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Rapport n° 225 (1997-1998) de M. James BORDAS , fait au nom de la commission des affaires culturelles, déposé le 21 janvier 1998

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N° 225

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 21 janvier 1998

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires culturelles (1), sur sa proposition de résolution présentée en application de l'article 73 bis du Règlement, sur la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil relative au cinquième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (1998-2002) et la proposition de décision du Conseil relative au cinquième programme-cadre de la Communauté européenne de l'énergie atomique (euratom) pour des activités de recherche et d'enseignement (1998-2002) (n° E-847) ,

Par M. James BORDAS,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président ; Pierre Laffitte, Albert Vecten, James Bordas, Jean-Louis Carrère, Jean-Paul Hugot, Ivan Renar, vice-présidents ; André Egu, Alain Dufaut, André Maman, Mme Danièle Pourtaud, secrétaires ; MM. Philippe Arnaud, Honoré Bailet, Jean Bernadaux, Jean Bernard, Jean-Pierre Camoin, Jean-Claude Carle, Robert Castaing, Marcel Daunay, Jean Delaneau, André Diligent, Ambroise Dupont, Daniel Eckenspieller, Gérard Fayolle, Bernard Fournier, Alain Gérard, Roger Hesling, Pierre Jeambrun, Alain Joyandet, Philippe Labeyrie, Serge Lagauche, Henri Le Breton, Jacques Legendre, Guy Lemaire, François Lesein, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin , Philippe Nachbar, Michel Pelchat, Louis Philibert, Jean-Marie Poirier, Guy Poirieux, Roger Quilliot, Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Claude Saunier, Franck Sérusclat, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Marcel Vidal.

Voir le numéro :

Sénat : 65 (1997-1998).

Union européenne.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La proposition de résolution n° 65 (1997-1998) résulte de l'examen approfondi par la délégation du Sénat pour l'Union européenne de la proposition de cinquième programme-cadre de recherche et de développement technologique de la Communauté européenne dont le Sénat a été saisi en vertu de l'article 88-4 de la Constitution.

Tout en prenant acte des orientations proposées par la Commission européenne pour remédier à certains des défauts constatés dans la mise en oeuvre de la politique communautaire de la recherche, la proposition de résolution adresse au Gouvernement des préconisations de nature à réduire les incertitudes pesant encore sur le cinquième programme-cadre.

Ces recommandations visent d'une part à mieux définir les objectifs de la politique communautaire de recherche, d'autre part, à assurer une meilleure gestion du programme-cadre et enfin à préciser les perspectives budgétaires dans lesquelles doit s'inscrire cette politique.

Votre rapporteur vous proposera de reprendre les termes de la proposition de résolution, en les complétant de façon à affirmer la nécessité de faire du programme-cadre un instrument de soutien à l'innovation et à rappeler les principes régissant l'usage des langues officielles au sein des institutions européennes.

I. LA PROPOSITION DE CINQUIÈME PROGRAMME-CADRE

Si la légitimité de la politique communautaire de recherche n'est aujourd'hui pas remise en cause, sa conception comme ses modalités de mise en oeuvre ont fait l'objet de nombreuses critiques auxquelles la Commission européenne souhaite remédier dans sa proposition de cinquième programme-cadre.

A. LA POLITIQUE COMMUNAUTAIRE DE LA RECHERCHE : UNE POLITIQUE LÉGITIME MAIS CRITIQUÉE

1. Une politique nécessaire

La recherche est devenue un élément déterminant de la compétitivité internationale. Or, l'Union européenne connaît aujourd'hui un retard en ce domaine, par rapport à ses concurrents les plus directs que sont les Etats-Unis et le Japon. L'Union européenne, contrairement aux Etats-Unis ou au Japon, souffre d'un déficit de sa balance commerciale pour les produits de haute technologie d'environ 10 à 15 milliards d'Ecus chaque année. Les dépenses totales de recherche et développement représentent pour les Etats de l'Union européenne 1,91 % du PIB contre 2,45 % pour les Etats-Unis et 2,95 % pour le Japon. Le budget consacré aux recherches dans le secteur de la société de l'information croît fortement chaque année aux Etats-Unis et au Japon alors qu'il a diminué en 1997 en Europe, ce qui ne peut qu'inquiéter quand on sait l'importance de ce secteur en termes de croissance et d'emplois.

Dans ce contexte, la politique de recherche européenne revêt une importance stratégique.

Il s'agit d'une politique récente . C'est, en effet, l'Acte unique de 1985 qui a introduit au sein du traité de Rome des dispositions concernant la recherche et le développement technologique, le traité de Maastricht élargissant ultérieurement les objectifs de cette politique.

En vertu de l'article 130 F du traité sur l'Union européenne, le renforcement des bases scientifiques et technologiques de l'industrie de la Communauté et le développement de sa compétitivité internationale constituent les missions fondamentales de la politique communautaire de la recherche. A ces fins, la Communauté encourage « les entreprises, y compris les petites et moyennes entreprises, les centres de recherche et les universités dans leurs efforts de recherche et de développement technologique de haute qualité, soutient leurs efforts de coopération, en visant tout particulièrement à permettre aux entreprises d'exploiter pleinement les potentialités du marché intérieur à la faveur, notamment, de l'ouverture des marchés publics nationaux, de la définition des normes communes et de l'élimination des obstacles juridiques et fiscaux à cette coopération ».

Cette politique se concrétise à travers des programmes-cadre dont le premier a été lancé en 1987. Le quatrième, en cours de réalisation, porte sur la période 1994-1998.

La politique de recherche représente environ 4 % du budget communautaire et environ 3,5 % du total des dépenses de recherche dans l'Union européenne. Elle constitue la plus importante des politiques internes, les dépenses qui y sont consacrées représentant les trois cinquièmes des crédits affectés à ces politiques.

Les sommes qui sont en jeu demeurent néanmoins modestes par rapport aux actions structurelles ou à la politique agricole commune qui représentent respectivement 32,1 % et 50,9 % des dépenses communautaires.

N'ayant en aucune manière vocation à se substituer aux actions conduites par les Etats membres, la politique communautaire ne peut se concevoir, conformément au principe de subsidiarité, que « si et dans la mesure où les objectifs de l'action envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les Etats membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire » (article 33 du traité sur l'Union européenne).

2. Une politique critiquée

La politique communautaire de la recherche a fait l'objet de nombreuses critiques liées tant aux objectifs qu'elle poursuit qu'à ses modalités de mise en oeuvre.

Elles ont été notamment formulées par le groupe d'experts indépendants présidé par M. Etienne Davignon, président de la Société générale de Belgique, chargé en application des décisions relatives au quatrième programme-cadre, de présenter une évaluation de la gestion et de la réalisation des actions communautaires menées au cours des cinq dernières années.

