RAPPORT n° 151 - PROJET DE LOI AUTORISANT L'APPROBATION DE LA CONVENTION SUR LA PROTECTION DES ENFANTS ET LA COOPERATION EN MATIERE D'ADOPTION INTERNATIONALE


Mme Monique CERISIER-BEN-GUIGA


Commission des Affaires étrangères de la Défense et des forces armées - Rapport n° 151 - 1997-1998

Table des matières






N° 151

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 3 décembre 1997.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale ,

Par Mme Monique CERISIER-ben GUIGA,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton, vice-présidents ; Michel Alloncle, Jean-Luc Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë, secrétaires ; Nicolas About, Jean Arthuis, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Jacques Bellanger, Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Jacques Habert, Marcel Henry, Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Régis Ploton, André Rouvière, André Vallet.

Voir le numéro :

Sénat : 365 (1996-1997).

Traités et conventions.

Mesdames, Messieurs,

C'est au sein de la Conférence de La Haye de droit international privé qu'est née l'idée, en janvier 1988, d'élaborer un instrument juridique international en vue d'encourager la coopération internationale en matière d'adoption interétatique.

La prise de conscience de la nécessité d'élaborer un texte adapté est liée à l' augmentation récente du nombre d'enfants adoptés en vertu de procédures transfrontières . La France est tout particulièrement concernée. En effet, le désir d'enfant est, dans notre pays, fréquemment contrarié par la stérilité liée à l'élévation de l'âge à la première maternité. Par ailleurs, peu d'enfants sont abandonnés et adoptables en France. De 1 000 enfants environ en 1979, le nombre d'enfants étrangers adoptés par des Français est, en effet, passé à 3 600 environ en 1996, le nombre de pays d'origine des enfants étant désormais supérieur à 65 (10 en 1980).

L'adoption internationale est donc devenue un phénomène mondial , caractérisé par le déplacement d'enfants sur de très longues distances, et par l'intégration des enfants adoptés à un environnement culturel souvent très différent de leur milieu d'origine . Il s'agit, dans la plupart des cas, d'enfants originaires de pays défavorisés accueillis par des familles résidant dans des pays dits riches.

L'existence de problèmes humains indiscutables découlant de ces pratiques, joints à des difficultés juridiques nombreuses, a conduit à constater l'insuffisance des instruments internationaux élaborés à une époque où l'adoption internationale ne connaissait pas la même ampleur qu'aujourd'hui, et à engager une nouvelle approche multilatérale du phénomène.

Les négociations entreprises au sein de la Conférence de La Haye ont, dès le départ, associé des pays qui n'appartenaient pas à cette conférence mais dont sont originaires de nombreux enfants adoptés par des parents étrangers, de même que des organisations intergouvernementales engagées dans les procédures de l'adoption internationale (Service social international, Association internationale de droit de la famille, ONU, Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés, Fédération internationale Terre des Hommes, Défense des enfants-International ...).

La convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale du 29 mai 1993 s'inscrit dans la filiation de la convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant du 20 novembre 1989 . Rappelons que l'article 21 de la convention de l'ONU subordonne l'adoption à " l'intérêt supérieur de l'enfant " et, dans cet esprit, engage les Parties à veiller notamment à ce que le placement de l'enfant ne soit pas effectué de manière mercantile.

Ratifiée à ce jour par 16 Etats, signée par 30, la convention de La Haye vise deux objectifs. D'une part, la convention prévoit un dispositif de contrôle des procédures d'adoption internationale, afin de garantir que les adoptions internationales aient lieu dans l' intérêt supérieur de l'enfant , ainsi que pour prévenir l'enlèvement, la vente ou la traite d'enfants. Dans cet esprit, la convention prescrit que les adoptions soient effectuées par des organismes spécialement agréés, satisfaisant à certaines exigences minimales (de compétence, de moralité), et exclut la réalisation de profits indus à l'occasion d'une adoption internationale. D'autre part, la convention tend à assurer la cohérence internationale du statut des personnes adoptées .

Votre rapporteur envisagera, de manière très classique, une présentation d'ensemble de la convention de La Haye de 1993, avant d'évoquer les spécificités et les difficultés de l'adoption internationale, et d'envisager les conséquences, pour la France, de la ratification de la présente convention.

I. UN TEXTE SOUCIEUX DE GARANTIR LES INTÉRÊTS ET LES DROITS DES ENFANTS

Dès son préambule, la convention de La Haye se réfère à l'" épanouissement harmonieux " de la personnalité de l'enfant, qui passe par le " climat de bonheur, d'amour et de compréhension " suscité par le " milieu familial ". A cet effet, la convention a pour objet de garantir que les adoptions internationales s'effectuent dans le " respect des droits fondamentaux " reconnus à l'enfant par le droit international 1( * ) (article 1er a). La coopération à laquelle les Etats parties sont invités en matière d'adoption (article 1er b) doit prévenir l'enlèvement, la vente ou la traite d'enfants, à une époque où des filières mercantiles interviennent parfois de manière frauduleuse dans des processus d'adoption alors très contestables.

A. STIPULATIONS TENDANT À ASSURER LE CONTRÔLE DES PROJETS D'ADOPTION

Les chapitres II à IV de la présente convention définissent les responsabilités de l'Etat d'origine et de l'Etat d'accueil de l'enfant adopté, les structures chargées d'exercer le contrôle des projets d'adoption, et encadrent les procédures d'adoption par des règles communes à tous les Etats-Parties.

1. Responsabilités de l'Etat d'origine (article 4)

Aucune adoption ne peut avoir lieu si les autorités compétentes de l'Etat d'origine ne se sont pas assurées :

- de l' adoptabilité de l'enfant ;

- de l'obtention des consentements nécessaires d'autres personnes que l'enfant ;

- de l'expression de souhaits éventuels de l'enfant ;

- du fait que le consentement de la mère, si celui-ci est requis par la législation de l'Etat d'origine, a été donné après la naissance de l'enfant (le délai dans lequel le consentement de la mère peut être révoqué relève de la loi locale) ;

- que les consentements n'ont pas été achetés : rappelons que le préambule de la présente convention se référe à l'objectif de prévenir la vente ou la traite d'enfants ;

- que les personnes dont le consentement est requis ont été informées des conséquences de leur décision , notamment sur l'éventualité d'une rupture des liens entre l'enfant et sa famille biologique (telle est, par exemple, la conséquence des adoptions plénières ) que n'admettent pas tous les pays (ainsi au Rwanda les liens avec la famille d'origine sont-ils maintenus même en cas d'adoption ; la Chine non plus ne reconnaît pas les conséquences de l'adoption plénière) ;

- et que l'adoption internationale intervient après épuisement des solutions de placement de l'enfant dans son Etat d'origine .

Cette dernière condition est particulièrement importante. En effet, la présente convention s'appuie sur le principe de subsidiarité , selon lequel, dans l'intérêt de l'enfant, l'adoption internationale ne constitue pas une fin en soi, mais doit suppléer à la défaillance ou à l'inexistence des solutions de placement susceptibles d'exister dans le pays d'origine de l'enfant.

Notons aussi que les contacts personnels entre les adoptants et la famille biologique de l'enfant sont proscrits par l'article 29 de la présente convention tant que les consentements requis n'ont pas été donnés, ce qui vise également à prévenir les adoptions mercantiles.

Rappelons que l'adoptabilité de l'enfant est déterminée par les autorités compétentes de l'Etat d'origine en fonction de la loi locale applicable. A cet égard, par exemple, la loi péruvienne exige une déclaration d'abandon pour que l'enfant soit déclaré " adoptable ".

Ces diverses conditions sont définies comme des garanties minimum, l'Etat où l'adoption a lieu pouvant poser des conditions supplémentaires.

