ARTICLE 21

Modification du régime fiscal applicable aux biocarburants

Commentaire : le présent article vise à mettre en conformité la fiscalité des biocarburants avec la réglementation européenne.

I. L'INCOMPATIBILITÉ DE LA LÉGISLATION ACTUELLE AVEC LES NORMES COMMUNAUTAIRES

A. L'ORIGINE DES AVANTAGES FISCAUX ACCORDÉS AUX BIOCARBURANTS

1. Une préoccupation commune des membres de l'Union européenne


La fiscalité sur les huiles minérales est régie par la directive du 19 octobre 1992 concernant l'harmonisation des structures des droits d'accises sur les huiles minérales. Son article 8 fixe le cadre des dérogations possibles au droit communautaire. Il prévoit notamment que " les Etats membres peuvent appliquer des exonérations ou réductions totales ou partielles du taux de l'accises aux huiles minérales utilisées sous contrôle fiscal (...) dans le cadre de projets pilotes visant au développement technologiques de produits moins polluants, notamment en ce qui concerne les combustibles provenant de ressources renouvelables ".

Cet article répond au soucis commun de l'ensemble des Etats membres de favoriser le développement des biocarburants, élaborés à partir de ressources renouvelables, et dont les coûts de production sont supérieurs à ceux des carburants traditionnels.

Les argument en faveur d'une telle orientation sont de plusieurs ordres. Ils ont été rappelés par la Commission européenne dans son avis du 28 avril 1997 relatif au projet français d'adaptation de sa fiscalité sur les biocarburants, qui est par la suite devenu le présent article 21 du projet de loi de finances rectificative pour 1997 : " Le premier d'entre eux est la réduction de la dépendance énergétique du pétrole. Viennent ensuite l'amélioration des performances des carburants actuels, la protection de l'environnement par la réduction de certaines pollutions ainsi que la valorisation de la production agricole, conformément aux orientations de la politique agricole commune ".

2. La stratégie de la France

La France a choisi de favoriser le développement de biocarburants susceptibles d'être mélangés aux carburants traditionnels. Cette stratégie, réaffirmée par la loi sur l'air du 2 février 1995, repose sur la volonté de développer l'usage des biocarburants sans que la composition actuelle du parc automobile ne constitue un obstacle.

Deux filières sont mises en avant, celle de l'éthanol et de son dérivé l'ETBE et celle des esters méthyliques. Les premiers sont incorporés dans les essences, plombées ou non. Les seconds se mélangent au gazole.

Certains membres de l'Union ont retenu d'autres choix. Ainsi, en Allemagne et en Autriche, la fiscalité est nulle pour les usages purs des biocarburants. En revanche, aucune exonération n'est prévue pour les mélanges.

B. LES OBSERVATIONS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE

La législation actuelle de la France en matière de fiscalité des biocarburants résulte principalement de l'article 17 de la loi de finances pour 1988 et de l'article 32 de la loi de finances pour 1992.

La loi de finances pour 1988 prévoyait d'appliquer à l'alcool éthylique fabriqué à partir de certains produits agricoles (céréales, topinambour, betterave, etc.) le taux de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers applicable au gazole.

La loi de finances pour 1992 allait plus loin en disposant que " les produit désignés ci-après 20( * ) obtenus exclusivement à partir de matières premières agricoles produites sur des parcelles en situation de jachère non alimentaire (...) , élaborés sous contrôle fiscal dans des unités pilotes en vue d'être utilisés comme carburant ou combustible dans le cadre de projets expérimentaux sont exonérés de la taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers ".

La Commission européenne a considéré que ce système était contraire au droit communautaire pour plusieurs raisons :

- en réservant le bénéfice de l'exonération aux carburants produits à partir de matières premières spécifiques, il constitue une " aide d'Etat " aux producteurs de ces matières premières ;

- la condition de production sur des terres en jachère limite le bénéfice de l'exonération aux biocarburants produits à partir de matières premières françaises, ce qui constitue une infraction aux règles de la concurrence intra-communautaire.

- la Commission a estimé que le dispositif français ne correspondait plus au stade expérimental du projet pilote.

C. LA COMMISSION A APPROUVÉ LE NOUVEAU PROJET FRANÇAIS

La France a présenté à la Commission un projet de refonte de la fiscalité des biocarburants qui rétablit l'égalité entre les producteurs français et les producteurs européens. En outre, elle a élaboré un argumentaire justifiant le caractère " pilote " de son programme de développement des biocarburants, en s'appuyant sur la faible taille des unités de production, et sur le fait que la production de biocarburants ne représente qu'environ 1% de la production de carburants d'origine fossile.

