III. LES DEPENSES DU PROJET DE BUDGET POUR 1998

Au terme de leur adaptation, les perspectives financières pour la période allant de 1993 à 1999 s'établissent comme suit :

Perspectives financières adaptées

(crédits d'engagements en prix courants, sauf pour 1999 : prix 1998)

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

Ligne directrice agricole

36.657

36.465

37.944

40.828

41.805

43.263

44.064

Actions structurelles

22.192

23.176

26.329

29.131

31.477

33.461

36.618

Politiques internes

4.109

4.370

5.060

5.337

5.603

6.003

6.231

Actions extérieures

4.120

4.311

4.895

5.264

5.622

6.201

6.703

Dépenses administratives

3.421

3.634

4.022

4.191

4.352

4.541

4.609

Réserves Compensations

1.522

1.530

1.146

1.152

1.158

1.176

1.176

Total des crédits d'engagement

72.021

73.486

80.943

86.604

90.229

94.744

99.401

Total des crédits de paiement

68.611

70.352

77.229

82.223

85.807

90.581

94.032

Paiements en % du PNB

1,20

1,20

1,20

1,20

1,22

1,23

1,25

Source : Relations financières avec l'Union européenne - PLF pour 1998

Les crédits prévus pour 1998 s'élèvent quant à eux à 82,9 milliards d'écus en progression de 0,7 % par rapport à 1997.

Le projet de budget des Communautés européennes pour 1998

(Millions d'écus courants)

Rubriques des perspectives

Budget 1997

APB 1998*

Projet de budget

Ecart/APB


Exécution

financières

CE

CP

CE

CP

CE

CP

CE

CP

1996 (CP)

Politique agricole commune

40.805

40.805

40.987

40.987

40.987

40.987

0

0

39.108

Marge

1.000

2.276

2.276

Actions structurelles

31.477

26.300

33.461

28.400

33.461

27.400

0

- 1.000

24.329

Fonds structurels

28.620

23.866

30.482

25.643

30.482

24.643

0

- 1.000

22.369

Fonds de cohésion

2.749

2.326

2.871

2.649

2.871

2.649

0

0

1.872

Marge

2

0

0

Politiques internes

5.601

5.109

5.629

5.186

5.384

4.770

- 245

- 416

4.464

Marge

2

374

619

Actions extérieures

5.601

4.498

5.624

4.549

5.476

4.207

- 245

- 416

3.666

Marge

21

577

725

Dépenses administratives

4.283

4.283

4.374

4.374

4.301

4.301

- 73

- 73

4.102

Marge

69

167

240

Réserves

1.158

1.158

1.176

1.176

1.176

1.176

0

0

390

Compensations

212

212

99

99

99

99

0

0

701

Total

89.137

82.366

91.350

84.770

90.885

82.940

- 465

- 1.830

76.760

Marge (CE)/% PNB EUR 15 (CP)

1.092

1.173

3.394

1.153

3.859

1.128

1.121

* Après prise en compte des demandes des institutions

Source : Relations financières avec l'Union européenne : PLF pour 1998

Par rapport à l'avant-projet de budget présenté par la Commission qui se caractérisait par un dérapage des dépenses avec une progression des crédits de paiement de 2,9 %, le Conseil réuni le 24 juillet 1997 est revenu à plus de sagesse. En dégageant des économies à hauteur de 1,8 milliards d'écus en crédits de paiement, il a mis en lumière les dérives du projet de la Commission et a montré que la voie des économies était ouverte lorsqu'une volonté politique était là.

De l'avant-projet de budget (APB) au projet de budget
des communautés européennes

Le projet de budget des Communautés européennes arrêté par le Conseil pour 1998 est construit sur la base d'une progression des crédits de paiement de 0,07 %, les crédits d'engagements s'accroissant, eux, de près de 2 % par rapport à 1997.

Il est empreint d'orientations plus rigoureuses que l'avant-projet de budget qu'avait élaboré la Commission. Celui-ci voyait les crédits augmenter de 2,9 % s'agissant des crédits de paiement et de 2,5 % pour les crédits d'engagement. Les corrections apportées par le Conseil au schéma de la Commission sont les suivantes en ce qui concerne les crédits de paiement.

