Pjl lutte contre le doptage

LESEIN (François)

Rapport 442 (97-98) - COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES

Table des matières






N° 442

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 mai 1998

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires culturelles (1) sur le projet de loi relatif à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage ,

Par M. François LESEIN,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Adrien Gouteyron, président ; Pierre Laffitte, Albert Vecten, James Bordas, Jean-Louis Carrère, Jean-Paul Hugot, Ivan Renar, vice-présidents ; André Egu, Alain Dufaut, André Maman, Mme Danièle Pourtaud, secrétaires ; MM. Philippe Arnaud, Honoré Bailet, Jean-Paul Bataille, Jean Bernadaux, Jean Bernard, Jean-Claude Carle, Robert Castaing, Marcel Daunay, Jean Delaneau, André Diligent, Ambroise Dupont, Daniel Eckenspieller, Gérard Fayolle, Bernard Fournier, Alain Gérard, Roger Hesling, Pierre Jeambrun, Alain Joyandet, Philippe Labeyrie, Serge Lagauche, Jacques Legendre, Guy Lemaire, François Lesein, Mme Hélène Luc, MM. Pierre Martin , Philippe Nachbar, Lylian Payet, Louis Philibert, Jean-Marie Poirier, Guy Poirieux, Roger Quilliot, Jack Ralite, Victor Reux, Philippe Richert, Claude Saunier, Franck Sérusclat, René-Pierre Signé, Jacques Valade, Marcel Vidal.

Voir le numéro :

Sénat : 416 (1997-1998).

Sports.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La loi du 28 juin 1989 " relative à la prévention et à la répression de l'usage des produits dopants à l'occasion des manifestations et compétitions sportives ", que votre rapporteur avait eu l'honneur de rapporter au Sénat, a représenté une étape importante dans la définition d'une politique de lutte contre le dopage associant la prévention, le contrôle et la répression.

Malheureusement, le dispositif de régulation et de sanction qu'elle prévoyait n'a pas fonctionné comme il aurait dû le faire. Cette carence est aujourd'hui un obstacle à l'indispensable relance de la politique contre le dopage, dont le développement -certains parlent même de " banalisation "- constitue à la fois un problème grave de santé publique et une négation de l'éthique du sport, instrument irremplaçable d'intégration sociale et de formation à l'esprit civique.

Le projet de loi relatif à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage qui nous est aujourd'hui soumis propose de remédier à cette carence. Il propose aussi une réécriture complète de la loi de 1989 -qui n'était peut-être pas indispensable- et une restriction -discutable- du champ d'application de cette dernière à la lutte contre le dopage des animaux.

Avant d'analyser ses dispositions, votre rapporteur s'efforcera de dresser le constat de la situation actuelle, qui appelle une relance énergique de la politique de lutte contre le dopage.

*

* *

I. LE CONSTAT

Face à la banalisation du dopage, qui suscite l'inquiétude et la réprobation de l'opinion publique, la mobilisation du mouvement sportif et l'effort de relance de l'action gouvernementale constituent des réactions très positives, mais dont l'efficacité risque actuellement d'être limitée par le dysfonctionnement de certains des mécanismes mis en place par la loi de 1989, et notamment par un dispositif de sanctions trop aléatoire pour n'être pas à la fois mal accepté et peu dissuasif.

A. LA " BANALISATION " DU DOPAGE

Les incitations au dopage ont été renforcées par le développement du " sport spectacle " et de ses inévitables dérives. La pression des intérêts financiers incite à surcharger les calendriers des compétitions, génératrices de droits de diffusion et de recettes publicitaires, ainsi qu'à intensifier la promotion et l'exploitation des " stars " du sport et la course aux records et aux performances spectaculaires, qui seules permettent de susciter et de retenir l'intérêt des médias, sans lequel s'effondrent les profits.

L'aggravation du phénomène du dopage est naturellement difficile à mesurer. Les statistiques des contrôles -qui, par définition, ne portent pas sur les pratiques qui ont échappé à ces contrôles- ne permettent pas d'analyses très fines, le nombre des contrôles effectué variant considérablement d'une année sur l'autre, de même que les disciplines sportives et les compétitions faisant l'objet de contrôles. Enfin, les techniques de dépistage ont elles aussi évolué. Cependant, tous les indices convergent pour mettre en évidence le développement du dopage, et du recours à des produits dopants de plus en plus dangereux.

• Le tableau ci-après, qui reproduit les statistiques " brutes " du contrôle antidopage entre 1980 et 1997 fait ressortir quelques données significatives :










- la croissance, en longue période, de la fréquence des contrôles positifs : on constate ainsi qu'entre 1980 et 1997, si le nombre des contrôles a été multiplié par 6, celui des contrôles positifs a été multiplié par 27.
On constate aussi que le pourcentage des contrôles positifs, après avoir connu des variations assez erratiques, tend sur les cinq dernières années à afficher une lente et régulière progression : 1,9 % en 1993, 2,9 % en 1994, 3,4 % en 1995, 4,2 % en 1996 et 1997. Et la tendance à la baisse du nombre des contrôles effectués dans la période récente -conséquence directe de la rigueur budgétaire- ne s'est pas accompagnée, bien au contraire, d'une diminution parallèle du nombre des contrôles positifs.

- Quant aux données relatives au nombre de disciplines concernées , elles doivent aussi être interprétées avec beaucoup de prudence, le nombre des disciplines faisant l'objet de contrôles n'ayant progressé que lentement, et le nombre de contrôles dans chaque discipline pouvant varier d'une année sur l'autre. Mais, pour lacunaires qu'elles soient, les statistiques du contrôle anti-dopage font cependant apparaître des évolutions inquiétantes. D'une part, le nombre des disciplines concernées ne cesse de progresser et, d'autre part et surtout, on constate que les disciplines les plus variées sont touchées, et que le dopage est bien loin de ne sévir que dans les disciplines les plus éprouvantes pour les athlètes (athlétisme, natation, cyclisme, boxe...) ou dans les sports les plus exposés à la pression des médias et de l'argent (football). Il est en particulier assez effarant de constater que le dopage frappe aussi les adeptes du billard, du badminton, du sauvetage-secourisme, et qu'il n'épargne pas non plus les groupements sportifs des travailleurs (FSGT) ou de l'éducation populaire (UFOLEP), la fédération multisport universitaire (FNSU), ni même les unions sportives de l'enseignement scolaire (UGSEL et UNSS).