L'absence d'une véritable stratégie européenne de recherche

Rappelant que le programme-cadre ne représente que 3,5 % du total des crédits consacrés à la recherche et au développement dans l'Union européenne, le groupe d'experts souligne que s'il se limite à être un prolongement des politiques nationales, ses « effets seront dérisoires ». La légitimité d'une telle politique demeure, en effet, dans l'élaboration d'une « valeur ajoutée européenne » .

Or, dans un contexte de rigueur budgétaire accrue, force est de constater que les financements communautaires sont de plus en plus souvent sollicités pour remédier à la diminution des budgets nationaux de recherche. Cette tendance se concrétise dans les négociations européennes. Ainsi, comme le note le groupe d'experts , « la méthode de consultation des Etats membres conduit à une négociation entre des intérêts nationaux et sectoriels. Le programme devient alors une liste de priorités nationales, qui manque souvent de cohérence et de valeur ajoutée ».

Ce constat résulte pour une large part de la procédure d'élaboration des programmes-cadre.

En effet, les programmes-cadre ont été, jusqu'à présent, en vertu de l'article 130 I du traité instituant la Communauté européenne, adoptés à l'unanimité. Cette règle permet aux Etats membres d'obtenir la prise en compte de leurs préoccupations nationales afin que la plus grande part possible de leur recherche nationale soit financée par l'Union européenne, même si certaines actions ne relèvent pas, par nature, du niveau communautaire. Dans un contexte marqué par de fortes disparités nationales, certains Etats membres dont le niveau de développement économique est encore insuffisant, tentent de faire financer dans le cadre du programme-cadre des politiques qui ressortissent des fonds structurels, ce qui constitue comme le souligne le rapport d'information de la délégation du Sénat pour l'Union européenne (n° 57, 1997-1998) un détournement de la politique communautaire de la recherche.

Ainsi, au sein du quatrième programme-cadre, 18 programmes spécifiques avaient été mis en oeuvre. Cette forte dispersion des crédits ne peut que nuire à l'efficacité de la politique de recherche .

Un manque de souplesse

La procédure de décision à l'unanimité a privé de souplesse les programmes-cadre .

Chaque programme spécifique étant régi par une décision juridique qui en fixe le domaine et le budget pour cinq ans, et le processus d'adoption pouvant durer jusqu'à deux ans, la durée totale effective du programme-cadre peut aller jusqu'à sept ans. Durant cette période, tout changement ou ajustement n'est possible qu'au prix d'un processus juridique très lent.

Compte tenu notamment de l'accélération des progrès scientifiques, cette inertie des programmes-cadre constitue un inconvénient majeur de politique de recherche européenne, rendant difficile la prise en compte de nouveaux défis sociaux, économiques ou scientifiques. La lenteur avec laquelle le quatrième programme-cadre s'est adapté à l'apparition de l'épidémie d'encéphalite spongiforme bovine en est une illustration.

Des méthodes de gestion peu satisfaisantes

Une des raisons principales de la remise en cause de la politique communautaire de la recherche tient dans la lourdeur des procédures administratives qui régissent l'attribution des aides prévues par les programmes-cadre.

Les bénéficiaires des programmes soulignent notamment la longueur des délais . En effet, plus d'un an s'écoule en général entre la clôture des appels à propositions et le premier versement, l'étape la moins satisfaisante étant celle de la conclusion et de la signature des contrats.

En outre, le groupe d'experts souligne l'absence de transparence des procédures de sélection, les rejets de dossier demeurant insuffisamment motivés.

On ne peut que déplorer cette opacité du processus de décision quand on connaît l'investissement que peut représenter pour les entreprises la constitution d'un dossier.

Enfin, il apparaît que les méthodes d'évaluation des actions entreprises par la Communauté peuvent être améliorées .

B. LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE

Comme le souligne la Commission européenne dans sa proposition présentée le 30 avril 1997, « le cinquième programme-cadre de recherche et de développement technologique doit être l'occasion de mettre en oeuvre une nouvelle approche de la politique de recherche menée au niveau communautaire, adaptée aux défis contemporains et aux aspirations des citoyens européens ».

1. Une nouvelle approche de la recherche communautaire

La Commission européenne souhaite que le programme-cadre soit placé au service d'une politique de recherche de l'Union fondée sur une stratégie reposant, conformément aux recommandations du groupe d'experts, sur trois principes fondamentaux :

- l'excellence scientifique et technologique qui impose de sélectionner les meilleurs projets plutôt que de procéder à une répartition équilibrée des fonds entre les Etats membres ;

- la pertinence des actions par rapport aux grandes politiques de l'Union ;

- et la « valeur ajoutée » européenne .

Cette politique devra, par ailleurs, être définie en fonction des besoins économiques et sociaux de l'Union et de sa compétitivité globale. Mettant davantage l'accent sur la diffusion et l'exploitation des résultats, elle concentrera l'effort communautaire sur un nombre limité d'objectifs, ce qui implique une réduction significative du nombre des programmes communautaires.

Le programme-cadre proposé est organisé en six programmes définis en fonction des quatre actions que la Communauté européenne mène, en vertu de l'article 130 G du traité, dans le domaine de la recherche.

Trois programmes « thématiques » correspondent à la première action prévue par le traité (mise en oeuvre de programme de recherche, de développement technologique et de démonstration) trois programmes « horizontaux » à chacune des trois autres actions (promotion de la coopération avec les pays tiers et les organisations internationales, diffusion et valorisation des résultats et stimulation de la formation et de la mobilité des chercheurs de la Communauté).

Répondant au souci d'améliorer l'efficacité de la politique communautaire en concentrant son intervention, les programmes thématiques seront organisés en « actions clés ». Il s'agit là d'une des nouveautés de la programmation proposée par la Commission européenne. Les « actions clés » auront vocation à mobiliser l'ensemble des disciplines scientifiques et des efforts de recherche publics et privés en fonction d'objectifs socio-économiques.

L'élaboration d'une stratégie cohérente de recherche devrait être facilitée par la modification des règles de majorité relatives à l'adoption du programme-cadre . En effet, le traité d'Amsterdam prévoit qu'à l'avenir le programme-cadre sera adopté à la majorité qualifiée au sein du Conseil. Néanmoins, il n'entrera pas en vigueur avant de nombreux mois et afin de tirer parti de cette nouvelle règle, la Commission propose son application anticipée, suggestion que votre rapporteur considère comme particulièrement pertinente.

La mise en oeuvre du programme-cadre devrait être améliorée grâce à une plus grande flexibilité et à une meilleure coordination entre les activités développées dans les différents programmes de recherche et entre la politique de recherche et les autres politiques communautaires.

