ARTICLE 54 (nouveau)

Création d'assistants spécialisés auprès d'une ou plusieurs
cours d'appel ou d'un ou plusieurs tribunaux

Commentaire : le présent article tend à autoriser des fonctionnaires du ministère de l'économie et des finances à exercer les fonctions d'assistant spécialisé auprès d'une cour d'appel ou d'un tribunal de grande instance. Leur mission consisterait à assister, dans le déroulement de la procédure, les magistrats sous la direction desquels ils seraient placés pour l'instruction de dossiers à connotation financière.

I - LE DISPOSITIF ACTUEL


La formation des magistrats à l'Ecole nationale de la magistrature reste très généraliste. Or, l'instruction des affaires financières exige une spécialisation renforcée des magistrats dans les domaines financiers, fiscaux, douaniers et de la comptabilité publique...

En outre, la justice pénale tend à être de plus en plus saisie pour des affaires économiques et financières. Selon la Chancellerie, ce flux d'affaires répond à une double tendance. D'une part, on observe un nombre de saisine plus important de la part des corps de contrôle (chambres régionales des comptes, commission bancaire, direction des services fiscaux). D'autre part, un plus grand sentiment d'égalité devant la loi conduit à reconnaître que les délits financiers et économiques doivent être jugés et condamnés au même titre que les autres délits.

Devant la multiplication de ces affaires et leur degré croissant de technicité, la justice manque de juges qualifiés. En conséquence, le stock des affaires financières tend à augmenter et les délais d'instruction s'allongent.

Certaines améliorations ont été apportées, mais elles sont insuffisantes pour rendre le dispositif actuel réellement efficace. Ainsi, l'Ecole nationale de la magistrature a, dans le cadre de la formation continue, organisé en 1997 une session de formation sur les marchés publics. De même, dans certains tribunaux, les services ont été réorganisés pour permettre la création d'une section économique et financière. Les améliorations se heurtent toutefois à des limites. Ainsi, le juge d'instruction peut avoir recours à un expert, mais leur collaboration vise un point très précis de l'enquête et est limitée dans le temps. Par ailleurs, les magistrats ne peuvent faire appel à un conseiller technique extérieur sans risquer de provoquer un vice de procédure.

A moyen terme, l'Ecole nationale de la magistrature ne pourra pas faire l'économie d'une réflexion sur la formation initiale des futurs juges pour développer leurs connaissances en matière fiscale, comptable et douanière. mais une telle réforme nécessite une concertation entre tous les partenaires concernés et ne pourra être mise en place que progressivement. En attendant, il apparaît urgent d'introduire une mesure permettant de renforcer les moyens de la justice pour traiter de manière efficace les affaires financières. C'est l'objet du présent article qui propose d'autoriser la création d'assistants spécialisés qui assisteraient le juge dans l'instruction de ce genre d'affaire.

II - LE DISPOSITIF PROPOSE

Il est ainsi rétabli un article 706 du code de procédure pénale qui autorise des fonctionnaires de catégorie A ou B ainsi que les personnes titulaires d'un diplôme sanctionnant une formation économique, financière, juridique ou sociale d'une durée au moins égale à quatre années d'études supérieure après le baccalauréat, qui remplissent les conditions d'accès à la fonction publique et justifient d'une expérience professionnelle minimale de quatre années, à exercer les fonctions d'assistant spécialisé auprès d'une ou plusieurs cours d'appel ou d'un ou de plusieurs tribunaux de grande instance.

Concrètement, les personnes visées susceptibles de remplir ces fonctions sont des inspecteurs et des contrôleurs des impôts, du Trésor, de la Concurrence et de la Répression des fraudes, des Douanes ainsi que des agents de la Comptabilité publique. En effet, les assistants spécialisés seront amenés à examiner des dossiers bien précis.

Selon la Chancellerie, trois sortes de contentieux les concernent principalement :

- les contentieux financiers qui mettent en jeu le droit pénal des sociétés commerciales ;

- les contentieux économiques liés au droit des marchés publics et aux gestions publiques ;

- les contentieux socio-économiques, qui visent par exemple le travail illégal ou encore la fraude communautaire.

Dans la mesure où ils auront à examiner des dossiers très techniques, doivent être recrutées des personnes ayant déjà une bonne connaissance de leurs domaines respectifs. Le présent article retient comme critère une expérience professionnelle minimale de quatre ans.

