EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

La proposition de loi de M. le Président Jacques Larché relative à la validation de certaines admissions à l'examen d'entrée à un centre de formation professionnelle d'avocats 1 ( * ) , adoptée à l'unanimité par le Sénat le 21 octobre dernier, lui est à nouveau soumise pour une deuxième lecture.

En effet, si l'Assemblée nationale, au cours de sa séance du 4 mars dernier, a adopté sans modification les deux articles initiaux de cette proposition de loi, elle l'a en outre complétée par un article additionnel tendant à valider la perception des droits mis à la charge des élèves avocats par délibérations des conseils d'administration des centres régionaux de formation professionnelle d'avocats pour les années 1992 à 1997. Cette nouvelle disposition introduite par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement reste donc seule en discussion à l'occasion de cette deuxième lecture.

*

* *

Le dispositif initial de la proposition de loi présentée par M. le Président Jacques Larché ayant été approuvé par l'Assemblée nationale sans modification, on n'en rappellera que brièvement l'économie dans le cadre du présent rapport.

Son objet est de remédier à l'insécurité juridique affectant la situation et l'activité d'un certain nombre de jeunes avocats qui ont été bénéficiaires de dispenses, partielles, accordées au titre d'un diplôme d'études approfondies (DEA) en sciences juridiques ou politiques, pour l'examen d'entrée à un centre régional de formation professionnelle d'avocats (CRFPA) au cours des années 1993 à 1995, à la suite de l'annulation des dispositions de l'arrêté du 17 février 1993 permettant ces dispenses, par un arrêt du Conseil d'État en date du 8 novembre 1995 (« Association française des avocats conseils d'entreprise et M. Theimer » ).

L' article premier de la proposition de loi, adopté dans les mêmes termes par les deux assemblées, tend donc à valider les admissions à cet examen pour les sessions correspondantes, en tant que leur régularité pourrait être mise en cause sur le fondement de l'annulation de ces dispenses.

Cet article ayant ainsi apuré le passé, l' article 2 , également adopté conforme par les deux assemblées, précise la volonté du législateur pour l'avenir de manière à permettre sans ambiguïté le rétablissement de dispenses en faveur des titulaires d'un DEA en sciences juridiques ou politiques.

*

* *

A la suite d'un arrêt de la cour d'appel de Paris du 5 janvier 1998, l'Assemblée nationale a complété le dispositif initial de cette proposition de loi par un article additionnel ( article 3 ) résultant de l'adoption d'un amendement présenté par le Gouvernement et tendant à procéder à une autre validation concernant elle aussi la profession d'avocat et plus précisément la formation des avocats : il s'agit en effet de valider non plus des admissions à l'examen d'entrée aux CRFPA, mais la perception des droits mis à la charge des élèves avocats par délibération des conseils d'administration de ces centres.

Qualifiés par la loi « d'établissements d'utilité publique dotés de la personnalité morale 2 ( * ) » , les CRFPA sont actuellement financés par trois catégories de ressources : .

- une participation de l'État au financement de la formation professionnelle, prévue par l'article 13 de la loi du 31 décembre 1971 et répartie entre les différents centres par le Conseil national des barreaux (CNB), d'un montant total de 10,7 millions de francs pour 1998 (à comparer à un budget total de 60 millions de francs environ) ; ..

- une contribution de la profession d'avocat, notamment par l'affectation d'une partie des produits financiers des fonds déposés à la caisse dès règlements pécuniaires des avocats (« fonds CARPA ») ;

- et subsidiairement le produit des droits acquittés par les élèves avocats.

Institués auprès de chaque cour d'appel avec possibilité de regroupement intercours, les CRFPA sont aujourd'hui au nombre de vingt-et-un. Cependant, le centre de formation des barreaux du ressort de la cour d'appel de Paris, dit Ecole de formation du barreau (EFB), accueille, avec plus de 1.100 élèves en 1998, près de 50 % des élèves avocats de France, mais ne reçoit néanmoins que 3,2 millions de francs (en 1997) au titre de la participation de l'État, soit 30 % seulement du montant total de celle-ci.

Or, la cour d'appel de Paris, saisie d'un recours à rencontre de la délibération du conseil d'administration de l'EFB fixant le montant des droits mis à la charge des élèves avocats pour 1998 à 15.000 F, a annulé cette délibération, jugeant cette décision illégale dans son principe, indépendamment du niveau lui-même de ces droits, par un arrêt daté du 5 janvier 1998 3 ( * ) .