Une plus grande flexibilité devrait être atteinte notamment grâce à la création à l'intérieur de chaque programme d'une marge de manoeuvre permettant sa réorientation en cours de réalisation. La proposition de la Commission européenne consiste « à ne pas programmer dès le départ l'affectation de la totalité des moyens spécifiques, et à laisser subsister jusqu'aux 3/5e de la vie de ceux-ci, suffisamment de fonds disponibles pour pouvoir rassembler rapidement des ressources sur un thème donné ». Elle demeure, néanmoins, limitée car elle a pour seule vocation de permettre de faire face à des besoins « surgissant dans les domaines abordés par le prgramme-cadre mais non explicitement prévus ou décrits de manière détaillée. »

Une meilleure coordination devra être assurée entre les différents programmes, grâce aux « actions-clés » et aux programmes horizontaux mais également avec les autres actions de la Communauté, en particulier les programmes d'assistance technique et économique. De même, l'articulation du programme-cadre avec les activités nationales de recherche ainsi qu'avec les autres cadres et organisations de coopération scientifique et technologique européenne comme Eurêka ou l'Agence spatiale européenne devrait être renforcée.

Enfin, la gestion administrative des programmes est susceptible d'être améliorée notamment grâce à un allégement des procédures et à un raccourcissement des délais. Il faut noter que la Commission a présenté, le 16 décembre 1997, un projet de décision fixant les règles de participation au cinquième programme-cadre de recherche et de développement technologique comportant quelques propositions en ce sens comme le développement de la soumission de propositions par voie électronique.

2. Le contenu du cinquième programme-cadre

Votre rapporteur vous présentera succinctement les programmes spécifiques proposés par la Commission européenne et les instruments de leur mise en oeuvre.

La Commission européenne propose trois programmes thématiques :

Découvrir les ressources du vivant et de l'écosystème

Six actions sont prévues pour la mise en oeuvre de ce programme :

• santé et alimentation ;

• maîtrise des maladies virales et autres maladies infectieuses ;

• l'« usine cellulaire » ;

• gestion et qualité de l'eau ;

• interaction santé/environnement ;

• développement intégré de l'espace rural et côtier.

Développer une société de l'information conviviale

Quatre actions clés sont envisagées :

• les systèmes et services pour le citoyen ;

• les nouvelles méthodes de travail et le commerce électronique ;

• le contenu multimédia ;

• les technologies et les infrastructures essentielles.

Favoriser une croissance compétitive et durable

Six actions clés sont proposées :

• produits, procédés, organisation ;

• mobilité durable et intermodalité ;

• nouvelles perspectives pour l'aéronautique ;

• les technologies de la mer ;

• systèmes et services énergétiques avancés ;

• la ville de demain

Les trois programmes horizontaux proposés par la Commission poursuivent les objectifs suivants :

- « Affirmer le rôle international de la recherche européenne ». Il s'agit essentiellement d'actions de coopération scientifique et technologique.

- « Innover et faire participer les petites et moyennes entreprises » : ce programme doit permettre aux PME de bénéficier d'un accès aisé aux avancées technologiques dont elles ont besoin et aux possibilités offertes par les programmes de recherche de l'Union.

- « Accroître le potentiel humain » : la finalité de ce programme est de renforcer le soutien à la formation et à la mobilité des chercheurs.

Ces propositions sont complétées par celles spécifiques au programme-cadre de la Communauté européenne de l'énergie atomique (Euratom) qui devraient porter sur la fusion thermo-nucléaire et les systèmes énergétiques liés à la fission nucléaire.

Les instruments utilisés pour la mise en oeuvre du nouveau programme-cadre ne différeront guère de ceux des précédents programmes-cadre. Les actions indirectes (actions à frais partagés, actions concertées, soutien aux réseaux collaboratifs, projets de démonstration) demeureront la modalité de mise en oeuvre d'une grande partie du programme-cadre. Parallèlement, la Communauté européenne poursuivra des actions directes par l'intermédiaire du Centre commun de recherche (CCR) qui devraient être axées sur le thème de « la recherche au service de l'individu et des citoyens ».

Enfin, la Commission européenne affirme sa volonté de mettre en oeuvre les articles 130 K, L et N du traité qui permettent la mise en oeuvre d'actions présentant un intérêt pour un certain nombre d'Etats membres seulement.

II. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION ET LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

A. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Tout en approuvant les orientations proposées par la Commission européenne, la délégation du Sénat a souhaité faire des propositions destinées à garantir la mise en oeuvre de la salutaire volonté de changement que traduit le projet de cinquième programme-cadre mais également à améliorer le fonctionnement de la politique communautaire de la recherche.

Ces recommandations concernent, d'une part, la définition des objectifs de la politique de recherche, d'autre part, les méthodes de gestion et, enfin, les perspectives budgétaires dans lesquelles s'inscrit le cinquième programme-cadre.

1. La définition de la politique communautaire de la recherche

Préserver l'objectif de réduction du nombre de programmes thématiques

La proposition de résolution n° 65 insiste sur la nécessité de préserver au cours des négociations les objectifs de réduction du nombre de programmes thématiques et de concentration des actions de la Communauté européenne.

Comme le souligne le rapport d'information de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, la volonté de concentration que traduit la proposition de cinquième programme-cadre est menacée tant par les Etats membres « tentés d'imposer des sujets qui leur importent afin d'obtenir des financements communautaires » que par la Commission européenne chargée de l'exécution des actions prévues par le programme-cadre et dont les services « n'acceptent pas aisément que les projets qu'ils gèrent soient remis en cause ».

Cette préoccupation exprimée par la proposition de résolution est d'autant plus légitime que la question du saupoudrage des crédits est posée à l'occasion de chaque programme-cadre sans avoir jusqu'ici reçu de réponse satisfaisante.

Par ailleurs, votre rapporteur souligne que les risques de remise en cause de l'effort de concentration de l'action européenne sont réels . Le Parlement européen lors de la première lecture de la proposition du cinquième programme-cadre a suggéré que le nombre de programmes thématiques soit porté de trois à quatre afin d'isoler une action spécifique à l'énergie et à l'environnement, initiative qui a recueilli l'assentiment de la Commission européenne par la voix de Mme Edith Cresson, commissaire européen chargée de la recherche. En outre, il semble que, lors des premières négociations intervenues au Conseil des ministres, certains Etats membres aient estimé qu'outre les programmes prévus par la Commission, d'autres actions seraient intéressantes à envisager.

Clarifier les liens entre la politique de la recherche et les actions structurelles

L'efficacité de la politique communautaire de recherche est liée à une clarification de ses objectifs vis-à-vis des politiques structurelles.

