RAPPORT GENERAL n°85 Tome III Annexe 29 - PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1998 ADOPTE PAR L'ASSEMBLEE NATIONALE - INTERIEUR ET DECENTRALISATION : SECURITE


M. Guy CABANEL, Sénateur


Commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation - Rapport Général n° 85 Tome III Annexe 29 - 1997/1998

Table des matières






N° 85

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès verbal de la séance du 20 novembre 1997.

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 1998 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

Par M. Alain LAMBERT,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES SERVICES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

(Deuxième partie de la loi de finances)


ANNEXE N° 29

INTÉRIEUR ET DÉCENTRALISATION :

· SÉCURITÉ

Rapporteur spécial : M. Guy CABANEL

(1) Cette commission est composée de : MM. Christian Poncelet, président ; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini, René Régnault, vice-présidents ; Emmanuel Hamel, Gérard Miquel, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Alain Lambert, rapporteur général ; Philippe Adnot, Bernard Angels, Denis Badré, René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc Massion, Michel Mercier, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Maurice Schumann, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 230 , 305 à 310 et T.A. 24 .

Sénat : 84 (1997-1998).

Lois de finances.

PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR

Un budget 1998 marqué par des redéploiements de crédits

Les crédits consacrés à la sécurité augmenteront de 3,58 %, en 1998, pour s'établir à 52,4 milliards de francs. Ce taux de progression tient compte de l'augmentation importante des dépenses liées à l'organisation des nombreux scrutins qui se dérouleront en 1998. Hors dépenses électorales, les crédits de la sécurité augmentent de 1,06 %, soit une quasi stabilité en francs constants.

Au sein de cette enveloppe contenue, le ministère de l'intérieur a procédé à des redéploiements de crédits, qui permettent de privilégier certaines actions, de financer des opérations nouvelles et de réorganiser la présentation budgétaire dans un but de bonne gestion. Ces mouvements ont pour effet de relativiser la signification des pourcentages d'évolution des différentes enveloppes.

Les ajustements consistent, entre autres, en :

- la suppression d'emplois budgétaires non pourvus, de policiers auxiliaires ou dans l'administration des cultes par exemple, qui permet, d'une part, de financer la création de nouveaux emplois (d'ingénieurs, de psychologues ou d'attachés de police) et, d'autre part, de revaloriser les régimes indemnitaires des fonctionnaires du ministère de l'intérieur afin de réduire les écarts avec les agents d'autres ministères et les fonctionnaires territoriaux ;

- la réduction des moyens de fonctionnement de la police nationale, qui s'explique, dans le cadre de la réforme des régimes indemnitaires, par le transfert de certains crédits vers d'autres chapitres ;

- la diminution des crédits affectés au logement social des policiers, qui masque le développement par le ministère de l'intérieur d'une politique novatrice de partenariat avec les associations de propriétaires immobiliers ;

- la réduction des moyens de fonctionnement des préfectures, qui permet au ministère de faire des économies sans pénaliser les services de l'administration territoriale, dont les crédits avaient été augmentés en 1997 (en compensation de la suppression de la franchise postale) dans des proportions supérieures aux besoins ;

- la diminution des crédits d'investissement qui s'explique par l'achèvement de programmes pluriannuels, particulièrement le programme de renouvellement des Canadairs, et par la prise en compte de l'existence de crédits reportés permettant de réduire le montant des crédits de paiement dans la loi de finances, et donc de dégager des marges de manoeuvre.

Ces ajustements sont complétés par la définition d'orientations nouvelles positives telles que la mise en oeuvre du projet d'apurement de la dette à l'égard de France Télécom et la poursuite de l'effort en faveur du soutien médical et psychologique aux policiers. Le recrutement des adjoints de sécurité fait l'objet d'une mesure nouvelle d'un montant de 200 millions de francs.

La démarche qui consiste à ajuster les crédits au plus près des besoins s'impose compte tenu des contraintes budgétaires du ministère de l'intérieur. Cependant, elle comporte le risque de provoquer des tendances lourdes difficiles à renverser lorsque l'enveloppe des reports sera épuisée, notamment en matière de crédits d'investissement qui diminuent de 18 %. A l'avenir, il faudra veiller au maintien du niveau des investissements du ministère de l'intérieur.

La réorganisation des crédits au sein d'une enveloppe stable est un exercice qui comporte des limites. Ces limites semblent atteintes dans le cas de la sécurité civile, qui repousse depuis plusieurs années le renouvellement de certains matériels malgré, parfois, l'existence de risques importants. Ainsi, les véhicules destinés au transport de munitions rouleraient au delà du seuil de sécurité.

En outre, la direction de la sécurité et de la défense civiles doit financer par redéploiement de crédits son programme de modernisation du service de déminage. Dans l'attente de la rénovation des sites et de l'ouverture de nouveaux dépôts, les munitions (à l'exception des armes chimiques) ne sont plus ramassées dans le nord et en Picardie. Ces contraintes s'accompagnent de la perte récente d'un avion Canadair récemment acquis. Au coût budgétaire de cet accident, 120 millions de francs, s'ajoute le drame que constitue le décès du pilote.

L'objectif de maîtrise de dépenses publiques s'applique à tous les ministères. Du fait de son caractère régalien, le ministère de l'intérieur est relativement épargné. Néanmoins, selon les informations recueillies par votre rapporteur, il semblerait que ce ministère ne soit pas particulièrement favorisé par les arbitrages budgétaires rendus par le ministère des finances, notamment en matière de dépenses immobilières et de moyens de fonctionnement.

La police de proximité : de la LOPS aux adjoints de sécurité

Le Premier ministre et le ministre de l'intérieur, à Villepinte le 25 octobre 1997, ont placé le droit à la sécurité pour chaque citoyen, et particulièrement l'amélioration de la sécurité de proximité, au premier rang des priorités gouvernementales.. En cela, ils se situent dans le droit fil des orientations définies par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité de 1995, la LOPS, et par le pacte de relance pour la ville de 1996.

La LOPS avait envisagé des redéploiements d'effectifs sur la voie publique, objectifs chiffrés par le pacte de relance pour la ville, et le recrutement de personnels administratifs et techniques destinés à décharger les policiers des tâches administratives. Ces dispositions n'ont pas entièrement obtenu le succès escompté. En revanche, trois réformes prévues par la loi ont permis non seulement d'améliorer le fonctionnement de la police et la gestion du personnel, mais également d'accroître la présence policière sur le terrain :

- la réforme des corps et des carrières apporte plus de souplesse et de capacité d'adaptation à la police tout en accroissant les effectifs de terrain du fait du repyramidage des effectifs qu'elle prévoit ;

- la réformes des horaires conduit à la fois à l'amélioration des conditions de travail des policiers et à l'augmentation des effectifs grâce à la réduction du nombre de brigades ;

- la mise en oeuvre progressive des transferts de compétence du ministère de l'intérieur vers les administrations dont relèveraient logiquement certaines activités permet de clarifier le champ de compétences de la police nationale tout en libérant les effectifs de la réalisation de tâches indues.

Dans le cadre de la loi du 16 octobre 1997 sur l'emploi des jeunes, 35.000 emplois seront créés dans le secteur de la sécurité dans les cinq années à venir. Cette donnée modifie considérablement les termes du débat sur le redéploiement des effectifs. Les 15.000 agents locaux de médiation seront recrutés par les collectivités ou les grands organismes de service public. Les 20.000 adjoints de sécurité, dont 8.250 recrutés avant la fin de 1998, seront spécifiques à la police nationale.

Votre rapporteur considère que, si les textes réglementaires relatifs à leur recrutement sont appliqués, et leur esprit respecté sur le terrain, ces adjoints constituent une chance pour la police nationale et remplaceront avantageusement les policiers auxiliaires appelés à disparaître. A terme, ils fourniront des candidats de qualité aux concours de recrutement de la police nationale et pourront apporter aux polices municipales et aux sociétés de surveillance privées le savoir faire et la déontologie hérités de leur passage dans la police nationale.

Accélérer la réalisation du programme ACROPOL

L'accélération de la mise en place du réseau de transmissions analogique ACROPOL est une nécessité au regard de l'efficacité de la police nationale comme de la sécurité des fonctionnaires.

Les systèmes de transmissions numériques qui équipent encore la police nationale sur l'ensemble du territoire, à l'exception des six départements couverts par ACROPOL, sont obsolètes. Ils datent des années soixante-dix et ne correspondent plus aux normes de maintenance. Souvent, les pièces de rechange ne sont plus commercialisées. Le coût de l'entretien de ces matériels est appelé à s'accroître.

De plus, les transmissions sont de mauvaise qualité et ne sont pas cryptées, ce qui permet à des particuliers de les intercepter. La sécurité des policiers n'est plus assurée.

Le système ACROPOL répond aux problèmes de confidentialité des transmissions et améliore la gestion des effectifs grâce aux multiples fonctions dont il est équipé. Les terminaux embarqué sur ACROPOL (TESA) servent à interroger les fichiers depuis le véhicule et, à terme, permettront aux fonctionnaires de rédiger les comptes-rendus de leurs opérations sans avoir à retourner au commissariat, accroissant ainsi la présence policière sur le terrain.

Si l'intensité de l'effort budgétaire en faveur d'ACROPOL n'augmente pas substantiellement dans les années à venir, la couverture intégrale du territoire ne sera pas assurée avant l'an 2015. A cette date, la première génération de terminaux ACROPOL sera déjà obsolète.

Le gouvernement consacre 214 millions de francs à ce programme dans la loi de finances pour 1998, qui seront complétés par 46 millions de francs dans la loi de finances rectificative pour 1997. Grâce à divers transferts internes, il espère atteindre 315 millions de francs en 1998, puis 450 en 1999. L'effort consenti par l'Etat en faveur des transmissions de la police nationale rejoindrait alors le montant accordé à la gendarmerie nationale pour le développement du système Rubis, qui est comparable à ACROPOL.

La gendarmerie disposera de Rubis sur l'ensemble du territoire en l'an 2000. En soutenant un effort de 450 millions de francs par an, le programme ACROPOL s'achèverait en 2008. C'est un défi qu'il faut relever dans l'intérêt de la sécurité.

CHAPITRE PREMIER :

EVOLUTION GENERALE DES CREDITS

Les crédits de la sécurité rassemblent quatre des cinq agrégats qui composent le budget du ministère de l'intérieur et de la décentralisation :

- l'agrégat " Administration générale " ;

- l'agrégat " Administration territoriale " ;

- l'agrégat " Sécurité civile " ;

- l'agrégat " Police nationale ".

Ils s'établissent à 52,394 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour 1998, en progression de 3,58 %. Cette augmentation doit être révisée à la baisse car, en excluant les dépenses relatives à l'organisation des différentes consultations électorales prévues en 1998, qui s'élèvent à 1,3 milliards de francs, l'augmentation des crédits de la sécurité n'est plus que de 1,06 %.

Toutefois, en tenant compte de la prise en charge de 80 % des rémunérations des nouveaux adjoints de sécurité par le ministère de l'emploi et de la solidarité, les crédits de la sécurité augmentent de 450 millions de francs supplémentaires (sachant que les 20% à la charge du ministère de l'intérieur ont été estimés à 113 millions de francs).



Les crédits de la sécurité - présentation par titres

1997

1998

Evolution
en %

Titre III

- Administration générale

15.011,901

16.780,87

+ 11,78

- Administration territoriale

6.100,852

6.047,419

- 0,87

- Sécurité civile

791,574

804,071

+ 1,57

- Police nationale

27.063,561

27.434,161

+ 1,36

Total titre III dont :

personnel
fonctionnement

48.967,888
41.477,232
7.490,652

51.066,460
42.151,649
8.658,551

+ 4,28

+1,6

+15,5

Titre IV

- Administration générale

5,995

5,995

+ 0

- Administration territoriale

-

-

-

- Sécurité civile

79,394

79,347

- 7,61

- Police nationale

-

-

-

Total titre IV

85,389

85,344

- 7,07

Titre V

- Administration générale

76,500

66,000

- 13,72

- Administration territoriale

230,500

115,000

- 50,10

- Sécurité civile

316,500

218,000

- 31,12

- Police nationale

746,500

719,730

- 3,58

Total titre V

1.370,000

1.119,230

- 18,30

Titre VI

- Police nationale

156,00

129,00

- 17,30



TOTAL GENERAL

50.579,277

52.394,034

+ 3,58

TOTAL GENERAL (Hors dépenses d'élections)

50.544,277

51.094,034

+ 1,06

I. UN BUDGET DE FONCTIONNEMENT

La présentation par titres révèle que le budget de la sécurité reste un budget de fonctionnement : les moyens des services représentent 97,4 % des crédits. Il est plus particulièrement un budget de personnels auxquels il consacre 80,4 % des dépenses :

- les rémunérations et indemnités s'établissent à 27,8 milliards de francs ;

- les charges de pensions s'élèvent à 14,5 milliards de francs.

Les dépenses de fonctionnement du ministère (les moyens des services) s'élèvent à 8,6 milliards de francs. Leur progression importante par rapport à 1997 (+ 4,28 %) est liée aux dépenses d'élections qui passent de 25 millions de francs dans la loi de finances pour 1997 à 1,3 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour 1998.

Au sein des dépenses de fonctionnement, les crédits du chapitre 34-82 " Dépenses d'informatique et de télématique " font l'objet d'une procédure budgétaire particulière, qui consiste à ajuster les crédits au niveau nécessaire au maintien de l'existant et au renouvellement. Une fois cette opération accomplie, les mesures nouvelles peuvent intervenir. Cette procédure expliquent pourquoi les dépenses d'informatique diminuent dans des proportions importantes, tout en faisant l'objet de mesures nouvelles favorables.

