CONCLUSION

La première étape de la transition de l'Armée de terre, en cette fin de l'an I de la professionnalisation, appelle un bilan globalement positif. Il convient ici de rendre hommage aux personnels de l'Armée de terre , qui abordent les réformes en cours avec le dévouement et la compétence qu'on leur connaît.

La deuxième annuité de la loi de programmation 1997-2002 ne saurait toutefois être abordée avec optimisme, compte tenu des menaces potentielles qui pourraient altérer prochainement les conditions de la professionnalisation , et, surtout, du fait d'un décalage inadmissible entre les prescriptions de la loi de programmation et le niveau des crédits d'équipement inscrits dans la dotation de l'Armée de terre pour 1998.

Votre rapporteur constate que le "manque à gagner" ainsi subi par l'Armée de terre, s'il n'affecte pas encore, à ce jour, le rythme de la modernisation de ses équipements, ne sera pas sans conséquences sur les conditions de la mise en oeuvre de la professionnalisation. En effet, l'"encoche" inscrite dans le projet de budget de la Défense affecte tous les crédits d'équipement de l'Armée de terre, y compris des postes qui, comme les infrastructures, se situent au coeur de l'accompagnement de la professionnalisation, et qui ne sauraient sans préjudice pour celle-ci être considérés comme des variables d'ajustement.

En tout état de cause, si la théorie de l'" encoche " se trouvait démentie par les faits et si les crédits militaires ne retrouvaient pas, à partir de 1999, le niveau de ressources prévu par la loi de programmation 1997-2002, la cohérence de la réforme entreprise et la loi de programmation elle-même se trouveraient remises en cause. Il est, selon votre rapporteur, inconcevable d'admettre au nom de la contribution du budget de la défense à la réduction des déficits publics, le sacrifice d'une loi de programmation, elle-même fondée sur des hypothèses budgétairement réalistes, et sur le souci de stabiliser les dépenses militaires.

Sous le bénéfice de ces observations, v otre rapporteur pour avis conclut au rejet des crédits du ministère de la Défense pour 1998.

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EXAMEN EN COMMISSION

La commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées a examiné le présent rapport pour avis au cours de sa réunion du 19 novembre 1997.

A la suite de l'exposé du rapporteur pour avis, M. Xavier de Villepin, président, s'est interrogé sur le coût induit par la décision, annoncée par le ministre de la défense lors de l'examen de son budget par l'Assemblée nationale, d'abaisser à 52 ans l'âge de la retraite des ouvriers de l'Etat travaillant à la Direction des constructions navales et à GIAT-Industries. M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis, a estimé que cette mesure avait constitué une concession destinée à obtenir le vote du budget de la défense par la majorité de l'Assemblée nationale.

M. Philippe de Gaulle a estimé que les difficultés susceptibles de résulter, pendant la période de transition, de nouveaux reports d'incorporation créés dans le cadre de la loi portant réforme du service national, justifiaient plus encore une accélération de la professionnalisation, dont le processus devait être, selon lui, le plus rapide possible.

Revenant alors sur les problèmes liés à l'affectation à l'armée de terre de personnels civils dont les effectifs budgétaires étaient pourtant créés, M. Maurice Lombard s'est demandé si ces difficultés ne devraient pas conduire à augmenter les recrutements de militaires du rang engagés, qui seraient affectés à des fonctions de soutien. A cet égard, M. Serge Vinçon, rapporteur pour avis, a rappelé que la professionnalisation reposait sur le partage des tâches entre, d'une part, des militaires, qui devaient être consacrés à des missions opérationnelles, et des civils affectés à des missions de soutien.

M. Maurice Lombard a enfin évoqué avec le rapporteur pour avis la question de l'affectation, au budget de la défense, conformément à un engagement du précédent Gouvernement, des fonds de concours résultant de la cession d'immeubles des armées.

M. Xavier de Villepin, président, a alors rappelé que la commission ne voterait sur l'ensemble des crédits de la défense pour 1998 qu'après avoir entendu tous ses rapporteurs pour avis.

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La commission a examiné l'ensemble des crédits du ministère de la défense pour 1998 au cours de sa réunion du mercredi 26 novembre 1997.

M. Xavier de Villepin, président, a exprimé les raisons de sa forte inquiétude devant le projet de budget proposé.

S'agissant des crédits du titre III, dont l'enveloppe globale traduisait la priorité affichée en faveur de la professionnalisation, il a néanmoins exprimé une double préoccupation : d'une part, la compression des crédits de fonctionnement (hors rémunérations et charges sociales) qui, avec l'insuffisance des crédits d'entretien programmé des matériels, menaçait l'activité des forces ; d'autre part, les conséquences potentielles, particulièrement pour l'armée de terre, des dispositions adoptées en matière de reports d'incorporation pour les jeunes gens titulaires d'un contrat de travail, qui fragilisaient la période de transition et rendaient nécessaire l'adoption de mesures de compensation.