En effet, comme le soulignait M. Claude Allègre, ministre de l'Éducation nationale, de la recherche et de la technologie devant la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne le 23 octobre 1997, il importe de ne pas confondre le programme-cadre de recherche et développement avec les fonds structurels, le programme-cadre ne constituant pas une aide au développement ou ne devant pas être utilisé comme une modalité de la politique d'aménagement du territoire.

La proposition de résolution comprend une recommandation en ce sens afin d'éviter que le programme-cadre ne serve à financer des actions qui relèvent de la politique de cohésion.

Cet objectif exige, d'une part, que les Etats membres consacrent une plus large part des ressources structurelles à la recherche, et, d'autre part, que la coordination entre les politiques structurelles et la politique de la recherche soit améliorée.

2. Les méthodes de gestion

S'agissant des méthodes de gestion de la politique communautaire de la recherche, la proposition de cinquième programme-cadre ne répond que partiellement aux critiques formulées à leur encontre. Par ailleurs, elle présente certaines lacunes.

Assurer un contrôle sur la gestion des programmes assurée par la Commission européenne

La proposition de résolution invite le Gouvernement à veiller à ce que soit assuré un contrôle plus étroit sur la gestion par la Commission européenne du cinquième programme-cadre.

Il n'apparaît pas souhaitable, en effet, de renforcer le rôle de la Commission européenne dans la gestion de la politique de recherche, gestion qui fait d'ores et déjà l'objet de critiques soulignant son opacité et son caractère bureaucratique.

La délégation invite en conséquence le Gouvernement, d'une part, à s'opposer à la réduction du rôle des comités de programme et, d'autre part, à plaider pour des modalités d'évaluation du programme-cadre indépendantes de l'organe de gestion

La Commission européenne suggère pour accroître l'efficacité de la mise en oeuvre du programme-cadre que lui soient donnés « les moyens d'exercer pleinement le pouvoir d'exécution des programmes qui lui est conféré », et, à cette fin, de limiter le rôle des comités de programme à l'édiction des mesures possédant un caractère normatif et général.

Cette proposition, que la Commission justifie par la volonté de raccourcir les délais de traitement des dossiers et d'améliorer l'efficacité générale de la mise en oeuvre des programmes, n'apparaît pas opportune.

Rappelons que pour chaque programme, un comité composé de représentants des Etats membres est chargé d'assister et de contrôler la Commission. Il rend un avis sur le programme de travail élaboré par la Commission européenne pour chaque programme spécifique, sur les appels d'offre qu'elle s'apprête à lancer et sur les projets sélectionnés. En cas de désaccord entre la Commission et un comité, la décision est renvoyée au Conseil de l'Union européenne, ce qui ne se produit quasiment jamais en pratique.

Ces comités ne peuvent en aucun cas être considérés comme des obstacles à une gestion efficace des programmes de recherche. En effet, ils n'usent que très modérément de leur pouvoir de blocage. Par ailleurs, ils n'interviennent pas dans la phase de la procédure la plus critiquée, qui est celle de la négociation des contrats.

En outre, comme le note la délégation dans son rapport d'information, ces comités « constituent un instrument permettant au Conseil de l'Union européenne, détenteur d'une forte légitimité démocratique d'exercer un contrôle souple sur l'action conduite par la Commission européenne ».

La proposition de résolution souligne également la nécessité de mettre en place des modalités d'évaluation du programme-cadre indépendantes de la Commission européenne.

La Commission européenne propose, d'une part, d'examiner chaque année avec l'aide d'experts indépendants l'état de réalisation du cinquième programme-cadre afin de permettre notamment d'adapter ou de compléter les actions entreprises et, d'autre part, de faire procéder, avant la présentation du sixième programme-cadre, à une évaluation du programme-cadre par des experts indépendants de haut niveau. Le troisième alinéa de l'article 5 de la proposition de cinquième programme-cadre dispose que « le choix des experts indépendants (...) est effectué par la Commission qui tient compte de façon équilibré des différents acteurs de la recherche ».

Si on peut se féliciter de la qualité et de l'indépendance des travaux conduits par le groupe d'experts présidé par M. Etienne Davignon sur le quatrième programme-cadre, le principe de désignation des experts par la Commission elle-même pour évaluer sa propre gestion n'est pas de nature à garantir l'indépendance de l'expertise.

Améliorer la flexibilité du programme-cadre

La Commission européenne, reconnaissant les rigidités de la politique européenne de recherche face à la rapidité des évolutions sociales, économiques et scientifiques, a introduit dans sa proposition un élément de souplesse des conditions de gestion en décidant de ne pas pré-affecter l'ensemble des ressources au sein de chaque programme spécifique.

Cette suggestion, si elle est incontestablement intéressante, demeure limitée et pourrait être approfondie. La proposition de résolution propose notamment que les synergies entre Eurêka et le programme-cadre soient renforcées et que les articles 130 K, 130 L et 130 N du traité sur l'Union européenne soient mis en oeuvre. De telles mesures permettraient, à l'évidence, au programme-cadre de gagner en souplesse.

L'initiative Eurêka, créée en 1985, regroupe désormais 26 Etats et a pour objectif de renforcer les coopérations transfrontalières entre entreprises et instituts de recherche dans les domaines technologiques et d'accroître la productivité et la compétitivité des industries et des économies nationales. Tournée vers l'initiative industrielle, elle est gérée de manière décentralisée et s'appuie sur une dynamique tournée vers les besoins du marché. A la différence de ce qui prévaut pour les programmes communautaires qui fonctionnent selon le système des appels d'offre, les entreprises et centres de recherche proposent spontanément leurs projets, ce qui favorise notamment l'émergence de projets pluridisciplinaires. En dépit de ces différences de logique, les actions conduites dans le cadre d'Eurêka et des programmes communautaires ne sont pas incompatibles et, selon le rapport Davignon, « pourraient être aisément associés dans une chaîne d'innovation renforcée qui propulserait jusqu'au marché la RDT réalisée au titre du programme-cadre ».

Comme le propose la délégation dans son rapport, la possibilité de réserver une ligne de crédits du programme-cadre au financement de projets lancés dans le cadre d'Eurêka apparaît comme très pertinente.

La mise en oeuvre des actions prévues par les articles 130 K, 130 L et 130 N du traité qui prévoient la possibilité de conduire des programmes n'intéressant que certains Etats membres et la création d'entreprises communes paraît particulièrement intéressante dans la mesure où elles permettraient l'émergence de coopérations renforcées entre les Etats membres.

Protéger la recherche européenne

La proposition de programme-cadre ne comporte aucune disposition relative à la propriété intellectuelle . Il s'agit cependant là d'un élément déterminant de la compétitivité économique qui repose aujourd'hui de plus en plus sur l'exploitation des résultats de la recherche.