En outre, le ministère de l'intérieur procède à une nouvelle répartition des crédits consacrés à l'informatique entre les différents agrégats. Il souhaite globaliser les dépenses d'entretien du parc informatique au sein des moyens de fonctionnement de chaque agrégat de façon à réserver le chapitre 34-82 des " Dépenses d'informatique et de télématique " au financement des grands programmes informatiques et du renouvellement des équipements. Cette évolution est assez avancée s'agissant des crédits de la sécurité civile, dont les dépenses informatiques ne sont plus financées qu'à hauteur de 4,7 millions de francs par le chapitre 34-82.

II. L'EFFORT D'INVESTISSEMENT DU MINISTERE DE L'INTERIEUR

A. UNE BAISSE IMPORTANTE ...

Dans le projet de loi de finances pour 1998, l'effort d'investissement du ministère de l'intérieur, concentré au titre V, est en baisse massive de 18,3% en crédits de paiement, passant de 1,3 à 1,1 milliard de francs :

- l'effort d'équipement (chapitre 57-40) immobilier chute de 22,3 % ;

- l'équipement matériel (chapitre 57-50) baisse de 27,8 % ;

- les dépenses d'équipement informatique, de télématique et de transmissions augmentent de 3 %.

B. ... QUI S'EXPLIQUE PAR L'EXISTENCE DE CRÉDITS REPORTÉS

Ce chiffre de la baisse des dépenses d'investissement du ministère de l'intérieur est trompeur et s'explique par l'existence de crédits reportés non consommés.

1. Les investissements immobiliers

S'agissant des crédits de paiement consacrés aux dépenses d'investissements immobiliers, le montant des reports de crédits non consommés en 1997 sur l'exercice 1998, pour les quatre agrégats, s'élève à 300 millions de francs. En ajoutant ces reports à la dotation de 547,7 millions de francs contenue dans la loi de finances, le montant des crédits susceptibles d'être dépensés en 1998 est supérieur à la dotation en loi de finances pour 1997. En outre, les autorisations de programme connaissent un mouvement de hausse après plusieurs années de baisse.

Le ministère de l'intérieur a rénové sa manière de concevoir les programmes immobiliers à la suite de la crise de trésorerie de 1993. Aujourd'hui, la dette de 300 millions de francs, avec des taux d'intérêt de 14 %, a été apurée et les programmes sont définis uniquement en crédits de paiement, de façon à ne pas dépenser plus que les enveloppes disponibles.

2. Les équipements lourds

La baisse des dépenses d'équipements lourds a deux origines, qui sont liées aux dépenses d'investissement de la sécurité civile. D'une part, les crédits disponibles pour le renouvellement de la flotte d'hélicoptères n'ont toujours pas été consommés. D'autre part, le renouvellement de la flotte des Canadair étant à présent achevé, les sommes inscrites à cet effet les années précédentes, environ 100 millions de francs, disparaissent du budget pour 1998.

L'existence de crédits reportés permet de réduire les dotations en loi de finances initiale et de dégager des marges de manoeuvre. Cependant, la manne des crédits reportés n'est pas extensible et se tarira sous peu. Compte tenu de l'inertie des mouvements entre les titres budgétaires, votre rapporteur met en garde contre l'éventualité d'un coup d'arrêt aux dépenses d'investissements lorsque les crédits reportés auront été consommés. Il importe de conserver à l'esprit que la baisse des dépenses d'investissements doit être provisoire, et leur remontée planifiée.

CHAPITRE II :

LES PERSPECTIVES POUR 1998 DES ADMINISTRATIONS CENTRALE ET TERRITORIALE

I. L'EVOLUTION DES CRÉDITS DE L'ADMINISTRATION GENERALE ET DE L'ADMINISTRATION TERRITORIALE

A. LES CRÉDITS DE L'ADMINISTRATION CENTRALE PROGRESSENT

Cet agrégat regroupe :

- les moyens de fonctionnement des services de l'administration centrale et des services centraux délocalisés (hors police et sécurité civile) ;

- les crédits de fonctionnement consacrés à l'action sociale et à la formation (hors police), aux cultes, aux contentieux, aux élections et à la recherche.

Les crédits de l'administration centrale s'établissent à 16,8 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour 1998, en progression de 11,1 %. Le montant de ces crédits comme leur taux de progression sont trompeurs. En effet, 85 % des sommes concernées échappent au contrôle du ministère de l'intérieur, et l'augmentation n'est plus de 3,4 % une fois retranchées les dépenses électorales.

1. Le poids écrasant des charges de pensions

Les crédits de l'administration générale sont composés à plus de 70 % par les sommes consacrées à la " Participation du ministère de l'intérieur aux charges du fonds spécial des ouvriers de l'Etat " et à la " Participation aux charges de pensions ". Ces crédits, qui figurent aux chapitres 32-92 et 32-97, sont respectivement dotés de 61,3 millions et 13 milliards de francs. Ils correspondent à la part patronale du ministère de l'intérieur pour le financement des retraites de ses fonctionnaires.

Ces crédits ne font que transiter par le ministère de l'intérieur et sont, chaque année, transférés en début d'exercice vers le budget des charges communes.

2. L'augmentation inévitable des dépenses électorales

Les crédits servant à financer les consultations électorales sont inscrits au budget de l'administration centrale du ministère de l'intérieur. Par conséquent, la courbe de l'évolution du chapitre 37-61 est accidentée et dessinée par le calendrier électoral.

Le projet de loi de finances pour 1997 avait inscrit 25 millions de francs à ce chapitre, de manière à financer les élections partielles. Les élections législatives anticipées ont été en partie financées par 495 millions de francs ouverts par le décret d'avances du mois de juillet 1997, et figureront dans le projet de loi de finances rectificative pour 1997 qui sera discuté au Parlement au mois de décembre 1997.

A l'inverse de 1997, 1998 sera une année électorale chargée. Par conséquent, le projet de loi de finances a inscrit 1,3 milliards de francs au chapitre 37-61. Cette enveloppe servira à financer :

- le solde des élections législatives générales de 1997 pour 230 millions de francs ;

- les élections sénatoriales générales pour 13 millions de francs ;

- les élections cantonales générales pour 427 millions de francs ;

- les élections régionales générales pour 554 millions de francs ;

- les élections partielles pour 36 millions de francs ;

- les dépenses communes aux différents scrutins pour 40 millions de francs.

Le passage de 25 millions à 1,3 milliards de francs des dépenses électorales permet aux crédits de la sécurité d'afficher une progression de 3,6 %. Hors dépenses électorales, ce taux n'est plus que de 1,06 %

3. Une évolution des crédits plutôt favorable

Une fois retranchées les sommes commentées ci-dessus, les crédits de l'administration générale s'élèvent à 2,55 milliards de francs, soit 5 % du total des crédits de la sécurité.

Hors dépenses électorales, ils augmentent de 3,4 % par rapport à 1997. Ce taux est supérieur à celui de la progression des dépenses du ministère de l'intérieur (hors élection), qui est de 1,06 %

a) Les dépenses de personnel

Les dépenses de personnel (rémunérations et indemnités) augmentent de 2,4 %, passant de 825,3 à 855,4  millions de francs.

Cette augmentation est principalement liée à la revalorisation des régimes indemnitaires. le chapitre 31-02 " Administration centrale et services techniques communs " progresse en effet de 10,2 % pour s'établir à 162,2 millions de francs. Au sein de ce chapitre, la plus forte augmentation est celle des services de transmissions.

Les effectifs de l'administration générale seront réduits de 39 unités en 1998. En effet, les 42 créations d'emplois (dont 5 ingénieurs et 1 inspecteur général) s'accompagnent de 81 suppressions (dont 75 agents administratifs de 2ème classe).

b) Les dépenses de fonctionnement

Outre les dépenses électorales, les dépenses de fonctionnement de l'administration générale comprennent :

- les " Frais de contentieux " (chapitre 37-91) qui, s'élèvent à 451,3 millions de francs. Le montant important de cette enveloppe (il est supérieur à celui des moyens de fonctionnement globalisés) sert à financer les dépenses liées au refus de concours de la force publique pour l'exécution des décisions de justice pour environ 300 millions de francs par an, et les dépenses de réparation des dommages imputables à des attroupements ou rassemblements pour de 100 millions de francs par an.

- les " Dépenses informatiques " (chapitre 34-82) qui s'élèvent à 20 millions de francs ;

- les " Frais de réception et de voyages exceptionnels " (chapitre 34-03) pour 17,5 millions de francs ;

- les " Etudes générales " (chapitre 34-98) de l'administration centrale et de la direction générale des collectivités locales pour 4,4 millions de francs ;

- le chapitre 34-01 des moyens de fonctionnement globalisés, qui s'établit à 352,8 millions de francs et connaît une progression de 25 %, soit 70 millions de francs. Cette hausse s'explique par un double mouvement : d'une part, une économie de 20 millions de francs sur l'ensemble des articles et, d'autre part, l'inscription d'un nouvel article 93 " Remboursement à France Télécom : plan d'apurement de la dette " doté de 90 millions de francs.

- les interventions du titre IV (chapitre 41-51) servent à financer les subventions aux administrations des cultes d'Alsace et de Lorraine à hauteur de 5,9 millions de francs.

c) Les dépenses d'investissement

Regroupées au titre V, les dépenses d'investissement de l'administration générale rassemblent :

- les dépenses de recherche scientifique et technique du chapitre 57-09, qui n'était pas doté en 1997, et qui reçoit 2,5 millions de francs en 1998 ;

- les dépenses d'équipement immobilier, qui diminuent en crédits de paiement, passant de 66,5 à 37 millions de francs et augmentent en autorisations de programme de 19 à 38 millions de francs.

- les dépenses d'équipement informatique qui augmentent en crédit de paiement de 18 à 26,5 millions de francs et, contrairement à 1997, sont dotées de 17 millions de francs en autorisation de programme.

B. LES CREDITS DE L'ADMINISTRATION TERRITORIALE DIMINUENT

L'agrégat de l'administration territoriale regroupe l'ensemble des moyens de fonctionnement et d'investissement consacrés aux préfectures, sous préfectures, secrétariats généraux pour l'administration régionale (SGAR), états-majors de zones de sécurité civile (EMZ) et secrétariats généraux des zones de défenses (SGZD). Ces crédits sont déconcentrés à 90 %.

Sa dotation dans le projet de loi de finances pour 1998 s'établit à 6,16 milliards de francs, en baisse de 2,7 %. Cette baisse résulte de la diminution des crédits de deux chapitres :

- les dépenses de fonctionnement et d'entretien des préfectures (chapitre 37-10) qui diminuent de 59,6 millions de francs ;

- les dépenses d'équipement immobilier (chapitre 57-40) qui baissent de 115 millions de francs.

1. Les dépenses de personnel

Elles conservent leur position dominante au sein des crédits de l'administration territoriale avec 67 % du total des dépenses.

Les rémunérations (chapitre 31-11) augmentent de 0,77 %, soit 27 millions de francs et s'établissent à 3,4 milliards de francs. les indemnités passent de 512,2 à 511,2 millions de francs.

Le ministre de l'intérieur a expliqué devant votre commission des finances que " le projet de budget dégage les moyens nécessaires (6,6 MF) pour rendre plus équitable le régime indemnitaire des personnels en harmonisant les indemnités, et mieux prendre en compte les qualifications et les sujétions de certains postes ". Il a justifié cette démarche par la nécessité de réduire les écarts de traitement entre les agents territoriaux de l'Etat et les fonctionnaires des collectivités locales.

Votre rapporteur ne trouve pas de trace de ce mouvement louable dans les documents budgétaires. Au contraire, il constate que les chapitres concernés font l'objet de mesures nouvelles négatives. Il a cependant reçu l'assurance que l'effort indemnitaire en faveur des personnels des préfectures serait effectif en 1998, et gagé par des suppressions d'emplois budgétaires non pourvus, notamment dans l'administration des cultes.

S'agissant des effectifs, l'année 1998 sera marquée par la création de 40 postes d'attachés, gagées par des suppressions d'emplois de catégorie C. La suppression de 10 postes de sous-préfets non pourvus s'inscrit également dans ce mouvement de constitution de gages afin de pouvoir procéder à des réformes sans accroître la dépense budgétaire.

2. La baisse apparente des dépenses de fonctionnement des préfectures

La baisse des crédits de l'administration territoriale provient en grande partie de celle des " Dépenses d'entretien et de fonctionnement " du chapitre 37-10, qui regroupe de manière globalisée les moyens de fonctionnement des préfectures. Les crédits de ce chapitre s'établissent à 1,67 milliards de francs, soit 27% des dépenses d'administration territoriale.

Ce chapitre diminue de près de 60 millions de francs, soit 3,4% par rapport à la dotation pour 1997. La baisse ne conduira pas à une contraction des moyens des préfectures car elle intervient après une progression importante en 1997, provoquée par le transfert sur le chapitre 37-10 d'une enveloppe de 220 millions de francs, destinée à compenser le coût de la suppression de la franchise postale pour le courrier interadministratif. Cette enveloppe s'est avérée supérieure aux besoins, ce qui a permis de réaliser des économies sur ce chapitre en 1998.

3. Les dépenses informatiques

Le ministre de l'intérieur a annoncé devant votre commission des finances qu'" en matière informatique, le projet de budget préserve le financement des projets nouveaux à la même hauteur qu'en 1997, donc aux alentours de 25 MF ".

