de la commission : Votre commission est favorable à l'adoption de cet article complété par les amendements qu'elle vous propose d'adopter.

ARTICLE 26 (nouveau)

Plafonds de trésorerie des régimes autorisés à s'endetter

Commentaire : Cet article a pour objet de fixer les limites dans lesquelles certains régimes obligatoires de base peuvent recourir à des ressources non permanentes pour couvrir leurs besoins de trésorerie.

I. LES PLAFONDS DE TRÉSORERIE PROPOSÉS


Le plafonnement proposé par le présent article est essentiel. D'une certaine manière, il supplée l'absence d'article d'équilibre dans la structure des lois de financement de la sécurité sociale, en permettant de prendre la mesure des besoins de trésorerie prévisionnels des principaux régimes de sécurité sociale.

En la matière, les pouvoirs du Parlement apparaissent plus étendus qu'à l'égard des charges de trésorerie de l'Etat car, au-delà de la fixation du solde annuel de la loi de finances, les opérations du Trésor échappent au contrôle parlementaire en vertu de l'autorisation d'emprunter de portée très générale accordée chaque année au ministre de l'économie et des finances.

Les plafonds fixés par le présent article s'appliquent aux encours des avances de trésorerie un jour donné. Il ne s'agit donc pas des " soldes significatifs de trésorerie " présentés dans le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale, qui retracent l'évolution tendancielle du besoin de trésorerie des régimes au cours d'une année. Ces plafonds ne s'appliquent pas aux emprunts que les organismes de sécurité sociale peuvent contracter pour leurs opérations en capital.

Il n'en reste pas moins que le recours à des avances de trésorerie de la part d'un régime de sécurité sociale peut correspondre aussi bien à un décalage conjoncturel et transitoire qu'à un désajustement structurel et cumulatif entre ses recettes et ses dépenses.

A cet égard, les cinq régimes concernés par le présent article apparaissent dans des situations bien différentes.

Dans le projet de loi de financement initial, le plafond proposé pour le régime général était fixé à 15 milliards de francs , correspondant au montant conventionnel des avances de la Caisse des dépôts et consignations à l'ACOSS.

Ce plafond conventionnel paraissait largement suffisant pour faire face à un besoin de trésorerie qui ne devrait pas excéder -5 milliards de francs au 31 décembre 1998, compte tenu du versement de 12 milliards de francs effectué en début d'année par la CADES au titre de la prise en charge du déficit prévisionnel de l'exercice.

Trésorerie quotidienne de l'ACOSS de janvier à décembre 1997

Néanmoins, l'Assemblée nationale, instruite par le précédent du dépassement de près de 10 milliards de francs du plafond de trésorerie fixée à 66 milliards de francs en 1997, a jugé prudent de relever le plafond de trésorerie du régime général pour 1998 à 20 milliards de francs .

Le plafond proposé pour le régime des exploitants agricoles est fixé à 8,5 milliards de francs. Ce montant est celui prévu conventionnellement entre la Caisse centrale de Mutualité sociale agricole et le Crédit agricole.

Situation de trésorerie du BAPSA de janvier à décembre 1998
(soldes bimensuels)

Le plafond de trésorerie proposé pour le fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat, géré par la Caisse des dépôts s'élève à 0,5 milliard de francs .

Il apparaît cohérent avec le profil de trésorerie du FSPOEIE, qui ne devrait pas descendre en-deçà d'un découvert de -500 millions de francs au début de 1998. Par ailleurs, ce creux de trésorerie d'un fonds financé à 80 % par des crédits budgétaires résulte des dates de parution des arrêtés de transfert, et peut donc aisément être contrôlé.

Situation de trésorerie du FSPOEIE de janvier à décembre 1998

Le plafond de trésorerie proposé pour la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines s'élève à 2,3 milliards de francs . Ce plafond apparaît lui aussi surdimensionné, puisque le profil de trésorerie de la CANSSM, qui bénéficie d'une subvention d'équilibre de l'Etat, ne fait pas apparaître de découvert en 1989, mais des excédents culminant à 1,7 milliards de francs au mois de novembre.

Situation de trésorerie de la CANSSM de janvier à décembre 1997
(soldes décadaires)

Enfin, un nouveau régime de sécurité sociale apparaît au présent article, alors qu'il n'y figurait pas dans la loi de financement de l'an dernier : il s'agit de la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales. Le plafond de trésorerie proposé pour la CNRACL en 1998 s'élève à 2,5 milliards de francs, correspondant au découvert maximal attendu en fin d'année.