2. Responsabilités de l'Etat d'accueil (article 5)

Les obligations de l'Etat d'accueil consistent à s'assurer que :

- les adoptants sont qualifiés , c'est-à-dire remplissent toutes les conditions juridiques de l'adoption (définies par la législation de leur Etat), et aptes à adopter, c'est-à-dire possèdent les qualités socio-psychologiques nécessaires ;

- les parents adoptifs ont été entourés des conseils nécessaires (cette stipulation peut être rapprochée de l'article 9-c, qui prescrit aux autorités centrales des Etats contractants de prendre, directement ou avec le concours d'autorités publiques ou d'organismes agréés, toutes les mesures appropriées pour " promouvoir dans leurs Etats le développement de services de conseils pour l'adoption et pour le suivi de l'adoption " : les conséquences, pour l'enfant, d'une adoption internationale peuvent être importantes, et donner lieu à des difficultés d'adaptation dont les adoptants doivent avoir conscience ;

- l'enfant sera autorisé à entrer et à séjourner de façon permanente dans l'Etat d'accueil . Cette dernière stipulation est complétée par l'article 18, qui prescrit aux Autorités centrales des deux Etats de prendre toutes mesures utiles pour que l'enfant reçoive l'autorisation de sortie de l'Etat d'origine, ainsi que l'autorisation d'entrée et de séjour permanent dans l'Etat d'accueil.

Comme celles que définit l'article 4, les conditions posées par l'article 5 constituent des garanties minimales , l'Etat d'origine de l'enfant pouvant exiger que des conditions supplémentaires soient remplies par rapport à celles que prévoit la législation de l'Etat de résidence des adoptants. Ainsi la Pologne a-t-elle défini une priorité en faveur des adoptants mariés, et exclut-elle que des concubins puissent adopter un enfant polonais 2( * ) .

Comme l'article 4, l'article 5 peut être rapproché de l'article 29, qui proscrit tout contact avec les parents biologiques, tant que n'ont pas été constatées les aptitudes et qualifications des parents adoptifs par les autorités de l'Etat d'accueil.

3. Structures chargées d'exercer le contrôle des projets d'adoption (articles 6 à 13)

La solution administrative retenue par la présente convention consiste à imposer aux Parties l' obligation de désigner une Autorité centrale chargée de coordonner la coopération entre les autorités judiciaires et administratives des Etats d'origine et des Etats d'accueil.

Notons que la grande majorité des Etats disposent d'un organisme gouvernemental jouant un rôle comparable à celui que confie la présente convention à l'Autorité centrale : l'adhésion à cette convention ne se traduit donc pas, dans la plupart des cas, par une modification profonde des structures administratives de l'adoption.

a) Rôle des Autorités centrales (article 3)

. Les Autorités centrales ont pour mission de coopérer entre elles et de " promouvoir une collaboration entre les autorités compétentes de leurs Etats pour assurer la protection des enfants " (article 7-1).

Elles doivent s'assurer de la circulation des informations sur la législation de leurs Etats en matière d'adoption, ainsi que d'autres renseignements, d'ordre statistique par exemple. Les Autorités centrales ont également pour rôle de s'informer entre elles du fonctionnement de la convention et, le cas échéant, de lever les obstacles à son application (article 7-2).

. L'article 8 engage les Autorités centrales à prendre toutes les mesures appropriées pour prévenir les gains matériels indus à l'occasion d'une adoption. Cette stipulation se rapproche de l'article 32, qui exclut la possibilité de tirer un gain matériel indu d'une adoption internationale. En revanche, l'article 8 ne proscrit pas les donations faites traditionnellement par certains adoptants aux centres d'adoption des pays d'origine. C'est, de manière générale, aux Parties de déterminer à partir de quand une pratique peut être considérée comme " contraire  aux objectifs de la convention " au sens de l'article 8.

. L'article 9 définit plus précisément les modalités de l'intervention des Autorités centrales dans les projets d'adoption. Les responsabilités définies par l'article 9 peuvent être exercées soit par les Autorités centrales elles-mêmes, soit avec le concours d' organismes agréés. C'est à chaque Etat contractant qu'il revient de décider comment les Autorités centrales doivent s'acquitter de leurs missions : la présente convention repose donc sur une certaine souplesse d'organisation . Les Autorités centrales ne sont pas, en effet, les seuls exécutants de la convention, les législations des Etats contractants pouvant autoriser une certaine déconcentration des compétences.

Les responsabilités définies par l'article 9 peuvent relever, en fonction des Etats, d'autorités judiciaires et administratives :

- il s'agit tout d'abord de rassembler et d'échanger des informations relatives aux projets d'adoption en cours (situation de l'enfant et des futurs parents adoptifs) ;

- la mission des Autorités centrales est également de faciliter les procédures d'adoption : cette obligation est également stipulée aux articles 18, 19-1, 20 et 35 de la présente convention ;

- l'article 9 se réfère aussi au " développement de services de conseils pour l'adoption et pour le suivi de l'adoption " : cette stipulation, qui complète les articles 4-c et d, et 5-b, confirme l'importance donnée par la présente convention aux prestations de conseils, tant aux adoptants qu'aux familles biologiques. La mention du suivi de l'adoption répond au souci, exprimé notamment par les Philippines et par le Vietnam, de faire en sorte que l'enfant s'adapte à son nouveau foyer et à son nouveau milieu, condition de la réussite de l'adoption ;

- de manière classique, l'article 9 renvoie également aux échanges de rapports entre Autorités centrales en vue de l' évaluation des expériences en matière d'adoption internationale ;

- enfin, le dernier alinéa de l'article 9 prescrit aux Autorités centrales de " répondre à toute demande d'informations sur une situation particulière d'adoption " émanant d'autres Autorités centrales. Cette stipulation renvoie au problème posé, lors des négociations, par de nombreux Etats d'origine, soucieux d'assurer le maintien d'un lien entre l'Etat d'origine de l'enfant adopté et son Etat d'accueil. Le principe de la souveraineté de l'Etat d'accueil s'opposant toutefois à l'existence d'un réel suivi des adoptions internationales, la fourniture de renseignements après une opération d'adoption ne saurait exister que sur une base volontaire.

b) Problèmes posés par l'existence d'organismes agréés (articles 10 à 12)

La convention de La Haye autorise les Autorités centrales à assumer leurs responsabilités avec le concours d'autorités publiques ou d'organismes dûment agréés. Ces agréments sont néanmoins encadrés par les articles 10 et 11.

De manière très éclairante, l'éventualité de délégations de compétences et de responsabilités par les Autorités centrales ne peuvent concerner que des " organismes ", à l'exclusion des personnes physiques.

. L' article 10 limite la délivrance d'agréments aux " organismes qui démontrent leur aptitude à remplir correctement les missions qui pourraient leur être confiées ". Cette précaution s'explique par le fait que la plupart des abus constatés en matière d'adoption internationale sont imputables à l'intervention d'intermédiaires à la déontologie très limitée. D'où la réticence de certains Etats contractants à admettre toute délégation de responsabilités des Autorités centrales à des organismes agréés. Notons que l'agrément visé par l'article 10 n'est pas nécessairement global, mais peut concerner la délégation de certaines tâches concourant à la mise en oeuvre de projets d'adoption aux organismes agréés.

. L' article 11 énumère donc les exigences minimum devant être respectées par les organismes agréés, chaque Etat étant en droit d'ajouter des conditions supplémentaires :

- obligation de poursuivre des buts non lucratifs : l'alinéa a) laisse cependant sur ce point une grande latitude à la réglementation qui pourra être adoptée par les Etats, dans les limites fixées par la convention ;

- nécessité de sélectionner, pour diriger les organismes agréés, des " personnes qualifiées par leur intégrité morale et leur formation ou expérience pour agir dans le domaine de l'adoption internationale ;

- l'article 11 pose également le principe d'une surveillance des autorités compétentes de chaque Etat sur la composition, le fonctionnement et la situation financière des organismes agréés.