Les documents budgétaires indiquent que les dépenses de fonctionnement du titre III consacrées à l'informatique s'établissent à 238,3 millions de francs, en baisse de 16,6 millions de francs. S'agissant des dépenses d'équipement informatique du titre V, les préfectures ne seront pas dotées en 1998.

II. LES PRINCIPALES ORIENTATIONS POUR 1998

A. UNE EVOLUTION DES MISSIONS

Le ministre de l'intérieur a annoncé, sans toutefois préciser selon quelles modalités, son intention de recentrer l'administration centrale sur les fonctions de conception, en la déchargeant le plus possible des tâches de réalisation.

Il a également fait part de sa volonté de renforcer l'administration centrale dans deux domaines :

- la fonction étude, recherche et perspectives, à travers la création d'un centre d'études et de prospective ;

- la capacité des services en matière d'action internationale, à travers la création d'une délégation aux affaires internationales, qui sera chargée de renforcer la cohérence de l'action des services du ministère. La création de cette délégation intervient parallèlement à la mise en place d'EUROPOL. En effet, le projet de loi autorisant la ratification de la convention sur la base de l'article K3 du traité sur l'Union européenne portant création d'un Office européen de police a été adopté par l'Assemblée nationale, après l'avoir été par le Sénat. EUROPOL sera une structure intergouvernementale, ce qui explique que les Etats membres se dotent de structures permettant d'en contrôler l'activité.

B. LA POURSUITE DE LA MAITRISE DES DEPENSES

1. Le processus d'apurement progressif de la dette du ministère de l'intérieur

La situation du ministère de l'intérieur vis-à-vis de ses créanciers s'est fortement améliorée depuis 1993, et les dettes à l'égard de la RATP et de la SNCF ont été apurées.

a) La mise en oeuvre d'un plan de remboursement de la dette à l'égard de France Télécom

Le remboursement de la dette

Le budget de la sécurité pour 1998 prévoit que 90 millions de francs seront consacrés à la première tranche du remboursement progressif de la dette du ministère de l'intérieur à l'égard de France Télécom.

Le montant de cette première tranche peut paraître modeste au regard du montant total de la dette, qui s'élève à 1 milliard de francs. Cependant, la moitié a été contractée avant 1992, avant le changement de statut de France Télécom, et correspond à une écriture comptable entre deux entités publiques. En outre, la volonté manifestée par France Télécom depuis 1992 de recouvrer sa dette au plus vite s'explique par son souhait de valoriser ses actifs en vue de la privatisation. Par conséquent, le ministère de l'intérieur a considéré que, compte tenu des contraintes budgétaires qui s'imposent à lui, le montant de la première tranche était suffisant. L'entreprise France Télécom s'est d'ailleurs ralliée à ce point de vue.

La stabilisation de la dette

La mise en oeuvre du plan de remboursement intervient après cinq année de stabilisation de son montant. Ce progrès a été réalisé grâce à une action volontariste du ministre de l'intérieur de 1994 qui a obtenu la globalisation des dépenses de fonctionnement téléphonique et la suppression de 30 % des lignes directes afin de parvenir à une réduction de 15 % des dépenses de l'administration centrale.

En outre, le ministère de l'intérieur a signé en 1995 une convention avec France Télécom imposant des délais de paiements contraignants sous peine de restrictions de service. Une convention propre aux services d'administration centrale est sur le point d'être signée.

Le ministère de l'intérieur a aligné son régime sur le régime de droit commun des abonnés de France Télécom et a mis fin aux accords qui le conduisaient à prendre en charge les dépenses téléphoniques de certaines associations.

b) La dette à l'égard de l'imprimerie nationale

Cette dette se résorbe peu à peu. Elle est due à des commandes d'imprimés fiduciaires passées par le préfectures avant la déconcentration et la globalisation des crédits (66,83 millions de francs), et par la préfecture de police (3,76 millions de francs).

Une convention prévoyant l'étalement du règlement de l'intégralité de la dette en sept ans est en passe d'être signée avec l'imprimerie nationale.

c) La dette à l'égard du ministère de la Défense

Cette dette provient de la fourniture par le ministère de la Défense du carburant des aéronefs de la sécurité civile.

La direction de la sécurité civile a élaboré un protocole avec le service des essences des armées qui a conduit, depuis juin 1996, à ramener la dette de 46,5 millions de francs à 21,9 millions en décembre 1996. Le solde restant en décembre 1997 est estimé à 12,6 millions de francs.

2. La limitation des dépenses de loyers

Le ministère de l'intérieur loue 38 % des immeubles qu'il occupe, ce qui représente 17 % de la superficie dont il dispose. Les dépenses relatives au paiement des loyers figurent, dans les crédits de l'administration générale, au chapitre 34-01 des moyens de fonctionnement globalisés. Les loyers eux mêmes s'élèveront à 99,47 millions de francs en 1998 et les charges communes à 39 millions de francs. Ces deux montants diminuent de 0,1 % par rapport à 1997.

L'augmentation des loyers a été endiguée par une politique de renégociation des baux et d'analyse systématique des implantations existantes.

C. LE SOUTIEN PSYCHOLOGIQUE ET MEDICAL DES POLICIERS

a) Les mesures nouvelles dans le budget pour 1998

Par convention, les dépenses d'action sociale du ministère de l'intérieur figurent aux crédits de l'administration générale.

En 1998, 25 millions de francs seront consacrés au suivi médical des policiers afin de respecter la règle d'une visite médicale tous les trois ans. 10 millions à la distribution de repas chauds et équilibrés dans les services aux horaires décalés.

En outre, 10 psychologues, un par SGAP, seront recrutés pour répondre aux besoins croissants qui sont progressivement mis à jour aussi bien au travers de tragédies telles que la vague d'attentats de 1996 ou les suicides de fonctionnaires que par les conditions de travail difficiles des policiers. L'ambition du ministère est de parvenir à la conclusion de conventions dans les départements entre les services de police et les hôpitaux ou les médecins libéraux dans le but de couvrir au plus près les besoins du terrain.

b) Les dispositifs en place

Le ministère favorise la sensibilité de la hiérarchie policière à l'approche psychologique des difficultés rencontrés par les fonctionnaires dans l'exercice de leur métier.

Des stages sont prévus à cet effet au centre de formation des formateurs de Clermont-Ferrand et à l'école nationale supérieure de police de Saint-Cyr-au-Mont-d'Or. Les autorités départementales peuvent demander aux commissaires et aux commandants de suivre des formations à l'accompagnement des fonctionnaires en difficulté, notamment en cas de suicide. Des bilans d'analyse (les " débriefings ") sont organisés dans les services à la suite d'événements particuliers, notamment en cas d'actes violents ou de stress lié à la garde de points sensibles ou à la vie à l'étranger.

Un réseau de soutien se met en place avec les assistantes sociales du ministère, les psychologues qui seront recrutés l'année prochaine et des professionnels extérieurs. A la suite du plan VIGIPIRATE, une permanence psychologique a été installée afin de répondre dans l'urgence, 24 heures sur 24, aux difficultés liées à des attentats.

En 1998, votre rapporteur se propose de procéder à une mission de contrôle des moyens dont dispose la police pour l'action sociale et le soutien psychologique en faveur des fonctionnaires.

CHAPITRE III :

LES CREDITS DE LA POLICE NATIONALE

I. L'EVOLUTION DES CREDITS DANS LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1998

Les crédits de la police nationale s'établissent à 28,28 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour 1998, en hausse de 1,12 %.

Le ministère de l'intérieur n'évalue plus l'évolution de ses crédits à l'aune de la loi d'orientation pour la sécurité de 1995. En effet, le ministère des finances n'a jamais considéré les dispositions de cette loi comme impératives, et le retard accumulé par rapport aux objectifs budgétaires est de deux à trois ans. Un bilan de la mise en oeuvre de la loi figure dans l'avis présenté par notre collègue Paul Masson au nom de la commission des lois.

Evolution des crédits de la police nationale en 1998

1997

1998

Volume

%

Dépenses ordinaires

27.063

27.434

371

1 %

1. Personnel

23.111

23.617

506

2 %

2. Fonctionnement, dont :

3.951

3.816

- 135

- 3 %

Fonctionnement globalisé (34-41)

3.577

3.483

- 94

- 3 %

Informatique (34-82)

286

244

- 42

- 15 %

Autres

88

89

1

1 %

Dépenses en capital

902,5

848,7

- 53,8

- 6 %

1. Immobilier

398,5

377,5

- 21

- 5 %

2. Equipement lourd

75

75

0

0 %

3. ACROPOL et transmissions

273

267

- 6

- 2 %

4. Logement social des policiers

129

129

0

0 %

TOTAL

27.966

28.282

316

1 %

La part relative des trois grands postes de dépense évolue en 1998 en faveur des dépenses de personnel, qui passent de 82,6 % à 83,5 % tandis que les dépenses de fonctionnement baissent de 14,1 à 13,4 et les dépenses d'investissement sont ramenées de 3,2 % à 2,9.

A. LA PRIORITÉ AUX DEPENSES DE PERSONNEL

Les dépenses de personnel représentent 83,5 % des crédits de la police nationale. Elles augmentent de 2,1 % par rapport à 1997 et s'établissent à 23,6 milliards de francs, soit 506 millions de plus qu'en 1997.

Trois facteurs expliquent les évolutions constatées en 1997 :

- la valeur du point de la fonction publique, qui a été revalorisé de 1 % en 1997. Le vieillissement de la pyramide des âges renchérit le coût budgétaire de cette revalorisation ;

- les évolutions des régimes indemnitaires ;

- les mouvements des effectifs.

1. La revalorisation des régimes indemnitaires

Les " Indemnités et allocations diverses " de la police nationale figurent au chapitre 31-42 du fascicule budgétaire. Elles progressent de 271,6 millions de francs par rapport à 1997, soit 5,5%, et s'établissent à 5,16 milliards de francs. Quatre mesures expliquent cette évolution favorable.

La réforme des " Frais de police ". Les frais de police sont une enveloppe, dont le montant s'élevait en 1997 à 157 millions de francs, inscrite au chapitre 34-41 des moyens de fonctionnement globalisés et qui permet principalement de verser des indemnités aux inspecteurs de police. La fusion des corps des inspecteurs et des officiers de paix (dont les indemnités sont versées sous la forme d'une prime de commandement) a conduit à la nécessité d'harmoniser les régimes indemnitaires applicables à ces personnels afin de permettre la fluidité des carrières au sein de ce nouveau corps. A cet effet, 135,7 millions de francs sont transférés du chapitre 34-41 vers l'article 10 " Personnels actifs " du chapitre 31-42.

L'année 1998 sera celle du versement de la dernière tranche de l'extension du complément de l'indemnité spécifique aux personnels du SGAP de Paris soumis à des sujétions exceptionnelles aux fonctionnaires du SGAP de Versailles. Le coût de cette mesure est de 12,15 millions de francs.

Le régime indemnitaire des attachés de police, corps créé par la loi d'orientation de 1995, bénéficie d'une mesure globale de 400 000 francs afin d'accroître son attractivité.

L'allocation de service perçue par le corps de conception et de direction, qui correspond aux anciennes vacations funéraires, est en principe financée par fonds de concours. Cependant, le recours par les huissiers aux officiers de police diminue d'année en année, et un complément budgétaire est nécessaire pour financer cette allocation. En 1998, le complément sera de 65 millions de francs.

2. L'évolution des effectifs

Le projet de loi de finances indique que 611 emplois budgétaires seront supprimés en 1998. Le ministère de l'intérieur fournit le détail de cette évolution. D'une part, 500 emplois de policiers auxiliaires jamais pourvus seront supprimés, ainsi que 183 emplois administratifs gelés. D'autre part, 70 attachés de police seront recrutés pour décharger les policiers de certaines tâches administratives, de même que 10 psychologues et 5 ingénieurs.

Parallèlement, le repyramidage des effectifs prévu par la réforme des corps et des carrières se poursuit et conduit à la transformation de 664 emplois relevant des deux corps les plus élevés en 664 emplois de maîtrise et d'application.

Ces évolutions ont un impact sur la structure des rémunérations, mais sont gagées. En revanche, la rémunération des 8.250 adjoints de sécurité dont le recrutement est prévu en 1998 entraîne la création d'un chapitre budgétaire nouveau, le chapitre 31-96 " Emplois de proximité. Dépenses de personnel ", doté de 117,15 millions de francs.

B. LES DEPENSES DE FONCTIONNEMENT PRESERVÉES

Les dépenses de fonctionnement constituent la variable d'ajustement du budget de la police nationale. En effet, compte tenu de la structure de son budget et de l'importance des facteurs humains dans l'activité policière, le ministère de l'intérieur privilégie les mesures en faveur des personnels. Les dépenses d'investissement viennent au deuxième rang des priorités.

Les dépenses de fonctionnement diminuent de 3,4 % dans le projet de loi de finances pour 1998, passant de 3,95 à 3,81 milliards de francs. En réalité, la baisse est sans doute moins importante, même si elle est difficile à chiffrer.

1. La diminution apparente des moyens de fonctionnement globalisés

a) L'enveloppe opaque des crédits de fonctionnement globalisés

Les moyens de fonctionnement globalisés de la police nationale (chapitre 34-41) accusent une baisse de 94 millions de francs pour s'établir à 3,48 milliards de francs. Cette baisse s'explique par le transfert de 135,7 millions de francs de " Frais de police " vers le chapitre 31-42 des indemnités.

