Article 4
(art. L. 4311-1-1 du code général des collectivités territoriales)
Nouvelle procédure d'adoption du budget régional

Cet article insère dans le chapitre premier (" Adoption du budget et règlement des comptes ") du titre premier (" Budgets et comptes ") du livre troisième (" Finances régionales ") de la quatrième partie (" La Région ") du code général des collectivités territoriales, un article L. 4311-1-1 qui prévoit la nouvelle procédure d'adoption du budget régional. Il s'agit de la disposition centrale de la proposition de loi.

1. Les modalités d'adoption du budget régional

Les modalités d'adoption du budget régional sont actuellement régies par l' article L. 4311-1 du code général des collectivités territoriales, qui a codifié des dispositions de l'article 6 de la loi n° 72-619 du 5 juillet 1972 modifiée portant création et organisation des régions.

Il prévoit, en premier lieu, que dans un délai de deux mois précédant l'examen du budget, un débat doit avoir lieu sur les orientations budgétaires .

On rappellera qu'un tel débat déjà prévu dans les départements par l'article 50 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 (désormais codifié à l' article L. 3312-1 du code général des collectivités territoriales) a été rendu obligatoire dans les régions par la loi n° 92-125 du 6 février 1992 d'orientation relative à l'administration territoriale de la République.

L' article L. 4311-1 précise, en outre, que le projet de budget de la région est préparé et présenté par le président du conseil régional. Celui-ci est tenu de le communiquer aux membres du conseil régional avec les rapports correspondants, douze jours au moins avant l'ouverture de la première réunion consacrée à son examen.

Les caractéristiques du budget régional sont les suivantes :

- il est établi en section de fonctionnement et en section d'investissement, tant pour les recettes que pour les dépenses ;

- il doit être voté équilibré en dépenses et en recettes ;

- il est voté par chapitre et, si le conseil régional le décide, par article.

En outre, le président du conseil régional -sauf si le conseil régional a précisé que les crédits seraient spécialisés par article- peut effectuer des virements d'article à article à l'intérieur d'un même chapitre dans la limite du cinquième de la dotation de ce chapitre.

L' article L. 4311-3 prévoit, par ailleurs, que les dotations affectées aux dépenses d'investissement peuvent -sur décision du conseil régional- comprendre des autorisations de programme et des crédits de paiement.

Enfin, la procédure budgétaire régionale -à l'instar de celle applicable aux communes et aux départements- est soumise aux dispositions des articles L. 1612-1 et suivants du code général des collectivités territoriales qui règlent la procédure applicable, d'une part, dans les cas où le budget n'est pas adopté dans les délais, d'autre part, dans ceux où il n'est pas voté en équilibre.

Votre rapporteur s'intéressera aux dispositions prévues dans le cas où le budget n'est pas adopté dans les délais prévus, cas qui fait précisément l'objet de la présente proposition de loi.

2. Les procédures applicables à défaut d'adoption du budget dans les délais légaux

Le code général des collectivités territoriales ( article L. 1612-1 ) envisage, en premier lieu, le cas où le budget d'une collectivité territoriale n'a pas été adopté avant le 1 er janvier de l'exercice auquel il s'applique. L'exécutif est alors en droit, jusqu'à l'adoption de ce budget, de mettre en recouvrement les recettes et d'engager, de liquider et de mandater les dépenses de la section de fonctionnement dans la limite de celles inscrites au budget de l'année précédente.

Il est, par ailleurs en droit de mandater les dépenses qui portent sur le remboursement en capital des annuités de la dette venant à échéance avant le vote du budget.

Enfin -mais à condition d'avoir recueilli l'autorisation de l'assemblée délibérante- l'exécutif territorial peut jusqu'à l'adoption du budget ou jusqu'au 31 mars , en l'absence d'adoption du budget avant cette date, engager, liquider et mandater les dépenses d'investissement. Cette faculté ne lui est néanmoins reconnue que dans la limite du quart des crédits ouverts au budget de l'exercice précédent, non compris les crédits afférents au remboursement de la dette. Il ne peut, par ailleurs, liquider et mandater les dépenses à caractère pluriannuel incluses dans une autorisation de programme que dans la limite des crédits de paiement prévus au titre de l'exercice par la délibération d'ouverture d'autorisation de programme.

En second lieu, le code général des collectivités territoriales ( article L. 1612-2 ) règle le cas où le budget n'a pas été adopté avant le 31 mars de l'exercice auquel il s'applique ou avant le 15 avril de l'année du renouvellement des organes délibérants.

Dans un tel cas, est mise en place une procédure qui associe le représentant de l'Etat et la chambre régionale des comptes .