De manière générale, l'obligation de poursuivre des buts non lucratifs est détaillée par l'article 32, qui exclut " tout gain matériel indu " à l'occasion des adoptions internationales. Celles-ci peuvent néanmoins induire certaines dépenses, notamment les honoraires des personnes (avocats, médecins ...) susceptibles d'intervenir dans une adoption. Ces honoraires doivent être, selon l'article 32, " raisonnables ". Dans le même esprit, la rémunération des personnels des organismes intervenant dans les adoptions internationales ne saurait être " disproportionnée par rapport aux services rendus ".

. L' article 12 subordonne la possibilité, pour un organisme agréé, d'intervenir dans un autre Etat en vue d'une adoption internationale, à une autorisation expresse des autorités compétentes des deux Etats contractants . Cet article reconnaît donc à chaque Etat le droit d'admettre ou de refuser que des organismes agréés puissent agir sur son territoire . Certains Etats, en effet, sont opposés à l'intervention d'organismes privés dans le domaine de l'adoption internationale. Il était donc important que la présente convention pose le principe de la liberté, pour chaque Etat, de déterminer quelles personnes et autorités sont habilitées à intervenir sur son territoire en matière d'adoption .

. Enfin, l' article 13 invite les Etats à désigner les Autorités centrales, à préciser l'étendue de leurs fonctions et à communiquer les coordonnées d'organismes agréés au Bureau permanent de la Conférence de La Haye, qui pourra ainsi diffuser ces données parmi les Etats intéressés.

4. Conditions de procédure (articles 14 à 22)

Le chapitre IV de la présente convention vise à établir les grandes lignes d'une procédure d'adoption internationale qui protégera les intérêts à la fois de l'enfant, des parents biologiques et des adoptants, sans compliquer à l'excès les conditions requises en vue d'une adoption.

Les règles fixées par les articles 14 à 22 peuvent, le cas échéant, être complétées par des accords entre Etats contractants, à la conclusion desquels se réfère l'article 39-2.

a) Responsabilités de l'Etat d'accueil et démarches préliminaires

. L' article 14 invite les candidats à une adoption à s'adresser à l'Autorité centrale de leur pays de résidence . Malgré le souci de certains Etats (Etats-Unis, Japon) de permettre aux adoptants d'entamer les démarches directement auprès de l'Autorité centrale de l'Etat d'origine de l'enfant, il a été considéré qu'une procédure plus formelle garantirait de manière plus efficace la prévention des abus constatés dans certains pays, du fait de contacts personnels entre les candidats à une adoption et les autorités de l'Etat d'origine. Dans cet esprit, l'intermédiaire de l'Autorité centrale de l'Etat de résidence des adoptants permettait de mieux assurer le respect des droits des enfants .

. L' article 15 rappelle les responsabilités de l'Autorité centrale de l'Etat de résidence des adoptants : il s'agit de vérifier si ceux-ci satisfont aux conditions juridiques et socio-psychologiques requises. Un rapport est ainsi établi sur les adoptants et transmis à l'Autorité centrale à l'Etat d'origine de l'enfant. Sur ce rapport figurent des renseignements sur l'identité des adoptants, leur situation familiale et médicale, leur milieu social, leurs motifs et leur aptitude à assumer une adoption internationale.

Ce rapport devrait mentionner des informations sur les enfants que les adoptants seraient aptes à prendre en charge : cette stipulation permet de s'assurer des préférences de futurs parents adoptifs à l'égard de l'âge, du sexe, voire du nombre d'enfants susceptibles d'être accueillis dans ce foyer. Notons que le Saint-Siège avait souligné l'importance des éléments d'information d'ordre religieux, tant en ce qui concerne les adoptants que s'agissant de l'enfant, même si la liste de renseignements établie par l'article 15 ne se réfère pas à la religion des adoptants.

. L' article 31 exclut que les informations rassemblées sur les parents adoptifs soient utilisées à d'autres fins que pour la réalisation d'un projet d'adoption. Cette stipulation vaut aussi pour les renseignements relatifs à l'enfant, évoqués par l'article 16 de la présente convention.

b) Responsabilités de l'Etat d'origine et décision de placement de l'enfant

. L' article 16 invite l'Autorité d'accueil de l'Etat d'origine de l'enfant à établir un rapport le concernant, et mentionnant son identité, son adoptabilité, son milieu social, son passé médical et celui de sa famille, son origine ethnique, religieuse et culturelle, ainsi que, le cas échéant , ses besoins particuliers. L'Autorité centrale de l'Etat d'origine a également le devoir de s'assurer que les consentements visés à l'article 4 ont été obtenus. Elle doit aussi s'assurer que le " placement envisagé ", et non pas le processus d'adoption lui-même, est conforme à l'intérêt supérieur de l'enfant. La décision de placement intervient en vertu du choix, parmi les différents candidats à une adoption, des parents paraissant le plus à même de s'occuper de l'enfant pour le plus grand intérêt de celui-ci. Notons que la nécessité d' assortir au mieux l'enfant à sa famille adoptive (exprimé par le terme de " matching ", traduit en français par le terme d' apparentement ) a été soulignée fréquemment au cours des négociations.

Sont donc transmis à l'Autorité centrale de l'Etat de résidence des adoptants le rapport sur l'enfant, ainsi que la preuve des consentements requis. L'article 16 précise en outre que l'identité des parents biologiques n'est révélée que si la législation de l'Etat d'origine de l'enfant le permet. L'information relative à l'identité des parents biologiques doit être conservée par les Etats d'origine, avec les données relatives au passé médical de l'enfant et de sa famille, selon l'article 30 de la présente convention. Cet article fait également obligation aux Etats d'origine d'assurer l'accès de l'enfant à ces informations, dans la mesure où la loi le permet.

. Alors que les articles 14 à 16 peuvent, le cas échéant, être interprétés différemment dans le cadre des conventions bilatérales auxquelles se réfère l'article 39, l' article 17 ne saurait faire l'objet d'aucune exception. Cet article subordonne la décision de confier un enfant à des conditions minimum, devant être respectées par tous les Etats-Parties :

- existence d'un accord des futurs parents adoptifs, vérifiée par l'autorité centrale de l'Etat de résidence de ceux-ci,

- existence d'un accord entre les deux Autorités centrales des Etats concernés sur le projet d'adoption,

- vérification de l'aptitude et de la qualification juridique des candidats à l'adoption, et de l'attribution à l'enfant d'un visa d'entrée sur le territoire de son pays d'accueil ainsi que d'un titre de séjour adapté.

. L' article 18 invite les Autorités centrales des deux pays (d'origine et d'accueil de l'enfant) à prendre leurs dispositions pour que l'enfant reçoive l'autorisation de sortie de l'Etat d'origine et l'autorisation d'entrée et de séjour dans l'Etat d'accueil. Il est néanmoins clair que l'article 18 ne saurait être invoqué quand de telles formalités ne sont pas nécessaires, comme par exemple entre Etats de l'Union européenne (les Etats de l'Union européenne ne figurent cependant pas parmi les Etats d'origine les plus fréquemment cités). Selon l'article 35 de la présente convention, ces formalités, comme d'ailleurs toutes les démarches relatives à une adoption internationale, doivent être accomplies avec rapidité.

. L' article 19 concerne le voyage de l'enfant vers le pays de ses parents adoptifs. Ce déplacement ne peut avoir lieu en pratique qu'une fois réunies les autorisations de circulation requises (sortie du territoire de l'Etat d'origine, entrée et séjour dans l'Etat d'accueil). Il appartient aux autorités centrales de veiller à ce que le voyage s'effectue " en toute sécurité " et, si possible, en compagnie des parents adoptifs. A cet égard, des difficultés d'ordre pratique peuvent s'opposer à ce que les parents adoptifs ramènent l'enfant vers son nouvel Etat de résidence -notamment quand des considérations de coût interviennent. Notons aussi que le déplacement de l'enfant vers son Etat d'accueil peut avoir lieu avant l'achèvement de la procédure d'adoption. L'article 28 permet toutefois que l'adoption ait lieu dans l'Etat d'origine, lorsque la législation de cet Etat s'oppose au placement de l'enfant dans l'Etat d'accueil avant son adoption.