Les assistants spécialisés sont susceptibles d'exercer leurs missions auprès de toutes les cours d'appel et de tous les tribunaux de grande instance, non seulement de métropole et des départements d'outre-mer, mais également des territoires d'outre-mer et de la collectivité territoriale de Mayotte. En réalité, les assistants spécialisés seront essentiellement affectés dans les juridictions de Paris, d'Aix-Marseille et de Corse qui concentrent la quasi-totalité des affaires économiques et financières.

Le deuxième alinéa de l'article 706 précise les missions des assistants : ceux-ci assistent, dans le déroulement de la procédure, les magistrats sous la direction desquels ils sont placés, sans pouvoir procéder par eux-mêmes à aucun acte. Les assistants spécialisés n'ont donc pas un rôle d'experts. Leur compétence ne se limite pas à un point précis de l'affaire. En effet, ils sont chargés, lorsqu'un juge d'instruction reçoit le dossier, de l'étudier puis d'assister le magistrat dans l'orientation de l'enquête, notamment en le conseillant dans le choix de la décision à prendre.

Pour pouvoir réaliser correctement leur mission, le troisième alinéa de l'article 706 prévoit que les assistants spécialisés ont accès au dossier de la procédure. En contrepartie, ils sont soumis au secret professionnel au même titre que les avocats, les médecins, les ministres des cultes, les banquiers, les commissaires aux comptes, les experts-comptables, les jurés, les notaires et les policiers. L'atteinte au secret professionnel est punie, conformément à l'article 226-11 du code pénal, d'un an de prison et de 100.000 francs d'amende.

Pour autant, les assistants spécialisés ne sont pas des magistrats bis . Ils ne peuvent procéder à aucun acte et le magistrat continue de décider seul de la procédure à suivre, de l'orientation de l'enquête, du déroulement des auditions etc.

Les avantages attendus de ce nouveau dispositif sont nombreux puisque la justice sera en mesure de mieux traiter et de manière plus rapide les contentieux relatifs aux affaires économiques et financières. Aujourd'hui, les délais nécessaires pour mener certaines enquêtes relèvent presque du déni de justice. Grâce au renfort que représentent les assistants spécialisés, ces derniers devraient être raccourcis de manière notable.

En outre, la présence d'un spécialiste pour l'examen du dossier améliorera la qualité de l'enquête. En effet, par manque de temps et de compétence, les juges d'instruction saisis d'une affaire techniquement complexe se voient parfois obligés de se décharger de l'enquête sur la police judiciaire. L'intervention d'un assistant spécialisé permettra d'accompagner la commission rogatoire d'instructions précises (recherche de telle ou telle pièce par exemple). Le juge continuera donc de diriger l'enquête même si les recherches sont effectuées par la police judiciaire.

Votre rapporteur a conscience que la présence d'assistants spécialisés travaillant avec des magistrats va considérablement modifier les méthodes de travail. Alors que le juge enquêtait seul jusqu'à présent, il aura désormais à travailler en équipe. Toutefois, cette pluridisciplinarité ne peut que renforcer l'efficacité du juge puisqu'il connaîtra mieux et plus rapidement les aspects techniques des dossiers qu'il a à traiter.

Le troisième alinéa de l'article 706 dispose qu'" un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent article, notamment la durée pour laquelle les assistants spécialisés sont nommés et les modalités selon lesquelles ils prêtent serment. " Selon les informations recueillies par votre rapporteur, la durée choisie devrait être de 3 ans.

Le présent article propose par ailleurs d'autoriser par décret en Conseil d'Etat les juges d'instruction à exercer leur activité dans une commune du ressort de leur tribunal autre que celle du siège de la juridiction.

Cette mesure constitue une entorse à la règle qui veut que les juges d'instruction exercent leur activité au siège du tribunal de grande instance auquel ils appartiennent. Elle constitue pourtant une mesure de sécurité  nécessaire pour les juges d'instruction qui enquêtent sur des sujets très sensibles. En effet, certains juges peuvent courir des dangers tels qu'une sécurité rapprochée peut être nécessaire. Or, celle-ci est parfois plus difficile à assurer dans la commune du siège de la juridiction. Pour limiter au maximum les risques, le juge serait alors autorisé à exercer son activité dans une autre commune dans laquelle sa sécurité sera mieux assurée.

Décision de la commission : votre commission propose d'adopter cet article sans modification.

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