La Commission a rendu un avis favorable au projet français dans l'avis du 28 avril 1997. Elle se réserve ce pendant " le droit (...) de vérifier que la mise en oeuvre dudit dispositif se fait de façon objective et non discriminatoire et qu'il n'a pas pour effet ou pour résultat de favoriser l'écoulement prioritaire de la production nationale de biocarburants ".

A cet effet, les autorités françaises devront fournir chaque année le détail des unités de production agréées, des volumes totaux agréés, des volumes attribués aux unités de production agréées ainsi que les volumes pour lesquels celles-ci avaient demandé l'agrément. La Commission sera également informée des raisons pour lesquels certains agréments auront pu être refusés.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LES EXONÉRATIONS NE FONT PLUS RÉFÉRENCE AUX MATIÈRES PREMIÈRES UTILISÉES


L'article 21 dispose que l'exonération de TIPP prévues à l'article 265 du code des douanes s'applique :

- aux esters d'huile végétale incorporés au fioul domestique et au gazole ;

- au contenu en alcool des dérivés de l'alcool des dérivés de l'alcool éthylique dont la composante alcool est d'origine agricole, incorporés aux supercarburants et aux essences.

La référence à certaines productions agricole exclusivement cultivées sur des terres en jachère disparaît.

B. LES AGRÉMENTS SERONT STRICTEMENT CONTRÔLES

1. Des conditions d'attribution strictes


L'agrément sera attribué par un comité composé de représentants des ministères du budget, de l'agriculture et de l'industrie. Deux types d'agréments, de trois ans ou de neuf ans, pourront être accordés en fonction de :

" - l'importance des investissements matériels réalisés en vue de la production de biocarburants et de leur degré d'amortissement par rapport à la capacité de production de biocarburants de l'unité de production considérée ;

- de l'importance de l'activité de la production de biocarburants par rapport à l'activité totale de l'unité de production dans le secteur de la chimie.
"

La rédaction de l'article 21 reprend celle de l'avis de la Commission du 28 avril 1997. La Commission précise que les unités agréées ne devront percevoir aucune aide au titre de leur activité de production de biocarburants, et qu'aucune production ne pourra être sous-traitée.

2. Le respect de l'agrément est encouragé par l'instauration dispositions contraignantes

a) Le mécanisme retenu par le Gouvernement

L'article 21 prévoit que les opérateurs bénéficiaires d'un agrément sont tenus de mettre à la consommation la quantité annuelle de biocarburant fixée par l'agrément.

En cas de mise à la consommation d'une quantité inférieure à celle fixée par l'agrément, le producteur est mis en demeure de présenter ses observations au comité d'agrément qui peut, selon la qualités des arguments du producteur, décider de réduire à due concurrence la quantité que ce producteur est autorisé à mettre à la consommation pour les années à venir.

Pour s'assurer du respect de cette disposition, le producteur doit déposer auprès d'une banque ou d'un établissement financier une caution égale à 20% du montant total de l'exonération de TIPP dont il bénéficie. Si la quantité annuelle autorisée à un producteur est réduite, la fraction de la caution ainsi libérée reste acquise à l'Etat.

Ce système a été élaboré afin de s'assurer que les quantités prévues seront bien commercialisées, et qu'un producteur défaillant ne pénalise pas ses concurrents en " bloquant " une fraction de la production annuelle qu'un autre serait en mesure de satisfaire. Son caractère contraignant permet de limiter les candidatures à celles des dossiers les plus sérieux.

b) Le mécanisme initialement envisagé

Une première version de l'article 21 a été rejetée par le Conseil d'Etat au motif qu'elle ne prenait pas assez en compte les droits des producteurs. A la suite de cet avis négatif, le Gouvernement a introduit dans le taxte l'obligation d'entendre les observations des opérateurs dont les quantités mises sur le marché sont inférieures à celles prévues par leur agrément avant, éventuellement, de prendre des sanctions à leur encontre.

Le Conseil d'Etat a également censuré l'introduction d'un mécanisme de seuil qui consistait à permettre la saisie de la caution dès lors que les volumes mis à la consommation seraient inférieurs de plus de 20% au volume visé par l'agrément, sauf en cas de force majeure ou d'arrêts obligatoires dûment programmés des sites de production. La saisie concernait :

- 100% de la caution si les quantités mises à la consommation en France étaient inférieures de 50% ou plus aux quantités visées par l'agrément accordé ;

- le prorata de la différence entre le volume de biocarburant mis à la consommation en France sur la période considérée et le volume visé par l'agrément accordé, si cette différence était comprise entre 20 et 50% du volume visé par l'agrément.