. L' article 20 invite les Autorités centrales à se tenir informées de la procédure d'adoption en vigueur dans les différents Etats : rappelons que la convention a pour objet d'instaurer un système de coopération entre les Etats contractants et d'harmoniser les conditions posées par les Parties. Les informations auxquelles se réfère l'article 20 concernent notamment le déroulement de la période probatoire , pendant laquelle l'enfant est " placé " auprès des candidats à l'adoption, avant l'intervention de la décision d'adoption. Pendant cette période probatoire est contrôlée l'adaptation et l'intégration de l'enfant auprès de ses parents adoptifs.

. L' article 21 prend en compte l'éventualité de l' échec d'un placement -quelle qu'en soit la raison-, et la nécessité, dans ce cas, de retirer l'enfant aux personnes qui désiraient l'adopter. L'Autorité centrale de l'Etat d'accueil veille alors, en accord avec l'Autorité centrale de l'Etat d'origine, à tenter un nouveau placement de l'enfant, ou à assurer " une prise en charge alternative " (situation où l'enfant ne peut pas être placé en vue d'une nouvelle adoption, ni retourner dans son pays d'origine, mais doit faire l'objet, par exemple, d'un traitement ou de soins particuliers), voire, si l'intérêt de l'enfant l'exige, à assurer le retour de l'enfant dans son pays d'origine.

Par ailleurs, en conformité avec l'article 4-d de la présente convention, et de l'article 12 de la convention de l'ONU sur les droits de l'enfant, relatif à la liberté d'opinion de l'enfant " capable de discernement ", l'article 21 se réfère à la nécessité, en cas d'échec du premier placement, de consulter l'enfant, et de recueillir son consentement à toute solution envisagée, lorsque son âge et sa maturité le permettent.

c) Le cas des adoptions indépendantes

L' article 22 concerne les adoptions dites privées , ou indépendantes , susceptibles d'être effectuées à partir de l'intervention d' organismes non agréés . Les Etats-Unis ont, en effet, insisté pour que figure dans la présente convention l'intervention d'organismes privés et indépendants dans les procédure d'adoption internationale. Ce souci tient à la compétence dévolue aux avocats dans le système américain à l'égard de l'adoption d'enfants nés à l'étranger.

Le texte de cet article permet donc aux organismes non agréés d'intervenir dans des projets d'adoption internationale en s'acquittant des missions dévolues aux Autorités centrales, à condition qu'ils remplissent certaines conditions minimales (de moralité, de compétence professionnelle, de formation et d'expérience dans le domaine de l'adoption internationale). L'article 22 permet néanmoins aux Parties de s'opposer à l'intervention de tels organismes dans des projets d'adoption concernant leurs ressortissants . La France, par exemple, ne reconnaît pas les compétences de tels organismes dans sa procédure d'adoption.

On remarque que les conditions définies en vue de l'intervention d'organismes non agréés ne mentionnent pas l'interdiction de tirer un gain financier ou un avantage indu de leurs activités liées à l'adoption internationale. On peut toutefois estimer que cette précaution élémentaire est satisfaite par l'alinéa b) de l'article 22, relatif à l'intégrité morale exigée des organismes non agréés, et par l'article 32 de la présente convention. Celui-ci stipule, en effet, que " nul ne peut tirer un gain matériel indu en raison d'une intervention à l'occasion d'un adoption internationale ", et que les administrateurs et employés des " organismes intervenant dans une adoption ne peuvent recevoir une rémunération disproportionnée par rapport aux services rendus ".

Il n'en demeure pas moins que la présente convention ne fixe pas des règles identiques pour les organismes agréés et pour les organismes non agréés.

Il est très éclairant de constater que les stipulations relatives aux organismes non agréés ne tiennent pas compte d'une proposition faite par la France au cours des négociations, et tendant à souligner que, en matière d'adoption internationale, le concours des Autorités centrales est la règle, l'intervention d'organismes non agréés, en vue de l'accomplissement d'adoptions " indépendantes " ou " privées ", constituant l'exception.

B. STIPULATIONS ASSURANT LA COHÉRENCE INTERNATIONALE DU STATUT DE L'ADOPTÉ (Articles 23 à 27)

1. Reconnaissance des décisions d'adoption certifiées conformes à la présente convention

. L' article 23 institue le principe de la reconnaissance de plein droit (c'est-à-dire de manière automatique), dans tous les Etats contractants, des adoptions réalisées conformément à la convention, et pour lesquelles a été délivré un certificat de conformité . Celui-ci est établi par l'Etat sur le territoire duquel a eu lieu l'adoption (cet Etat peut être, selon les cas, l'Etat d'origine de l'enfant ou son Etat d'accueil). Aucune procédure de reconnaissance, d'exécution ou d'enregistrement n'est nécessaire pour obtenir la validation de la décision d'adoption dans un autre Etat.

. La reconnaissance d'une adoption peut être refusée par un Etat si l'adoption est contraire à son ordre public et à l'intérêt de l'enfant (article 24), s'il était établi, par exemple, que les consentements ont été donnés sous la contrainte, ou que l'adoption relève de l'enlèvement d'enfant.

On peut espérer que des situations aussi exceptionnelles se produisent rarement. Les Etats ont également la possibilité, en vertu de l'article 25, de ne pas reconnaître une adoption qui aurait été effectuée sur la base d'un accord conclu entre deux Parties, conformément à l'article 39-2. Cette stipulation est étonnante, puisque ces accords sont conçus comme un moyen de " favoriser l'application de la convention " : on peut donc en conclure que les adoptions prononcées sur la base de ces accords bilatéraux seront conformes à la convention. Pourquoi, dès lors, autoriser des Etats à ne pas reconnaître ces décisions d'adoption ?

2. Conséquences de la reconnaissance de l'adoption sur les liens de filiation

Les articles 26 et 27 définissent les conséquences d'une adoption sur les liens de filiation entre l'enfant et ses parents adoptifs, et entre l'enfant et ses parents biologiques . En effet, tous les systèmes juridiques ne reconnaissent pas, comme la loi française, la possibilité d'une rupture des liens de filiation entre l'enfant adopté et ses parents biologiques, à travers les adoptions dites plénières .

. L' article 26 établit une distinction entre les différents types d'adoption, celles qui reviennent à abolir tout lien de filiation entre l'enfant et ses parents biologiques (adoptions plénières) et celles qui ne mettent pas fin à ce lien (adoptions simples ou limitées).

- L'article 26 définit les effets minimum des adoptions faites conformément à la convention. L'enfant dont l'adoption est reconnue est donc considéré en droit comme l' enfant des parents adoptifs . Rappelons que la convention ne concerne, selon l'article 2, que les adoptions établissant un lien de filiation, et ne vise donc pas la kafala en vigueur dans les pays musulmans. L'enfant adopté conformément à la présente convention est placé sous la " responsabilité " de ses parents adoptifs : ce terme a été retenu de préférence à celui d'" autorité ", afin d'insister sur les devoirs qui incombent aux parents adoptifs , à qui ne sont pas dévolus que des droits. Enfin, le premier paragraphe de l'article 26 reconnaît la possibilité d'une rupture des liens de filiation entre l'enfant adopté et ses parents biologiques : la convention s'applique, en effet, à différentes sortes d'adoptions qui, tout en établissant un lien de filiation entre l'enfant et ses parents adoptifs, peuvent reconnaître ou non la persistance d'un lien entre l'enfant adopté et ses parents biologiques.