Comme le note la délégation dans son rapport d'information, la Communauté européenne a été qualifiée par certains de « passoire technologique ». Une telle situation résulte, d'une part, de la logique des programmes communautaires qui font travailler ensemble de nombreux partenaires, ce qui ne favorise pas la protection des résultats des travaux de recherche, et, d'autre part, des accords de coopération scientifique et technique qui ne semblent pas comporter dans le domaine de la propriété intellectuelle des garanties satisfaisantes et offrir aux entreprises et centres de recherche européens une garantie de réciprocité pour accéder aux programmes de recherche des Etats signataires des traités.

La proposition de résolution incite en conséquence le Gouvernement à veiller à la protection juridique des recherches entreprises dans le cadre communautaire et à ce que les accords de coopération scientifique et technique offrent aux partenaires européens une pleine réciprocité pour accéder aux programmes de recherche de ces pays.

3. Les perspectives budgétaires du cinquième programme-cadre

L'effort financier consacré à la recherche par la Communauté européenne

Publiée en avril 1997, la proposition de cinquième programme-cadre soumise au Sénat et à l'Assemblée nationale dans le cadre de l'article 88-4 de la Constitution ne comporte aucune indication sur l'enveloppe financière qui lui sera consacrée, la plus grande partie du cinquième programme-cadre devant être exécutée dans le contexte du nouveau cadre financier appelé à succéder au cadre actuel (1993-1999) qui devait être présenté en juillet.

Dans le document « Agenda 2000 » présenté en juillet 1997 qui fixe les grandes lignes des perspectives financières de la Communauté à compter de l'an 2000, la Commission européenne souligne qu' « il est vital de donner une nouvelle impulsion à l'effort de recherche et de développement technologique », et estime que le programme-cadre devrait voir sa dotation progresser plus rapidement que le PNB des 15 Etats membres .

Compte tenu de ces orientations, la Commission européenne a présenté le 11 août 1997 une proposition d'enveloppe financière pour le cinquième programme-cadre qui s'élève à 16,3 milliards d'Ecus , soit une progression de 3 % par rapport à la reconduction de l'enveloppe financière exprimée en pourcentage du PNB.

Cette enveloppe se répartit de la manière suivante :

- 14,833 milliards d'Ecus pour les activités de recherche non nucléaires ;

- et 1,467 milliard d'Ecus pour les activités de recherche nucléaire.

La position des Etats membres sur la question de l'enveloppe financière du cinquième programme-cadre demeure liée au déroulement des négociations sur « Agenda 2000 ». Comme le note la délégation dans le rapport d'information précité, « il conviendra au minimum que le Conseil de l'Union ait dégagé des orientations sur les futures perspectives avant que le programme-cadre soit définitivement entériné ».

L'augmentation de cette enveloppe financière est légitime compte tenu des effets positifs qu'on est en droit d'attendre d'une politique européenne de la recherche. Cependant, la délégation proposant que les crédits consacrés à l'ensemble des politiques internes demeurent stables en pourcentage du PNB, la proposition de résolution demande au Gouvernement que l'intensification de l'effort en faveur de la recherche soit compensée par une réduction des crédits alloués à d'autres rubriques des politiques internes concernant des actions moins pertinentes.

Votre rapporteur souligne que la concentration des actions européennes ne peut que constituer un gage de leur efficacité. Il note que, pour l'heure, le Parlement européen a été au delà des propositions de la Commission en portant l'enveloppe financière du cinquième programme-cadre à 15,4 milliards d'Ecus pour les activités de recherche non nucléaire (soit + 600 millions d'Ecus). En revanche, il a diminué l'enveloppe budgétaire consacrée aux activités de recherche nucléaire (-160 millions d'Ecus) pour la fixer à 1.300 millions d'Ecus.

Les incertitudes soulevées par l'élargissement

Dans le document proposé par la Commission européenne, la deuxième action horizontale du cinquième programme-cadre intitulée « affirmer le rôle international de la recherche communautaire » a pour objectif de « préparer l'adhésion des pays d'Europe centrale et orientale associés ».

Pour ces pays comme pour quelques autres, la Commission européenne propose une « pleine association au programme-cadre : participation et financement par la Communauté des entités de pays tiers dans des conditions similaires à celles des entités des Etats membres ».

La proposition de résolution répondant aux interrogations soulevées par une telle suggestion invite le Gouvernement à obtenir la réalisation d'une étude approfondie de ses conséquences, en particulier en ce qui concerne les règles de propriété intellectuelle appliquées dans ces pays et les modalités de financement de leur contribution au programme-cadre.

B. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Approuvant l'ensemble des préconisations de la proposition de résolution, votre commission ne souhaitera la compléter que sur deux points, d'une part, pour souligner la nécessité de faire du programme-cadre un instrument de soutien à l'innovation et, d'autre part, pour rappeler les règles garantissant l'égalité des langues officielles au sein de la Communauté.

1. Le soutien à l'innovation

Une politique insuffisamment tournée vers l'innovation

Si les activités de recherche conduites en Europe soutiennent la comparaison avec celles menées au Japon et aux Etats-Unis, force est de constater qu'on est moins porté en Europe à l'innovation et que l'exploitation des résultats de la recherche jusqu'à la commercialisation est poursuivie moins énergiquement.

Or, les programmes-cadre ne permettent guère de remédier à cette situation. Présentant un caractère précompétitif, ils demeurent insuffisamment tournés vers l'innovation.

Les programmes-cadre s'appuient sur des instruments qui ne sont pas assez diversifiés et ne sont pas de nature à favoriser la mise sur le marché des résultats des recherches menées dans le cadre des programmes spécifiques. Ces instruments sont au nombre de trois : l'action à frais partagés, les actions concertées et les travaux du centre commun de recherche. Ils n'ont pas été modifiés depuis 1987 alors que les Etats membres modifiaient dans le même temps leur politique d'incitation à la recherche.

La plupart des Etats membres ont, en effet, préféré à des actions fondées sur une participation financière à des projets industriels des interventions visant à créer des conditions favorables au développement de l'innovation, en donnant aux entreprises la possibilité d'exploiter les connaissances scientifiques et technologiques. En France, ont été ainsi prises des mesures destinées à favoriser le transfert de technologies et l'orientation du capital vers les entreprises innovantes.

Comme le note le rapport du groupe d'experts présidé par M. Etienne Davignon, le programme-cadre doit « appliquer une approche beaucoup plus intégrée de l'aide à la recherche et au développement technologique et à l'innovation ». Le groupe estime que « tout en restant précompétitif, le programme-cadre doit disposer d'un plus large éventail de formules pour garantir qu'il puisse pleinement participer au développement d'une action plus innovatrice, génératrice de succès économique ».