Le Conseil d'Etat a considéré que ce dispositif rigide, qui figurait dans le texte soumis à la Commission européenne, était trop contraignant et a retenu un dispositif plus souple. La solution proposée par la version actuelle de l'article 21 permet aux producteurs qui ne respectent pas les quantités fixées par l'agrément de s'en expliquer avec leurs interlocuteurs traditionnels du ministère de l'agriculture, qui connaissent bien leur situation et sont à même de défendre leur position au sein du comité d'agrément dans le cas où le non respect des objectifs par un producteur est indépendant de sa volonté.

c) La solution proposée par le Sénat

Le système souple de l'article 21 conduit les producteurs à être potentiellement amenés à devoir présenter leurs observations dès que les quantités mises à la consommation sont inférieures de 1% à celles fixées par l'agrément. Or, la production de biocarburants est tributaire de celle des matières premières nécessaires à leur fabrication.

Les productions agricoles servant à fabriquer les biocarburants, notamment le colza, peuvent connaître des fluctuations importantes d'une année sur l'autre. Ces variations conditionnent la quantité de biocarburants produite au cours d'une année. Les producteurs dont les fournisseurs seraient défaillants sont dans l'impossibilité de faire appel à d'autres producteurs communautaires car les évolutions des rendements sont similaires dans l'ensemble de l'Europe.

Le développement des biocarburants est encouragé par les pouvoirs publics de façon à favoriser la production agricole communautaire. Par conséquent, l'importation de colza canadien, génétiquement modifié, trahirait l'esprit de la mesure et renchérirait substantiellement le coût de production des biocarburants, annulant ainsi en partie l'avantage procuré par l'exonération de TIPP. En outre, la logique du développement de biocarburant implique que les sites de production soient situés à proximité des zones de production des matières premières.

L'absence de seuil de sécurité emporte donc le risque, pour les producteurs, d'être sanctionnés pour des raisons indépendantes de leur volonté. Pour échapper à cette éventualité, les producteurs de biocarburants seraient inciter à recourrir à des méthodes d'approvisionnement sur les marchés internationaux contraires à la logique qui préside au développement des biocarburants dans l'Union européenne.

C'est pourquoi votre commission des finances a déposé un amendement prévoyant que :

- le titulaire de l'agrément justifie toute mise à la consommation inférieure à la quantité prévue afin que les pouvoirs publics soient informés des difficultés rencontrées par le marché ;

- le régime de sanctions (modification de l'agrément et saisie d'une partie de la caution) ne s'applique que lorsque la mise à la consommation est inférieure de plus de 20% à la quantité prévue par l'agrément.

C. UN DISPOSITIF OUVERT AUX PRODUCTEURS EUROPÉENS

L'article 21 supprime toute discrimination éventuelle en faveur des producteurs français et au détriment des producteurs communautaires, à travers trois dispositions :

- il prévoit que les agréments sont attribués à partir des dossiers reçus dans le cadre d'une " procédure d'appel à candidature publiée au Journal Officiel des Communautés Européennes " ;

- les produits mis à la consommation doivent avoir été mélangés dans des entrepôts fiscaux ou de stockage " situés dans la Communauté européenne " ;

- l'obligation de respecter les quantités fixées par l'agrément permet d'éviter que les éventuelles défaillances des premiers bénéficiaires d'agréments, qui seront vraissemblement très majoritairement français, n'empêche leur concurrents français et européens de se voir attribuer la mise à la consommation des quantités ainsi libérées.

III. LE COÛT BUDGÉTAIRE DE LA MESURE

Le produit total de la TIPP est évalué à 154,9 milliards de francs en 1998.

Le montant des exonérations de TIPP accordées aux producteurs de biocarburants figure dans le projet de loi de finances pour 1998. Il s'établit à 1,2 milliards de francs. La mesure aura également un coût en 1997 puisqu'elle s'applique à compter du 1er novembre 1997.

Cette évaluation est fiable car les exonérations de TIPP sur les biocarburants s'appliquent à une enveloppe déterminée à l'avance. La production exonérée est limitée à 350 000 tonnes par an pour les esters méthyliques d'huile végétale destinés à être mélangés au gazole et au fioul, et à 270 000 tonnes d'ETBE destiné à être incorporé aux supercarburants et aux essences.

Le taux de l'exonération est fixé par l'article 21. Il est de 230 francs par hectolitre pour les esters et de 329,5 francs par hectolitre s'agissant de l'ETBE.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter l'article 21 ainsi amendé

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