Les informations tirées de la répartition des résultats des contrôles par catégorie de compétition font apparaître que le dopage s'étend à tous les niveaux de la pratique sportive, et ne concerne pas seulement quelques champions condamnés à la performance : en 1997, la proportion des cas de dopage concernant le sport de haut niveau représentait un pourcentage de 12,5 % environ, tandis que progressait le nombre des cas intéressant les jeunes et les participants à des compétitions de niveau départemental ou régional.

L'évolution des substances utilisées met aussi en évidence la " part de marché " croissante des substances les plus dangereuses pour la santé : les anabolisants, en progression constante, représentent aujourd'hui 21 % des cas de dopage, les stupéfiants 32 %, et il ne semble malheureusement pas possible d'imputer ces chiffres aux progrès du dépistage. Le dopage à la nandrolone -qui a récemment défrayé la chronique- représentait 24 cas de contrôles positifs sur 221 en 1994. En 1997, sur le même nombre de contrôles positifs, on relève 38 cas d'usage de nandrolone...
On constate aussi des cas de plus en plus fréquents de dopage à doses massives ou de " multidopage " associant jusqu'à trois ou quatre produits anabolisants, ou encore des stupéfiants à des excitants, ces mélanges étant de surcroît souvent complétés par la prise de produits destinés à en masquer l'usage, en particulier des diurétiques.

Il semble donc que l'on assiste à une inquiétante synergie entre le développement " quantitatif " du dopage qui, certes, ne concerne qu'une infime minorité des 13 millions de licenciés mais qui, incontestablement, tend à se répandre, et son aggravation " qualitative " qui se traduit par l'usage de produits de plus en plus dangereux pour la santé et l'intégrité physique de ceux qui s'y adonnent.

Cette double évolution peut d'ailleurs traduire une logique redoutable : plus les produits dopants sont puissants, sophistiqués, et donc coûteux, plus lucratif en est le trafic. Or, chacun sait que les trafiquants s'entendent généralement fort bien à élargir leurs débouchés.

De récentes enquêtes 1( * ) montrent que la persistance et l'aggravation des phénomènes de dopage n'échappent pas à l'opinion publique, qui en a même une perception assez pessimiste, puisque 76 % des personnes sondées estiment que le dopage est " très répandu " (28 %) ou " assez répandu " (48 %), 4 % seulement le considérant comme " très rare ".

Les conséquences du dopage sont également clairement perçues : 92 % des personnes interrogées par BVA estiment qu'il constitue une menace importante pour le sport de haut niveau- au même titre que l'argent (91 %).

Le sondage CSA fait, quant à lui, apparaître que 58 % des sondés jugent le dopage " très grave ", et 34 % " assez grave ", 64 % l'assimilant à une " tricherie " et 34 % à l'usage de drogues.

Le jugement porté sur la lutte anti-dopage est par ailleurs sévère : un quart seulement des personnes interrogées (enquête BVA) estiment que les moyens de lutte contre le dopage sont suffisants et les réponses à l'enquête CSA soulignent l'insuffisance des sanctions (44 %) et expriment aussi le souhait d'un développement des efforts d'information (53 %), de prévention et de suivi médical (39 %).

Mais peut-être l'enseignement le plus encourageant que l'on peut tirer des résultats de ces enquêtes tient-ils au fait que 78 % des personnes interrogées se déclarent " déçues " ou " très déçues " lorsque un cas de dopage est révélé, ce qui prouve que nos concitoyens ne se résignent pas au dopage et considèrent que le sport est incompatible avec la " tricherie ".

B. LA RELANCE DE LA LUTTE CONTRE LE DOPAGE

L'évolution préoccupante des " indicateurs " du dopage a suscité la mobilisation du mouvement sportif et une relance de l'action de l'Etat, à travers notamment l'augmentation des moyens budgétaires -qui restent encore bien modestes - et l'intensification de la coopération interministérielle, en particulier dans le domaine de la répression du trafic de produits dopants, qui tend à s'organiser comme le trafic de la drogue.

1. La mobilisation du mouvement sportif

Le Comité national olympique et sportif français prend très au sérieux la recrudescence des phénomènes de dopage. Le CNOSF entend notamment mettre l'accent sur la politique de prévention du dopage et sur l'information des pratiquants et de l'encadrement sportif. Il a récemment créé à cette fin une Agence de lutte contre le dopage, destinée à développer, sur le terrain, un effort important de sensibilisation et d'éducation des sportifs, notamment les jeunes.

Dès cette année, 12.000 formateurs doivent mener des actions d'information dans chaque département au niveau des clubs sportifs. Cette action devrait être relayée l'année prochaine par 24.000 personnes à la disposition desquelles sera mis un matériel pédagogique adapté aux différents publics -jeunes, adultes, éducateurs et responsables sportifs- auxquels s'adresseront ces actions de prévention.

Entendu par votre commission des affaires culturelles le 25 mars 1998, M. Henri Serandour , président du CNOSF, a également souligné que le mouvement sportif devait se préoccuper de remédier à certaines des causes du dopage, notamment à la surcharge des calendriers des épreuves sportives, qui impose aux athlètes des rythmes insoutenables et peut les inciter à recourir à des moyens artificiels pour compenser l'insuffisance des temps de récupération et maintenir leur niveau de performance : il faudrait en particulier parvenir, en concertation avec les instances sportives internationales, à une meilleure coordination des compétitions aux niveaux national, européen et international.