Le premier doit saisir sans délai la seconde, laquelle est appelée à formuler -dans le mois et par un avis public- des propositions pour le règlement du budget.

Il appartient ensuite au représentant de l'Etat de régler le budget et de le rendre exécutoire .

Il ne peut s'écarter des propositions de la chambre régionale des comptes que par une motivation explicite.

Pendant la période qui court de la saisine de la chambre régionale des comptes jusqu'au règlement du budget par le représentant de l'Etat, l'organe délibérant se trouve dessaisi puisqu'il ne peut adopter de délibération sur le budget de l'exercice en cours.

Cependant, solution qui paraît logique, ces dispositions ne sont pas applicables lorsque le défaut d'adoption résulte de l'absence de communication avant le 15 mars à l'organe délibérant d'informations indispensables à l'établissement du budget.

L'organe délibérant dispose alors de quinze jours à compter de cette communication pour arrêter le budget.

Il n'en reste pas moins que le dessaisissement de l'organe délibérant -même provisoire- de sa compétence en matière budgétaire peut être ressenti comme difficilement acceptable.

En outre, les particularités du budget régional rendraient d'autant plus sensibles les conséquences d'un retard dans son adoption. Etant, pour l'essentiel, un budget d'investissements -et même d'investissements indirects (c'est-à-dire de subventions accordées à d'autres collectivités, voire à l'Etat)- le budget régional souffrirait particulièrement de tout retard dans son adoption.

En conséquence, ces dispositions issues du 2 mars 1982 (article 7) n'iraient pas dans le sens de la décentralisation.

Ainsi, à l'approche d'un renouvellement des contrats de plan, certains ont pu s'interroger sur la situation d'un représentant de l'Etat chargé tout à la fois de régler le budget régional et de négocier les contrats de plan au nom de l'Etat.

3. Le dispositif proposé

Afin de remédier à ces différents inconvénients, l'article 4 de la proposition de loi prévoit une nouvelle procédure d'adoption du budget régional, qui s'inspire pour partie d'un dispositif déjà applicable sur un plan général dans la collectivité territoriale de Corse ( article L. 4422-20 du code général des collectivités territoriales), collectivité dans laquelle -il n'est pas inutile de le rappeler- l'Assemblée de Corse peut mettre en cause la responsabilité du conseil exécutif par le vote d'une motion de défiance.

La procédure prévue pour l'adoption du budget régional se déroulerait en trois étapes :

- première étape

Si le budget n'est pas adopté à la date limite, c'est-à-dire le 31 mars ou le 15 avril (les années de renouvellement des conseils régionaux), le président du conseil régional établirait dans un délai de cinq jours un nouveau projet (sur la base du projet initial) modifié, le cas échéant, par un ou plusieurs des amendements présentés lors de la discussion.

- deuxième étape :

Le nouveau projet serait soumis -dans un délai de cinq jours - pour approbation au bureau du conseil régional, lequel pourrait demander que des amendements soient retirés ou que d'autres y soient ajoutés.

La décision du bureau devrait être rendue dans un délai de cinq jours .

- troisième étape :

S'il était approuvé par le bureau du conseil régional, le projet serait communiqué par le président aux membres du conseil et il serait considéré comme adopté à l'expiration d'un délai de douze jours .

Deux situations pourraient alors se présenter :

- ou bien il ne se passe rien et le projet de budget serait considéré comme adopté à l'expiration d'un délai de douze jours à compter de cette communication ;

- ou une motion de défiance est déposée : cette motion de défiance devrait comporter un projet de budget et une déclaration politique.

Elle ne pourrait être adoptée que par la majorité absolue des membres du conseil régional.

Si la motion de défiance était adoptée, le projet de budget qu'elle comporte en annexe serait considéré comme adopté.

En revanche, si la motion de défiance n'était pas adoptée, le projet de budget présenté par le président et approuvé par le bureau du conseil régional serait considéré comme adopté.

Si le bureau du conseil régional n'approuvait pas le projet de budget du président, le budget serait réglé par le représentant de l'Etat sur la base des propositions de la chambre régionale des comptes, conformément à l' article L. 1612-2 du code général des collectivités territoriales qui redeviendrait alors applicable.

L'application de cette nouvelle procédure recevrait deux séries d'exceptions :

- d'une part, elle ne serait pas applicable à la collectivité territoriale de Corse, une procédure de mise en cause du conseil exécutif -comme votre rapporteur l'a déjà indiqué- étant d'ores et déjà prévue par l' article L. 4422-20 ;

- d'autre part, elle ne serait pas non plus applicable lorsque le président de conseil régional n'a pas présenté de budget dans les conditions ordinaires prévues par l'article L. 4311-1 ou lorsqu'il n'a pas soumis un nouveau projet au bureau du conseil régional comme le lui impose le deuxième alinéa de l'article L. 4311-1-1 dans la rédaction proposée pour le présent article.

