2. L'investissement : une attente toujours déçue dont la politique du gouvernement risque d'éloigner encore le terme

L'investissement est la première composante de la demande des entreprises. Ce n'est pas la seule puisque les comportements de stocks influencent également celle-ci.


Stocks et activité

Dans la définition qu'en donne le système élargi de comptabilité nationale, "les stocks comprennent tous les biens autres que les biens de capital fixe, détenus à un moment donné par les unités productrices résidentes".

Dans les comptes de patrimoine des secteurs institutionnels, le montant des stocks est estimé à 1.817,4 milliards de francs pour 1995 -dont 1.557,6 milliards de francs pour les sociétés et quasi-sociétés non financières- en diminution de 2,2 % par rapport à 1994 (- 41,1 milliards de francs).

Les stocks constituent une production non vendue. Leur niveau résulte donc d'un décalage entre l'offre et la demande de produits. Lorsque celle-ci augmente moins que celle-là, le niveau des stocks s'accroît mécaniquement puis se résorbe à mesure que les producteurs s'adaptent à la demande.

Mais, si les variations de stocks résultent de la croissance, elles l'influencent aussi. Les phénomènes de déstockage amortissent la croissance de l'activité dès lors que la progression de la demande peut être satisfaite par la production déjà réalisée que sont les stocks.

A ces relations mécaniques, il faut ajouter deux phénomènes qui revêtent une certaine actualité. Le niveau des stocks ne dépend en effet pas que de réglages automatiques ; il résulte aussi de comportements des entreprises. A ce propos il convient de souligner :

- que les entreprises ont adopté ces dernières années un comportement de plus en plus marqué de réduction de leurs stocks, popularisé sous la dénomination de politique de "zéro stock" ou encore de "flux tendus" ; ce comportement structurel pourrait expliquer la tendance au déstockage observée sur moyenne période ;

-et, surtout, que le niveau jugé souhaitable des stocks dépend de l'appréciation que se forment les entreprises d'une série de variables économiques.

Celles-ci peuvent être objectives : le coût financier de détention des stocks dépend du niveau du coût de l'argent. Elles peuvent être plus conjecturales lorsqu'il s'agit d'estimer la croissance future de la demande ou encore l'évolution prévisible du prix de vente de leurs secteurs d'activités.

Les relations entre les stocks et l'activité emprunteront donc deux voies :

- les stocks contribuent, par leur variation, à expliquer le rythme de croissance ;

- le rythme de croissance escompté et la valeur attendue des biens expliquent les variations des stocks.

En période de reprise et lorsque les anticipations de prix sont caractérisées par une prévision d'augmentation, les entreprises ont tendance à reconstituer leurs stocks.

L'activité économique est, en France, très dépendante des cycles portant sur les stocks.

Le tableau qui suit illustre cette influence entre 1991 et 1997.

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Croissance du PIB

0,8

1

- 1,3

2,6

2,1

1,3

2,2

Croissance du PIB hors variations de stocks


1,5


1,5


- 0,3


1,3


1,8


1,9


2

Hors accident conjoncturel de 1993, la croissance, calculée comme si les stocks ne variaient pas, évolue le plus souvent dans une fourchette de 1,5 à 1,9 % alors que, compte tenu des stocks, la fourchette des taux de croissance est beaucoup plus large : 0,8 - 2,6 %.

S'agissant de l'investissement , la prévision d'une croissance de 4,1 % en 1998 de l'investissement des entreprises, et donc d'une progression de 2,9 % de l'investissement en moyenne annuelle en 1997 et 1998, est l'une des incertitudes majeures du scénario. A son terme, l'investissement des sociétés passerait de 416,8 milliards de francs -au prix de 1980- à 424,3 milliards de francs en 1997 et 441,7 milliards de francs en 1998, soit, en volume, une progression de 17,4 milliards de francs entre ces deux dernières années.

D'ores et déjà, cette prévision doit être corrigée. En 1997, selon l'INSEE, l'investissement des entreprises ne progresserait que de 0,4 %, contre 1,8 % prévu par le gouvernement.

L'investissement des entreprises ne s'élèverait donc qu'à 435,6 milliards de francs en 1998, soit un écart négatif de 6,1 milliards de francs par rapport à la prévision. Cette correction conduit à réviser la croissance du PIB qui ne serait plus de 3 % mais de 2,92 %.

Mais la prévision de croissance de l'investissement des entreprises de 4,1 % est-elle crédible ? C'est une question en débat tant le comportement récent des entreprises en matière d'investissement a déjoué les prévisions reposant sur ses déterminants traditionnels.

Le niveau de l'investissement est, en 1996, très inférieur au niveau moyen, des années 1989 à 1992.

Formation brute de capital fixe des sociétés (prix de 1980)

(en millions de francs)

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

422.838

441.242

441.183

434.535

399.533

406.350

419.870

416.777


La chute de l'investissement qui s'est produite en 1993 n'a pas été compensée. La reprise intervenue en 1994 et 1995 paraît stoppée.

L'information statistique est cependant contradictoire sur ce point puisque s'oppose à la vision donnée par l'INSEE d'une stagnation des investissements, celle offerte par le ministère de l'industrie qui évoque une forte croissance dans l'industrie.

En tout état de cause, le niveau d'utilisation des capacités de production met tout le monde d'accord sur un point : il n'existe pas de contraintes fortes de capacité pouvant justifier une reprise des acquisitions de capital fixe.

Taux d'utilisation des capacités de production

(en pourcentage)

ANNEES

Industries agricoles et alimentaires

Biens intermédiaires

Biens d'équipement

Biens de consommation

Industrie

Ensemble

1994

79,7

84,8

82,3

80,0

82,4

82,0

1995

81,4

87,1

84,0

81,6

84,3

83,8

1996

80,6

85,1

82,7

80,4

82,8

82,5

Sans doute, le retard d'investissement évoqué plus haut pourrait-il inciter les entreprises à entreprendre des investissements, ne serait-ce que par souci de modernisation. Mais, ceci supposerait diverses conditions qui ne paraissent pas remplies.

Il faudrait d'abord que les perspectives de rentabilité des investissements physiques soient mieux orientées qu'elles ne le sont.

Il faudrait ensuite que les grandes entreprises privilégient des investissements de capacité par rapport à d'autres emplois de leur épargne, comme les investissements directs à l'étranger ou les prises de participation dans des entreprises nationales.

Il faudrait aussi que le retard d'investissement soit perçu comme un handicap, ce qu'il n'est pas compte tenu des taux d'utilisation des capacités de production et, probablement, d'une meilleure utilisation des investissements en place.

Il faudrait enfin que les conditions financières des entreprises soient améliorées et, à tout le moins, préservées. Or, les ponctions supplémentaires opérées par le gouvernement, qui altèrent au demeurant la stabilité fiscale nécessaire au lancement de projets, viennent dégrader une situation sans doute meilleure que dans un passé récent, mais encore fragile.

Dans ces conditions, la prévision du gouvernement apparaît fort incertaine. Pour mesurer l'aléa, il suffit d'indiquer que sans investissement supplémentaire en 1998, la croissance ne s'élèverait plus qu'à 2,7 % contre les 3 % prévus par le gouvernement.

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