I. LE CONTEXTE DU PROJET DE LOI : LE DÉVELOPPEMENT D'UN SENTIMENT D'INSÉCURITÉ LIÉ À LA MULTIPLICATION DU NOMBRE DE CHIENS POTENTIELLEMENT DANGEREUX

L'existence d'animaux dangereux n'est pas un phénomène nouveau et fait déjà l'objet de nombreuses dispositions répressives et préventives. Ces dispositions s'avèrent cependant aujourd'hui insuffisantes face aux comportements de personnes, notamment parmi les jeunes résidant dans les zones urbaines, pour qui le chien n'est pas un animal de compagnie ni même un instrument de défense, mais un signe extérieur de puissance.

A. LE DROIT EXISTANT

1. Les sanctions à l'encontre du gardien de l'animal agressif

a) La mise en jeu de la responsabilité civile.

Aux termes de l'article 1385 du code civil, " le propriétaire d'un animal, ou celui qui s'en sert, pendant qu'il est à son usage, est responsable du dommage que l'animal a causé, soit que l'animal fût sous sa garde, soit qu'il fût égaré ou échappé ".

Ce texte édicte une responsabilité plus sévère que celle qui résulte du droit commun de la responsabilité civile (article 1382).

En effet, depuis un arrêt de la Cour de cassation en date du 27 octobre 1885, la jurisprudence considère que le gardien ne peut prouver son absence de faute dans la garde de l'animal.

Il est bien entendu nécessaire que le fait de l'animal soit la cause du dommage. Le gardien peut donc renverser la présomption de l'article 1385 en prouvant que le dommage résulte soit d'un cas de force majeure ou du fait d'un tiers soit du fait de la victime.

b) Les sanctions pénales

La partie réglementaire du code pénal contient deux séries de dispositions prévoyant des contraventions spécifiques à l'encontre du gardien d'un animal dangereux.

- L'excitation et la non-retenue d'un animal agressif

Aux termes de l'article R.623-3 du code pénal : " Le fait, par le gardien d'un animal susceptible de présenter un danger pour les personnes, d'exciter ou de ne pas retenir cet animal lorsqu'il attaque ou poursuit un passant, alors même qu'il n'en est résulté aucun dommage, est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 3e classe (soit 3000 F au plus).

" En cas de condamnation du propriétaire de l'animal ou si le propriétaire est inconnu, le tribunal peut décider de remettre l'animal à une oeuvre de protection animale reconnue d'utilité publique ou déclarée, laquelle pourra librement en disposer
".

- La divagation d'un animal dangereux

Selon le premier alinéa de l'article R. 622-2 du code pénal " le fait, par le gardien d'un animal susceptible de présenter un danger pour les personnes, de laisser divaguer cet animal, est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la 2e classe " (soit 1000 F au plus). Le second alinéa prévoit, comme précédemment, la remise de l'animal à une oeuvre de protection animale.

Indépendamment des sanctions spécifiques prévues par le code pénal, les juridictions ont appliqué aux propriétaires d'animaux agressifs les sanctions prévues pour des infractions n'impliquant pas nécessairement la présence de tels animaux.

Ainsi, en 1967, la chambre criminelle de la Cour de cassation a été saisie d'une affaire dans laquelle les prévenus avaient lancé leur chien contre la victime, les morsures de l'animal ayant entraîné une incapacité totale de travail de plus de huit jours.

Elle a jugé que, " les prévenus ayant pris l'initiative de lancer leur chien ", le délit de blessures volontaires (et non la simple excitation de l'animal) était constitué.

Par ailleurs, le nouveau code pénal comprend un article 223-1 qui sanctionne d'un an d'emprisonnement et de 100 000 F d'amende " le fait d'exposer directement autrui à un risque de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence imposée par la loi ou le règlement ".

Comme le souligne la circulaire d'application du 14 mai 1993, " le délit de risques causés à autrui est constitué en l'absence de tout résultat dommageable ".

Cette disposition a été appliquée par la Cour d'appel de Paris (9 novembre 1995) à la gardienne d'animaux dangereux qui fut condamnée à huit mois d'emprisonnement ferme.

L'application de cette disposition suppose bien entendu :

- d'une part la violation manifestement délibérée d'une obligation de sécurité imposée par un texte (en l'espèce le fait de laisser divaguer des animaux malgré les plaintes des personnes agressées) ;

- d'autre part l'exposition directe à un risque de mort ou de blessures graves (en l'espèce, la Cour a noté que les chiens avaient déjà attaqué des passants et se montraient très agressifs en raison d'un effet de meute, qu'ils appartenaient à une race capable d'attaquer et que leur gardienne avait refusé de les soumettre à un contrôle antirabique).

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