Variations des crédits de paiement entre le projet de budget et l'APB

(en millions d'écus)

Politique agricole commune

dont :

- dépenses de marché

- mesures d'accompagnement

0

+ 84

- 84

Actions structurelles

dont :

- fonds structurels

- 1.000

- 1.000

Politiques internes

dont :

- recherche et développement technologique

- 416

- 150,3

Actions extérieures

dont :

- coopération avec les PECO

- 342

- 116,4

Dépenses administratives

- 73

Réserves

0

Total

1.831

Source : Relations financières avec l'Union européenne; PLD pour 1998.

L'effort d'économies entrepris par le Conseil s'est donc élevé à 1.831 millions d'écus, soit environ 11 milliards de francs. Il l'a conduit à amputer trois-quarts des crédits supplémentaires prévus par la Commission.

Les économies ont été centrées sur les fonds structurels (55 % des abattements de crédits par rapport à l'APB), les politiques internes (23 % des économies) et les actions extérieures (19 % des économies).

L'exercice d'économies entrepris par le Conseil peut être évalué au regard de l'observation suivante :

Contrairement aux apparences, la répartition des économies entre les rubriques est, partiellement, optique. Ainsi, le maintien des crédits de la politique agricole commune au niveau prévu par la Commission qui suppose une croissance de 0,4 % entre 1997 et 1998 ne manifeste pas de la part du Conseil une quelconque volonté de "sanctuarisation" des moyens de la PAC. La marge sous le plafond de la ligne directrice agricole fixée par la Commission à 2.276 millions d'écus, en augmentation donc de 1.276 millions par rapport à 1997, est en effet préservée par le Conseil dans un contexte d'augmentation des dépenses de marché par rapport à ce que la Commission avait prévu.

En revanche, l'abattement des crédits d'actions structurelles ne peut être compris comme manifestant une réelle volonté de rationalisation . Il ne concerne que les crédits de paiement. Les crédits d'engagement sont, quant à eux, entièrement préservés et progressent de 6,3 % entre 1997 et 1998. Leur niveau ne laisse aucune marge sous le plafond fixé par les perspectives financières pour 1998. Quant aux crédits de paiement, si les économies recherchées par le Conseil s'élèvent à quelque 3,5 % du montant inscrit par la Commission, leur progression s'établit dans le projet de budget du Conseil à 4,3 % par rapport au budget pour 1997.

Finalement, les seules rubriques sur lesquelles l'effort d'économies s'est montré réellement significatif sont celles relatives aux politiques internes (- 8 % par rapport à l'APB ; - 7,1 % par rapport au budget pour 1997) et aux actions extérieures (- 7,5 % par rapport à l'APB  ; - 6,5 % par rapport au budget de 1997).

Le projet de budget pour 1998 ne manifeste cependant aucun effort d'économies . Les dépenses européennes s'accroîtraient de 574 millions d'écus 4( * ) , environ 3,7 milliards de francs et les crédits en engagement augmenteraient de 2 %.

Pour un budget qui n'a pas à supporter le poids de la dérive automatique des charges d'intérêt et dans lequel la part des dépenses de personnel reste, malgré tout, réduite, la performance n'a rien d'exceptionnel .

Le budget européen est, en tant que budget d'interventions "arbitrable" au premier écu.

En outre, la préoccupation d'économie telle qu'elle se manifeste ne paraît pas entièrement appropriée.

D'abord, elle semble procéder, plutôt que d'une démarche consistant à dégager des économies à partir d'une remise en question en profondeur des dépenses européennes basée sur l'évaluation de leur efficacité, d'une volonté d'affichage d'une croissance nominale faible des crédits. En témoigne l'écart entre les prévisions de crédits d'engagement et de paiement.