Situation de trésorerie de la CNRACL de janvier à décembre 1998

Votre rapporteur pour avis tient à souligner que l'article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale prévoit la fixation de plafonds de trésorerie pour les seuls régimes qui " peuvent légalement recourir à des ressources non permanentes ". Il faut donc considérer que le vote de cette disposition de la loi de financement de la sécurité sociale aura valeur d'autorisation légale d'endettement de la CNRACL .

II. LA " PENTE GLISSANTE " DE L'ENDETTEMENT : UN CHOIX INACCEPTABLE POUR LA CNRACL

Votre commission des finances tient à dénoncer l'inquiétante " fuite en avant " que constituerait l'autorisation d'emprunt donnée à la CNRACL. L'ouverture de cette faculté va conduire ce régime, structurellement excédentaire hors charges de compensation, à s'engager dans une politique d'endettement pour assumer une dérive financière due à des facteurs externes .

Cette situation résulte en effet, exclusivement, de l'effet de ciseaux entre la progression constante des sommes versées au titre des compensations financières versées aux autres régimes et le déclin du rapport démographique de la CNRACL . Or, l'institution de ces " compensations " financières trouve son origine dans le caractère favorable de ce rapport démographique. C'est donc une révision progressive du montant de ces contributions qu'il faut rechercher.

La " solution " que propose cet article ne répond en effet nullement au problème de l'équilibre de ce régime : elle apparaît de nature à contribuer à l'aggravation progressive de son déséquilibre . En effet, les frais financiers afférents à ces avances de trésorerie devront être pris en charge par la CNRACL, sachant qu'à la date du présent rapport, la Caisse des dépôts et consignations semble exclure toute avance de trésorerie à taux zéro.

A. L'ABSURDITÉ D'UNE LOGIQUE D'ENDETTEMENT

La CNRACL, structurellement excédentaire, est en effet mise dans des proportions croissantes en situation de déséquilibre financier du fait de sa " participation " aux mécanismes dits de compensation et de surcompensation.

1. Un déséquilibre financier artificiel

Les graphiques ci-contre font en effet clairement ressortir que l'origine des difficultés financières de la CNRACL se trouve dans l'évolution contradictoire du rapport démographique de ce régime et du montant de ses participations aux mécanismes de compensation.

Il convient tout d'abord de noter que le rapport démographique brut de la CNRACL a été divisé par 1,62 entre 1981 et 1997. Entre 1994 et 1996 , pour ne prendre que les dernières années, le nombre de pensionnés de la CNRACL a en effet progressé de + 8,8 % pour atteindre 542.533 pensionnés. Dans le même temps, la croissance du nombre des cotisants ne s'est élevé qu'à + 2,5 % , atteignant ainsi 1.564.594 cotisants .

Ainsi, la faible progression du nombre de cotisants ne permet pas d'équilibrer la forte croissance du nombre des pensionnés, ce qui se traduit par une dégradation du rapport démographique. de la CNRACL.

L'évolution comparée du rapport démographique de la CNRACL et du montant des compensations versées par ce régime : un effet de ciseaux

Source : Commission des Finances à partir des données fournies par la DGCL et la CNRACL

Cette évolution démographique de la CNRACL ne serait pas en elle même préoccupante, s'il n'y avait pas eu une croissance régulière du montant des compensations versées par ce régime.

Source : Commission des Finances à partir des données fournies par la DGCL et la CNRACL

Dans ce domaine en effet, il convient de rappeler, qu'en application de l'article L. 134-1 du code de la sécurité sociale, la CNRACL participe, en tant que régime obligatoire de sécurité sociale, au dispositif de solidarité entre les régimes de protection sociale du régime vieillesse. Ce dispositif comporte deux aspects le plus souvent appelés " compensation généralisée " et " surcompensation ".

La compensation généralisée a été instituée par la loi n° 74-1094 du 24 décembre 1974 entre les régimes de base de sécurité sociale, une compensation supplémentaire, dite surcompensation, spécifique aux régimes spéciaux (Etat, collectivités territoriales, SNCF, RATP, marins, mineurs ) ayant été créée par la loi de finances pour 1986 (n° 85-1403 du 30 décembre 1985).

La compensation généralisée entre les régimes de base de sécurité sociale a pour objet de déterminer, par rapport à une moyenne théorique, les régimes qui disposent d'un surplus de capacité contributive et inversement, les uns versant ce surplus aux autres en fonction de leur besoin de financement.

La surcompensation est déterminée selon des modalités comparables à celles décrites ci-dessus, la surcompensation étant cependant diminuée du montant de la compensation généralisée.

Les transferts de surcompensation ainsi définis théoriquement par l'application d'un régime moyen fictif ne sont toutefois retenus, pour les versements effectifs, qu'à hauteur d'un certain pourcentage afin d'être rendus compatibles avec les ressources des régimes contributeurs . C'est ce taux de réfaction appliqué de manière discrétionnaire à l'ensemble du mécanisme des transferts qui est communément nommé "taux de la surcompensation".