- L'article 26 n'apporte pas de réponse à toutes les questions posées par les effets de l'adoption. Il pose néanmoins le principe selon lequel l'enfant adopté conformément à la présente convention, et en vertu d'une procédure d'adoption mettant fin à ses liens de filiation avec ses parents adoptifs, jouira dans l'Etat d'accueil -ou dans tout autre Etat reconnaissant l'adoption- des droits liés à l'adoption plénière . L'enfant doit donc jouir des effets d'une adoption plénière dans tous les Etats reconnaissant ce type d'adoption.

. L'article 27 vise le cas d'adoptions effectuées dans l'Etat d'origine, et n'ayant pas pour effet de rompre le lien préexistant de filiation . Afin que cette adoption soit considérée comme une adoption plénière dans l'Etat d'accueil, une conversion peut être effectuée entre l'Etat d'origine et l'Etat d'accueil.

II. LA FRANCE DIRECTEMENT CONCERNÉE PAR LA CONVENTION DE LA HAYE

Ce commentaire de la convention de La Haye était nécessaire pour apprécier l'incidence de ce texte sur le phénomène de l'adoption internationale, dont le développement récent appelait une certaine clarification juridique, dans l'intérêt tant des enfants que des adoptants.

Compte tenu de la part importante qu'occupent les adoptions internationales en France, notre pays est concerné au premier chef par la présente convention. Celle-ci permettra d'adapter certaines caractéristiques de notre dispositif administratif et juridique aux spécificité que présente l'adoption internationale, en dépit des limites d'une convention qui ne s'applique pas à tous les cas d'adoption internationale en France.

A. L'ADOPTION INTERNATIONALE, UN PHÉNOMÈNE RÉCENT ET COMPLEXE

Apparue dans les années 1960, l'adoption internationale a pris une importance qui suscite désormais certaines réticences de la part des pays d'origine, et qui nécessite une information spécifique des parents adoptifs, en raison de la complexité des liens créés par l'adoption entre l'" enfant venu d'ailleurs " et sa nouvelle famille.

1. L'expansion des adoptions d'enfants nés à l'étranger depuis les années 1960

Divers facteurs ont conduit les adoptants français à se tourner de plus en plus couramment vers l'adoption internationale. La baisse de la natalité en France et la diminution du nombre de grossesses non désirées ont contribué, avec une attitude plus ouverte de la société à l'égard des mères célibataires, à limiter la pratique de l'abandon d'enfants. A ces motifs d'opportunité -trouver un enfant adoptable à l'étranger devenait plus facile qu'en France- s'ajoutait, à l'origine, un esprit humanitaire , l'adoption internationale visant initialement à aider les enfants en détresse dans leur pays (Algérie, Colombie, Vietnam), quand celui-ci n'offrait aucune possibilité de sauvetage en raison des guerres, des épidémies et des famines qui ont proliféré dans le monde depuis les années soixante.

Le but des adoptants français consistait aussi parfois, à cette époque pionnière, comme le rappelle le professeur Jean-François Mattei dans son rapport " Enfant d'ici, enfant d'ailleurs - L'adoption sans frontières 3( * ) , à accueillir un enfant pour une hospitalisation ou une intervention chirurgicale. Ces adoptions concernaient des enfants métissés, handicapés, malades, orphelins ou abandonnés auxquels leur pays n'offrait aucun avenir. L'esprit qui dominait ces premières adoptions internationales était avant tout de " trouver une famille pour un enfant malheureux, et non pas un enfant pour une famille malheureuse " 4( * ) .

Devenue une alternative à l'adoption d'enfants nés en France, du fait de la réduction rapide du nombre d'enfants adoptables dans notre pays, l'adoption internationale a connu un important développement : elle représente aujourd'hui deux tiers des adoptions non familiales en France. Ce phénomène s'est traduit par un indéniable changement de nature. L'adoption internationale est, en effet, vécue par certains comme la quête parfois très passionnelle et douloureuse d'un enfant : on s'éloigne alors de la " démarche qui consiste à rechercher une famille pour un enfant qui en est dépourvu, puisque c'est l'enfant qui est recherché " (2).

La France est désormais le deuxième pays d'accueil d'enfants adoptés à l'étranger (plus de 3 500 enfants ont été adoptés ainsi en 1996), après les Etats-Unis où sont réalisées chaque année environ 10 000 adoptions de ce type. Entre 1979 et 1996, plus de 40 000 enfants nés à l'étranger ont été adoptés en France . Ce phénomène concerne également, outre la France, l'Italie, l'Espagne, le Canada et les pays scandinaves. Il demeure marginal en Allemagne.

2. La question de l'attitude des pays d'origine

. La géographie de l'adoption internationale fait apparaître une diversification progressive des pays d'origine : de 7 en 1975, ce nombre est passé à 65 en 1996. La part de l'Afrique a augmenté assez régulièrement depuis 1987, de même que celle de l'Asie. Le nombre d'enfants adoptés originaires d'Europe a connu un certain pic en 1990-1991, probablement lié aux événements de Roumanie et à l'ouverture de la Pologne et de l'ex-URSS, mais ce mouvement paraît régresser, de même que diminue le nombre d'adoptions d'enfants originaires d'Amérique. La part de l' Asie connaît, en revanche, une expansion importante.

En 1996, les adoptions internationales effectuées par des adoptants français étaient ainsi réparties entre les régions d'origine des enfants :

- Asie : 45,06 % ;

- Amérique : 22,04 % ;

- Afrique : 16,86 % ;

- Europe : 16,04 %.

. L' opinion publique des pays d'origine perçoit de manière contrastée le développement des adoptions internationales. Certains considèrent ce phénomène comme une forme de néocolonialisme, et l'assimilent à un appauvrissement au profit des pays riches . Certains pays, comme le Sri-Lanka, se sont fermés à l'adoption internationale après avoir découvert d'importants trafics d'enfants. En Colombie, l'opinion s'est émue de l'inculpation pour mauvais traitements à enfants d'un couple français qui avait adopté un bébé colombien. Des témoignages d'adoptants français font état de gestes d'hostilité de la part de Vietnamiens, à la vue d'occidentaux en compagnie d'enfants vietnamiens 5( * ) .

3. Un phénomène complexe, dont les conséquences doivent être mesurées par les adoptants

Si l'adoption d'enfants français peut, le cas échéant, reposer sur la fiction de la ressemblance entre l'enfant adopté et ses parents adoptifs, qui pourrait tenir lieu de filiation biologique, cette filiation disparaît, dans la plupart des cas, avec l'adoption internationale. L'enfant adopté à l'étranger est, en effet, souvent confronté à des difficultés identitaires liées à la différence physique avec ses parents adoptifs. Selon certains psychologues, la découverte par l'enfant adopté de la différence entre son visage et celui de ses parents peut produire un sentiment de honte et de confusion, susceptible d'être à l'origine de troubles psychologiques graves 6( * ) . De manière générale, les enfants et adolescents nés à l'étranger qui évoquent le moment de l'adoption se rappellent un profond sentiment de désorientation, de détresse et d'angoisse, à l'origine d'une tendance à la passivité, imputée par certains thérapeutes 7( * ) à l'obligation, pour l'enfant, lors de son arrivée dans son nouveau pays, de s'intégrer à tout prix à son nouveau milieu, cette intégration passant par une tendance très nette à se décharger sur une personne, généralement la mère adoptive, de toute initiative.

Il est donc clair que la sensibilisation des adoptants à l'effort qu'implique une adoption internationale est primordiale pour la réussite de l'accueil de l'enfant. Comme le souligne le rapport Mattei, " les différences physiques, linguistiques et culturelles peuvent entraîner des problèmes et susciter des dysfonctionnements dans les relations entre l'enfant et les parents. Chaque famille doit savoir que les enfants, quel que soit leur âge, ont souffert, et que quelquefois cette souffrance a laissé des traces très profondes ". Ainsi importe-t-il d'accompagner les adoptants en leur prodiguant conseils, informations et soutien psychologique.