Ensuite, il faut souligner que la logique même de la programmation financière des dépenses européennes supposait de limiter la croissance des crédits. Car, si les prévisions de croissance retenues pour adapter les plafonds des différentes rubriques des perspectives financières en 1998, ont permis un rehaussement sensible des plafonds, il aurait été manifestement peu prudent, compte tenu des pesanteurs économiques en Europe continentale, de faire entièrement fond sur ces prévisions. Le niveau des marges laissées sous les plafonds d'engagement, 3,8 milliards d'écus, soit 4 % du plafond des crédits d'engagement témoigne ainsi plus que d'une volonté d'économies, du souci d'éviter d'être pris en défaut par l'évaluation réelle de l'économie européenne.

Enfin, le projet de budget pour 1998 est construit sans réelle considération des conditions de l'exécution budgétaire en Europe.

Ainsi, si en 1996, dernière année connue, le taux de consommation des crédits s'est élevé à 96,9 % pour les crédits d'engagement, il n'a atteint que 92,3 % pour les crédits de paiement.

Un calibrage plus réaliste des dépenses communautaires tenant compte du niveau considérable des restes à liquider accumulés au cours des ans, et des possibilités financières des Etats membres, permettrait de réduire l'appel à contribution demandé à ceux-ci.

A. LES DÉPENSES AGRICOLES

Les dépenses agricoles seraient stabilisées ne s'accroissant que de 0,45 %.

Elles sont placées sous un plafond, la ligne directrice agricole qui s'élève chaque année de 74 % du rythme de croissance du PNB communautaire et est indexé sur l'évolution prévisible des prix.

Le montant de la ligne directrice agricole est ainsi de 43.263 millions d'écus en 1998. La Commission, lors de l'élaboration de son avant-projet de budget avait laissé une marge significative sous ce plafond qui, avec 2.276 millions d'écus, correspondait à 5,3 % du montant de la ligne directrice agricole. Le Conseil a maintenu cette marge, mais l'a reportée différemment, décidant un abattement forfaitaire linéaire de 3,3 % sur l'ensemble des lignes du FEOGA-garantie.

Au total, les crédits de la PAC s'élèveraient ainsi à 40.987 millions d'écus.

Exécution 1993

Exécution 1994

Exécution 1995

Exécution 1996

Budget 1997

Projet budget 1998

Produits végétaux

21.258

21.853

22.983

24.980

25.199

26.392

Produits animaux

11.657

9.804

10.750

12.003

13.421

11.516

Autres dépenses

1.676

1.314

764

2.124

2.185

3.078

Total FEOGA-Garantie

34.591

32.971

34.497

39.108

40.805

40.987

Source : Relations financières avec l'Union européenne - PLF pour 1998.

Par rapport au niveau des dépenses effectives en 1996 -39,1 milliards d'écus- les crédits ouverts pour 1998 marquent une progression de 4,8 %, soit une croissance annuelle moyenne de 2,4 %. Cette prévision de dépenses peut être jugée modeste. Mais, il faut, pour l'apprécier, tenir compte de plusieurs données. Rapportée à 1995, la progression des dépenses agricoles ressort à un niveau beaucoup plus élevé de 18,6 %. Ce ressaut est pour partie le résultat des dépenses liées à la crise de la vache folle mais, si 2.200 millions d'écus avait été budgétisés à ce titre en 1997, seuls 1.300 millions d'écus le sont en 1998. Hors crise de la vache folle, la progression des dépenses agricoles aurait été de 15 % entre 1995 et 1998.

De surcroît, la mise en oeuvre de la politique agricole commune fait apparaître chaque année un écart d'exécution entre les crédits de la ligne directrice agricole et les crédits consommés. Entre 1990 et 1995 le cumul des sous-exécutions s'est élevé à 20 milliards d'écus. Cette année, la marge laissée sous la ligne directrice agricole apparaît plus cohérente avec le niveau moyen d'exécution des crédits.

Le budget de la politique agricole commune s'inscrit depuis quelques années dans le cadre de la politique agricole commune réformée.