Il serait cependant hâtif de conclure que, à structure constante, ces crédits augmentent en réalité d'environ 40 millions de francs. En effet, ce chapitre accueille un nouvel article 80 " Emplois de proximité ", auquel sont inscrites les dépenses de fonctionnement des adjoints de sécurité. Cet article est doté de 113 millions de francs, dont 87,5 de mesures nouvelles et 25,5 financés par économies interne. Par conséquent, en tenant compte des économies réalisées au profit des adjoints, le surplus n'est plus que de 15 millions de francs.

Il est difficile d'aller plus loin dans l'analyse, et donc de déterminer avec certitude si les moyens de fonctionnement de la police nationale vont augmenter en 1998, car les documents budgétaires transmis par le ministère des finances comportent une répartition arbitraire des crédits entre les différents articles. Le ministère de l'intérieur n'est pas en mesure de fournir la véritable ventilation des crédits entre les différents services de la police nationale (CRS, police judiciaire, renseignements généraux, etc.) car celle-ci est établie en début d'exercice par un " programme d'emploi des crédits " décidé par le ministre.

Votre rapporteur déplore que le Parlement ait à se prononcer sur une enveloppe de 3,5 milliards de francs sans savoir quelle affectation va être donnée à ces crédits, et sans pouvoir déterminer avec certitude le sens de leur évolution. Il semble néanmoins que l'enveloppe reste insuffisante au regard des besoins car, selon les informations recueillies par votre rapporteur, aucune mesure nouvelle n'est prévue pour financer l'augmentation du prix de l'essence et le coût pour la police nationale de la surveillance de la coupe du monde de football, évalué à 50 millions de francs.

b) La globalisation des crédits se poursuit

Le processus de globalisation des dépenses de fonctionnement, initié dans le cadre de la réforme de l'Etat, permet plus de souplesse dans la gestion des enveloppes et une responsabilisation des services. Toutefois, il limite le contrôle du Parlement sur l'affectation des crédits.

L'année 1998 marque une nouvelle étape dans la modernisation de la présentation budgétaire avec l'inscription au chapitre 34-41 d'un nouvel article 70 " Secrétariats généraux pour l'administration de la police " qui permettra de différencier les crédits restant gérés par l'administration centrale de ceux, déconcentrés, qui sont appelés à devenir la règle et seront inscrits à l'article 70.

2. La politique du ministère de l'intérieur en matière informatique

a) Les dépenses d'informatique et de télématique diminuent

Les dépenses d'informatique et de télématique, qui s'établissent à 244,5 millions de francs, connaissent une réduction de 42 millions de francs, soit 14,6 %.

Les crédits affectés aux transmissions et aux grands programmes du ministère de l'intérieur progressent mais, du fait de la forte révision des services votés qui intervient chaque année en matière de dépenses informatiques, les dépenses de fonctionnement courant de l'informatique de la police nationale diminuent de 70%, de 222 à 156 millions de francs. Il n'est pas exclu que, du fait de la globalisation en cours, cette forte réduction s'explique par un transfert de crédits vers les moyens de fonctionnement globalisés. L'opacité de la répartition des crédits à l'intérieur du chapitre 34-41 interdit de l'affirmer avec certitude.

b) L'informatique et les transmissions

Les grands programmes informatiques

Aujourd'hui, la présentation du fascicule budgétaire ne sépare pas les dépenses d'entretien et les dépenses de renouvellement ou de programmes, et par conséquent ne distingue pas entre les crédits affectés à l'un ou l'autre des grands programmes (à l'exception des dépenses liées aux accords de Schengen). Le nouveau schéma directeur pour la période 1999-2003, qui va être établi au cours de l'année 1998, devrait prendre en compte ces évolutions.

Le ministère de l'intérieur développe principalement trois grands programmes informatiques :

- le système de traitement de l'information criminelle (STIC), qui regroupera l'intégralité des fichiers judiciaires de la Police nationale. Le coût total de cette opération est estimé par la direction de la programmation, des affaires financières et immobilières à 150 millions de francs sur la période 1994-2001. En 1998, il bénéficiera de 18,39 millions de francs.

Le STIC est appelé à remplacer le mode de fonctionnement actuel au sujet duquel la loi d'orientation et de programmation de 1995 indiquait que " les services de documentation criminelle régionaux et centraux exploitent de nombreux fichiers manuels, non exhaustifs et qui ne répondent pas aux besoins des enquêteurs des services de la police ou de la gendarmerie : absence d'un fichier des antécédents des malfaiteurs, fichier de recherches criminelles obsolète et peu disponible, système de collecte de la statistique non satisfaisant, gestion manuelle des archives criminelles ".

- le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED), qui est un outil à la disposition des policiers afin de permettre l'identification de personnes mises en cause dans le cadre de procédures judiciaires. Il est commun à la police nationale et à la gendarmerie nationale. Son coût est estimé à 400 millions de francs pour la période 1992-2000. En 1998, il sera doté de 23 millions de francs.

- le système d'information Schengen (SIS) est le seul grand programme à faire l'objet d'un article dans le fascicule budgétaire. Sa dotation pour 1998 s'établit à 23,7 millions de francs et augmente de 65 % par rapport à la loi de finances pour 1998. Les dépenses au titre du SIS résulte d'une quote-part dont le montant est décidé au niveau européen. Selon les informations recueillies par votre rapporteur, le ministre de l'intérieur a décidé d'être attentif à l'augmentation non maîtrisée des versements au titre de Schengen ou d'Europol, ainsi qu'à leur utilisation.

L'effort en faveur des transmissions

Le développement limité du système de transmission numérique ACROPOL sur le territoire conduit à la nécessité d'entretenir les équipements analogiques existants.

Le budget pour 1998 accroît de 75% ces dépenses, qui s'élèvent à 34 millions de francs.

C. LES DEPENSES D'EQUIPEMENT AJUSTÉES

Les dépenses d'investissement diminuent de 5,9 % en 1998 et s'établissent à 848,73 millions de francs. Elles connaissent une évolution contrastée :

- les crédits de l'équipement immobilier diminuent fortement ;

- les dépenses d'équipement lourd stagnent ;

- les dépenses d'équipement informatique, télématique et de transmission progressent ;

- les dépenses de construction de logement sociaux pour les fonctionnaires baissent budgétairement, mais le recours à des techniques extrabudgétaires aboutit au succès de cette politique.

1. La diminution comptable des crédits immobiliers

L'explication de la baisse substantielle des dépenses d'investissement immobilier a été fournie plus haut. Elle est liée à l'existence de crédits reportés non consommés.

Les crédits de paiement diminuent de 5,2 %, à 377,7 millions de francs. En revanche, les autorisations de programme progressent pour la première fois depuis plusieurs années, et s'élèvent à 601 millions de francs, en progression de 21,7 %. Toutefois, les programmes immobiliers étant élaborés en crédits de paiement, la portée de cette augmentation est symbolique.

Les services votés (209,4 millions de francs) serviront notamment à la construction d'hôtels de police à Lille, à Bordeaux et à Montpellier, à des rénovations lourdes de casernes de CRS, au transport de l'école de Vincennes vers Draveil, ainsi qu'au financement des programmes de location-achat, autorisés par le précédent gouvernement, qui concernent deux sites à Paris et un à Strasbourg.

Les mesures nouvelles (156,2 millions de francs) seront consacrées à la construction de commissariats en zones sensibles. Par ailleurs, le ministre de l'intérieur a annoncé la mise en place d'un plan " Sécurité-proximité 2002 " qui permettra de définir des partenariats avec les collectivités locales pour accélérer la réalisation de ces investissements.

2. L'équipement matériel du ministère de l'intérieur

Les dépenses d'équipement lourd de la police nationale, qui figurent au chapitre 57-50, sont stables et s'établissent à 75 millions de francs en autorisations de programme et en crédits de paiement.

Ils seront prioritairement affectés à l'achat de fourgons de petite taille, qui permettent d'assister les missions de sécurité publique.

3. L'augmentation de l'effort en faveur des transmissions

Le ministère de l'intérieur procède à la mise en place progressive du système de transmission numérique ACROPOL. L'enveloppe réservée à ce programme pour 1998 est insuffisante au regard de l'enjeu de la modernisation des transmissions de la police nationale. Elle augmente néanmoins de 2,8 % en 1998 et passe de 208 à 214 millions de francs.

Les dépenses d'investissement hors ACROPOL s'élèvent à 53 millions de francs. Ce montant correspond à une baisse de 24 %, qui peut s'expliquer par l'inutilité de procéder au renouvellement d'équipements appelés à être remplacés par ACROPOL.

4. Le succès de la politique en faveur du logement social des fonctionnaires de la police nationale

Le projet de loi de finances pour 1998 prévoit de consacrer 129 millions de francs à la construction de logements sociaux pour les policiers. Ces crédits figurent au chapitre 65-51 et diminuent de 17,3 % par rapport à 1997. Contrairement aux apparences, ce dossier constitue une belle réussite en matière de respect des objectifs chiffrés fixés par la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité de 1995.

En effet, la LOPS prévoyait la réalisation de 800 logements par an. Les crédits du chapitre 65-51 " Contribution aux dépenses de construction de logements destinés aux fonctionnaires du ministère " ont permis de réaliser 700 logements en 1995, 430 en 1996 et 550 sont prévus pour 1997, soit un total de 1.680 logements sur trois ans.

Mais, parallèlement, le ministère de l'intérieur a signé un accord avec l'union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI), qui s'engage à louer des appartements à prix préférentiels aux policiers, avec la garantie du ministère. A l'automne 1997, seuls deux incidents de paiement avaient été signalés. Ce système a permis la signature de mille baux. La direction de la programmation, des affaires financières et immobilières étudie des possibilités de généraliser à l'ensemble de la France ce système appliqué uniquement en Ile-de-France.

En additionnant les logements réalisés grâce aux constructions du chapitre 65-51 et ceux réalisés à la suite de l'accord avec l'UNPI, ce sont 2.680 logements nouveaux qui sont à la disposition des policiers, soit 280 de plus que l'objectif de la loi.

II. LES EFFORTS POUR ACCROITRE LA PRESENCE POLICIERE SUR LE TERRAIN

A. LA COUVERTURE POLICIÈRE DU TERRITOIRE

Les effectifs de la police nationale, rapportés au nombre d'habitants, situent la France dans la moyenne basse des pays européens. Avec 369 policiers et gendarmes pour 100.000 habitant, elle atteint un taux comparable à ceux de la Belgique (362), de l'Espagne (361), de la Grèce (390), de l'Italie (349) ou du Portugal (350), mais supérieur à la Grande Bretagne (245) ou aux Pays-Bas (270).

Pourtant, la question de la présence policière a sous-tendu l'ensemble des réflexions relatives à la sécurité depuis la loi d'orientation et de programmation de 1995. L'enjeu pour la police nationale consiste à supprimer les obstacles à l'affectation prioritaire des effectifs sur le terrain en prenant en compte la réalité géographique de l'implantation policière en France, et les évolutions démographique de la pyramide des âges des effectifs.

1. Une carte policière ancienne

a) Des évolutions à la marge

La carte policière a été élaborée au lendemain de la seconde guerre mondiale. Depuis, certaines zone urbaines ont été renforcées, mais les zones rurales en dépeuplement n'ont jamais connu d'aménagement de leurs effectifs. L'évolution des implantations se heurte à la difficulté de fermer des commissariats auxquels les élus et les habitants sont attachés.

Les modifications éventuelles que la police nationale apporte à cette carte relèvent plus de l'adaptation des bureaux (transformation en commissariat divisionnaire, ouverture la nuit, etc.) que de déplacements d'implantations existantes.

b) La répartition des compétences entre la police et la gendarmerie

La question de la répartition des compétences entre la police nationale et la gendarmerie se pose aujourd'hui avec une acuité particulière. En effet, les deux dispositifs se superposent parfois, voire se concurrencent, dans les zones mi-urbaines, mi-rurales, aux confins des grandes agglomérations. De plus, alors que les effectifs de la police de sécurité publique et de la gendarmerie sont proches, la charge de travail repose essentiellement sur la police nationale. Entre 1980 et 1997, les effectifs de la gendarmerie départementale sont passés de 47.655 à 59.499, soit une progression de 24,85 %, tandis que ceux de la police nationale n'ont augmenté que de 19,27 %, passant de 59.359 à 71.014. Ces évolutions sont à mettre en parallèle avec le fait que la police nationale supporte le traitement de 73,2 % de la délinquance globale (63,94 % pour la seule sécurité publique).

La loi d'orientation a entrepris de clarifier la répartition des compétences, mais les dispositions du décret d'application du 19 novembre 1996 ne sont pas de nature à modifier la carte des implantations, car elles supposent un accord préalable du Conseil municipal avant tout changement. En pratique, ce décret n'a conduit qu'à la désétatisation de la couverture de Corte et à l'étatisation de celle de Furiani et de Ville-di-Pietrabugno.

La loi d'orientation a également entrepris de développer la collaboration entre la police et la gendarmerie à travers la mise en place d'un conseil de l'équipement et de la logistique, qui est un organe de réflexion et de proposition en matière de coordination des recherches sur les équipements et les matériels. Selon les informations recueillies par votre rapporteur auprès de la direction de la police nationale, ce conseil fonctionne bien.

Le ministre de l'intérieur a confié une mission relative aux relations entre la police nationale et la gendarmerie à MM. Roland Carraz, député, et Jean-Jacques Hyest, sénateur. Leurs conclusions seront rendues au printemps de 1998.

2. L'évolution démographique défavorable de la police nationale

Les départs annuels en retraite au sein de la police nationale augmenteraient de 123 % entre 1995 et 2003, passant de 2.298 à 5.133. Une fois ce cap franchi, le nombre de départs devrait décroître progressivement.