En France, ce rôle est généralement tenu par des associations de parents adoptifs. Parmi les gestes à entreprendre vis-à-vis de l'enfant, à la nécessité desquels doivent être sensibilisés les adoptants, figure l'acquisition de connaissances du pays d'origine de l'enfant, devant conduire à un voyage de découverte, qui permet à l'enfant de découvrir ses attaches. L'écueil à éviter est néanmoins de compromettre l'intégration et l'épanouissement de l'enfant dans son pays d'accueil, en développant de manière exagérée ses particularismes culturels.

B. CONSÉQUENCES DE L'ADHÉSION FRANÇAISE À LA CONVENTION DE LA HAYE

Les règles de procédure en vigueur en France et le cadre institutionnel de l'adoption internationale devront être adaptées aux stipulations de la convention de La Haye, sans pour autant que celle-ci apporte une solution à toutes les difficultés liées, en France, aux adoptions à l'étranger.

1. Spécificités du dispositif : le rôle paradoxalement limité des " oeuvres d'adoption " par rapport aux adoptions individuelles

. Le développement en France de l'adoption internationale a conduit à constater l'insuffisance de l'initiative privée dans le processus de l'adoption internationale, et à créer, en 1987, une structure interministérielle, la Mission de l'adoption internationale, rattachée à la Direction des Français à l'étranger du ministère des Affaires étrangères. Cet organisme de contrôle n'est pas un intermédiaire de l'adoption ; il ne confie donc pas d'enfants aux adoptants français. Ses fonctions concernent :

- la délivrance de visas aux enfants adoptés,

- la participation à l'élaboration de la réglementation interne,

- la centralisation et la diffusion de l'information sur l'adoption internationale,

- le dialogue avec les administrations des pays d'origine,

- l'habilitation des oeuvres autorisées à intervenir dans le domaine de l'adoption internationale 8( * ) .

. Notons, sur ce dernier point, que l'une des particularités du système français tient à un nombre important d'" oeuvres d'adoption " habilitées pour l'adoption internationale, puisqu'il en existe 52. Ces oeuvres disposent d'une expérience diversifiée dans le domaine de l'adoption à l'étranger. Elles peuvent apporter aux adoptants un soutien très précieux, compte tenu de la complexité des procédures à entreprendre.

Les moyens dispersés, voire dans certains cas artisanaux, dont disposent ces oeuvres, dont l'action repose sur la contribution de bénévoles, ne leur permettent d'assurer qu' un tiers des adoptions d'enfants nés à l'étranger . Il existe néanmoins une fédération des oeuvres d'adoption, mais celle-ci ne regroupe que quinze oeuvres, et ne repose pas sur la mise en commun de moyens, qui serait pourtant le seul moyen de développer et de renforcer leur action. La plupart des oeuvres ne réalisent donc que moins de dix adoptions par an.

.
Les défaillances présentées par le système des oeuvres d'adoption a pour corollaire l'importance de l'adoption " par démarche individuelle ", également dénommée directe ou indépendante. Dans ce cas, les adoptants s'adressent directement aux organismes compétents du pays choisi, sans s'adresser à une oeuvre d'adoption. Deux tiers des adoptions d'enfants nés à l'étranger procèdent, en France, d'adoptions individuelles.

Parfois considérée comme suspecte, ouverte à tous les trafics qui ternissent l'image de l'adoption internationale, l'adoption indépendante ne s'effectue cependant pas en marge de la légalité. Les adoptants doivent, en effet, obtenir un agrément du responsable départemental de l'Aide sociale à l'enfance pour obtenir le visa d'entrée en France de leur enfant (telle est, en effet, la condition posée par la Mission de l'adoption internationale).

Le succès de l'adoption directe est lié aux complexités du cursus classique proposé par les oeuvres, qui découragent souvent les candidats à une adoption.

Notons que le recours à la filière des adoptions individuelles est particulièrement développé en Italie, en Espagne et en France, les adoptants originaires des pays de l'Europe du Nord privilégiant le recours à des agences très structurées , dont le personnel est rémunéré, et qui sont des intermédiaires obligatoires dans les procédures d'adoption.

2. L'adaptation du système français aux prescriptions de la convention de La Haye

. L'article 14 de la convention de La Haye interdit l'adoption par démarche individuelle, faisant obligation aux adoptants de s'adresser à l'Autorité centrale de leur Etat de résidence avant tout contact avec les organismes du pays d'origine de l'enfant. C'est à l'Autorité centrale du pays de résidence qu'il revient, rappelons-le, de s'assurer de la qualification et de l'aptitude des parents à adopter, et d'adresser un rapport sur les adoptants à l'Autorité centrale du pays d'origine de l'enfant.

. Les oeuvres d'adoption devront donc s'adapter à la charge de travail accrue qui devrait mécaniquement résulter de la disparition des filières privées d'adoption internationale, et à la mission de service public dont elles seront investies du fait de l'adhésion au dispositif de La Haye. La convention de La Haye induira donc un changement radical de cap -sur les plans tant qualitatif que quantitatif- dans les missions des oeuvres d'adoption , changement auquel celles-ci paraissent insuffisamment préparées . Selon le rapport Mattei, il convient ainsi de " promouvoir le regroupement structurel des oeuvres françaises actuellement habilitées par le ministère des Affaires étrangères, dont les activités sont dispersées, afin qu'elles soient en mesure d'assumer les tâches qui peuvent leur être déléguées " sur le fondement de la convention de La Haye (articles 8, 9 et 22). Le rapport Mattei propose donc la mise en place d'une confédération des oeuvres , qui devront être dénommées, dans la logique de la convention de La Haye, " organismes agréés pour l'adoption " . Peut-être un dispositif de subventions serait-il de surcroît opportun, compte tenu des difficultés en termes d'échelle liées à l'emploi de bénévoles .

- Sur le plan institutionnel doit enfin être mise en place l' Autorité centrale française , dont la création est d'ailleurs prévue par l'article 56 de la loi n° 96-604 du 5 juillet 1996 relative à l'adoption. Chargée d'orienter et de coordonner l'action des administrations et des autorités compétentes en matière d'adoption internationale, cette autorité sera composée de représentants des trois ministères concernés au premier chef (Affaires sociales, Affaires étrangères et Justice) et des conseils généraux. Selon l'étude d'impact jointe au présent projet de loi, l'Autorité centrale sera une structure administrative légère , dont l'intervention dans les projets d'adoption internationale devrait être un gage de simplification et de transparence des procédures, et de sécurité pour les adoptants .

Le dispositif institutionnel qui sera mis en place en conséquence de la ratification de la convention de La Haye est donc inspiré des propositions exprimées par le rapport Mattei, qui suggérait d'éviter que le système mis en place ne devienne trop lourd, ne constitue un véritable goulot d'étranglement, et ne laisse des enfants en situation très difficile en attente de leur nouvelle famille, alors que l'article 35 de la convention énonce que " les autorités compétentes des Etats contractants agissent rapidement dans les procédures d'adoption ".

Ainsi l'Autorité centrale devrait-elle s'appuyer sur les structures existantes, qui ont démontré leur compétence dans le domaine de l'adoption internationale : la Mission de l'adoption internationale agirait donc par délégation de l'Autorité centrale pour mettre en oeuvre et coordonner les différentes étapes de l'adoption internationale. La Mission de l'adoption internationale continuera à habiliter les oeuvres d'adoption, et à délivrer les visas de long séjour aux enfants adoptés à l'étranger.

La charge de travail de la Mission de l'adoption internationale devrait augmenter, non seulement du fait des perspectives de développement de l'adoption internationale face à une demande croissante des adoptants français, mais aussi en raison de la clarification des règles de compétence et de procédure induites par la ratification de la convention de La Haye, et également du fait des problèmes posés par les pays restés en dehors du dispositif de La Haye , situés pour l'essentiel sur le continent africain, et dont sont originaires de nombreux enfants confiés à des parents français (voir notamment infra, 3).