Il semble, par ailleurs, que la séparation actuelle des responsabilités entre trois directions générales au moins institutionnalise un modèle classique d'innovation peu susceptible de favoriser les interactions entre la création et l'application des connaissances.

En outre, on ne peut que déplorer que les programmes-cadre ne bénéficient pas plus aux petites et moyennes entreprises qui, notamment dans le secteur des hautes technologies, peuvent constituer des acteurs privilégiés de la diffusion des résultats de la recherche.

Ceci est particulièrement regrettable, l'Europe se caractérisant notamment par l'insuffisance de l'épargne investie dans le capital-risque et du nombre de petites et moyennes entreprises de haute technologie qui, si on se réfère à l'exemple américain, sont susceptibles de jouer un rôle déterminant dans la croissance et la compétitivité.

La participation des PME aux actions de recherche financées par la Communauté est encore insuffisante. Elles ne représentaient en 1996 que 20 % des participations aux projets communautaires de recherche et de développement répartis sur l'ensemble des programmes spécifiques, ce qui demeure encore insuffisant bien que cela représente une amélioration par rapport aux années antérieures.

Les propositions de la Commission européenne

La nécessité d'orienter la politique européenne de recherche vers l'innovation, notamment grâce à une plus grande ouverture aux PME, a d'ores et déjà été prise en compte par la Commission. En effet, ont été introduites dans le quatrième programme-cadre des « mesures de stimulation technologique pour l'accès des PME à la recherche et au développement ». Ces mesures sont de deux types : d'une part, des primes exploratoires pour financer le montage de dossiers, et d'autre part, la recherche coopérative (CRAFT) qui offre aux PME ne disposant pas de capacités propres de recherche la possibilité de confier la réalisation de la totalité ou d'une partie des travaux de recherche à des organisations de recherche.

Ces mesures ont permis à des PME d'accéder aux financements communautaires ; en effet, 75 % des 1.200 PME ayant bénéficié de l'une ou l'autre de ces mesures de soutien technologique en 1996 participaient pour la première fois aux programmes de recherche et développement communautaires.

La proposition de cinquième programme-cadre donne pour objectif à un des trois programmes horizontaux d'« innover et faire participer les PME ». La Commission souligne que « vecteurs et acteurs importants de l'innovation, les PME qui fournissent les 2/3 de l'emploi dans l'Union européenne, doivent pouvoir bénéficier d'un accès aisé aux technologies avancées dont elles ont besoin, et aux possibilités offertes par les programmes de recherche de l'Union ».

Parmi les actions proposées en faveur des PME, on relève ainsi l'aide à la création de petites et moyennes entreprises à croissance rapide notamment par l'intermédiaire des organismes ou fonds européens (Fonds européen d'investissement, Banque européenne d'investissement et l'action Eurotech Capital). Est également proposée la mise en place d'un guichet unique pour l'ensemble des programmes de recherche au sein des services de la Commission européenne pour les propositions de projets mis en oeuvre par des PME.

Un effort à approfondir

Si ces mesures vont dans le bon sens, votre commission souligne la nécessité de faciliter de manière générale l'accès des PME aux programmes de recherche communautaires. Il semble aujourd'hui que la seule possibilité offerte aux PME de participer aux programmes communautaires est d'être associées à une grande entreprise ou à un centre de recherche ou encore à une université.

En effet, il s'avère que les procédures de sélection suivies par la Commission européenne sont peu favorables aux PME.

La procédure d'appel d'offre privilégie à l'évidence les grandes entreprises. Informées des mécanismes européens et bénéficiant pour bon nombre d'entre elles d'un réseau de consultants efficaces proches des fonctionnaires de la Commission, elles peuvent constituer des dossiers dans les délais imposés qui s'avèrent souvent trop courts pour les PME. Ces dernières ne disposent pas en effet d'un « lobbying » efficace et se trouvent souvent démunies face à la complexité et à l'opacité des procédures européennes.

Il ne semble pas pour l'heure question de modifier ces méthodes de gestion des programmes de recherche.

En outre, les délais qui séparent la préparation d'une réponse à un appel d'offre et les premiers versements de fonds européens, en cas de réussite, sont trop longs pour des PME qui ne disposent pas dans bien des cas de la solidité financière suffisante -en particulier les plus récentes d'entre elles- et ne correspondent pas aux besoins des PME innovantes développant des technologies dont l'évolution est très rapide.

Des procédures inspirées de celles en vigueur dans le cadre d'Eurêka permettraient sans doute de faire bénéficier plus largement les PME des programmes européens. En effet, la sélection des projets se fait non pas grâce à des appels d'offre dans le cadre de programmes thématiques prédéfinis mais parmi des dossiers proposés directement par des entreprises et des centres de recherche. Ainsi, les PME représentent 45 % des 77 entreprises ou institutions françaises coopérant au sein des 39 projets à participation française retenus dans le cadre d'Eurêka, lors de la 14e conférence ministérielle qui s'est tenue à Londres le 19 juin 1997.

Le renforcement des liens entre Eurêka et le programme-cadre permettrait de remédier à l'insuffisante ouverture aux PME des financements communautaires. La proposition formulée dans le rapport d'information visant à ce qu'une ligne de crédits du programme-cadre soit destinée à financer des projets lancés dans le cadre d'Eurêka apparaît particulièrement opportune : les différences de fonctionnement existant entre les deux programmes seraient alors susceptibles de les rendre complémentaires.

2. Affirmer le statut de la langue française

Votre commission s'est maintes fois préoccupée de la place du français dans les institutions européennes, notamment par la voix de notre excellent collègue, M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis des crédits de la francophonie.

Votre rapporteur tient à rappeler une fois encore la nécessité de garantir le principe d'égalité des langues officielles de la Communauté européenne face à une dérive inquiétante vers le monolinguisme anglophone.

Le français figure parmi les onze langues officielles de la Communauté et, au delà de ce statut, occupe une position privilégiée comme langue de travail au sein des institutions européennes. La présence du français dans les institutions communautaires revêt une importance stratégique pour la place de notre langue dans l'ensemble des organisations internationales, dans les Etats membres de l'Union et dans les pays candidats à l'adhésion.

Le règlement du Conseil n° 1 du 15 avril 1958 affirme le principe de l'égalité des langues officielles de la Communauté. Ce principe a été réaffirmé au gré des élargissements géographiques et fonctionnels qu'a connus la Communauté européenne. Ainsi, les statuts de l'Institut monétaire européen prévoient la publication de ses actes dans les langues officielles de la Communauté.