Le taux de la surcompensation, initialement fixé à 22 %, a été porté à 30 % pour l'exercice 1992 (décret du 11 décembre 1992) et à 38 % pour l'exercice 1993. Ce taux de 38 % a été confirmé par un décret du 16 août 1994.

2. Le refus d'une logique d'endettement

Admettre le recours à des avances de trésorerie pour équilibrer les comptes de la CNRACL en 1998 serait accepter une logique dangereuse.

Une telle politique conduit en effet à la fois à :

· repousser dans le temps la définition de solutions durables ;

· générer pour la CNRACL des frais financiers ;

· pérenniser les mécanismes de compensation et, partant les causes réelles du déséquilibre.

Votre commission des finances se doit donc d'alerter les responsables locaux sur les lourdes conséquences d'un tel engrenage, qui conduirait à faire assumer par un régime structurellement excédentaire des charges d'emprunts destinées à financer des régimes structurellement déficitaires.

C'est pourquoi votre commission vous propose de supprimer au sein de cet article la ligne ouvrant à la CNRACL la possibilité de recourir à des avances de trésorerie pour un montant de 2,5 milliards de francs pour 1998.

S'agissant de l'année 1998, votre commission estime, que dans l'attente d'une révision des conditions de participation de la CNRACL à la surcompensation , il est préférable de reconduire la pratique, employée depuis 1994, du décalage dans le temps du versement des acomptes de compensation dus par la CNRACL.

Cette solution d'attente conduirait à admettre un décalage de versement sur l'exercice suivant de 4 milliards de francs au titre de l'année 1998, sachant que le décalage de ces acomptes ont représenté 1,011 milliard de francs de 1994 sur 1995, 3,585 milliards de francs de 1995 sur 1996, 4,830 milliards de francs de 1996 sur 1997 et 2,834 milliards de francs de 1997 sur 1998 (sachant que cette diminution résulte en grande partie du transfert des réserves de l'ATIACL au crédit de la CNRACL).

B. L'INDISPENSABLE RÉFORME DES MODALITÉS DE LA PARTICIPATION DE LA CNRACL AU SYSTÈME DES COMPENSATIONS

1. Un système rendu obsolète par l'évolution démographique du régime


Les projections à l'horizon 2015, réalisées par la Caisse des dépôts et consignations, sur l'évolution respective du nombre de cotisants et de pensionnés relevant de ce régime sont en effet éloquentes.

Cette projection met en évidence l'inexorable déclin du rapport démographique brut (effectif cotisant/effectif pensionné) de la CNRACL qui va se trouver divisé par 2,55 entre 1994 et 2015.

Source : Commission des Finances à partir des données fournies par la CDC

2. Le nécessaire ajustement du montant des compensations

Si le principe d'une forme de solidarité financière entre les régimes de sociaux possède une légitimité certaine, il ne saurait pour autant être à l'origine de situations de déséquilibre pour les régimes contributeurs.

Or, dans la perspective démographique qui vient d'être décrite, la CNRACL se trouve -à droit constant- condamnée à subir un déséquilibre croissant.

A cet égard, votre commission souhaite que soit retenu le principe d'un ajustement permanent des contributions versées au titre de la surcompensation (compensation entre les régimes spéciaux d'assurance vieillesse des salariés). Le montant de celles-ci étant calculées chaque année en fonction de la " capacité contributive " réelle de la caisse.

La mise en oeuvre de cet objectif pourrait résulter soit d'une révision annuelle du taux de la surcompensation, soit d'un ajustement progressif du plafond limitant le montant des contributions financières versées au titre de la surcompensation à en pourcentage du total des prestations servies par la caisse, actuellement fixé à 25 %.

Ce " filet de sécurité " contre le risque d'une progression incontrôlée du montant des versements liés à la surcompensation est défini au troisième alinéa de l'article L. 131-4 du code de la sécurité sociale. Il s'applique à tous les régimes participant à la surcompensation, mais intéresse au premier chef la CNRACL.

L'initiative en revient au Sénat, qui a inséré cette disposition l'an dernier dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997, à la demande de sa commission des affaires sociales. Ce dispositif constitue un instrument législatif de modulation bien adapté à l'objectif de limitation annuelle des sommes versées chaque année au titre de la surcompensation.

Décision de la commission : votre commission vous est favorable à l'adoption de cet article, sous réserve de la suppression de la ligne ouvrant à la CNRACL la possibilité de recourir à des avances de trésorerie pour un montant de 2,5 milliards de francs en 1998.

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