4. Les propositions de votre commission

En l'état, ce dispositif est apparu à votre commission des Lois à la fois complexe et incomplet quant aux conséquences à tirer de l'adoption d'une motion de défiance par une majorité absolue de membres du conseil régional.

C'est pourquoi, votre commission vous soumet à cet article huit amendements dont la finalité est double : d'une part, simplifier le dispositif de l' article L. 4311-1-1 tout en tenant compte de la situation particulière des années de renouvellement du conseil régional et, d'autre part, clarifier les conséquences d'un vote de défiance sur la situation de l'exécutif régional.

· Le premier amendement tend à réduire les délais de mise en oeuvre de la procédure qui, dans le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, pourrait se prolonger pendant près d' un mois et demi .

En conséquence, cet amendement :

- ramène au 20 mars la date limite d'adoption des budgets régionaux (31 mars dans le droit en vigueur). En conséquence, la nouvelle procédure d'adoption du budget pourrait s'étaler jusqu'au 15 avril qui est actuellement la date limite pour les années de renouvellement des conseils régionaux. Les délais qui résulteraient des amendements proposés par la commission seraient donc les suivants :

- 5 jours pour le nouveau projet du président ;

- 5 jours pour la présentation d'une motion à compter de la communication de son nouveau projet par le président ;

- 7 jours pour l'avis du conseil économique et social régional ;

- au plus 7 jours à compter de cet avis pour l'organisation du vote sur la motion .

Soit 5 + 5 +7 + 7 = 24 jours au plus.

- Il reporte au 30 avril la date limite d'adoption des budgets régionaux les années de renouvellement des conseils régionaux, la date actuellement en vigueur (15 avril) paraissant très difficile à respecter. La nouvelle procédure pourrait donc, ces seules années de renouvellement de l'assemblée délibérante, être déclenchée à compter du 30 avril.

- Il fait courir l'obligation pour le président d'établir un nouveau projet à compter du vote de rejet alors que le texte de l'Assemblée nationale obligerait à attendre dans tous les cas l'expiration du délai légal c'est à dire - sur les bases du droit actuel- soit le 31 mars soit le 15 avril (l'année de renouvellement des conseils régionaux).

· Le deuxième amendement :

- supprime l'intervention du bureau
dans la procédure d'élaboration du nouveau projet (le bureau est composé des conseillers régionaux ayant reçu délégation, ces délégations peuvent être rapportées par le président quand il le souhaite ; la préparation du budget est de la responsabilité du président lui-même auquel il revient de " préparer les délibérations du conseil régional ", article L. 4231-1 ).

- Il propose une rédaction plus simple de la règle d'adoption sans vote du nouveau projet sauf motion contraire.

- Il permet la présentation d'une motion par un tiers des membres du conseil régional et non plus par la majorité absolue.

- Il maintient l'exigence de la majorité absolue des membres composant le conseil régional pour l'adoption de la motion.

· Le troisième amendement :

-
fixe un délai de cinq jours pour la présentation de la motion à compter de la communication du nouveau projet du président.

- Il précise que la motion devra comporter le nom d'un candidat à la fonction de président pour le cas où elle serait adoptée.

- Il indique les caractéristiques que le projet de budget " alternatif " devra avoir, soit les mêmes que le projet du président : distinction entre section de fonctionnement et section d'investissement ; respect de l'équilibre entre dépenses et recettes notamment.

- Il soumet ce projet alternatif à l'avis du conseil économique et social régional , lequel est obligatoirement saisi du projet initial du président pour se prononcer sur ses orientations générales.

- Il fixe un délai de sept jours pour l'avis du conseil économique et social régional.

· Le quatrième amendement organise la procédure de vote sur la motion . A cette fin :

- il fixe un délai minimum ( 48 heures ) et un délai maximum ( 7 jours ) pour l'organisation du vote à compter de l'avis du conseil économique et social régional.

- Il fixe une condition de quorum afin de solenniser la procédure qui peut aboutir à un renversement de majorité.

· Le cinquième amendement précise les conséquences de l'adoption de la motion, à savoir non seulement l'adoption du budget alternatif mais aussi le changement de président et le renouvellement de la commission permanente.

On ne peut en effet envisager que le président en place exécute un budget qui n'est pas conforme à ses vues. Le vote de la motion sera l'expression d'une nouvelle majorité autour d'un nouveau projet traduit dans le document budgétaire. Il convient donc d'en tirer toutes les conséquences.

Enfin, les trois derniers amendements sont des amendements de coordination.

Votre commission des Lois vous soumet cet article ainsi modifié.

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