De nombreuses fédérations sportives, au niveau international comme au niveau national, ont également intensifié, dans la période récente, la lutte contre le dopage : dans le domaine de la natation, les efforts consentis pour lutter contre le dopage pratiqué à grande échelle dans certains pays ont donné, comme l'a souligné devant votre commission le président du CNOSF, de très bons résultats, qui se traduisent notamment par le caractère plus ouvert des compétitions, qui permet l'émergence de nouveaux champions, notamment français.

Au niveau national, de nombreuses fédérations et clubs sportifs ont également mis en place ou renforcé des actions de prévention -notamment au niveau des centres de formation- et développé les contrôles. La Fédération Française de Rugby (FFR) a ainsi fait passer, de 1997 à 1998, de 60 à 100 le nombre des propositions de contrôle qu'elle adresse annuellement au ministère de la jeunesse et des sports, ces propositions comprenant tous les matchs internationaux et de coupes d'Europe, tous les stages et rassemblements nationaux. La FFR a en outre prévu de mettre en place un système de contrôles périodiques dans tous les clubs de groupe A.

2. Le renforcement de l'action gouvernementale

Le renforcement de l'effort budgétaire

Les crédits consacrés cette année par le ministère de la jeunesse et des sports à la lutte contre le dopage correspondent à un doublement des moyens disponibles en 1997 : même si les sommes concernées restent modestes, cette évolution marque une rupture bienvenue, et devra impérativement être poursuivie.

Les dépenses budgétaires de fonctionnement consacrées à la politique antidopage s'élèvent, en 1998, à 14,3 millions de francs, complétés par une contribution de 2,5 millions de francs du FNDS destinée à augmenter les moyens de financement affectés aux contrôles et à la prévention dans le cadre des conventions d'objectifs conclues entre l'Etat et les fédérations sportives.

Ces crédits, auxquels s'ajoutent des dépenses d'investissement de 6 millions de francs, financées sur le FNDS et destinées au financement de la restructuration et de l'extension du laboratoire national de lutte contre le dopage de Chatenay-Malabry, seront notamment affectés au renforcement des contrôles inopinés hors-compétition et du suivi médical des sportifs de haut niveau.

Le tableau suivant indique l'évolution et la répartition de ces moyens.

EVOLUTION ET RÉPARTITION DES CRÉDITS
DE LA LUTTE ANTIDOPAGE

 

1997

1998

1998/1997

Imputation

• Matériel, fonctionnement et recherche du laboratoire national de lutte contre le dopage



4,3 MF



6,8 MF



+ 2,5 MF



43-91

• Concours en personnel au laboratoire national de lutte contre le dopage


1,9 MF


2,0 MF


+ 0,1 MF


36-91

• Renforcement des moyens (unités mobiles, suivi biologique et médical)


0,0 MF


4,0 MF


+ 4,0 MF


36-91

• Lutte antidopage dans le cadre des conventions d'objectifs


1,0 MF


2,5 MF


+ 1,5 MF


FNDS

• Actions menées au niveau des directions régionales (estimation)


1,0 MF


1,5 MF


+ 0,5 MF


43-91

TOTAL des dépenses d'intervention

8,2 MF

16,8 MF

+ 8,6 MF

 



Le renforcement de la coopération interministérielle

Indispensable dans le cadre de la politique d'information et de prévention du dopage, la coopération interministérielle est aussi essentielle à une répression efficace des trafics de produits dopants.

La capacité d'action en ce domaine du seul ministère de la jeunesse et des sports est, en effet, très réduite et le restera en dépit des modifications que prévoit le projet de loi en matière de définition et de recherche des infractions. La compétence de ses agents se limite à la constatation des infractions prévues par les textes antidopage, c'est-à-dire la fourniture de produits dopants à des sportifs participant ou s'entraînant à des compétitions, ou l'incitation de ces sportifs à leur consommation.

La répression du trafic de produits dopants peut cependant relever de l'application de nombreux autres textes :

- la législation réprimant le trafic de stupéfiants (articles 222-34 à 222-49 du code pénal) ;

- la répression du trafic de substances vénéneuses (article L. 626 du code de la santé publique -qui s'applique en particulier à la quasi-totalité des médicaments habituellement " détournés " à des fins de dopage) ;

- l'exercice illégal de la pharmacie (article L. 517 du code de la santé publique) ;

- les dispositions du code des douanes relatives aux importations illicites.

Une répression efficace du trafic de produits dopants impose donc la coopération de toutes les administrations concernées par l'application de ces législations.

Cette coopération, qui a déjà fonctionné dans certaines régions, s'organise également au niveau national. Une cellule interministérielle de lutte contre le dopage, qui réunit des représentants du ministère de la jeunesse et des sports, de la direction des douanes, de l'Office central pour la répression du trafic illicite de stupéfiants et de la direction générale de la gendarmerie, est chargée d'élaborer des directives communes aux différents services déconcentrés qui relèvent de ces administrations. Une collaboration entre le ministère de la jeunesse et des sports et l'Inspection de la pharmacie a également été mise en place.
Au niveau de la politique de recherche , enfin, le ministère de la jeunesse et des sports a relancé la politique de contrats passés avec des organismes de recherche, dont le CNRS, et portant notamment sur le dépistage des substances dopantes (hormone de croissance, érythropoïétine). Le ministère entend également développer les échanges et la coopération avec les laboratoires européens ou étrangers de lutte antidopage agréés par le CIO.
C. LE BILAN MITIGÉ DE L'APPLICATION DE LA LOI DE 1989

La loi du 28 juin 1989 a eu le grand mérite de mettre un terme à l'application d'un régime de répression pénale du dopage totalement inadapté -et par ailleurs inapplicable- qu'elle a remplacé par un régime de sanctions disciplinaires et administratives, la répression pénale étant limitée aux pourvoyeurs de produits dopants. Accessoirement, le passage de la répression pénale à la répression administrative a largement facilité le développement des contrôles. Le projet de loi ne revient pas, à cet égard, sur le choix opéré par la loi de 1989.