Les recrutements annuels dans la police nationale compensent tous les départs en retraite. Toutefois, les nouveaux policiers suivent une formation d'un an avant d'être affectés sur la voie publique. Ce décalage conduit à priver chaque année la police nationale d'un plus grand nombre de fonctionnaires actifs.

En outre, un départ sur deux est anticipé, souvent du fait des heures supplémentaires accumulées mais jamais rattrapées. Or, les départs à la retraite anticipés ne sont pas forcément remplacés la même année en termes d'effectifs budgétaires.

3. Les instruments de la visibilité policière

L'efficacité d'une politique de sécurité repose sur la visibilité de ses actions, qui contribue à résorber le sentiment d'insécurité des citoyens. Cette fonction est assurée de plusieurs manières :

L'îlotage symbolise la présence policière sur le terrain. Le renforcement de son efficacité a été obtenu depuis 1994 en le revalorisant. Les îlotiers participent à la police judiciaire de proximité, en procédant à la collecte d'indices, et aux opérations de prévention de la délinquance. Leur activité s'est modernisée avec l'apparition d'équipes circulant en vélos tout terrain. En 1997, les effectifs des îlotiers s'établissaient à 3.814, auxquels s'ajoutent 2.348 policiers auxiliaires. Parmi les 2.472 îlots, 429 sont situés en zones urbaines sensibles.

Les brigades anti-criminalité ont été implantées dans 13 départements afin de développer les interpellations en flagrant délit sur la voie publique.

Les compagnies départementales et sections d'interventions, les formations motocyclistes urbaines et les brigades cynophiles procèdent à des actions bien identifiées par le public.

B. LE VOLONTARISME DE LA LOI D'ORIENTATION ET DE PROGRAMMATION

La loi d'orientation et de programmation de 1995 a prévu, à l'article 3, que " l'affectation en priorité des personnels de police à des missions concourant directement au maintien ou au renforcement de la sécurité " constituait l'une des quatre orientations permanentes de la politique de sécurité.

A cet effet, elle comporte, d'une part, des mesures explicitement destinées à renforcer la présence policière sur le terrain, et notamment dans les quartiers difficiles, et, d'autre part, des mesures dont le redéploiement des effectifs n'est pas l'unique justification, mais qui concourent à la réalisation de cet objectif.

1. Les objectifs quantifiés

a) Accroître les effectifs administratifs pour décharger les policiers

L'article 5 de la loi d'orientation et de programmation prévoyait " 5000 emplois administratifs et techniques seront créés entre 1995 et 1999 ". Les recrutements envisagés concernaient toutes les catégories d'agents et la réalisation de tâches très diverses (secrétaires administratifs, agents techniques de laboratoire, etc.)

Cette disposition n'a pas été entièrement appliquée, et seuls 1.200 emplois ont été créés. Parmi ces emplois, les deux tiers ont donné lieu à des réaffectations à des tâches de sécurité. La direction de la police nationale a choisi de ne pas réaffecter sur la voie publique les fonctionnaires ayant exercé des fonctions administratives pendant une durée souvent longue. Elle a préféré remplacer des départs à la retraite par les nouveaux emplois administratifs, et concentrer les nouvelles recrues sur les missions de sécurité.

L'application de cette disposition de la loi a eu un effet très positif : la création, le 2 octobre 1995, d'un corps d'agents administratifs de catégorie A, les attachés de police. Ils sont destinés à encadrer la réalisation de tâches administratives et technique de façon à alléger les fonctionnaires de police des activités de gestion, et à compenser la déflation engagée des effectifs de commissaires et d'officiers de police. Ils sont recrutés par la voie des instituts régionaux d'administration (IRA), par concours interne, et par nomination au choix parmi les secrétaires administratifs du ministère.

La montée en puissance progressive du corps des attachés de police, provoquée par l'accroissement des places disponibles à la sortie des IRA et la revalorisation de leur régime indemnitaire dans le projet de loi de finances pour 1998, constitue un progrès important du point de vue de la division du travail entre les fonctionnaires du ministère de l'intérieur, et contribuera à recentrer l'activité du corps de conception et de réalisation sur les missions de sécurité.

b) Redéployer les effectifs

Les différents services du ministère de l'intérieur font des efforts pour permettre l'affectation des policiers à des tâches de sécurité. Ainsi :

- la DICCILEC a réaffecté 35 fonctionnaires à des missions de sécurité ;

- la direction de la sécurité publique a libéré 65 fonctionnaires de leurs tâches administratives ;

- la préfecture de police de Paris a remplacé quatre gardiens de la paix par des agents administratifs qui venaient de lui être affectés.

Ces résultats, partiels, peuvent paraître modeste, mais le fait que de telles données soient disponibles témoigne de l'attachement des autorités du ministère de l'intérieur à la réalisation de l'objectif fixé par la LOPS.

Le pacte de relance pour la ville de 1996 a chiffré les consignes de redéploiements d'effectifs de la LOPS en fixant un objectif de 4.000 fonctionnaires redéployés vers des missions de sécurité publique dans les quartiers sensibles. Un peu plus de mille l'ont été.

c) Les régimes indemnitaires

La loi d'orientation a conduit à modifier certains régimes indemnitaires de façon à orienter les fonctionnaires vers les missions de sécurité :

La réforme de l'allocation de service des commissaires de police

La LOPS a modifié le régime des vacations d'huissiers et des vacations funéraires dont bénéficiaient les commissaires de police car le caractère financièrement avantageux de ces prestations contribuait à les détourner des missions de maintien de l'ordre.

La réforme les a déchargés de l'obligation d'assister personnellement les huissiers et de procéder eux-mêmes aux opérations funéraires. De plus, le versement direct de rémunérations accessoires aux fonctionnaires de police a été interdit, et celles-ci sont dorénavant rattachées au budget du ministère de l'intérieur.

Les avantages financiers procurés par ces vacations ont été maintenus mais " forfaitisés ". Cette évolution a permis de mettre fin à un dysfonctionnement de l'exercice de leur mission par certains commissaires, comme en témoigne la baisse brutale du nombre de vacations d'huissiers.

La création d'une prime de fidélisation en zone difficile

L'indemnité " zone difficile-fidélisation " s'adresse aux fonctionnaires des SGAP de Paris et de Versailles ainsi qu'aux personnels affectés, indépendamment de leur service de rattachement, dans les circonscriptions de sécurité publique de Lyon, Givors, Marseille, Vitrolles, Lille, Roubaix, Tourcoing, Creil, Dreux, Rouen, Le Havre, Amiens et Beauvais.

Elle est attribuée aux fonctionnaires actifs de la police nationale affectés depuis 5 ans au moins dans un secteur considéré comme difficile. Elle concerne environ 35.700 fonctionnaires, pour un coût budgétaire de 170 millions de francs.

2. L'impact des réformes

La loi d'orientation de 1995, en insistant sur la nécessité de redéployer les effectifs, a accéléré la mise en oeuvre de réformes nécessaires au regard de la rationalisation du fonctionnement de la police nationale.

a) La réforme des corps et des carrières

L'objectif principal : donner plus de souplesse et de capacité d'adaptation à la police nationale

La réforme a consisté en la création de trois corps en remplacement des cinq qui existaient antérieurement. Cette nouvelle organisation fait disparaître la distinction entre personnels civils et personnels en tenue. Les trois nouveaux corps sont les suivants :

- le corps de conception et de direction, qui regroupe les commissaires de police) ;

- le corps de commandement et d'encadrement, doté de trois grades de " lieutenant de police ", " capitaine de police " et " commandant de police ", fusionne les anciens corps des inspecteurs et des commandants et officiers ;

- le corps de maîtrise et d'application, qui rassemble les " gardiens de la paix ", les " brigadiers " et les " brigadiers majors ", réunit les anciens corps des enquêteurs et gradés, et des gardiens de la paix.

Cette évolution traduit une revalorisation du métier de policier, comme en témoigne la dérogation au droit commun de la fonction publique qui autorise le ministère de l'intérieur à recruter ses personnels à des niveaux supérieurs (bac+4 pour les commissaires, bac+2 pour les officiers de police et bac pour les gardiens de la paix). Le règlement général de la police national consacre l'unité de la police nationale en comportant, pour la première fois, des dispositions communes pour chacune des catégories de fonctionnaires (actifs, administratifs, techniques et scientifique, et pour les policiers auxiliaires).

L'effet secondaire recherché : l'accroissement des effectifs de terrain par le repyramidage des effectifs

L'application de la réforme des corps et des carrières s'accompagne de transformations d'emploi devant conduire, en dix ans, à une évolution conséquente des effectifs des différents corps :

- les effectifs du corps de conception et de direction doivent être ramenés de 2087 à 1600 ;

- le corps de commandement et d'encadrement doit passer de 17.559 à 12.000 personnes ;

- le corps de maîtrise et d'application doit augmenter parallèlement.

Ce processus de repyramidage au profit du corps de maîtrise et d'application doit conduire à l'augmentation de la présence policière sur la voie publique.

b) La réforme des horaires

L'objectif principal : l'amélioration des conditions de travail des policiers

La réforme des horaires de la police est justifiée par les effets du précédent système sur la santé des fonctionnaires. Le rapport du médecin-chef du ministère de l'intérieur, publié en mars 1996, a mis en évidence le pourcentage élevé de policiers en longue maladie et victimes de syndromes dépressifs.

En outre, le précédent système, dit des " 3/2 " (trois jours de travail, deux jours de repos) conduisait les policiers à travailler 16 heures sur 24, contrevenant ainsi aux dispositions de la directive européenne de 1993.

L'effet secondaire recherché : accroître les effectifs en réduisant le nombre de brigades

Le nouveau système des " 4/2 " (quatre vacations suivies de deux jours de repos) a été lancé le 1er janvier 1997 et est progressivement entré dans les moeurs.

Cette nouvelle répartition des effectifs présente l'avantage, à effectifs constants, de permettre d'accroître la présence effective des fonctionnaires de police. En diminuant le nombre de brigades, plus de fonctionnaires sont disponibles au même moment.

c) Les transferts de compétences

L'objectif principal : clarifier le champ de compétence de la police nationale

La loi d'orientation a considéré que certaines tâches accomplies par des policiers étaient en fait du ressort d'autres administrations. Ces tâches sont les vacations funéraires, la prise en charge de la mise en fourrière des véhicules et la prise en charge des détenus. La loi considérait également que certaines gardes statiques pourraient être remplacées par des mécanismes de vidéosurveillance.

L'effet secondaire recherché : redéployer les effectifs libérés des tâches indues

La mesure n'a pas eu les effets escomptés en termes d'effectifs car elle est restée largement inappliquée.

La question des vacations funéraires a été résolue par la réforme du régime indemnitaire des commissaires de police. Un débat est en cours avec l'administration pénitentiaire s'agissant de la garde des détenus hospitalisés. Les autres points sont restés sans suite.

C. LES ORIENTATIONS DU GOUVERNEMENT EN FAVEUR DE LA POLICE DE PROXIMITE

1. Les emplois pour les jeunes : un surcroît d'effectif et un investissement à long terme

L'opportunité de la création de 350 000 emplois parapublics dans le cadre du plan pour l'emploi des jeunes peut être débattue. Toutefois, la création de 35 000 emplois dans le domaine de la sécurité, dont 20 000 dans la police nationale, constitue une donnée nouvelle de taille pour le ministère de l'intérieur et modifie en profondeur les termes du débat sur le redéploiement des effectifs.

Votre rapporteur considère que si la mise en oeuvre de ce plan est conforme aux intentions affichées par le ministère de l'intérieur, celui-ci peut se révéler très utile à long terme pour la sécurité des Français en général, et le fonctionnement de la police nationale en particulier.

a) Les agents locaux de médiation

Ces emplois relèvent de l'article 1 de la loi pour l'emploi des jeunes et bénéficient donc de contrats de droit privé. Les jeunes seront recrutés par les collectivités locales, les unions HLM ou les grandes entreprises publiques comme la SNCF ou la RATP. Leur rémunération sera assurée à hauteur de 80 % par l'Etat, sur les crédits du budget du ministère de l'emploi et de la solidarité, les 20 % restant étant à la charge de l'employeur.

Les agents de médiation seront recrutés pour assurer des tâches de pacification et de dialogue dans les quartiers. 15.000 recrutements sont prévus.

b) Les adjoints de sécurité

Ils font l'objet de l'article 2 de la loi pour l'emploi des jeunes, qui ajoute un article 36 à la loi du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité (LOPS). Les 20 000 adjoints de sécurité seront recrutés par contrats de droit public conclus pour cinq ans non renouvelables dans des conditions fixées par un arrêté du ministre de l'intérieur du 30 octobre 1997. Les adjoints de sécurité seront rémunérés au SMIC sur la base de 169 heures mensuelles.

Les missions des adjoints de sécurité

Elles font l'objet du décret d'application n°97-1007 du 30 octobre 1997. Les adjoints, qui devront permettre de faire face aux besoins non satisfaits, seront affectés à des tâches de surveillance (îlotage), de développement des relations de la police avec les autres services publics, d'amélioration de l'accès des populations à la police, de soutien aux victimes et d'aide à l'intégration.

Ils seront choisis dans leur département d'origine, à l'image des quartiers, afin de redonner confiance dans l'institution. Ils suivront une formation de deux mois composée de six semaines dans un établissement de formation et de deux semaines dans un service actif du département d'affectation. Ils seront armés, mais devront réintégrer leur arme et les munitions à l'issue de leur service quotidien.

