EXAMEN PAR LA COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 19 novembre 1997 sous la présidence de M. Jean François-Poncet, président, la commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Jean-Marie Rausch sur la recherche dans le projet de loi de finances pour 1998.

M. Jean-Marie Rausch, rapporteur pour avis, a considéré que l'effort de recherche d'un pays était le meilleur garant de son avenir. Promesse de croissance, promesse d'innovation, promesse d'emplois, la recherche était, a-t-il jugé, la sève de notre économie, la clé de toute conquête industrielle.

Rappelant que la France consacrait actuellement 2,34 % de son produit intérieur brut à la recherche, ce qui situait notre pays au 3e rang mondial, il a toutefois fait valoir que ce chiffre était en-dessous de l'objectif de 2,5 % fixé par la loi du 15 juillet 1982 d'orientation et de programmation pour la recherche, qu'il avait eu l'honneur de rapporter.

Si la recherche publique était à un bon niveau par rapport aux autres pays, la France souffrait, a-t-il considéré, d'un déficit sensible dans le financement de la recherche par les entreprises, souligné chaque année par la commission.

M. Jean-Marie Rausch, rapporteur pour avis, a indiqué que les crédits demandés pour 1998 au titre du budget civil de recherche et développement, qui regroupe l'ensemble des crédits de l'État affectés à la recherche civile, s'élevaient à 53,05 milliards de francs, en progression de 1,4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1997. Il a rappelé que le budget 1997 avait été, quant à lui, en baisse de 1,37 %. En ce qui concerne les crédits du seul ministère chargé de la recherche, il a précisé qu'ils s'élevaient à 39,6 milliards de francs, en augmentation de 3 %.

Estimant que le Gouvernement souhaitait donner la priorité aux dépenses ordinaires par la création de 400 postes de chercheurs et de 200 postes d'ingénieurs, techniciens et administratifs dans les établissements de recherche, M. Jean-Marie Rausch, rapporteur pour avis, a indiqué que le budget de l'année dernière avait au contraire supprimé des emplois.

Quant aux dépenses en capital, il a précisé que les crédits de paiement du budget civil de recherche et développement diminuaient de 0,2 %.

Le rapporteur pour avis a considéré qu'un coup d'arrêt était donné aux très grands équipements de recherche, pour lesquels le budget 1998 proposait d'économiser 300 millions de francs, alors que ces derniers contribuaient pourtant au progrès de la recherche scientifique dans de nombreuses disciplines et nécessitaient un étalement pluriannuel de leur financement. La décision d'implantation du projet Soleil, par exemple -synchrotron de troisième génération, nécessaire à la recherche en chimie, en physique des matériaux et surtout dans les sciences du vivant et la pharmacologie-, qui devait intervenir cette année, avait été, a-t-il souligné, repoussée à une date ultérieure.

M. Jean-Marie Rausch, rapporteur pour avis, a ensuite insisté sur deux préoccupations fortes de la commission : la contribution de la recherche à l'aménagement du territoire et l'accès des petites entreprises à la recherche.

Rappelant que la trop grande concentration géographique des chercheurs en Ile-de-France avait été régulièrement dénoncée par la commission, il a estimé que sans une répartition équilibrée de la matière grise, il n'y avait pas de développement harmonieux du territoire qui soit possible.

Il a indiqué que la loi d'orientation pour le développement et l'aménagement du territoire du 4 février 1995 et les comités interministériels d'aménagement du territoire de 1992 et 1994 avaient prévu un ensemble de mesures pour régionaliser davantage les équipes de recherche, décisions qui commençaient à porter leurs fruits puisque une enquête du ministère de la recherche -ne portant malheureusement pas sur tous les chercheurs- indiquait que la région Ile-de-France représentait 46,3 % des effectifs des organismes de recherche, contre 49 % en 1992.

Au 1er janvier 1997, a-t-il précisé, 2.585 emplois de chercheurs publics avaient été délocalisés en province depuis 1992, conformément aux engagements pris lors des CIAT successifs.

En ce qui concerne l'accès des petites entreprises à la recherche, M. Jean-Marie Rausch, rapporteur pour avis, a précisé qu'en France, la recherche était trop majoritairement le fait du secteur public, et trop souvent, pour le reste, réalisée par de grands groupes plutôt que par des PME.

Il a rappelé que le précédent Gouvernement avait créé un instrument financier intéressant, les fonds communs de placement dans l'innovation, visant à améliorer l'accès aux fonds propres des entreprises innovantes réalisant de fortes dépenses de recherche, et que le projet de loi de finances pour 1998 comportait deux dispositions dont l'objet était similaire : des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise seraient créés afin de mettre fin à la fuite des cerveaux français vers les États-Unis ; un report d'imposition des plus-values de cession d'actions en cas de réemploi des fonds dans les PME nouvelles serait mis en place pour développer ce qui existait déjà aux États-Unis, où ceux qu'on appelait les " Business Angels " apportaient des capitaux aux entreprises innovantes en création.