En revanche, la commission nationale de lutte contre le dopage mise en place par la loi de 1989 pour être la " cheville ouvrière " de la politique de prévention et de répression du dopage s'est révélée incapable de remplir le rôle d'impulsion et de régulation qui devait être le sien, ce qui a notamment privé le dispositif de sanctions d'une large part de son efficacité.

1. La définition et la dépénalisation du dopage

La répression pénale des faits de dopage organisée par la loi de 1965 ayant amplement fait la preuve de son inefficacité, la loi de 1989 a jeté les bases d'un régime de répression disciplinaire et administrative du dopage en imposant :

- une définition claire et " objective " des faits de dopage sanctionnables, fondée sur la simple constatation de l'usage de produits dopants (il n'était donc plus besoin de rechercher l'intention de l'auteur ni de démontrer le caractère nocif des produits utilisés -aisément écarté dès lors qu'ils avaient été fournis sur prescription), complétée par une nouvelle définition des substances et procédés interdits ;

- une clarification et un réaménagement des procédures disciplinaires des fédérations sportives, qui ont été mises en conformité avec un règlement type assurant le respect des droits de la défense, simplifiant le régime des sanctions et contenant la procédure dans des délais raisonnables (3 mois pour la première instance et 3 mois pour l'appel).

Le projet de loi ne remet pas en cause ce schéma auquel il n'a sans doute manqué que d'avoir été appliqué dans des délais convenables (la rénovation des procédures disciplinaires, notamment, n'est entrée en vigueur qu'au bout de 4 ans), et d'avoir été, comme il aurait dû l'être, encadré et " régulé " par la commission nationale de lutte contre le dopage.

La mise en place des procédures de contrôle
La dépénalisation du dopage a eu pour conséquence de remplacer le contrôle judiciaire du dopage par une procédure administrative beaucoup plus facile à mettre en oeuvre, ne serait-ce que parce qu'elle ne requiert pas l'intervention de la force publique, seule compétente, sous l'empire de la loi de 1965, pour faire procéder, sur demande d'un médecin agréé par le ministre chargé des sports et sous contrôle médical, aux prélèvements et examens destinés à établir la preuve de l'usage de substances prohibées.

Sous l'empire de la loi de 1989, le développement des contrôles, effectués par des médecins agréés et assermentés, a sans doute fréquemment pâti de l'insuffisance des moyens qui lui étaient consacrés, mais il ne s'est pas heurté, en tout cas, à de semblables rigidités procédurales : votre rapporteur avait notamment évoqué, lors de la discussion de la loi de 1989, les problèmes particuliers que posait l'organisation des contrôles pendant le Tour de France, en raison de la nécessité de prévoir la présence à l'arrivée de l'étape d'un officier ou agent de police judiciaire territorialement compétent...

2. La répression des pourvoyeurs de produits dopants

Si elle a dépénalisé l'usage de produits dopants, la loi de 1989 a en revanche considérablement renforcé les pénalités applicables aux pourvoyeurs de produits dopants, définis comme toute personne ayant administré ou appliqué des substances ou procédés interdits à des sportifs participant ou se préparant à des compétitions, incité ces mêmes sportifs à leur usage ou facilité cet usage.

Elle a également donné à des agents de l'administration de la jeunesse et des sports et à des médecins agréés et assermentés des pouvoirs d'investigation.

3. L'échec de la commission nationale de lutte contre le dopage

Selon la loi de 1989, la commission nationale de lutte contre le dopage, placée auprès du ministre, devait être un rouage essentiel de la politique de prévention et de répression du dopage : elle avait à cette fin un rôle d'impulsion et une mission de régulation.

Elle était en effet chargée :

- de proposer au ministre toute mesure tendant à prévenir ou à combattre le dopage, et à " assurer entre toutes les disciplines une égalité au regard des contrôles ", ce pouvoir de proposition étant complété par une consultation obligatoire de la commission sur tout projet de texte relatif au dopage ;

- elle pouvait, en outre, sur saisine du ministre, lui proposer de prendre des sanctions en cas de carence de la fédération compétente, d'insuffisance ou de non-application de la sanction prononcée, ou lorsque les infractions étaient le fait de sportifs non licenciés ne relevant pas de la compétence disciplinaire des fédérations. Elle pouvait également proposer l'extension d'une sanction prononcée par une fédération.

Malheureusement, la commission, faute notamment d'avoir jamais été saisie, n'a pas rempli ce rôle de " régulation " dans le domaine de la répression, qui était évidemment un élément essentiel du dispositif mis en place par la loi de 1989.

Les conséquences de cette carence sont évidemment catastrophiques pour la crédibilité et le bon fonctionnement du contrôle et de la répression du dopage : jusqu'à 45 % des infractions constatées chaque année ne font l'objet d'aucune sanction, soit que les instances disciplinaires ne s'en saisissent pas, soit que, s'étant saisies, elles ne prononcent pas de sanction.

L'absence de régulation est aussi sensible au niveau du défaut d'harmonisation des sanctions prononcées.

Cette répression aléatoire, et qui se traduit par de profondes inégalités devant la sanction disciplinaire, est naturellement peu faite pour faciliter l'acceptation des sanctions, ni, d'une manière générale, pour garantir un fonctionnement serein de l'ensemble du système de prévention et de contrôle mis en place par la loi.

Elle menace ainsi, au bout du compte, la crédibilité et l'efficacité des efforts consentis, aussi bien par l'Etat que par le mouvement sportif, pour combattre le fléau que représente le développement du dopage, en termes de santé publique comme en termes de rôle social du sport.

II. LE PROJET DE LOI

Le projet de loi qui nous est soumis ne se contente pas de compléter la loi du 28 juin 1989 pour en combler les lacunes ou en renforcer certaines dispositions.

Il procède à une réécriture intégrale de l'ensemble des dispositions en vigueur relatives à la prévention et à la répression du dopage des sportifs et, en conséquence, à un surprenant dépeçage de la loi de 1989, dont il est proposé de réduire le champ d'application au dopage des animaux participant aux manifestations et compétitions sportives, c'est-à-dire aux montures des cavaliers participants aux compétitions de sports équestres et aux attelages canins des courses de traîneau.