La direction générale de la police nationale estime que les adjoints de sécurité ne pourront constituer plus du quart des effectifs d'un commissariat. En effet, les adjoints n'ont aucune qualification judiciaire et devront toujours être encadrés par des actifs. Au delà d'une certaine capacité d'absorption, leur présence ne constituerait plus un renfort mais une gène.

Compte tenu de la nécessité d'encadrer les adjoints de sécurité et de la limitation de leurs attributions, votre rapporteur souhaite que leur création s'accompagne de la poursuite de la politique de redéploiement d'effectifs initiée par le pacte de relance pour la ville.

Le coût pour le ministère de l'intérieur du recrutement de 8.250 adjoints de sécurité en 1997 et 98, provient de :

- la prise en charge de 20 % des rémunérations. A cet effet, 117 millions de francs ont été ouverts au nouveau chapitre 31-96.

- la prise en charge de 100 % des dépenses de fonctionnement, qui s'établissent à 113 millions de francs, dont 87,5 sont financés par une dotation supplémentaire et 25,5 par économies internes.

- le recrutement des adjoints de sécurité entraîne indirectement des dépenses d'immobilier. Ainsi, un nouveau centre de formation en Normandie leur sera dévolu. Par ailleurs, les 156,26 millions de francs de mesures nouvelles figurant au chapitre des investissements immobiliers de la police nationale seront en priorité consacrés à des constructions en zones sensibles.

c) Un investissement à long terme

La direction de la police nationale considère le recrutement des adjoints de sécurité comme un investissement à long terme pour trois raisons :

- il fournira des candidats de qualité aux concours de recrutement de la police nationale, qui ouvriront un nombre important de postes dans les années à venir du fait de l'évolution de la pyramide des âges ;

- il permettra d'orienter vers les polices municipales et les métiers de la sécurité des individus formés aux méthodes et à la déontologie de la police nationale, limitant ainsi les risque de dérapages ;

- il compensera de manière avantageuse la disparition progressive, du fait de la suppression du service national, des policiers auxiliaires.

2. L'évolution du cadre juridique

a) Les instruments à la disposition des acteurs locaux

Les contrats locaux de sécurité constitueront l'ossature de la politique de sécurité de proximité. Conclus entre le préfet et les collectivités locales, ils devront comporter des mesures concrètes de lutte contre l'insécurité, en s'inspirant le cas échéant des travaux des conseils communaux de prévention de la délinquance.

La géographie des contrats doit s'adapter aux réalités locales. Ils peuvent concerner un quartier, une commune ou plusieurs communes.

L'articulation de ces contrats avec les dispositifs locaux existants devra être précisée. Le ministre de l'intérieur a d'ailleurs annoncé devant votre commission des finances une réforme des conseils communaux de prévention de la délinquance, qu'il entend " redynamiser ".

b) Le conseil de la sécurité intérieure

Un conseil de sécurité intérieure a été créé par le décret n°97-1052 du 18 novembre 1997. Cet organe " définit les orientations générales de la politique de sécurité intérieure. Il veille à la coordination de l'action des ministères et de la mise en oeuvre de leurs moyens en matière de sécurité ".

Le conseil est composé, sous la présidence du Premier ministre, du ministre de l'intérieur, du ministre de la défense, du garde des sceaux, du ministre de la justice et du ministre chargé des douanes. D'autres ministres peuvent être appelé à y siéger, en fonction des questions inscrites à son ordre du jour.

Le conseil s'est réuni pour la première fois au mois de novembre 1997, et a décidé de la création d'une instance de régulation de la police nationale.

c) Les futurs projets de loi

Le ministre de l'intérieur a annoncé le dépôt au Parlement de projets de loi relatifs aux polices municipales et aux sociétés privées de surveillance. Leur discussion devrait intervenir au mieux au mois de mai 1998, sinon à l'automne.

III. L'ENJEU DU DEVELOPPEMENT DU PROGRAMME ACROPOL

ACROPOL est un système de transmission numérique que la police nationale a commencé à développer en 1993.

Il équipe la police nationale dans trois départements de la région Rhône-Alpes, le Rhône, la Loire et l'Isère, et trois départements de la région Picardie, la Somme, l'Aisne et l'Oise. Votre rapporteur a effectué le 29 septembre 1997 une mission de contrôle sur pièce et sur place de la mise en oeuvre du réseau dans cette région. ACROPOL sera opérationnel dans le département de la Seine-Saint-Denis à l'occasion de la coupe du monde de football de 1998.

A. ACROPOL REPOND AUX FAIBLESSES DES EQUIPEMENTS ACTUELS

1. L'obsolescence des systèmes de transmission analogiques

a) Des équipements vétustes

Les systèmes de transmission analogiques qui équipent la police nationale dans la grande majorité des départements ont été installés dans les annéessoixante-dix. Ces équipements sont maintenant technologiquement dépassés. La direction de la police nationale estime que 80 % du matériel est en dehors des normes de maintenance. Certaines pièces de rechange sont introuvables sur le marché et la maintenance n'est assuré que par la " cannibalisation " des équipements remplacés par ACROPOL.

L'entretien du parc radio existant a un coût budgétaire non négligeable, évalué à 34 millions de francs en 1998. En outre, certains matériels défectueux doivent être remplacés. L'enveloppe consacrée à ces dépenses décroît à mesure qu'ACROPOL s'étend. Elle s'élèvera à 53 millions de francs en 1998, contre 65 en 1997 et 70 en 1996.

Cet effort résulte notamment de dispositions contenues dans la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité du 21 janvier 1995. En effet, les policiers français étaient plutôt moins bien dotés en matière d'équipement radio que leurs homologues européens, avec seulement 0,3 équipements radio par policier contre 0,51 en Espagne, 0,57 en Allemagne et 0,66 au Royaume Uni. En conséquence, le parc de terminaux a été renforcé de 1.300 unités, 1.600 appareils ont été remplacés et des salles de commandement ont été rénovées au cours de l'année 1996.

b) Une fonctionnalité limitée

Les défauts des réseaux de communications analogiques utilisés aujourd'hui par la police nationale sont connus :

- manque de confidentialité : les conversations peuvent être interceptées au moyen de scanners disponibles dans le commerce à des prix abordables ;

- zone de couverture limitée ;

- absence d'interconnexion entre les réseaux ;

- accès difficile aux bases de données centrales.

2. Les avantages des transmissions numériques

a) Une technologie performante...

Le système ACROPOL permet de remédier à ces faiblesses :

- la confidentialité est garantie grâce au cryptage des conversations ;

- la couverture est parfaite grâce à la qualité des transmissions, comparable à celle de conversations téléphoniques, et à une meilleure gestion des fréquences attribuées au ministère ;

- l'interconnexion entre les réseaux est rendue automatique et des passerelles avec d'autres services nationaux de sécurité sont possibles ;

- les bases de données centrales (fichiers des permis de conduire, des cartes grises, etc.) deviennent accessibles depuis le véhicule grâce à l'intallation d'ordinateurs portables dans les véhicules, les terminaux embarqués sur ACROPOL (TESA).

b) ...qui répond aux besoins des différents services

Les policiers en tenue rencontrés par votre rapporteur ont tous confirmé que l'apport majeur du nouveau système était le cryptage. La confidentialité retrouvée améliore grandement la sécurité des fonctionnaires de police et redonne un sens à la notion de flagrant délit. En outre, l'automaticité du raccordement au réseau, quelque soit la zone géographique dans laquelle on se trouve facilite le travail des fonctionnaires itinérants, ceux de la DICCILEC ou des compagnies de CRS par exemple.

A terme, ACROPOL et TESA permettront aux policiers de passer plus de temps sur la voie publique, car ils pourront rédiger les comptes-rendus de leurs opérations, la " main courante " depuis leur véhicule.

L'organisation d'ACROPOL s'inscrit dans le cadre des impératifs de gestion de crise. Le réseau est structuré au niveau départemental afin d'être cohérent avec la zone de compétence du préfet.

Par ailleurs, l'infrastructure et le système ont été dimensionnés et sécurisés pour absorber le trafic correspondant à l'activité simultanée de l'ensemble des services et à leur coordination par les autorités. ACROPOL constitue donc une assurance de la continuité des communications gouvernementales.

3. La police nationale rattrape son retard sur la gendarmerie

En développant le réseau ACROPOL, la police française prend de l'avance sur le plan technologique par rapport à ses homologues des pays occidentaux. La direction générale de la police nationale présente d'ailleurs très souvent les installations de Picardie et de la région Rhône-Alpes à des délégations étrangères intéressées.

Cependant, la police nationale est en retard sur la gendarmerie qui dispose d'un système comparable, le système Rubis, dont le développement a été confié à Matracom dès 1987 et dont l'implantation sur l'ensemble du territoire sera achevée en l'an 2000.

B. UN EFFORT FINANCIER SANS COMMUNE MESURE AVEC LES BESOINS

1. Les trois scénarios envisagés

Un comité interministériel réuni en 1996 a établi trois scénarios possibles du déploiement du projet ACROPOL :

- un scénario rapide qui permet d'achever les travaux en 2005 moyennant une dotation de 400 à 600 millions de francs (en crédits de paiement) par an dès 1997.

- un scénario médian, qui s'étale jusqu'en 2009 et suppose une dotation moyenne de 350 millions de francs (en CP).

- un scénario lent dans lequel, à raison d'une dotation annuelle de 200 à 210 millions de francs (en CP), le réseau ACROPOL n'est opérationnel qu'en 2015.

2. Des dotations depuis 1993 qui repoussent à 2015 l'achèvement du programme

a) Un effort budgétaire réel, mais insuffisant

L'ensemble des investissements nécessaires à la réalisation du programme ACROPOL, depuis son lancement en 1993 jusqu'à la couverture de l'ensemble du territoire, a été évalué à 4,5 milliards de francs.

De 1993 à 1997, 646,4 millions de francs ont été consacrés à sa réalisation. Le projet de loi de finances le dote de 214 millions de francs en crédits de paiement. Ces crédits seront complétés par l'inscription de 46 millions de francs dans la loi de finances rectificative pour 1997 qui sera discutée au Parlement avant la fin de l'année. De plus, un décret de virement de 30 millions de franc des crédits immobiliers du chapitre 57-40 vers le chapitre 57-60 des équipements informatiques est en préparation. Le gouvernement espère parvenir à consacrer 315 millions de francs à ACROPOL en 1998 en puisant dans les crédits d'équipement informatiques " hors ACROPOL ".

La dotation pour 1998 permet de dépasser assez largement la limite haute du scénario lent, mais pas de se situer sur le sentier du scénario médian. La perspective d'un achèvement du programme en 2008 n'est donc pas encore envisageable.

Les 315 millions de francs seront consacrés à l'installation du réseau en Seine Saint-Denis, et au démarrage de l'équipement des prochains départements inscrits au programme des travaux : Hauts-de-Seine, Val-de-Marne, qui établit la jonction entre la Picardie et la Seine Saint-Denis, Paris, puis les départements de la grande couronne. L'objectif est l'achèvement de la couverture du SGAP de Paris en 1999.

b) Des arbitrages budgétaires structurellement défavorables au ministère de l'intérieur

Votre rapporteur constate que la gendarmerie nationale n'a pas eu les mêmes problèmes budgétaires pour le financement de son système Rubis.

Il déplore que le cas du financement du programme ACROPOL ne soit pas isolé et que les besoins du ministère de l'intérieur ne soient généralement pas perçus comme prioritaires. Ainsi, s'agissant de l'immobilier, le ministère de l'intérieur dispose de 5% de l'ensemble des moyens de l'Etat, contre 50% au ministère de la défense.

3. Les perspectives pour les années à venir

L'ambition du gouvernement est de parvenir au scénario médian en 1999, et vise une dotation de 450 millions de francs en crédits de paiement. Ce montant correspond a celui obtenu chaque année par la gendarmerie dans le cadre du programme Rubis.

En termes de couverture du territoire, le ministre de l'intérieur souhaite que les régions Ile-de-France, Nord-Pas-de-Calais, Rhône-Alpes et provence-Alpes-Côte d'Azur, qui concentrent plus de la moitié de la criminalité, soient couvertes en 2004.

Des actions en commun avec la gendarmerie sont envisagées, mais se heurtent à des réticences au sein de chaque partie. Ces actions pourraient consister en une gestion commune du développement de certains logiciels, une politique commune avec Matra et un partage de la maintenance des équipements.

Enfin, une programmation pluriannuelle des crédits consacrés au développement du programme ACROPOL pourrait être envisagé. En effet, la position du ministère de l'intérieure à l'occasion des discussions tarifaires avec Matra est affaiblie par l'impossibilité de s'engager financièrement sur plusieurs années.

C. LES RISQUES D'UN DEVELOPPEMENT TROP LENT

1. La sécurité des fonctionnaires n'est pas garantie

Les difficultés auxquelles sont confrontées les policiers aujourd'hui ne seront pas résolues avant une vingtaine d'année et les nouveaux besoins croissants ne seront pas satisfaits.

La démocratisation de l'accès à des technologies avancées renforce la nécessité de réduire le retard de la police nationale en cette matière.

2. La fiabilité de la norme française peut être mise en cause

La France est le seul pays industrialisé à posséder un système de transmission numérique totalement opérationnel. Cette avance technologique conduit certaines entreprises étrangères à mener des campagnes de désinformation quant à la fiabilité du système français auprès des pays intéressés par ce programme, en appuyant leur argument sur la faible implantation géographique d'ACROPOL.

Compte tenu de l'enjeu industriel que représentent aujourd'hui les technologies numériques, votre rapporteur souhaite que, dans le cadre de la coopération policière européenne, le gouvernement français fasse prévaloir la norme Tetrapol développée par Matracom dans le cadre de Rubis et d'ACROPOL.