Celle-ci a réorienté les dépenses agricoles vers le versement d'aides directes qui représentent 23.700 millions d'écus dans le projet de budget pour 1998, soit 57,8 % de l'ensemble des crédits et baissent de 7,1 %. L'essentiel de ces aides bénéficient au secteur végétal qui bénéficie de 64,4 % du budget de la PAC en 1998 contre 61,7 % en 1997.

Le secteur de la viande bovine est le second bénéficiaire de ces versements. Le montant total des dépenses de soutien à ce secteur s'élèverait à 6.331 millions d'écus et s'infléchirait ainsi de 1.120 millions d'écus. La plus grande partie de ces abattements de crédits proviendrait de la baisse des besoins de financement issus de la crise de la vache folle.

Contrepartie de la baisse des aides directes, les crédits d'intervention et de soutien des exportations s'inscrivent en hausse malgré une perspective de diminution de l'écart entre prix communautaires et prix mondiaux.

Cette dernière évolution est à l'évidence capitale car elle conditionne l'avenir même de la politique agricole commune dont la redéfinition est en cours . Si ce rapprochement devait être jugé durable, il faudrait en tirer toutes les conséquences.

B. LES ACTIONS STRUCTURELLES

La croissance des crédits destinés aux actions structurelles s'élève à 6,3 % en crédits d'engagement et à 4,2 % en crédits de paiement.

Ainsi le projet de budget pour 1998 confirme l'inertie à la hausse de ces crédits qui ont été multipliés par 4 en niveau depuis 1988.

Cette inertie provient elle-même de la doctrine adoptée lors du Conseil d'Edimbourg selon laquelle les plafonds de crédits définis dans le cadre de la rubrique "Actions structurelles" des perspectives financières de la Communauté sont en réalité non des contraintes mises à l'essor des crédits de cette nature, mais bien des objectifs de dépenses. Du coup, nulle marge sous les plafonds des perspectives financières n'est ménagée.

Il résulte, en outre, de cette doctrine que, normalement, les crédits d'engagement non mobilisés lors d'un exercice budgétaire sont reportés lors de l'exercice suivant.

Les développements ci-dessous démontreront assez l'ampleur de l'anomalie budgétaire associée à cette règle.

On rappelle que les fonds structurels ont fait l'objet de deux exercices de programmation :


·
le premier pour la période 1988 à 1993 pour un montant cumulé de 83.057 millions d'écus ;


·
le second pour la période 1994-1999 pour un montant de 159.694 millions d'écus en hausse de 92 % par rapport à la première période de programmation.

Les crédits d'engagement prévus au titre des actions structurelles s'élèvent en 1998 à 0,37 % du PIB communautaire. Rapportée aux crédits d'engagement du budget communautaire, la part des fonds structurels s'élevait à 12 % en 1984, atteignait 30 % en 1994 et s'élèverait à 35 % en 1999.

Source : Relations financières avec l'Union européenne - PLF pour 1998.

L'objectif des actions structurelles est louable . Il s'agit d'assurer une correction des déséquilibres économiques et sociaux dans le grand marché européen en vue d'une mise en oeuvre convenable de l'Union économique et monétaire.

Plus précisément, les objectifs des fonds structurels sont au nombre de six :

promouvoir le développement et l'ajustement structurel des régions en retard de développement dont le PIB est inférieur à 75 % de la moyenne communautaire (objectif 1) ;

reconvertir les zones industrielles en déclin à savoir celles où le taux moyen de chômage est supérieur à la moyenne communautaire et qui sont affectées par le déclin de l'industrie (objectif 2) ;

combattre le chômage de longue durée (objectif 3) ;

faciliter l'insertion professionnelle des jeunes (objectif 4) ;

accélérer l'adaptation des structures agricoles et de la pêche (objectif 5a) ;

faciliter le développement et l'ajustement structurel des zones rurales (objectif 5b).

promouvoir le développement et l'ajustement structurel des régions connaissant une très faible densité de population" (objectif 6) qui concerne essentiellement les régions arctiques.