Votre rapporteur admet et comprend parfaitement le souci de la ministre de la jeunesse et des sports de présenter au Parlement et à l'opinion un projet de loi " global " et qui mette en relief son intention -parfaitement justifiée et que personne d'ailleurs ne met en doute- de faire porter son effort aussi bien sur le volet préventif que sur le volet répressif de la politique de lutte contre le dopage.

Il n'en reste pas moins que la procédure retenue n'est pas de bonne méthode et qu'elle ne s'inscrit ni dans la politique de simplification administrative ni dans le nécessaire combat contre l'inflation législative. Elle contribue aussi, de surcroît, à la prolifération des " textes d'affichage " justement dénoncée en 1991 par un mémorable rapport du Conseil d'Etat 2( * ) .

Votre rapporteur analysera successivement les dispositions relatives à la santé des sportifs et à la prévention du dopage, qui procèdent essentiellement de cet exercice de réécriture, pour aborder ensuite les aspects véritablement innovants du projet de loi- la création du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage et le renforcement des moyens de lutte contre les pourvoyeurs de produits dopants-et se pencher enfin sur le triste sort réservé à la loi de 1989.

A. LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI RELATIVES À LA PRÉVENTION DU DOPAGE ET À LA SURVEILLANCE MÉDICALE DES SPORTIFS

Elles encourent les mêmes reproches que celles qu'elles remplacent : elles sont plus déclaratives que normatives, et plus réglementaires que législatives.

Au surplus, elles ne comportent qu'une seule disposition nouvelle, et qui aurait pu être prise par voie réglementaire : l'obligation d'un contrôle médical préalable à la première délivrance d'une licence sportive et valable pour toutes les disciplines sportives à l'exception des disciplines " à risque " dont la liste sera déterminée par un arrêté interministériel.

Pour le reste, elles reprennent des dispositions en vigueur figurant soit dans la loi du 28 juin 1989, soit dans la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives (article 35), soit encore dans le décret n° 87-473 du 1er juillet 1987 relatif à la surveillance médicale des activités physiques sportives, dont un certain nombre de dispositions connaissent ainsi une promotion aussi flatteuse qu'imméritée dans la hiérarchie des normes.

Cette solennisation législative de dispositions réglementaires répondrait, pour certaines d'entre elles, au souci d'améliorer leur application, ainsi de celles de l'article 6 du décret de 1987 (reprises à l'article 4 du projet de loi) qui imposent aux fédérations sportives de " veiller à la santé du sportif " et de prendre à cet effet les dispositions nécessaires, " notamment en ce qui concerne la nature des entraînements, les modes de sélection et le calendrier des épreuves ".

On conviendra aisément que ces dispositions ont été fréquemment et largement bafouées (que l'on pense notamment à la récente création de la Coupe de la Ligue de football, et à bien d'autres exemples peut-être moins éclatants).

Mais si elles ont été si peu respectées, est-ce parce qu'elles étaient réglementaires, ou tout simplement parce que, faute d'imposer des obligations précises et assorties de sanctions, elles étaient inapplicables ?

" La loi ordonne, permet ou interdit " : lorsqu'elle s'écarte de cette définition, toute règle de droit risque de n'être pas appliquée, quelle que soit sa valeur juridique.

Votre rapporteur est le premier à considérer que la politique de prévention du dopage, qui doit mettre l'accent sur l'information, l'éducation, la formation des formateurs, qui doit s'appuyer sur la recherche médicale, est un élément essentiel de la politique anti-dopage.

Il a également toujours plaidé pour la mise en place d'une véritable surveillance médicale des sportifs, qui ne devrait d'ailleurs pas se limiter aux sportifs de haut niveau, et qui est aussi indispensable pour prévenir les risques que peut toujours présenter une activité sportive intense, que pour déceler d'éventuelles anomalies révélatrices de pratiques interdites.

Simplement, il se trouve que ni la prévention du dopage, ni l'organisation de la surveillance médicale des sportifs n'exigent l'intervention de mesures législatives nouvelles.

Leur développement, certes bien nécessaire et qui requiert surtout des moyens financiers, est en effet du ressort du pouvoir réglementaire, de l'action administrative et de la politique contractuelle.

Etait-il dès lors nécessaire de revoir et d'augmenter des dispositions dont, déjà, l'inscription dans les lois de 1984 ou 1989 était loin d'être indispensable ? Votre commission ne le pense pas. C'est pourquoi elle s'est abstenue de les développer encore et s'en est tenue à tenter de simplifier et de préciser leur énoncé.

Elle vous proposera cependant d'adopter trois amendements tendant :

- à donner au Conseil de prévention et de lutte contre le dopage un pouvoir de recommandation aux fédérations sportives pour la mise en oeuvre des actions de prévention prévue à l'article 4 du projet de loi : il a en effet semblé à votre commission que c'était là le seul moyen pour que ces dispositions trop générales aient une chance d'être appliquées et de se traduire par des actions concrètes ;

- à donner aux ministres des sports et de la santé compétence pour définir les modalités de la surveillance médicale des sportifs de haut niveau, d'une part parce cette responsabilité leur revient tout naturellement et, d'autre part, parce que cette procédure paraît plus susceptible d'assurer la nécessaire harmonisation du suivi médical et biologique dont doivent bénéficier les sportifs, sans préjudice bien entendu de la prévention de certains risques spécifiques à certaines disciplines ;

- à maintenir en vigueur les dispositions du premier aliéna de l'article 35 de la loi de 1984 imposant la délivrance à tous les sportifs -et non aux seuls sportifs de haut niveau- d'un livret médical . Le projet de loi propose d'abroger cette disposition au motif qu'elle n'a pas été appliquée -ce qui d'ailleurs offre un fâcheux exemple de ces " effets d'annonce " qui " se révèlent souvent être des annonces non suivies d'effets " 3( * ) .