Après avoir rappelé que la loi du 31 décembre 1971 et le décret du 27 novembre 1991 déterminaient les modalités du financement de renseignement professionnel assuré par les CRFPA et qu'il résultait de ces textes, que contribuaient à ce financement « d'une part, l'État sous la forme d'une participation donnant lieu chaque année à l'inscription d'un crédit au budget du ministère de la justice, d'autre part, les avocats à raison d'une cotisation individuelle ainsi que de l'affectation d'une partie des produits financiers des fonds, effets ou valeurs par eux déposés à la caisse des règlements pécuniaires des avocats », la cour d'appel de Paris a en effet considéré « qu'en revanche aucune des dispositions des textes précités, auxquelles les statuts de l'EFB ne peuvent valablement ajouter, n'investit les conseils d'administration desdits centres du pouvoir d'imposer à leurs élèves une participation aux frais inhérents à leur formation ».

Cet arrêt remet donc en cause, par sa motivation, le principe même de la perception de droits d'inscription mis à la charge des élèves avocats.

Les CRFPA ayant tous, en province comme à Paris, perçu des droits d'inscription depuis 1992, leurs élèves et anciens élèves pourraient donc réclamer le remboursement de la totalité des droits versés au cours de leur formation depuis cette date, sur le fondement de la répétition de l'indu, la prescription en la matière étant celle du droit commun, soit trente ans.

Les barreaux français risqueraient ainsi de se voir confrontés à des demandes de remboursement portant sur des sommes très élevées, la charge potentielle du remboursement pour la seule EFB étant évaluée à plus de huit millions de francs par le barreau de Paris. Ils pourraient de ce fait rencontrer de graves difficultés financières, compte tenu du développement rapide du nombre d'élèves avocats, passé de 935 en 1987 à 2.186 en 1996, de la baisse des produits financiers des caisses de règlements pécuniaires des avocats et de l'absence de revalorisation de la participation de l'État à la formation professionnelle des avocats (stabilisée à 10,7 millions de francs courants depuis plusieurs années).

Constatant que les barreaux ne pourraient que très difficilement, voire pas du tout pour les petits et moyens barreaux, faire face aux demandes de remboursement des droits versés et que les charges financières supplémentaires entraînées par ce remboursement risqueraient de compromettre gravement leur fonctionnement et la qualité de la formation dispensée aux élèves avocats, le Gouvernement a estimé qu'il était dans l'intérêt général de prévenir une telle situation en proposant la validation par voie législative de la perception des droits mis à la charge des élèves avocats par délibération des conseils d'administration des CRFPA pour les années 1992 à 1997.

La formulation retenue pour cette validation dans l'amendement adopté par l'Assemblée nationale semble répondre aux exigences posées par là jurisprudence du Conseil constitutionnel puisque sont réservées les décisions de justice devenues définitives et que la portée de la validation est strictement limitée à l'hypothèse où « la régularité de la perception des droits pourrait être mise en cause sur le fondement de l'illégalité des délibérations de ces conseils d'administration instaurant de tels droits ».

Cependant, si cette validation apparaît en effet justifiée concernant les années 1992 à 1997, elle ne règle pas pour autant le problème du financement de la formation professionnelle des avocats pour 1998 et les années à venir 4 ( * ) .

Pour l'année en cours et a fortiori pour l'avenir, une solution pérenne devra être recherchée. Selon les représentants de la profession, elle appelle cependant une réflexion préalable d'ensemble sur l'organisation et le financement de la formation initiale d'avocat. .

Ce n'est donc qu'à l'issue d'une réflexion complémentaire qu'un dispositif pourra être envisagé pour régler les modalités du financement de la formation professionnelle des avocats à partir de 1998.

*

* *

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des lois vous propose d'adopter la présente proposition de loi.

* 1 - n° 284 (1996-1997 )

* 2 - cf article 14 de la loi du 31 décembre 1971

* 3 - cet arrêt fait actuellement l'objet d'un pourvoi en cassation

* 4 - la suite de l'arrêt de la cour d'appel de Paris annulant sa première délibération fixant à 15.000 F le montant des droits d'inscription pour 1998, le conseil d'administration de l'EFB a pour sa part pris une seconde délibération, le 19 mars 1998, fixant à 5.800 francs pour 1998 (contre .,500 francs en 1997) le montant des droits d'inscription, avec l'accord des représentants des élèves avocats.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page