Les crédits d'actions structurelles sont pour l'essentiel - 80,5 %- alloués aux trois fonds structurels de la Communauté, le Fonds européen de développement régional (FEDER), le Fonds social européen (FSE) et le Feoga-Orientation, auxquels il faut ajouter l'Instrument financier d'orientation de la pêche (IFOP). Une partie des moyens alloués (9 %) est réservée au financement de programmes d'intervention communautaire (PIC), les moyens de la lutte anti-fraude qui représentent 1,2 % des crédits d'actions structurelles étant curieusement agrégés à ceux-ci.

Mais une part importante des crédits d'actions structurelles est destinée au Fonds de cohésion. Celui-ci reçoit 9,7 % des moyens prévus et ses interventions sont réservées aux Etats membres dont le PIB par habitant est inférieur à 90 % de la moyenne communautaire.

Enfin, une partie marginale des crédits sert, conformément à l'acte d'adhésion des trois nouveaux membres de l'Union, à prendre en charge leurs quotes-parts dans le financement du mécanisme financier "Espace économique européen".

Le mode de versement des fonds doit être rappelé.

Il est différent selon les objectifs :

les objectifs à caractère national : objectifs 3, 4 et 5a. Les crédits sont répartis entre les Etats membres à charge pour les gouvernements de gérer les crédits ;

les objectifs à vocation spécifiquement régionale : objectifs 1, 2, et 5b. Les crédits sont répartis entre les régions des Etats membres.

Les règlements adoptés en 1993 visaient à concentrer les ressources et les actions, à simplifier l'exécution des programmes et à garantir le respect du principe d'additionnalité.

Conformément à l'article 4 du règlement (CEE) n° 2081/93 : " L'action communautaire est conçue comme un complément des actions nationales correspondantes ou une contribution à celles-ci ". Sauf pour l'objectif n° 1 où les fonds peuvent contribuer jusqu'à 75 % du coût d'un projet (80 % dans les pays bénéficiaires du fonds de cohésion), le principe d'additionnalité implique un cofinancement qui limite l'intervention des fonds structurels à 50 % du coût total d'un projet.

Les masses financières en jeu sont considérables mais les doutes portant sur l'efficacité et la bonne gestion du système sont récurrents .

Il faut d'abord relever que les experts estiment que des transferts de l'ordre de 1 % au moins du PIB de la Communauté seraient nécessaires pour réduire les disparités régionales alors qu'ils en représentent moins de la moitié.

L'exigence de concentration des actions n'a pas été respectée , si bien qu'une proportion considérable des populations européennes est couverte par les financements européens.

Dans ces conditions, les progrès de la convergence réelle semblent décevants .

Ceci conduit à s'interroger sur la pertinence économique des actions favorisées et renvoie, par ricochet, au regret récurrent d'une carence de l'évaluation des programmes financés. Ce besoin d'évaluation doit impérativement être satisfait tout comme l'exigence de recentrer les interventions sur des actions économiques dynamisantes et d'éviter de financer des interventions en violation du principe de subsidiarité.

Enfin, les conditions de gestion des fonds structurels restent médiocres. Les retards dans les paiements sont excessifs ; ils cumulent ceux qui résultent des tergiversations de la Commission et ceux qui proviennent des difficultés pour certains Etats membres à identifier le bénéficiaire final.


En 1996, on doit sans doute relever une amélioration du taux de consommation des crédits :

- Le taux d'exécution en crédits d'engagement a été de 98,4 % contre une moyenne de 94,1 % sur la période 1993-1995, soit une sous-consommation annuelle de l'ordre de deux milliards d'écus ;

- En crédits de paiement, les crédits non exécutés, depuis 1994, ont atteint 11,9 milliards d'écus à fin 1996. Mais le taux de consommation s'est redressé lors de ce dernier exercice s'établissant à 94,8 % contre 83,4 % en moyenne entre 1993 et 1995.

Le total cumulé des crédits engagés et non encore payés s'élevait cependant fin 1996 à 29,5 milliards d'écus, soit une somme supérieure au montant des crédits de paiement prévus au titre des actions structurelles par le budget pour 1998.