Votre rapporteur estime pour sa part que cette disposition, qui est utile, doit demeurer en vigueur, et qu'elle peut parfaitement être appliquée. Certes, comme l'a fait observer lors de son audition devant la commission la ministre de la jeunesse et des sports, il existe en France 13 millions de licenciés. Mais il ne s'agit que de délivrer un livret aux personnes demandant pour la première fois une licence, ce qui paraît parfaitement réalisable. Il n'y a donc aucune raison de demander aujourd'hui au législateur d'abroger la règle qu'on lui a hier demandé d'adopter.

B. LA CRÉATION DU CONSEIL DE PRÉVENTION ET DE LUTTE CONTRE LE DOPAGE

La création d'une autorité administrative indépendante dotée d'un pouvoir de proposition et d'impulsion dans le domaine de la politique de lutte contre le dopage, et, surtout, d'un pouvoir autonome de sanction constitue incontestablement l'innovation majeure prévue par le projet de loi.

Cette innovation a suscité, on le sait, certaines objections : la presse s'est notamment fait l'écho de celles soulevées par le Conseil d'Etat.

Votre commission, après mûre réflexion, ne partage pas ces préventions. Tout en admettant la valeur des raisons qui les inspirent, elle considère en effet qu'aucune autre solution ne permettrait aujourd'hui de " refonder " le dispositif de lutte contre le dopage.

Elle considère, d'autre part, que le dispositif proposé, qui présente notamment l'avantage de ne pas porter atteinte au rôle et aux responsabilités des fédérations sportives -dont l'engagement est une condition essentielle du succès de la politique anti-dopage- paraît adapté aux résultats recherchés, sous réserve évidemment que la nouvelle autorité administrative indépendante dispose de moyens en rapport avec sa mission.

1. Les justifications de la création du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage

On peut tout à fait admettre que la création d'une autorité administrative indépendante soulève des objections.

Les autorités administatives indépendantes n'appartiennent pas, c'est vrai, à notre tradition administrative centralisée et hiérarchisée et leur développement peut être jugé peu compatible avec les règles constitutionnelles qui prévoient que le Premier ministre exerce le pouvoir réglementaire et que le gouvernement dispose de l'administration. Car elles représentent, par définition, une administration dont le gouvernement ne dispose pas, et se voient parfois concéder quelques compétences réglementaires.

Le double contrôle du Conseil constitutionnel et du Conseil d'Etat a cependant encadré les " AAI " et prévenu tout risque qu'elles puissent constituer une menace sérieuse pour notre système juridique. Elles sont surtout devenues un moyen commode de faire survivre les traditions nationales de contrôle administratif et de sauvegarde de l'intérêt général dans des secteurs que l'administration centrale ne peut ou ne veut plus contrôler -comme l'audiovisuel- ou qui lui échappent pour cause de déréglementation d'inspiration nationale ou communautaire (Conseil de la concurrence, COB, ART ...).

Certes, leur création comporte toujours un élément de pari : on ne peut jamais être assuré, à l'avance, de leur réussite.

Cependant, ce pari est quelquefois " incontournable ". En l'occurrence, il paraît difficile d'envisager une autre solution que la création d'une AAI pour sortir de l'impasse dans laquelle l'échec de la commission nationale de lutte contre le dopage a mis la politique de prévention et de répression du dopage :

la renaissance de la commission nationale de lutte contre le dopage n'est pas sérieusement envisageable . On pourrait certes songer à alléger sa composition, à élargir ses compétences, par exemple en lui donnant, sans saisine préalable du ministre, le pouvoir de lui proposer des sanctions lorsque les procédures disciplinaires fédérales n'auraient pas ou mal fonctionné, ou lorsque les auteurs d'infraction ne relèveraient pas de la compétence disciplinaire des fédérations.
Mais ces ajustements ne remédieraient pas à la cause principale du non-fonctionnement de la commission : le caractère " peu dynamique " de la tutelle du ministère de la jeunesse et des sports, selon l'expression -ou plutôt l'euphémisme- employée par le rapport que le Conseil d'Etat avait consacré en 1990 à l'exercice et au contrôle des pouvoirs disciplinaires des fédérations sportives.
Un retour pur et simple au pouvoir de tutelle ministérielle ne serait pas davantage envisageable.
Il serait d'ailleurs peu praticable, car le ministre n'a pas de pouvoir direct d'annulation ou de réformation des décisions des fédérations sportives qu'il estime illégales : il peut seulement les déférer au juge administratif, et ce recours au juge priverait à coup sûr la sanction du dopage d'une des conditions essentielles de son efficacité, à savoir la rapidité de son intervention.
Et cet inconvénient se retrouverait si l'on en revenait à la pénalisation du dopage , même sur le fondement d'un texte un peu moins mal conçu que la loi de 1965.
Le choix du recours à l'AAI paraît donc, par élimination, s'imposer.

Mais il ne se justifie pas seulement pour des raisons négatives.

Une autorité " indépendante ", qui sera donc insensible aux pressions politiques ou médiatiques, et qui se situera en dehors aussi bien des milieux sportifs que de leur administration de tutelle, ne sera en effet pas exposée aux soupçons de partialité et aux polémiques qui ont toujours empoisonné le traitement des affaires de dopage.

Il est d'ailleurs significatif que le recours à une autorité administrative indépendante ait eu la préférence de trois ministres ou anciens ministres des sports, M. Roger Bambuck, qui a dû, contre son gré, se contenter en 1989 de la création de la commission nationale de lutte contre le dopage, M. Guy Drut, qui a récemment déposé une proposition de loi en ce sens, et enfin Mme Marie-George Buffet.

2. Le dispositif proposé par le projet de loi

Le dispositif proposé par le projet de loi paraît offrir de bonnes chances de succès au futur Conseil de prévention et de lutte contre le dopage.

Il ne porte pas atteinte aux prérogatives des fédérations sportives.

Aucune politique de prévention et de répression du dopage ne peut en effet réussir sans le concours des fédérations sportives. Il serait de surcroît peu concevable de les priver de leurs compétences dans ce domaine, qui fait partie intégrante de leur mission de service public. Il faut au contraire leur donner les moyens de leurs compétences, et leur fournir notamment le concours technique ou les conseils dont elles peuvent avoir besoin pour les exercer. Il faut aussi favoriser l'indispensable harmonisation de leur jurisprudence.