Pour ces diverses raisons, il importe de renforcer les moyens en personnel dont dispose la Mission de l'adoption internationale , actuellement limités à treize personnes en tout. Plus particulièrement, s'il est nécessaire de renforcer la structure interministérielle de cet organisme, auquel participent les ministères des Affaires sociales, de la Justice et des Affaires étrangères, il est urgent de mettre à disposition de la Mission un effectif accru de personnels mis à disposition par les ministères des Affaires sociales et de la Justice . Un effectif total de vingt personnes paraîtrait susceptible de permettre à la Mission de faire face à l' accroissement de ses responsabilités .

3. Les limites de la convention : le cas des pays ne reconnaissant pas le principe de l'adoption

La convention de La Haye, en dépit de l'indubitable amélioration que constituera la moralisation de l'adoption internationale, se heurte à des limites naturelles que sont les conflits de loi liés à la non-reconnaissance du principe de l'adoption par certains pays .

Il s'agit, pour l'essentiel, de pays de droit musulman comme le Maroc et l'Algérie. Notons que la Tunisie est le seul pays du Maghreb à autoriser l'adoption (depuis une loi du 4 mars 1958), dans des modalités comparables à celles de l'adoption plénière française. Cette adoption reste néanmoins réservée aux adoptants musulmans.

La non-reconnaissance de l'adoption en droit musulman s'inspire du Coran ( " De vos enfants adoptifs, (Allah) n'a point fait vos fils " ). Une institution comparable existe néanmoins dans ces pays, la " Kafala " ou recueil légal, qui consiste en une simple prise en charge d'un enfant abandonné, avec obligation de l'élever, de l'éduquer et de l'entretenir. La Kafala ne produit cependant aucune conséquence en matière de filiation. Elle est de surcroît réservée aux musulmans.

Or de nombreux enfants sont abandonnés dans ces pays, essentiellement des enfants sans père, condamnés de facto à n'avoir aucune place dans ces sociétés, où n'est pas reconnu le lien de filiation par les femmes. Ces enfants sont donc confiés à des orphelinats, où leurs conditions de vie sont tellement difficiles qu'une association, émue de leur dénuement, s'est constituée en Algérie en 1984 pour trouver des familles d'accueil pour ces enfants. Depuis plus de dix ans, des familles françaises recueillent donc des enfants originaires du Maroc et d'Algérie, sans qu'aucun lien de filiation puisse être établi par le juge entre ces enfants et leur famille d'accueil. En effet, le ministère de la Justice proscrit l'adoption d'un enfant originaire d'un Etat qui ne reconnaît pas le principe de l'adoption, car il est impossible, dans ce cas, d' apprécier la régularité ou la portée du consentement des représentants légaux de l'enfant. Selon certains jugements se référant à la tradition marocaine, la mère biologique de l'enfant ne confie celui-ci qu'en vue d'une prise en charge destinée à l'entretien et l'éducation de l'enfant. De plus, selon les autorités marocaines et algériennes, l'enfant adopté par des Français ne perdrait ni sa nationalité d'origine, ni sa religion musulmane.

Rappelons toutefois qu'un enfant originaire d'Algérie ou du Maroc peut aussi être adopté en France (cas d'une mère algérienne ou marocaine venant accoucher en France), et que dans ce cas il peut accéder à la nationalité française. Le conflit de loi se pose réellement dans le cas d'enfants originaires de ces pays et recueillis dans leur pays d'origine. Dans ce cas, la famille d'accueil peut obtenir délégation de l'autorité parentale, ou une tutelle de droit commun, à l'exclusion de tout lien de filiation. L'enfant ainsi recueilli ne peut porter le nom de ses " parents ", n'acquiert pas leur nationalité, et, sur son acte de naissance, la mention " néant " figure aux rubriques " père " et " mère ". Cet enfant demeure de surcroît, en France, soumis à la législation relative au séjour des étrangers.

Les conséquences de cette impasse juridique sont donc particulièrement douloureuses. Elles doivent dissuader les familles d'adopter à tout prix des enfants ressortissants d'un pays qui prohibe l'adoption. L'arrêt de la cour de cassation du 10 mai 1995 a créé une jurisprudence favorable en la matière, en prononçant l'adoption plénière d'un enfant marocain, dont le représentant légal avait accepté en l'absence de législation nationale relative à l'adoption, la rupture de la filiation d'origine. Mais il convient d'éviter des situations où un enfant aurait simultanément deux états-civils, l'un dans son pays d'origine, l'autre dans son pays d'adoption. Et d'autre part, la convention de La Haye stipule clairement que c'est à l'Etat d'origine de l'enfant que revient la détermination de l'adoptabilité de l'enfant (article 4).

CONCLUSION DU RAPPORTEUR

En dépit des difficultés -pour l'essentiel d'ordre budgétaire- que suscitera l'adaptation de l'organisation française de l'adoption internationale aux prescriptions de la convention de La Haye, l'adhésion à celle-ci contribuera très certainement à améliorer l'adoption internationale dans un sens favorable à l'intérêt supérieur des enfants concernés. Rencontre de deux souffrances -la stérilité des parents adoptifs et l'abandon d'un enfant- l'adoption internationale ne doit pas se limiter à la quête passionnelle d'un enfant par des personnes que découragent les procédures et les délais de droit commun.

L'adoption d'un enfant né à l'étranger crée, pour les parents adoptifs, des devoirs de compréhension qui soulignent la spécificité de ce type d'adoption, dans laquelle il est exclu de s'engager à la légère. La clarification des responsabilités respectives de l'Etat d'accueil et de l'Etat d'origine, que permettra la convention de La Haye, contribuera probablement à une meilleure transparence des adoptions internationales.

Votre rapporteur conclut donc favorablement à l'adoption du présent projet de loi.

EXAMEN EN COMMISSION

Votre commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées a examiné le présent projet de loi au cours de sa réunion du mercredi 3 décembre 1997.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, Mme Paulette Brisepierre est revenue, avec Mme Monique Cerisier-Ben Guiga, rapporteur, sur les conséquences de la " Kafala " en matière de liens de filiation, relevant que l'adoption est autorisée, notamment en Tunisie, quand les adoptants sont musulmans. Le rapporteur a fait observer que, en dépit de la non-reconnaissance du principe de l'adoption par l'Algérie et le Maroc, certains adoptants français ont recueilli des enfants originaires de ces pays, sans être conscients du fait que l'adoption ainsi effectuée n'induisait aucune conséquence en termes de filiation, et que les enfants recueillis en vertu d'une " Kafala " ne pourraient jamais être leurs héritiers.

Mme Paulette Brisepierre a souligné la complexité des démarches devant être effectuées par les candidats français à une adoption. Elle a souhaité connaître l'incidence de la ratification de la convention de La Haye sur les structures administratives françaises de l'adoption internationale, se prononçant pour des procédures rapides et pour une administration légère.

Mme Monique Cerisier-Ben Guiga a estimé que, si les procédures de l'adoption internationale devaient garantir, dans l'intérêt des enfants, un placement rapide dans les familles d'adoption, en revanche, en ce qui concerne les adoptants, les délais exigés par la complexité des procédures d'agrément en France devraient permettre aux candidats à une adoption de mûrir leur projet.

M. Jacques Habert est alors revenu sur les difficultés d'adaptation auxquelles peuvent être confrontés les enfants nés à l'étranger. En réponse à M. Jacques Habert, Mme Monique Cerisier-Ben Guiga a rappelé que le choix de plus en plus répandu de l'adoption internationale par des adoptants français était dû au très faible nombre d'enfants adoptables en France. Puis M. Jacques Habert a souligné l'importance des certificats médicaux délivrés par le pays d'origine lors d'une adoption, évoquant les nombreux cas d'enfants ayant fait l'objet d'un certificat incomplet, voire de complaisance. Il a également rappelé que l'intervention des avocats dans les procédures d'adoption mises en oeuvre par des adoptants américains induisaient pour ces derniers des frais importants, sans que l'on puisse toutefois assimiler les honoraires versés aux avocats à l'achat d'un enfant.