Face à cette situation, l'effort "d'économie" réalisé en 1998, qui se résume à un abattement de un milliard d'écus par rapport aux dépenses programmées par l'avant-projet de la Commission, laisse subsister une progression des crédits par rapport au budget de 1997 qui demeure conséquente et qui se traduira immanquablement par un alourdissement des "restes à payer".

C'est le moment de rappeler que l'exécution du budget européen est loin d'être satisfaisante pour toute une série de raisons parmi lesquelles figure le niveau très important atteint par les "restes à liquider". Le tableau ci-dessous en récapitule le détail pour les principales rubriques du budget communautaire.

Evolution du reste à liquider sur crédits dissociés pour 1996

(en millions d'écus)

Engagements d'exercices antérieurs

Engagements de l'exercice

TOTAL

RUBRIQUE

RAL 1 Exercice
n-1

(1)

Dégage-ments réévalua-tion
(2)

Paiements sur RAL 1


(3)

RAL 1 sur exercices précédents

(4)=(1)-(2)-(3)

% du RAL 1 liquidé


(5)=(4)/(1)

Engage-ments de l'exercice

(6)

Paiements



(7)

RAL 1 sur exercice


(8)=(6)-(7)

% d'augmen-tation

(9)=(8)/(1)

RAL 1 fin d'exercice


(10)=(4)+
(8)

% d'augmen-tation

(11)=(5)+
(9)

Politique agricole commune

0,00

0,0

0,00

0,0

Actions structurelles

25.885,96

605,90

12.106,72

13.173,33

- 49,1

28.672,34

12.341,33

16.331,01

63,1

29.504,34

14,0

. Fonds structurels

23.672,67

592,49

11.344,91

11.735,27

- 50,4

26.141,33

11.143,87

14.997,46

63,4

26.732,73

12,9

. Fonds de cohésion

2.213,28

13,41

761,81

1.438,06

- 35,0

2.443,93

1.110,38

1.333,55

60,3

2.771,61

25,2

. Mécanisme financier EEE


87,08


87,08


0,00


0,00

Politiques internes

6.221,62

211,72

2.394,26

3.615,54

- 41,9

5.354,04

2.150,03

3.204,01

51,5

6.819,65

9,6

Actions extérieures

10.019,17

209,85

2.732,66

7.076,66

- 29,4

5.561,92

1.072,14

4.489,78

44,8

11.566,44

15,4

Dépenses administratives


0,22


0,00


0,11


0,11


- 50,0


0,00


0,00


0,00


0,0


0,11


- 50,0

TOTAL

42.126,97

1.027,47

17.233,75

23.865,74

- 43,3

39.588,30

15.563,50

24.024,80

57,0

47.890,54

13,7

(1) RAL : Reste à liquider

Fin 1996, le montant des crédits restant à liquider s'élevait à 47,9 milliards d'écus, soit plus de 58 % du budget voté pour cet exercice.

La répartition des reliquats était la suivante : pour 61,6 %, il s'agissait des crédits d'actions structurelles, pour 14,2 % des crédits consacrés aux politiques internes, le reste, soit 24,2 % concernait les crédits d'actions extérieures.

Exprimés en pourcentage des crédits ouverts pour l'exercice 1996, les restes à liquider représentaient 102,8 % pour les actions structurelles, 128 % pour les politiques internes et 207 % pour les actions extérieures.

Le montant des restes à liquider se répartissait à peu près pour moitié entre les restes à liquider sur les crédits d'engagement de l'exercice et les restes à liquider sur des engagements d'exercices antérieurs. Le montant des apurements d'engagements dormants s'est élevé à 1 milliard d'écus en 1996, soit moins de 2,5 % des crédits restant à liquider.

Ces données indiquent abondamment qu'il existe un écart important entre les crédits engagés lors d'un exercice budgétaire donné et les paiements réalisés sur ces engagements. Ce phénomène peut s'expliquer lorsque les engagements de crédits portent sur des dépenses d'investissement dont la réalisation s'étale dans le temps. Il n'est, en revanche, pas justifiable lorsqu'il s'agit de dépenses courantes.