Ce sera là une des missions fondamentales du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage et, pour lui permettre de la remplir le plus efficacement possible, votre commission vous propose de lui donner un pouvoir de recommandation portant sur la mise en oeuvre des procédures disciplinaires.

La composition du Conseil qui associera des magistrats, des médecins et des scientifiques à des personnalités issues du monde sportif, garantit que seront pris en compte tous les aspects des problèmes de dopage, et le nombre de ses membres reste assez limité pour favoriser un fonctionnement véritablement collégial de l'institution.

• On relèvera aussi que la définition des compétences du Conseil lui permettra de participer de façon équilibrée aussi bien à la prévention qu'à la répression du dopage.

Votre rapporteur juge en particulier essentiel le rôle d'impulsion et de coordination de la recherche confié au Conseil . C'est pourquoi il vous proposera de ne pas le limiter à la recherche sur le dopage, mais de l'étendre à la recherche dans le domaine de la médecine du sport , qui est un élément fondamental, et jusqu'à présent trop négligé, de la prévention du dopage aussi bien que de celle des risques de santé auxquels sont exposés les sportifs. Seul le développement de la recherche en médecine du sport permettra en effet de faire progresser la connaissance des mécanismes de récupération, ou celle des causes physiologiques et biologiques des phénomènes de " méforme " qui sont la hantise des sportifs de haut niveau.

• Certes, les textes ne sont pas tout : le rôle futur du Conseil de prévention et de répression du dopage dépendra aussi du choix des hommes qui le composeront et des moyens dont il disposera, de la qualité du dialogue qu'il établira tant avec le mouvement sportif qu'avec l'autorité administrative. Il dépendra aussi de la magistrature d'influence qu'il pourra exercer, et c'est pour lui permettre de mieux asseoir cette influence et son autorité que votre commission vous propose que le rapport annuel du Conseil soit rendu public .
C. LE RENFORCEMENT DE LA RÉPRESSION PÉNALE DES POURVOYEURS

Le projet de loi complète et précise la définition du délit de fourniture de produits dopants. Il renforce les sanctions pénales de ces délits, notamment en utilisant toutes les ressources du nouveau code pénal : peines complémentaires, responsabilité pénale des personnes morales. Votre commission approuve totalement ces nouvelles dispositions. Elle approuve également l'extension du champ d'investigation des agents de la jeunesse et des sports aux installations sportives privées qui sont parfois fréquentées par les pourvoyeurs de produits dopants, comme en témoigne l'enquête récemment menée dans des salles de sport de Villefranche-sur-Saône, qui a permis de saisir des quantités importantes de produits dopants et de démonter une véritable filière d'approvisionnement.

Il convient toutefois de rappeler que les seules infractions pénales que pourront constater lors de leurs investigations les médecins et agents agréés sont celles prévues par le projet de loi : prescription illégale, fourniture ou administration de produits dopants à des sportifs participant ou se préparant à des compétitions organisées ou agréées par une fédération sportive, ou incitation à leur usage.

En revanche, ils ne seront pas habilités à constater les infractions aux autres textes susceptibles de s'appliquer à la répression du dopage : consommation ou trafic de stupéfiants, trafic de substances vénéneuses, importation illégale de produits, exercice illégal de la pharmacie...

Il sera donc souhaitable qu'ils prennent toutes les précautions nécessaires pour ne pas compromettre, le cas échéant, la constatation et la poursuite de ces infractions.

• Votre commission tient enfin à attirer l'attention sur le problème très préoccupant du développement du commerce des anabolisants sur Internet . Le site spécialisé dans la commercialisation de la norandrosténiédone, préparation orale de norandrolone de synthèse, en offre un exemple inquiétant : " prix cassés " pour commandes importantes, " témoignages " enthousiastes d'usagers, indications (discrètes) sur la rapidité d'élimination du produit, tous les arguments sont avancés pour inciter à la consommation massive d'un produit extrêmement dangereux et présenté comme un inoffensif complément alimentaire.
Ce genre de trafic constitue donc un exemple supplémentaire des risques de développement de la " cyber-délinquance " et de l'absolue nécessité de progresser dans la définition d'une réglementation d'Internet et du commerce électronique.

D. L'AMPUTATION DE LA LOI DE 1989

En conséquence du transfert dans le nouveau texte de toutes les dispositions relatives au dopage des sportifs, et pour éviter un vide juridique, le projet de loi propose de maintenir en vigueur la loi de 1989 à titre résiduel, pour les seules compétitions sportives réalisées avec le concours d'animaux.

Certes, l'application de la même loi aux hommes et aux animaux avait en 1989 suscité un mécontentement compréhensible parmi les sportifs. Mais la solution retenue est tout aussi critiquable, en tant qu'elle dénature la loi de 1989 et propose un dispositif tout à fait disproportionné à son objet.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur, le ministère de l'agriculture envisagerait de préparer un texte traitant de l'ensemble des problèmes de dopage des animaux, qui permettrait l'abrogation des malheureux restes de la loi de 1989.

Ce serait en effet la seule issue raisonnable.

En attendant, votre commission vous proposera de modifier le titre de la loi, de restreindre les compétences de la commission de lutte contre le dopage " des animaux ", de supprimer les dispositions de la loi relatives à la prévention du dopage des animaux et de réécrire ses dispositions pénales.

*

* *

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier

Politique de prévention du dopage

I. Commentaire du texte du projet de loi

Cet article reprend le premier alinéa de l'article 2 de la loi de 1989, dont votre rapporteur avait noté, à l'époque, qu'il était de nature plus réglementaire que législative.