En ce qui concerne les crédits du titre V -qui connaissaient une brutale diminution (de 8,7 % en francs courants et de 9,9 % en francs constants)- M. Xavier de Villepin, président, a formulé les observations suivantes :

- il a d'abord déploré que les crédits d'équipement militaire jouent le rôle de " variable d'ajustement " du budget de l'Etat, ce qui constituait un signal négatif adressé à la nation dans son ensemble ; il a particulièrement souligné les conséquences de ces coupes budgétaires sur les crédits consacrés au nucléaire (- 13 %), évolution qui constituait un important sujet d'inquiétude pour l'avenir ; il a également regretté les incidences de ces diminutions de crédits sur les programmes spatiaux militaires et sur le programme Rafale ;

- M. Xavier de Villepin, président, a ensuite estimé que le projet de budget de la défense pour 1998 constituait un mauvais signal adressé aux industries de la défense pour quatre raisons : le coût élevé, et quasi mécanique, de ces réductions budgétaires en termes d'emplois, le surcoût inévitable des équipements faisant l'objet de mesures d'étalement ou de moratoires, la perte de " lisibilité " que la loi de programmation avait précisément pour objet d'apporter aux industriels, et enfin l'affaiblissement qui en résultera pour les industriels français dans la perspective des restructurations indispensables de l'industrie européenne de l'armement ;

- puis M. Xavier de Villepin, président, a souligné que ce projet de budget constituait surtout un signal très négatif adressé à nos armées au moment même où un effort exceptionnel leur était demandé ; il a estimé que les orientations de ce budget, si elles n'étaient pas corrigées après 1998, poseraient des interrogations majeures pour l'avenir : ne risqueraient-elles pas de compromettre la cohérence de la réforme entreprise dans son ensemble ? ne risqueraient-elles pas de remettre en cause le futur modèle d'armée lui-même ?

- M. Xavier de Villepin, président, a estimé que toutes ces interrogations revenaient finalement à poser la question de la validité de la théorie dite de l' " encoche " ; il a estimé que, si les économies imposées à la défense en 1998 avaient un caractère exceptionnel, leurs conséquences, pour regrettables et dommageables qu'elles soient, seraient peut-être surmontables ; si, en revanche, la défense ne retrouvait pas, à partir de 1999, le niveau de ressources prévu par la loi de programmation 1997-2002, l'ensemble de la réforme engagée se trouverait gravement fragilisée et la dernière loi de programmation devrait être considérée comme caduque.

Or, a souligné M. Xavier de Villepin, président, la dernière loi de programmation -contrairement à ses devancières- comportait déjà une forte réduction des crédits d'équipement militaire et constituait la traduction d'une réforme d'ensemble devant aboutir à la mise en place d'un nouveau modèle d'armée. Son non-respect ou -a fortiori- son abandon ne pourrait donc conduire qu'à l'affaiblissement progressif de notre défense ou à la révision de ce modèle d'armée. Il a en outre estimé que, si l'élaboration éventuelle d'une nouvelle programmation venait à être envisagée, il vaudrait mieux alors renoncer à sa traduction législative, devenue sans valeur.

Concluant son propos, M. Xavier de Villepin, président, a estimé que la commission n'avait d'autre choix que de rejeter les crédits du ministère de la défense pour 1998 et l'a invitée à réaffirmer son ferme attachement au respect de la loi de programmation votée en 1996. Il a enfin suggéré à la commission, pour expliquer son avis négatif, d'adopter les principales observations qu'il venait de présenter et de les faire figurer dans chacun de ses rapports pour avis au titre des conclusions de la commission.

M. Bertrand Delanoë a alors indiqué que, s'il partageait certaines des inquiétudes exprimées par M. Xavier de Villepin, président -pour des raisons qui étaient d'ailleurs antérieures au projet de budget pour 1998-, il était globalement en désaccord avec les conclusions proposées et approuvait la démarche générale suivie par le Gouvernement. Il a relevé que les programmes conduits en coopération avec nos partenaires européens étaient poursuivis de manière satisfaisante. Il a estimé que les difficultés rencontrées venaient essentiellement de la méthode employée pour professionnaliser nos forces armées qui ne pouvait aboutir qu'à des pressions de plus en plus fortes sur les crédits d'équipement. M. Bertrand Delanoë a conclu en considérant qu'une " épreuve de vérité " était souhaitable et ne devrait écarter aucun des choix nécessaires, qu'il s'agisse des missions assignées à nos forces ou des équipements retenus.

M. Michel Caldaguès a indiqué qu'il partageait pleinement chacune des observations formulées par M. Xavier de Villepin, président. Il a estimé que le budget très inquiétant qui était présenté trouvait son origine, non pas dans la méthode suivie pour professionnaliser nos armées, mais, beaucoup plus largement, dans la mise en cause progressive des différentes spécificités des forces françaises et dans le processus de " mutualisation " des forces qui ne pouvait conduire, de manière insidieuse, qu'à la réduction de notre effort national de défense. Il a enfin souligné que la politique conduite par le Gouvernement en matière de dépenses publiques civiles conduisait inévitablement à la compression de nos dépenses militaires.

M. Jean Faure a exprimé son entier soutien à chacune des conclusions présentées par M. Xavier de Villepin, président. S'agissant des crédits consacrés au nucléaire, il a estimé indispensable de respecter les calendriers prévus et souligné, dans ce domaine plus que dans tout autre, l'enjeu majeur que représentait la question de la transmission du savoir et du maintien des compétences scientifiques.

M. Philippe de Gaulle a relevé qu'une quinzaine d'années auront été nécessaires entre le lancement du programme Rafale et la constitution de la première flottille de ces appareils.

M. Claude Estier a enfin indiqué que les commissaires socialistes ne s'associaient pas aux conclusions proposées par M. Xavier de Villepin, président.

La commission a alors adopté, le groupe socialiste votant contre, les principales observations présentées par M. Xavier de Villepin, président, et décidé de les faire figurer en tête de chacun de ses rapports pour avis sur le budget de la défense pour 1998, au titre des conclusions de la commission.

Elle a enfin émis un avis défavorable à l'adoption de l'ensemble des crédits du ministère de la défense pour 1998.

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