En tout état de cause, s'il peut apparaître comme significatif d'une gestion attentive des crédits de paiement de la part de la Commission, il révèle également les difficultés rencontrées par elle dans l'exécution des diverses politiques qu'elle entend conduire.

Comme les crédits de paiement d'un exercice donné sont destinés à couvrir pour une proportion considérable (43 % en 1996) les engagements financiers d'exercices antérieurs, il conviendrait à tout le moins que la progression des crédits d'engagement d'un exercice sur l'autre soit modéré pour tenir compte des délais d'exécution de la dépense communautaire. Ce n'est pas ce que l'on constate. L'observation selon laquelle le taux d'engagement des crédits européen s'élève n'est d'ailleurs pas de nature à rassurer. Ce dernier phénomène laisse à penser que les gestionnaires des crédits européens manifestent, par là, un biais dépensier peu responsable en terme de gestion financière, laissant mal augurer de leur capacité à choisir des dépenses utiles.

Une baisse importante des crédits d'engagement constituerait ainsi un acte de bonne gestion . C'est l'un des éléments sur lesquels nous devons insister dans le cadre de la préparation des futures perspectives financières. Si elle ne se traduirait pas dans l'immédiat par une diminution des crédits de paiement du budget européen dont le niveau doit être compatible avec celui des restes à payer sur engagements antérieurs, elle jetterait les bases d'une réduction de la dépense communautaire une fois le passif apuré.

Il reste cependant à se poser la question du rythme d'apurement de ce passif. Un calibrage cohérent des crédits d'engagement devrait permettre de le résorber en trois ans, mais une estimation entièrement fiable suppose de porter un jugement sur le niveau des engagements définitivement compromis. Les dégagements de crédits apparaissent en effet très faibles puisque, on l'a dit, ils s'élevaient en 1996 à moins de 2,5 % des engagements sur exercices antérieurs. Une politique d'apurement plus vigoureuse favoriserait un assainissement financier plus rapide du budget communautaire. Les perspectives ouvertes par ce dernier processus en terme d'appels à contribution des Etats-membres se rapprocheraient d'autant.

Cet objectif doit d'autant plus être poursuivi qu'il ne faut en effet pas oublier que l'utilisation des crédits structurels est soumise à un principe d'additionnalité qui conditionne leur paiement à une contribution des Etats membres.

Les contraintes pesant sur les finances publiques de ceux-ci conduisent à douter de la cohérence du rythme de progression des crédits européens avec l'existence de ce principe d'additionnalité, voire à formuler des interrogations sur le respect même de ce principe par les Etats membres.

Pour toutes ces raisons, il aurait été souhaitable de faire une pause marquée dans la progression des crédits d'action structurelle.

C. LES AUTRES DÉPENSES

1. Les politiques internes

Les crédits de paiement consacrés aux politiques internes se replieraient de 8 % et s'élèveraient à 4.770 millions d'écus.

L'essentiel des crédits, pour un montant en baisse de 3%, de 3.066 millions d'écus, soit 64,3 % du total, est consacré à financer le quatrième programme-cadre de recherche et de développement dont les principaux volets concernant les technologies de l'information (28 %), l'énergie (18 %), les technologies industrielles et des matériaux (16 %), les sciences et technologies du vivant (13 %), l'environnement (9 %) et la formation et la mobilité des chercheurs (6 %).

Le quatrième programme-cadre qui arrive à échéance en 1998 prévoyait de dégager des financements à hauteur de 13,2 milliards d'écus, soit près de 87 milliards de francs. L'importance des sommes en jeu et la négociation en cours d'un 5ème programme justifient qu'une attention particulière soit portée à ces dépenses.

Votre rapporteur ne peut que réitérer ses préoccupations sur :

la légitimité du processus de définition de la stratégie européenne en matière de recherche avec, en particulier, la quasi-absence à ce stade initial des grands opérateurs de recherche que sont les entreprises ;

le manque d'évaluation de l'efficacité des dépenses même si le quatrième programme-cadre contenait des dispositions visant à corriger cette lacune ;

la légitimité même de nombreuses interventions communautaires au regard du principe de subsidiarité lorsque lesdites interventions ne s'accompagnent pas d'actions concertées entre Etats-membres.