M. Jean-Marie Rausch, rapporteur pour avis, a souhaité que cet effort soit poursuivi et que soit renforcée l'osmose entre la recherche publique et les entreprises, au moyen d'une systématisation des échanges entre ces deux mondes, encore trop étrangers l'un à l'autre. Il a insisté sur la rigidité du statut des chercheurs publics, qui leur interdisait, comme venait de le rappeler un récent rapport de la cour des comptes, d'exercer cumulativement une activité en laboratoire public et en entreprise, ce qui paraissait peu adapté à la nécessaire valorisation de la recherche française. Il a jugé que la recherche publique avait besoin d'un décloisonnement accru et de plus de souplesse.

M. Henri Revol a rappelé que le souhait, louable, de la commission de voir la recherche mieux décentralisée et plus accessible aux PME, ne devait pas conduire à une réduction ni à une dispersion excessive de la recherche, qui lui seraient préjudiciables. Il a estimé que l'effort français en matière de recherche fondamentale devrait être préservé, faute de quoi la France perdrait la bonne position qui était la sienne dans ce domaine. Il a jugé que la décision de différer l'engagement du projet de nouveau synchrotron était une erreur.

M. Jean-Marie Rausch, rapporteur pour avis, a relevé que la position du ministre, qui avait récemment reçu les rapporteurs spéciaux et pour avis du Sénat au sujet du budget, lui semblait souffrir d'une sorte de contradiction entre l'effort engagé de décentralisation des chercheurs, qui serait poursuivi, et la politique d'implantation des grands équipements, qui concernerait vraisemblablement en premier lieu la région Ile-de-France.

M. Henri Revol, rappelant l'importance des travaux conduits à Cadarache, ainsi qu'à Grenoble, a jugé qu'une localisation en province était pleinement compatible avec une utilisation optimale des équipements.

Revenant sur le cloisonnement français des recherches privée et publique et l'opposant à la situation américaine, M. Roger Rinchet a jugé que cet état de fait découlait souvent de l'éloignement géographique, au sein des villes, entre les parcs d'activités et les universités, empêchant ainsi une symbiose pourtant féconde et nécessaire.

M. Jean-Marie Rausch, rapporteur pour avis, a déclaré partager ce point de vue. Il a rappelé que la technopole de Metz réunissait non seulement plusieurs grandes écoles et universités françaises et américaines, mais aussi plus de 200 petites et moyennes entreprises, ce qui avait conduit à la mise en place, le 6 novembre dernier, d'une expérimentation, essentielle pour la diffusion des nouvelles technologies en France, réalisée pour la première fois au monde, de fourniture d'Internet aux particuliers sur le réseau câblé de la ville, au moyen d'un simple téléviseur et au prix d'un abonnement forfaitaire, peu coûteux pour les usagers.

Répondant à M. Francis Grignon, qui l'interrogeait sur le nombre de chercheurs du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et sur l'importance de leurs éventuels transferts vers le secteur privé, le rapporteur pour avis a rappelé les dispositions du statut des chercheurs, qui freinait leur départ vers les entreprises.

Après l'intervention de M. Jean François-Poncet, président , sur ce même sujet et sur l'organisation de la recherche en Allemagne, M. Jean-Marie Rausch, rapporteur pour avis, a précisé que Mme Catherine Bréchignac, directeur général du CNRS, consciente de ces faiblesses, souhaitait développer les échanges entre les chercheurs de l'établissement et les entreprises.

M. Charles Revet , évoquant ses récents entretiens avec des cadres supérieurs désireux d'émigrer aux Etats-Unis pour créer leur entreprise, a demandé au rapporteur pour avis si le secteur de la recherche souffrait de ce même phénomène de fuite des cerveaux. Aquiescant, M. Jean-Marie Rausch, rapporteur pour avis, a rappelé les dispositions des projets de loi de finances pour 1997 et 1998 visant à favoriser la création d'entreprises innovantes en France, dont il a jugé qu'elle était encore insuffisante, au regard par exemple de la situation du Massachusetts institute of technology (MIT) à Boston dont les chercheurs étaient encouragés à créer leur propre entreprise, ce qui avait entraîné ces dernières années de nombreux départs de cerveaux français et notamment de chercheurs en informatique.

M. Louis Moinard a redouté que les transferts vers le privé ne concernent que les meilleurs d'entre les chercheurs, les autres restant dans le secteur public. Revenant au problème de l'évasion des cerveaux, il a jugé que le régime d'imposition français en était responsable.

En réponse, M. Jean-Marie Rausch, rapporteur pour avis, a indiqué qu'il interrogerait le ministre sur ce point. Il a, par ailleurs, précisé que M. Claude Allègre suggérait aux régions de mettre en place des instituts d'innovation favorisant la création d'entreprises innovantes.

Suivant les conclusions de son rapporteur pour avis, la commission s'en est ensuite remis à la sagesse du Sénat pour l'adoption des crédits consacrés à la recherche dans le projet de loi de finances pour 1998.

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