3. Les risques d'obsolescence précoce

Les systèmes analogiques qui équipent la police nationale ont été mis en place il y a une vingtaine d'année. Ils sont aujourd'hui absolument obsolètes. Les premiers équipements ACROPOL auront l'âge des équipements analogiques aujourd'hui lorsque la couverture de l'ensemble du territoire sera achevée.

Un tel étalement a des incidences budgétaires (la mise à niveau des équipements) mais également en matière de sécurité et de fiabilité du système.

4. Le coût de l'entretien du réseau analogique

Le coût de l'entretien des équipements analogiques décroît aujourd'hui car les exercices suivants la mise en oeuvre de la loi d'orientation et de programmation pour la sécurité ont permis de renouveler correctement le parc.

A moyen terme, le maintien en activité va se heurter à des contraintes budgétaires et matérielles. Ces équipements auront 40 ans lors de l'achèvement du programme ACROPOL. Il est permis de se demander si l'accélération de la mise en place du réseau numérique ne permettrait pas de réaliser des économies budgétaires.

CHAPITRE IV :

LES CREDITS DE LA SÉCURITÉ ET DE LA DEFENSE CIVILES

I. LES CREDITS POUR 1998 : UNE ENVELOPPE ENCORE ETROITE

Les crédits de l'agrégat " Sécurité civile " diminuent de 7,7% dans le projet de loi de finances pour 1998 et s'élèvent à 1,1 milliard de francs.

Cette baisse poursuit un mouvement entamé depuis plusieurs années, mais doit être relativisée. En effet, elle est largement due à l'arrêt du programme de renouvellement des Canadairs. En excluant cette ligne budgétaire, le budget de la sécurité civile augmente en réalité de 1,7%.

Ces crédits sont complétés par les 14 milliards de francs consacrés par les collectivités locales aux missions de la sécurité civile.

Evolution des crédits de la sécurité et défense civiles en 1998

1997

1998

Volume

%

Dépenses ordinaires

871

877,4

6,4

1 %

1. Personnel

277,6

280,2

2,6

1 %

2. Fonctionnement, dont :

593,2

597,1

3,9

1 %

Subventions inéluctables

353,7

367,4

13,7

4 %

Fonctionnement globalisé (34-31)

188,4

189

0,6

0 %

Autres

51,1

40,7

- 10,4

- 20 %

Dépenses en capital

316,5

218,5

- 98

- 31 %

1. Immobilier

10,5

18

7,5

71 %

2. Equipement lourd

299

195

- 104

- 35 %

3. Informatique

7

5,5

- 1,5

- 21 %

TOTAL

1,187

1,095

- 0,092

- 8 %

A. LA STABILITE DES DEPENSES DE PERSONNEL REFLETE CELLE DES EFFECTIFS

Les dépenses de personnel de la sécurité civile s'établissent à 280,2 millions de francs dans le projet de loi de finances pour 1998, en hausse de 0,9 %.

Ses effectifs comportent 2848 agents, dont 961 civils et 1.887 militaires (parmi lesquels 1.410 appelés).

En 1998, 10 suppressions d'emplois techniques du groupement des moyens aériens sont prévues. Elles résultent de 33 créations de postes, et de 43 suppressions.

B. LES MOYENS DE FONCTIONNEMENT STAGNENT, MAIS LES BESOINS AUGMENTENT

Les moyens de fonctionnement de la sécurité civile progressent de 0,6 % dans le projet de loi de finances pour 1998 et s'établissent à 597,2 millions de francs.

1. Les dépenses inéluctables

La détermination du montant de ces crédits échappe à la direction de la sécurité et de la défense civiles.

Le financement de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (chapitre 36-51 article 30)

Ces crédits augmentent de 10,8 millions de francs, soit 3,6 %, et s'élèvent à 304,1 millions de francs.

La progression s'explique, d'une part, par l'application de textes réglementaires intervenus en 1997 en matière de rémunération et de régime indemnitaire pour 5,8 millions de francs, et, d'autre part, par l'application de la réforme des soldes des militaires du rang dans le cadre de la professionnalisation des armées.

Les secours d'extrême urgence aux victimes de calamités publiques (chapitre 46-91) sont reconduits à hauteur de 1,04 million de francs.

Les indemnités et pensions versées aux sapeurs-pompiers victimes d'accidents (chapitre 46-92) progressent de 4,8%, à 62,3 millions de francs.

Au total, les dépenses inéluctables de la sécurité civile s'élèveront à 367 millions de francs en 1998, en augmentation de 3,8 %.

2. Les moyens de fonctionnement globalisés restent fortement contraints

Votre rapporteur s'inquiétait l'année dernière du report de certaines dépenses d'équipement provoqué par la réduction de l'enveloppe budgétaire. Ces dépenses ne pourront pas être effectuées en 1998 du fait de l'apparition de nouveaux besoins, dans un contexte de stabilisation des crédits. Les crédits du chapitre 34-31 s'établissent en effet à 189 millions de francs, en progression de 0,2%.

La contraction des moyens de fonctionnement globalisés conduit au non-remplacement de certaines tenues lourdes de protection des démineurs, à l'utilisation au-delà des seuils de sécurité des véhicules destinés au transport des munitions, au renoncement à l'usage du réseau autoroutier pour les unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile, ainsi qu'à des reports de charges en matière de carburant aérien et de maintenance aéronautique. De plus, la suspension de la location de deux Bombardiers C 130 en 1997 a été reconduite en 1998.

La direction de la sécurité et de la défense civile a indiqué à votre rapporteur que les économies qu'engendrerait l'éventuelle fermeture du centre des unités militaires de Rochefort permettraient de réaliser certaines de ces dépenses urgentes. Cette éventualité ne résoudrait pas la tension des crédits de ce chapitre qu'entraîne la décision de lancer sans attendre, pour des raisons de sécurité, un programme de modernisation du service de déminage.

C. UNE ANNEE DE TRANSITION POUR LES DEPENSES D'INVESTISSEMENT

1. Les crédits d'équipement immobilier augmentent

L'agrégat " Sécurité civile " est le seul des quatre agrégats qui composent le budget de la sécurité à connaître une augmentation des crédits de paiement consacrés aux investissements immobiliers. Ceux-ci progressent de 71,4%, à 18,5 millions de francs.

Cette augmentation est liée à la construction d'un nouveau centre de déminage.

2. La diminution optique des crédits d'équipement lourd

Les dépenses d'investissements lourds diminuent de 104 millions de francs, soit 34,7%. Cette baisse est importante en terme d'affichage puisqu'elle provoque la baisse de 7,7% de l'ensemble des crédits de la sécurité civile. Elle s'explique par l'arrivée à son terme du renouvellement de la flotte de Canadair.

En réalité, les crédits disponibles en 1998 pour les équipements lourds s'élèveront à 384 millions de francs, répartis entre la maintenance des appareils et le lancement du programme de renouvellement de flotte d'hélicoptères.

a) Les dépenses de maintenance des aéronefs

195 millions de francs seront consacrés à la maintenance des 205 appareils de la sécurité civile en 1998, soit 3,1% de plus qu'en 1997.

Par ailleurs, l'année 1998 sera marquée par la fin de la procédure d'appel d'offres concernant le renouvellement marché de la maintenance.

b) Le lancement du renouvellement de la flotte d'hélicoptères

Les résultats de l'appel d'offre lancé en vue du remplacement des hélicoptères Alouette III seront arrêtés à la fin du mois de novembre 1997, et notifiés au titulaire en février 1998. Dès lors, les 189 millions de francs inscrits dans la loi de finances rectificative de décembre 1996, et reportés depuis, pourront être consacrés à l'achat de 6 des 32 hélicoptères dont fait l'objet le marché.

Ce renouvellement est nécessaire du fait de la vétusté des appareils actuellement utilisés. En 1997, 24 des 26 alouettes utilisées ont plus de 20 ans d'activités, certaines plus de 30. Par conséquent, le nombre d'appareil temporairement indisponibles pour raison technique augmente et, les pièces de rechange étant difficiles à trouver, la maintenance devient de plus en plus onéreuse. De plus, ces appareils ne sont pas conformes à la réglementation sur la multimotorisation et les niveaux sonores.

c) La remotorisation des Trackers une nouvelle fois repoussée

La flotte de la sécurité civile comptait treize bombardiers d'eau légers de type Tracker. Construits en 1960, 10 ont fait l'objet d'une remotorisation. L'un d'entre eux a été perdu en 1996. Les deux appareils restants sont dans l'attente des financements nécessaires à leur remotorisation. L'un de ces appareils se trouve déjà au Canada depuis plusieurs années.

Cette opération doit être financée par les recettes liées à la reprise des anciens Canadair par la société Bombardier Inc. Les difficultés que rencontre l'application de cet accord explique ce retard.

II. UNE ANNÉE 1998 DECISIVE POUR LA SECURITE ET LA DEFENSE CIVILES

A. LES INCERTITUDES BUDGÉTAIRES DE LA SECURITE CIVILE

Le budget de la sécurité et de la défense civile surprend par l'incertitude qui pèse sur le financement de certaines dépenses.

1. Les déboires du programme Canadair

Le marché Canadair, qui a porté sur 1,5 milliards de francs depuis 1991, est parvenu à son terme au cours de l'exercice 1997 avec la livraison du douzième appareil de type Canadair CL 415 par le groupe Bombardier Inc.

La fin de l'exécution de ce marché se heurte à des difficultés importantes. D'une part, le niveau de performance des appareils est en deçà des espérances. D'autre part, le groupe Bombardier refuse de reprendre les anciens CL 215 aux conditions où il s'y était engagé en juin 1996. Les négociations semblent bloquées pour l'instant, et la Cour des Comptes s'intéresse à cette affaire.

La livraison des derniers appareils s'est accompagnée d'un drame. Au mois de novembre 1997, un Canadair, l'avant dernier reçu, s'est retourné à l'entraînement, entraînant la mort de son pilote.

Cette tragédie humaine a des conséquence financières considérables puisque le prix de revient d'un appareil est de 120 millions de francs.

La direction de la sécurité et de la défense civiles vient de vivre sa sixième perte d'appareil en quatre ans : un King en 1994, un hélicoptère en 1995, un hélicoptère et un Tracker en 1996, et un hélicoptère et un Canadair en 1997. Ces pertes représentent presque 10% du parc de lutte contre l'incendie (6 sur 66) et pourraient avoir des conséquences dommageables en cas de catastrophe majeure. En effet, l'ensemble de la flotte a été engagée lors de la lutte contre l'incendie de Septèmes-les-Vallons en juillet 1997.

Il est encore trop tôt pour déterminer quelle va être la stratégie du ministère de l'intérieur pour compenser cette perte.

2. Le lancement précipité du programme de modernisation du déminage

La direction de la sécurité civile a décidéde financer par économies internes, et de manière prioritaire, un programme de modernisation des infrastructures consacrées au déminage.

Cette décision est motivée par trois événement récents. En premier lieu, l'explosion accidentelle d'une quinzaine de tonnes de munitions stockées au Crotoy a entraîné le démantèlement du site et la suspension de l'ensemble des opérations en baie de Somme. En second lieu, l'application de la convention sur l'interdiction des armes chimiques exige désormais la destruction des munitions chimiques dans une usine conçue spécialement à cet effet. Enfin, les interventions des médias au sujet des conditions de stockage au dépôt de Vimy ont été jugées justifiées par le directeur de la sécurité civile de l'époque, qui a décidé de suspendre le remplissage de ce site, dont les capacités sont déjà largement dépassées.

En conséquence, et dans l'attente de la réalisation des restructurations en cours, à l'exception des armes chimiques, plus aucun ramassage de munitions n'est effectué depuis le début de 1997 dans le Nord et en Picardie.

Le financement de ce programme par le chapitre 34-31 se fait au détriment des autres dépenses de fonctionnement de la sécurité civile, mais l'urgence en justifie la mise en oeuvre. Le directeur de la sécurité civile a estimé que les dépenses d'immobilier nécessaires à sa réalisation atteindraient 40 à 50 millions de francs. Le ministère de la défense sera associé à ce progamme car il est compétent en matière de destruction d'armes chimiques.

3. La dotation aléatoire des dépenses des services d'incendie et de secours

Les crédits de " subventions pour les dépenses des services d'incendie et de secours " du chapitre 41-31 servent à l'indemnisation des collectivités à la suite de l'envoi de colonnes préventives et de colonnes de renfort.

Ces crédits sont structurellement sous dotés dans les projets de loi de finances et dépendent des subventions à titre non reconductible. Pour 1998, l'Assemblée nationale a voté une majoration de 5,8 millions de francs de ce chapitre, dont le montant s'établit à présent à 15,8 millions de francs contre 18,9 en 1997.

B. LA SECURITE CIVILE CONFRONTEE A DES REFORMES DE STRUCTURE

1. La fusion et le déménagement

La fusion de la direction de la sécurité civile avec les services du Haut Fonctionnaire de défense a été actée par le décret du 30 août 1996. Elle conduit à une nouvelle répartition des tâches au sein de la direction de la sécurité et de la défense civiles, illustrée par la mise en place de la " mission défense et continuité de la vie nationale " chargée d'élaborer la doctrine en matière de défense civile.

Cette modification de la structure administrative est l'occasion de redéfinir les priorité de la sécurité civile dans le sens d'une plus grande prise en compte de la prévention du risque chimique et nucléaire, au détriment des moyens de la lutte contre l'incendie dont le développement dans les collectivités locales autorise le ministère de l'intérieur à réduire légèrement l'importance dans son budget.