M. Jacques Habert a insisté sur les difficultés juridiques susceptibles de résulter, en cas d'adoption plénière prononcée en France, de la méconnaissance par certains pays d'origine -et, notamment, par le Vietnam- des conséquences de ce type d'adoption sur la rupture des liens avec la famille biologique de l'enfant. Il a estimé que la surreprésentation du Vietnam parmi les pays d'origine des enfants adoptés par des Français pourrait de ce fait, à terme, poser d'importants problèmes.

A cet égard, Mme Monique Cerisier-Ben Guiga a jugé que les cas d'adoptions d'enfants vietnamiens atteints de maladies graves interdisaient d'avoir une vision trop optimiste de l'adoption internationale.

M. André Boyer a alors, comme le rapporteur, relevé le rôle positif parfois joué par les nombreuses démarches exigées en France des candidats à une adoption. Avec Mme Monique Cerisier-Ben Guiga, il a évoqué l'obligation faite par la convention de La Haye aux Etats d'origine de conserver le dossier de chaque enfant adopté par des parents étrangers. Mme Monique Cerisier-Ben Guiga s'est déclarée favorable à ce système, qui permet notamment aux adoptés de connaître leurs antécédents médicaux.

Puis Mme Monique Cerisier-Ben-Guiga a, avec M. Xavier de Villepin, président, évoqué l'adhésion à la convention de La Haye de pays jouant un rôle important dans l'adoption internationale en tant que pays d'origine, parmi lesquels le Brésil, la Colombie, le Pérou, le Burkina Faso, le Mexique, la Roumanie et l'Equateur.

Le rapporteur a estimé que les nombreux pays d'origine restant à l'écart de la convention de La Haye pourraient encourager la persistance de pratiques d'adoption douteuses, voire de trafics d'enfants. Mme Monique Cerisier-Ben Guiga a également rappelé que les pays musulmans qui ne reconnaissaient pas le principe de l'adoption n'étaient pas parties à cette convention.

La commission a alors, suivant l'avis du rapporteur, approuvé le présent projet de loi.

PROJET DE LOI

(Texte présenté par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée l'approbation de la convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d'adoption internationale faite à La Haye, le 29 mai 1993, et signée par la France, le 5 avril 1995, dont le texte est annexé à la présente loi 9( * ) .

ANNEXE -
ÉTUDE D'IMPACT 10( * )

. Avantages attendus :

Le phénomène de l'adoption internationale a pris une grande ampleur ces dernières années, particulièrement en France.

Notre pays vient au deuxième rang dans le monde, après les Etats-Unis, dans l'adoption d'enfants à l'étranger.

De moins de 1 000 en 1980, ces adoptions ont franchi la barre de 3 000 en 1994 (3 028 en 1995).

La France a également la particularité d'" adopter " dans un très grand nombre d'Etats (plus d'une soixantaine).

Dans ce contexte les objectifs de la convention de La Haye, issus directement de la convention des Nations unies sur les droits de l'enfant (prohibition de la recherche de profits indus, souci de l'intérêt supérieur de l'enfant etc...), la concernent au premier chef.

La ratification de la convention par la France renforcera la coopération avec les Etats d'origine des enfants et garantira la " qualité " des adoptions réalisées.

. Impact sur l'emploi :

La constitution de l'Autorité centrale devrait entraîner la création de postes nouveaux tant au niveau de l'administration qu'à celui des départements (cf. incidences financières).

. Impact sur d'autres intérêts généraux :

Au delà de l'adoption stricto sensu, c'est tout le domaine de la " protection de l'enfance " qui est intéressé, implicitement, par la convention.

Les autorités centrales mises en place, par leurs contacts directs pourront s'échanger des informations générales et progresser dans le règlement des dossiers liés à l'enfance en détresse.

. Incidences financières :

Si elles peuvent être considérées comme relativement modestes à l'échelle nationale, les incidences financières seront en revanche lourdes pour l'autorité chargée de faire appliquer concrètement la convention.

La loi n° 96-604 du 5 juillet 1996 relative à l'adoption a prévu à l'article 56 l'institution auprès du Premier ministre d'une autorité centrale pour l'adoption chargée d'orienter et de coordonner l'action des administrations et des autorités compétentes en matière d'adoption internationale. Cette autorité sera composée de représentants de l'Etat et des Conseils généraux et un décret en Conseil d'Etat doit en préciser les conditions de fonctionnement.

Sans préjuger du contenu précis de ce futur décret on peut d'ores et déjà prévoir, à la lumière des échanges de vues effectués à ce jour, que l'autorité centrale en titre sera une structure légère composée des représentants des administrations concernées se réunissant périodiquement.

La constitution de cette autorité centrale ne devrait pas avoir (ou très peu) d'incidence financière.

Par contre la Mission de l'adoption internationale aura besoin de moyens matériels et humains supplémentaires importants.

Le ministère des Affaires étrangères au sein duquel se trouve la Mission de l'adoption internationale souligne que la ratification de la convention suppose que cette question primordiale des moyens soit préalablement réglée.

. Impact en termes de formalités administratives :

La convention fait obligation aux adoptants de passer par leur autorité centrale lorsqu'ils désirent adopter un enfant dont la résidence habituelle est située dans un autre Etat contractant (art. 14).

Cette obligation constitue une garantie de simplification et de sécurité pour les " usagers " qui seront guidés dans leurs démarches.

Pour l'autorité centrale, la constitution du dossier à transmettre à l'autorité centrale du pays d'origine (art. 15) composé principalement de l'agrément délivré par les services de l'aide sociale à l'enfance, ne devrait pas poser de difficultés particulières.

. Conséquences en termes de complexité de l'ordonnancement juridique :

Les dispositions de la Convention ne viennent pas compliquer notre ordonnancement juridique.

Bien au contraire, en instituant, au chapitre V, le principe de reconnaissance de plein droit et quasi-inconditionnelle des décisions d'adoption dans tous les Etats contractants, cet instrument est un facteur de simplification.



1 La convention de l'ONU de 1989 se réfère ainsi au droit à la vie, à la santé, à l'éducation, au droit de vivre avec ses parents et de maintenir des contacts avec eux, au droit à la réunification familiale, au droit d'exprimer son opinion, au droit à l'information, et au droit à la protection, en ce qui concerne les enfants privés de leur milieu familial ...

2 Fascicule Pologne établi par la Mission de l'Adoption internationale du ministère des Affaires étrangères.

3 Rapport à Monsieur le Premier ministre sur l'adoption - 31 janvier 1995.

4 J. F. Mattei, op. cit

5 Voir par exemple Seren Guttmann, Journal d'une adoption - Une filière à Hanoi
, l'Harmattan, 1997.

6 Cas d'un adolescent d'origine coréenne étudié dans Maurice Berger, L'enfant et la souffrance de la séparation, Dunod, 1997.

7 H. et J.P. Waber, " Histoires singulières - Histoires plurielles ", in Etude et rapports de la recherche appliquée, Suisse, 1994.

8 La Mission de l'adoption internationale permet d'assurer la cohérence de la politique française en matière d'adoption internationale, de faciliter les relations avec les administrations étrangères, et d'offrir un interlocuteur unique aux différents intervenants - adoptants, associations et administrations. La Mission rassemble une information considérable, à la disposition des adoptants, sur les procédures en vigueur dans les pays d'origine, et sur les organismes privés ou publics jouant un rôle dans le domaine de l'adoption internationale. La Mission délivre les visas aux enfants adoptés, après s'être assurée que la procédure en vigueur dans le pays concerné a été respectée, et que les parents sont habilités à adopter.

9 Voir le texte annexé au document Sénat n° 365.

10 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.

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