En outre, les négociations de la conférence intergouvernementale, en 1997, ont été l'occasion d'insérer dans le Traité d'Amsterdam un troisième alinéa à l'article 8 D disposant que « tout citoyen de l'Union peut écrire aux institutions et organes dans l'une des douze langues du traité 1 ( * ) et recevoir une réponse rédigée dans la même langue ».

La situation est particulièrement préoccupante dans le domaine de la recherche. L'usage de la langue anglaise tend à y occuper une place prédominante ce qui ne peut bien entendu être toléré.

Une action s'impose plus précisément en ce qui concerne la gestion du programme-cadre. On constate, en effet, que l'ensemble des réponses aux appels d'offre de la Commission européenne est désormais rédigé en anglais.

Cela tient à ce que les réponses aux appels d'offre font, avant leur examen par la Commission européenne, l'objet d'une présélection par des comités composés d'experts originaires de différents pays de l'Union européenne. Ne disposant pas des services de traduction de la Commission, ces derniers travaillent en anglais. Un dossier rédigé dans une autre langue que l'anglais a donc, quelles que soient ses qualités, de très fortes chances de ne pas être examiné, cela d'autant plus que les réponses aux appels d'offre recourent à un vocabulaire technique qui exige une connaissance approfondie de la langue utilisée. L'usage obligatoire de l'anglais imposée par la pratique est susceptible de constituer un obstacle à l'accès aux financements communautaires pour certaines entreprises françaises -notamment pour les PME- ne disposant pas de personnels possédant une maîtrise suffisante de cette langue.

Votre commission, soucieuse de voir le français conserver sa position privilégiée au sein des institutions européennes ne peut que s'inquiéter d'une telle pratique qui semble correspondre au demeurant à l'évolution consistant pour le français à être supplanté par l'anglais dans plusieurs directions générales (DG) de la Commission européenne notamment la DG XII chargée de la recherche.

Cette tendance à l'usage exclusif de l'anglais est contraire aux dispositions juridiques régissant le statut des langues au sein des institutions européennes.

Votre commission juge indispensable de remédier à cette situation et appelle le Gouvernement à exiger de la Commission que les comités d'experts disposent des moyens de traduction nécessaires pour assurer dans le traitement des dossiers de réponses aux appels d'offre le principe d'égalité des langues officielles de la Communauté européenne.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné la proposition de résolution n° 65 (1997-1998) au cours d'une réunion tenue le 21 janvier 1998 sous la présidence de M. Adrien Gouteyron, président.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Jean Delaneau a indiqué que dans le cadre de la préparation d'un rapport sur la place du français dans les institutions européennes, la section française de l'Association internationale des parlementaires de langue française avait pu, au cours de ses déplacements à Bruxelles, constater la dérive inquiétante vers le monolinguisme anglophone, en particulier dans les domaines de la technologie et de la recherche. Il a noté que cette situation constituait un obstacle à la participation au programme cadre de recherche des petites et moyennes entreprises (PME) qui ne disposent pas toujours des moyens leur permettant de présenter un dossier en langue anglaise.

M. Pierre Laffitte a souligné que les dossiers présentés par les entreprises dans le cadre d'appels d'offre lancés par la Commission européenne n'avaient aucune chance d'aboutir s'ils étaient rédigés dans une autre langue que l'anglais. Conscient des difficultés pratiques soulevées par l'application du principe d'égalité des langues officielles de la Communauté européenne, il a proposé que pour la mise en oeuvre du programme-cadre, ne soient utilisées que les seules langues de travail parmi lesquelles figure le francais.

Il a souligné, par ailleurs, que tant que la Commission européenne recourrait systématiquement à des appels d'offre pour procéder à la sélection des dossiers, les PME seraient exclues des programmes européens de recherche. Il a noté qu'il existait, notamment dans le cadre d'Eurêka, ou, au niveau national, de l'Agence nationale pour la valorisation de la recherche (ANVAR), des méthodes efficaces permettant de financer les PME grâce à des procédures décentralisées d'attribution des aides. Il a souhaité qu'à titre expérimental, dans le cadre de délégations limitées et contrôlées, la Commission européenne puisse s'en inspirer. Soulignant que les PME ne répondaient pas aux appels d'offre de la Commission sauf à entretenir des relations privilégiées avec les consultants spécialisés dans les procédures communautaires ou avec les experts de la Commission européenne, il a vivement regretté l'évolution des directions générales de la Commission vers un système bureaucratique caractérisé par une grande opacité et privilégiant les relations d'influence.

M. Jacques Legendre , approuvant les propos du rapporteur sur la dérive inquiétante vers le monolinguisme anglophone dans les institutions européennes, a souligné que la proposition de M. Pierre Laffitte, bien qu'elle soit légitime, risquait de susciter le mécontentement des Etats membres dont la langue n'était pas une langue de travail. Il a souligné la nécessité de garantir aux PME la possibilité de soumissionner dans leur langue. Rappelant que les assurances données par le Gouvernement n'étaient guère suivies d'effets en ce domaine, il a appelé la commission à user de fermeté pour défendre la place de la langue française dans les institutions européennes.

M. François Lesein a indiqué que si le français demeurait lors des séances plénières du Conseil de l'Europe la deuxième langue de travail, ce n'était pas le cas pour les travaux se déroulant dans les commissions spécialisées. Il a souhaité que les moyens de traduction de la Commission européenne soient renforcés ou réorganisés de manière à assurer l'égalité de traitement des dossiers de réponse aux appels d'offre. Il a plaidé pour que, lors des négociations au Conseil de la proposition de cinquième programme-cadre, le Gouvernement français défende avec la plus grande fermeté la place de la langue française.

Evoquant les difficultés rencontrées par les PME pour accéder aux financements communautaires, il a suggéré que la procédure des appels d'offre soit remplacée par celle plus juste et plus égalitaire des concours.

Enfin, il a souhaité que la commission puisse entendre les commissaires européens sur les modalités de gestion de la politique communautaire de la recherche.

M. Franck Sérusclat a indiqué que les commissaires européens en dehors des réunions plénières de la Commission européenne utilisaient de plus en plus l'anglais comme langue de travail alors même qu'ils disposent de la possibilité de recourir à des traducteurs.

M. James Bordas, rapporteur , rejoignant les propos des intervenants sur la nécessité de défendre avec fermeté l'usage de la langue française dans les institutions européennes et de favoriser la participation des PME au programme-cadre, a rappelé à ce sujet que M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie, paraissait parfaitement conscient des difficultés rencontrées. Il a indiqué qu'ayant eu communication du rapport d'information de la délégation du Sénat pour l'Union européenne, le ministre lui avait fait part de son intention d'encourager tous les projets impliquant les PME et que, devant la délégation de l'Assemblée nationale pour l'Union européenne, le 23 octobre 1997, il s'était vivement inquiété de l'influence des groupes de pression sur le fonctionnement de la Commission européenne. Notant le consensus que suscitaient les motivations de la proposition de résolution, il a proposé que la commission demeure vigilante sur le déroulement de la suite des négociations sur le programme-cadre et sur le suivi de ses recommandations.