Parallèlement à cette fusion, la direction de la sécurité et de la défense civiles déménage actuellement dans de nouveaux locaux situés à Asnières. Ce mouvement est dû à la volonté de la municipalité de Levallois de récupérer les locaux occupés par la sécurité civile.

Un centre opérationnel et d'aide à la décision (COAD) a été construit dans les nouveaux locaux de la sécurité civile. Sa réalisation, d'un coût de 7 à 8 millions de francs (hors loyer), a été accélérée du fait de la nécessité de mettre en place un poste de coordination des opérations de sécurité à l'occasion de la coupe du monde de football. Il permettra la gestion simultanée, en cas de besoin, d'une catastrophe de grande ampleur, d'une grande manifestation de type coupe du monde de football, d'une crise majeure (vague terroriste) et d'une intervention à l'extérieur de l'hexagone.

2. La réforme du statut des sapeurs-pompiers professionnels

La mise en oeuvre de la loi du 3 mai 1996 portant réforme des services d'incendie et de secours butte sur les points concernant les sapeurs-pompiers professionnels. Ce point est développé dans l'avis présenté par M. René-Georges Laurin au nom de la commission des lois.

Les points restant en négociation sont les conditions de travail et les régimes indemnitaires et statutaires des sapeurs pompiers professionnels. La direction de la sécurité et de la défense civiles organise une concertation permanente avec les organisations syndicales et l'association des maires de France (AMF).

Elle espère aboutir, au début de 1998, à un accord sur cette question, qui a déjà fait l'objet de 6 à 7 arbitrages par différents Premiers ministres.

3. Les conséquences de la professionnalisation des armées

Le ministre de l'intérieur a sous ses ordres trois unités militaires, dites unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile (UIISC). Elles comptent environ 1800 hommes, répartis sur cinq sites.

Les unités militaires sont prévues pour assurer les tâches de défense civile en temps de guerre. En temps de paix, elles peuvent être envoyés en renfort des moyens de secours territoriaux en cas de sinistre. Elles peuvent également être envoyées à l'étranger pour répondre à des catastrophes de toute nature.

Les effectifs de ces unités militaires sont largement composés d'appelés du service national, qui cesseront d'exister à partir de 2002. La perte de cette main d'oeuvre peu chère va automatiquement entraîner des surcoût pour le budget de la sécurité civile, qui travaille actuellement sur l'hypothèse d'une professionnalisation de 75 % des effectifs.

Le solde des effectifs pourrait être comblé sur la base du volontariat, en envisageant peut-être des passerelles avec les sapeurs-pompiers, ou par un recours aux emplois pour les jeunes créés par la loi du 16 octobre 1997. Plus onéreuse que des appelés du contingent, ces solutions pourraient cependant conduire à une amélioration de l'efficacité des unités militaires, qui pourraient gérer leurs recrues dans la durée, n'étant plus obligées de former des nouveaux venus tous les dix mois. Le type de mission effectué par les unités militaires, comme la mise en place d'un hôpital de campagne à Brazzaville en octobre 1997, conduit à souhaiter une plus grande stabilité des effectifs.

Le coût de la professionnalisation va également conduire à réduire le nombre d'implantations et les effectifs, qui diminueraient à 1.600 selon les informations recueillies par votre rapporteur. La fermeture du centre de Rochefort est aujourd'hui pratiquement acquise. La dissolution de cette unité permettrait de réduire les effectifs de 28 postes, de réduire le parc automobile, de réaliser une économie de fonctionnement de 2 millions de francs et, par conséquent, de dégager des moyens pour les installations restantes, et pour la nouvelle (et première) compagnie de lutte contre les risques nucléaire et chimique.


EXAMEN EN COMMISSION

I. EXAMEN DES CRÉDITS

Réunie le mercredi 12 novembre 1997, la commission, sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, a procédé à l'examen des crédits de l'intérieur et de la décentralisation : sécurité, sur le rapport de M. Guy Cabanel, rapporteur spécial.

Un large débat s'est alors ouvert. En réponse à M. François Trucy, le rapporteur spécial a confirmé qu'une réforme des régimes indemnitaires, notamment du corps de direction et de conception et du corps de maîtrise et d'encadrement, était en cours et que l'évolution de la nomenclature budgétaire traduisait les changements intervenus dans ce domaine. Il a expliqué que la diminution des crédits de fonctionnement de la police nationale était préoccupante, mais que le ministère avait fait le choix de préserver, dans toute la mesure du possible, les dépenses de personnel et d'investissement.

A M. Henri Collard qui l'interrogeait sur la réduction des investissements immobiliers des administrations territoriales, le rapporteur spécial a répondu que la réduction des crédits de paiement s'expliquait par l'importance du report des crédits non consommés, et que les autorisations de programme étaient en augmentation.

Répondant à M. Hubert Haenel qui l'interrogeait sur les relations entre la police et la gendarmerie, M. Guy Cabanel, rapporteur spécial, a rappelé que le ministre de l'intérieur avait confié à MM. Jean-Jacques Hyest et Roland Carraz une mission d'information sur ce thème et que leur rapport serait rendu public au mois de février. Il a ajouté que la loi d'orientation de 1995 avait conduit à la constitution du conseil de l'équipement et de la logistique, institution paritaire chargée de réfléchir et de faire des propositions en matière de coordination des recherches sur les équipements et les matériels.

M. Guy Cabanel, rapporteur spécial, a indiqué à M. Paul Masson , rapporteur pour avis de la commission des lois , que la mise en place du programme ACROPOL confortait les pouvoirs du préfet en matière de gestion des crises, et que le réseau était précisément organisé sur une base départementale dans ce but.

La commission a alors décidé de réserver son vote sur les crédits de la sécurité jusqu'après l'audition de M. Jean-Pierre Chevènement, Ministre de l'Intérieur, qui aura lieu le jeudi 13 novembre 1997.

II. AUDITION DE M. JEAN-PIERRE CHEVENEMENT, MINISTRE DE L'INTERIEUR

Réunie le jeudi 13 novembre 1997, sous la présidence de M. Christian Poncelet, président, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, sur les crédits de son département ministériel.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur a indiqué que le budget de son ministère s'élevait à 77,78 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour 1998, et que son augmentation de 2,8% était supérieure à celle de l'ensemble des dépenses. Il a précisé que l'accroissement des moyens des services de son ministère servirait à mettre en oeuvre les priorités gouvernementales définies par le Premier ministre.

Evoquant les mesures concernant l'administration centrale de son ministère , le ministre a fait part de son intention de la recentrer sur des missions de conception, en la déchargeant autant que possible des tâches de réalisation. Dans ce sens, il a indiqué que la suppression de 45 emplois budgétaires serait compensée par une amélioration de la structure des emplois. Soucieux de réduire les écarts de rémunération entre les services de son département et les autres ministères, il a annoncé une amélioration des régimes indemnitaires.

Le ministre a ensuite évoqué les dépenses de fonctionnement de l'administration centrale, en augmentation de cinq millions de francs, et l'effort en faveur des équipements immobiliers, qui permettra d'achever le relogement de la direction de la défense et de la sécurité civile à Asnières. Il s'est félicité du renforcement de l'administration centrale dans les domaines des études, de la recherche et de la perspective, ainsi que de la création d'une délégation aux affaires internationales.

S'agissant des crédits de l'administration territoriale de l'Etat, qui devra mettre en oeuvre en 1998 le plan "emplois-jeunes", la nouvelle législation pour les étrangers et la réforme de l'Etat, il a indiqué que ces crédits s'établissaient à 6,1 milliards de francs. Il a déclaré que deux cents emplois gelés seraient supprimés, que cent emplois seraient "dégelés" et qu'un effort indemnitaire en faveur des personnels interviendrait. Le ministre a également insisté sur le niveau élevé des crédits de fonctionnement des préfectures et sur la stabilité de leurs dépenses d'équipement.

Concernant les crédits de la défense et la sécurité civiles , le ministre a indiqué qu'ils diminuaient légèrement, pour s'établir à 1,1 milliards de francs. Il a attribué cette baisse à l'achèvement du marché Canadair. Il a souligné la stabilité des effectifs et le renforcement des capacités d'action de la sécurité civile auquel conduiront la rénovation du centre opérationnel, la relance des actions en faveur du déminage et le renforcement des moyens aériens. A ce titre, il a signalé le lancement prochain du programme de renouvellement de la flotte d'hélicoptères.

M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, a ensuite traité du budget de la police nationale qui s'établit à 28,8 milliards de francs, en progression de 1,1 %. Il a indiqué que ces crédits permettraient de mettre en oeuvre les orientations dégagées lors du colloque de Villepinte. Dans cette optique, il a inscrit son action autour de trois mots d'ordres, la citoyenneté, la proximité et l'efficacité, et a évoqué la mise en place d'outils nouveaux tels que le Conseil de la sécurité intérieure et les contrats locaux de sécurité. Sur le plan législatif, il annoncé le dépôt de projets de lois relatifs aux polices municipales et aux sociétés privées de sécurité. Il est également revenu sur la création de 35.000 emplois pour les jeunes, répartis en 20.000 adjoints de sécurité et 15.000 agents locaux de médiation.

Le ministre a indiqué que la réforme des corps et des carrières se poursuivait, ainsi que le processus de repyramidage des effectifs qui l'accompagne. En 1998, a-t-il expliqué, 664 emplois de commissaires et d'officiers seront convertis en emplois relevant du corps de maîtrise et d'application. Il a évoqué la refonte des régimes indemnitaires des corps d'encadrement, de commandement et de conception et de direction.

S'agissant des moyens de fonctionnement de la police nationale, il a expliqué que les documents budgétaires affichaient une baisse mais que, à structure constante, ces crédits étaient en réalité en augmentation de 3 %. Il a ajouté que les crédits d'équipement des services de police atteignaient 1,1 milliard de francs en autorisations de programme, soit une progression de 12,5 % par rapport à 1997, et qu'ils serviraient principalement à financer les constructions immobilières dans les grandes agglomérations et leur périphérie, et à renforcer le développement du programme de transmissions numériques ACROPOL.

Le ministre a souligné que l'accroissement des moyens devait s'accompagner de méthodes nouvelles. Sur ce point, il s'est déclaré satisfait de la mise en place des " services de quart " qui permettent le traitement immédiat des affaires, et a annoncé un recours plus systématique aux moyens de la police technique de proximité. Il a ajouté que les adjoints de sécurité seraient affectés majoritairement dans les vingt-six départements les plus urbanisés, qui connaissent les situations les plus difficiles en terme de délinquance et de violences urbaines, et qu'ils préfiguraient les redéploiements d'effectifs à venir. Il a estimé que ces mouvements seraient facilités par le renouvellement important des effectifs dans les années à venir, la généralisation du recrutement sur une base régionale, et un meilleur partage des responsabilités avec la gendarmerie, ce dernier point faisant l'objet d'une mission confiée à MM. Jean-Jacques Hyest et Roland Carraz.

Répondant aux questions de M. Guy Cabanel , rapporteur spécial, M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, a rappelé que la loi d'orientation pour la sécurité de 1995 avait permis la mise en oeuvre de nombreuses réformes. S'agissant de son volet financier, il a indiqué que les lois de finances des années précédentes étaient en dessous des objectifs de la loi, et qu'elles faisaient de surcroît l'objet de gels et d'annulations en cours d'exercice. Constatant que tous les emplois administratifs prévus par la loi n'avaient pas été créés, il a estimé que la nomination de 79 % des adjoints de sécurité dans les zones sensibles permettrait d'accroître la visibilité de la présence policière.

Puis, le ministre a rassuré le rapporteur spécial sur la dotation du programme ACROPOL en annonçant que 50 millions de francs supplémentaires seraient ouverts dans la loi de finances rectificative de la fin de l'année 1997. Il a également évoqué des mises en commun de réseau avec la gendarmerie nationale.

S'agissant de la sécurité de la coupe du monde de football, le ministre de l'intérieur a expliqué que des solutions au problème posé par la présence de grilles dans les stades étaient en voie d'être apportées.

Un large débat s'est alors ouvert. M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur, a confirmé à M. René Ballayer que les élections régionales de 1998 se dérouleraient au scrutin proportionnel dans le cadre départemental.

A M. François Trucy , le ministre a expliqué qu'il jugeait suffisants les équipements destinés à la lutte contre l'incendie dans le sud-est. Il a dit partager les réserves de l'intervenant quant à l'armement des polices municipales, en indiquant toutefois que ce sujet serait débattu lors de la discussion du projet de loi. Il a rappelé le rôle du Préfet en matière de contrôle de la légalité et manifesté son attachement à une application uniforme de la loi sur l'ensemble du territoire national.

A M. Jacques Chaumont , le ministre a indiqué qu'il était très satisfait du fonctionnement de la police nationale, qui manifeste dans de nombreux domaines intelligence et bravoure. Il a qualifié de " bête " l'opposition, entretenue par certains, entre la police et les jeunes. Il a estimé qu'il était de son devoir de défendre les fonctionnaires de son ministère, mais que ceux-ci devaient faire preuve d'une déontologie irréprochable.

Pour conclure, le ministre de l'intérieur a déclaré à M. Paul Loridant que la direction de la sûreté du territoire avait mis en place une cellule chargée du suivi des informations circulant sur le réseau internet, et qu'elle fournissait des résultats intéressants. Il a ajouté que cette question serait évoquée lors du prochain sommet des ministres de l'intérieur du G 8 à Washington.

A l'issue de cette audition , la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter le budget du ministère de l'intérieur.


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