Une politique communautaire en matière de recherche ne se conçoit qu'en tant qu'elle est susceptible d'apporter une plus-value par rapport aux résultats que peuvent atteindre les politiques nationales.

Le vrai apport de la Communauté dans ce domaine serait de promouvoir des projets exceptionnels articulés autour de la participation commune de centres de recherche des pays membres.

Il ne semble pas que cette conception anime suffisamment les instances européennes si bien que se dégage trop souvent l'impression déplaisante de la constitution d'une "tirelire de la recherche" où les plus habiles viendraient puiser au gré de leurs besoins.


Le nombre des projets -3.000 nouveaux projets en 1995 pour 10.000 participants- témoigne du saupoudrage des moyens. Certains ont pu évoquer à ce propos les "dérives cohésives" de la "politique de recherche" des Communautés européennes faisant observer que, la règle d'adoption des objectifs de recherche faisant place à l'unanimité, une correction systématique, était entreprise par la Commission au profit des pays les moins compétitifs. On soulignera que les moyens européens consacrés à la recherche n'ont pas a priori à être orientés en fonction d'objectifs de convergence régionale qui relèvent d'autres instruments et, tout particulièrement, des crédits d'actions structurelles.

Un réexamen complet de l'utilisation des moyens européens consacrés à la recherche s'impose de toute évidence, et de toute urgence, compte tenu des contraintes d'efficacité qu'imposeront en la matière les orientations retenues pour construire les perspectives financières à l'horizon 2006 . En tout cas, les décisions concernant le 5ème PCRD ne sauraient être prises hâtivement à l'écart des Parlements nationaux si bien que leur calendrier doit permettre un débat argumenté sur le projet de la Commission.

Les réseaux transeuropéens bénéficieraient d'une dotation de 560 et 413 millions d'écus en crédits d'engagement et en crédits de paiement respectivement (+ 20,2 % et + 26,3 %).

L'accroissement des provisions est ainsi apparemment conséquente et se réalise dans le cadre d'une référence financière globale pour la période 1995-1999 de 2.345 millions d'écus, soit environ 15 milliards de francs.

La répartition indicative de cette enveloppe est la suivante : 1.785 millions d'écus pour les réseaux "transport" (75 du total), 112 millions d'écus pour les réseaux "énergie" et 448 millions d'écus pour les réseaux "télécommunications".

Les programmes de réseaux transeuropéens doivent être approuvés car ils soutiennent des projets réellement européens et contribuant à construire les infrastructures européennes et favorables à l'emploi.

Il est cependant à noter que le financement communautaire des projets est minime.

Ainsi, s'agissant du TGV Est, si le coût total du projet a été estimé à 33,15 milliards de francs, le financement de la Communauté ne devrait pas excéder 2,7 milliards. Pour l'heure, les crédits employés n'ont du reste eu, pour seul objet, qu'une série d'études préparatoires sans doute utiles mais dont l'effet concret reste douteux. En 1996 et 1997, les subventions communautaires reçues par la France n'ont pas dépassé 41,5 millions d'écus au titre des TGV Sud et Est.

Les moyens consacrés aux autres politiques internes s'effondreraient de 20,5 % et 345 millions d'écus. Cette évolution démontre abondamment que les crédits européens peuvent être ajustés si la volonté politique s'en manifeste . Il reste qu'avec un niveau de crédits de l'ordre de 8,3 milliards de francs, les politiques internes de la Communauté apparaissent toujours aussi peu convaincantes. On pourrait même dire qu'elles le sont de moins en moins, la réduction des crédits et le maintien des programmes renforçant les aspects négatifs du saupoudrage, si bien qu'aucune politique interne n'atteint la taille critique qui est pourtant, quasiment, la seule justification à l'intervention européenne en la matière.

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