La commission a ensuite adopté, à l'unanimité des commissaires présents, la proposition de résolution proposée par son rapporteur.

Elle a fixé au lundi 2 février, à 17 heures, le délai-limite de dépôt des amendements sur la proposition de résolution adoptée par elle et au mercredi 4 février à 19 heures 30 la date d'examen des amendements par la commission.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION
ADOPTÉE PAR VOTRE COMMISSION

(Texte adopté par la commission
en application de l'article 73 bis-6 du Règlement du Sénat)

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

sur la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil
relative au cinquième programme-cadre de
la Communauté européenne pour des actions de recherche,
de développement technologique et de démonstration (1998-2002)
et la proposition de décision du Conseil relative
au cinquième programme-cadre de la Communauté européenne
de l'énergie atomique (euratom) pour des activités de recherche
et d'enseignement (1998-2002) (n° E-847),

Le Sénat,

Vu la proposition d'acte communautaire E 847,

Approuve les orientations proposées par la Commission européenne pour le cinquième Programme-cadre de recherche et de développement technologique ;

Demande au Gouvernement :

- de faire en sorte que les objectifs de réduction du nombre de programmes thématiques et de concentration des actions de la Communauté européenne ne soient pas réduits à néant au cours des négociations, et que le principe de subsidiarité soit pleinement pris en compte dans ces négociations ;

- d'inciter la Commission européenne à prendre des initiatives afin que la mise à niveau en matière de recherche des Etats membres connaissant encore un retard de développement soit assurée par les politiques structurelles et non par le programme-cadre de recherche ;

- de s'opposer à la réduction du rôle des comités composés de représentants des Etats membres et assistant la Commission européenne dans ses tâches de gestion, aucun élément ne démontrant que ces comités constituent une entrave à l'efficacité de la politique communautaire ;

- de veiller à ce qu'une éventuelle augmentation plus rapide que la progression du PNB du budget alloué au programme-cadre soit intégralement compensée par une réduction des crédits alloués à d'autres rubriques des politiques internes ;

- d'obtenir la réalisation d'une étude approfondie des conséquences d'une ouverture immédiate et complète du programme-cadre aux pays d'Europe centrale et orientale dont l'adhésion à l'Union est proposée par la Commission européenne, en particulier en ce qui concerne les règles de propriété intellectuelle appliquées dans ces pays et les modalités de financement de leur participation au programme-cadre ;

- de faire en sorte que la gestion du programme-cadre favorise l'innovation et une meilleure diffusion des résultats de la recherche, notamment en facilitant l'accès des petites et moyennes entreprises aux actions communautaires ;

- de plaider pour des modalités d'évaluation du programme-cadre, en cours de réalisation, plus indépendantes de la Commission européenne, en particulier pour ce qui concerne les activités directes de recherche de la Communauté menées à travers le Centre commun de recherche ;

- de s'assurer que les recherches entreprises dans le cadre communautaire feront l'objet de règles rigoureuses en ce qui concerne la propriété intellectuelle, et que les accords de coopération passés entre la Communauté et des Etats tiers offrent aux entreprises et organismes communautaires une pleine réciprocité pour accéder aux programmes de recherche de ces pays ;

- de défendre un renforcement des synergies entre EURÊKA et le programme-cadre et la mise en oeuvre des articles 130 K, 130 L et 130 N du traité sur l'Union européenne, l'ensemble de ces mesures devant permettre de renforcer la flexibilité de la politique de recherche conduite au sein de l'Union ;

- d'exiger de la Commission européenne que les comités d'experts disposent des moyens nécessaires de traduction pour assurer le respect du principe d'égalité des langues officielles de la Communauté européenne dans le traitement des dossiers de réponse aux appels d'offre lancés par la Commission pour la mise en oeuvre du programme-cadre.

ANNEXE :
Proposition de résolution n° 65 présentée par M. James Bordas

Proposition de résolution n° 65 (1997-1998)

présentée par M. James BORDAS,

Le Sénat,

Vu la proposition d'acte communautaire E 847,

Approuve les orientations proposées par la Commission européenne pour le cinquième Programme-cadre de recherche et de développement technologique ;

Demande au Gouvernement :

- de faire en sorte que les objectifs de réduction du nombre de programmes thématiques et de concentration des actions de la Communauté européenne ne soient pas réduits à néant au cours des négociations, et que le principe de subsidiarité soit pleinement pris en compte dans ces négociations ;

- d'inciter la Commission européenne à prendre des initiatives afin que la mise à niveau en matière de recherche des Etats membres connaissant encore un retard de développement soit assurée par les politiques structurelles et non par le programme-cadre de recherche ;

- de s'opposer à la réduction du rôle des comités composés de représentants des Etats membres et assistant la Commission européenne dans ses tâches de gestion, aucun élément ne démontrant que ces comités constituent une entrave à l'efficacité de la politique communautaire ;

- de veiller à ce qu'une éventuelle augmentation plus rapide que la progression du PNB du budget alloué au programme-cadre soit intégralement compensée par une réduction des crédits alloués à d'autres rubriques des politiques internes ;

- d'obtenir la réalisation d'une étude approfondie des conséquences d'une ouverture immédiate et complète du programme-cadre aux pays d'Europe centrale et orientale dont l'adhésion à l'Union est proposée par la Commission européenne, en particulier en ce qui concerne les règles de propriété intellectuelle appliquées dans ces pays et les modalités de financement de leur participation au programme-cadre ;

- de plaider pour des modalités d'évaluation du programme-cadre, en cours de réalisation, plus indépendantes de la Commission européenne, en particulier pour ce qui concerne les activités directes de recherche de la Communauté menées à travers le Centre commun de recherche ;

- de s'assurer que les recherches entreprises dans le cadre communautaire feront l'objet de règles rigoureuses en ce qui concerne la propriété intellectuelle, et que les accords de coopération passés entre la Communauté et des Etats tiers offrent aux entreprises et organismes communautaires une pleine réciprocité pour accéder aux programmes de recherche de ces pays ;

- de défendre un renforcement des synergies entre EURÊKA et le programme-cadre et la mise en oeuvre des articles 130 K, 130 L et 130 N du traité sur l'Union européenne, l'ensemble de ces mesures devant permettre de renforcer la flexibilité de la politique de recherche conduite au sein de l'Union.

  • -

* 1 les onze langues officielles et le gaélique

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