Il prévoit que le ministre chargé des sports s'assure, " en liaison avec les autres ministres intéressés ", de la mise en oeuvre, dans le cadre de la politique de lutte contre le dopage, d'actions de prévention, de surveillance médicale et d'éducation. L'article premier du projet de loi ne reprend pas, cependant, les quatre derniers alinéas -également de nature réglementaire- de l'article 2 de la loi de 1989, qui énuméraient les actions de prévention à mener : campagne d'information auprès des jeunes ; actions au niveau de la formation de l'encadrement sportif, des enseignants et des médecins du sport ; programme de recherche ; surveillance médicale des sportifs de haut niveau.

De portée plus déclarative que normative, les dispositions de cet article, qui figureront donc en tête de la nouvelle loi, ont essentiellement pour objet de mettre l'accent sur le volet préventif de la politique de lutte contre le dopage et sur le caractère interministériel de cette action préventive, qui doit en effet être le fait non seulement du ministère des sports mais aussi des ministères de la santé, de l'éducation nationale et de la recherche.

II. Position de la commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

TITRE Ier

DE LA SURVEILLANCE MÉDICALE DES SPORTIFS
Article 2

Contrôle médical préalable à la délivrance des licences sportives

I. Commentaire du texte du projet de loi

Cet article a pour objet :

- d'inscrire dans la loi, en premier lieu, l'obligation pour toute personne désirant adhérer à une fédération sportive de passer un contrôle médical préalable, ce qui dans la pratique est déjà exigé par les fédérations sportives pour les sports à risque ou dans les disciplines dont les licenciés participent fréquemment à des compétitions (l'athlétisme par exemple), mais non dans les disciplines où prédomine la pratique de loisirs ;

- en second lieu, et principalement, de prévoir que ce contrôle sera valable pour toutes les disciplines sportives, à l'exception de certaines disciplines " à risque " (boxe, plongée sous-marine, parachutisme...) dont la pratique doit être subordonnée à des examens plus approfondis. Les personnes, et en particulier les jeunes, qui souhaitent pratiquer plusieurs sports n'auront donc à subir, en principe, qu'un seul examen médical, ce qui représentera pour elles une simplification appréciable, ainsi qu'une économie car les contrôles ne sont pas pris en charge par la sécurité sociale.

Le second alinéa de l'article précise que, pour les jeunes, cet examen sera mentionné dans le carnet de santé délivré lors de la naissance de chaque enfant et dans lequel sont consignés tous les examens imposés au titre de la protection sanitaire de l'enfance, ainsi que toutes les informations importantes intéressant sa santé.

II. Position de la commission

Votre commission a adopté un amendement proposant une nouvelle rédaction de cet article et tendant :

- à en alléger la rédaction,

- à préciser que sera exigé des aspirants à une licence sportive qu'ils produisent un certificat de non contre-indication à la pratique des activités physiques et sportives.

En effet, il ne suffit pas, pour atteindre l'objectif recherché, d'exiger que les futurs pratiquants passent un examen médical : il faut surtout s'assurer qu'ils peuvent pratiquer sans risque la ou les disciplines choisies.

Article 3

Contrôle médical préalable aux compétitions

I. Commentaire du texte du projet de loi

Cet article, qui s'inspire étroitement du second alinéa de l'article 35 de la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, impose à tout participant, licencié ou non, à une compétition sportive organisée ou agréée par une fédération la production d'un " certificat de non contre-indication à la pratique des activités physiques et sportives ".

Les textes d'application de l'article 35 de la loi de 1984 (articles 1er à 4 du décret n° 87-473 du 1er juillet 1987 relatif à la surveillance médicale des activités physiques et sportives) précisent que ce contrôle doit être annuel, et qu'il peut être effectué par tout médecin.

Ils précisent également que la nature et les modalités de l'examen médical préalable à la délivrance du certificat sont définies par le règlement médical de chaque fédération, qui est approuvé par le ministre chargé des sports.

II. Position de la commission

Le décret de 1987 qualifie de " certificat de non contre-indication à la pratique sportive en compétition " le certificat visé à cet article.

Votre commission a adopté un amendement reprenant cette dénomination, plus précise et qui permet d'éviter toute confusion avec le contrôle médical préalable à la délivrance des licences sportives prévu à l'article 2 du projet de loi.

Article 4

Contribution des fédérations sportives
à la politique de prévention du dopage

I. Commentaire du texte du projet de loi

Cet article dispose que les fédérations sportives doivent contribuer à la prévention du dopage :

- en veillant à ce que les programmes d'entraînement et le calendrier des compétitions n'imposent pas à leurs licenciés un rythme d'activité et des efforts préjudiciables à leur santé et susceptibles de les inciter à recourir au dopage : ces dispositions sont reprises, comme on l'a déjà souligné, du décret du 1er juillet 1987 relatif à la surveillance médicale des activités physiques et sportives ;

- en informant leurs licenciés et leur encadrement des dangers liés à l'utilisation des produits dopants.

II. Position de la commission

Dans leur principe, on ne peut qu'approuver les dispositions de cet article.

Elles présentent cependant l'inconvénient majeur d'être dépourvues de toute portée normative, lacune qui ne paraît guère susceptible d'être comblée par d'éventuels règlements d'application : comment en effet définir par décret l'espacement raisonnable des épreuves sportives ou le niveau d'intensité que ne doivent pas dépasser les entraînements ?

Afin d'assurer que ces obligations trop générales ne restent pas lettre morte, votre rapporteur vous proposera de doter le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage d'un pouvoir de recommandation qui lui permettra, au coup par coup, de prévenir certaines dérives et de veiller à la traduction concrète des orientations définies par l'article 4 du projet de loi.

Au bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sous réserve de l'adoption d'un amendement rédactionnel.

Article 5

Prescription de produits dopants

I. Commentaire du texte du projet de loi

Depuis l'intervention de la loi de 1989, tout sportif ayant utilisé des substances ou procédés dopants à l'occasion d'une compétition ou de sa préparation est en infraction, que cette utilisation ait été intentionnelle ou non et qu'elle comporte ou non un danger pour sa santé : la circonstance que les produits interdits aient été prescrits dans le cadre d'un traitement médical est sans influence sur la constitution de la faute qui peut lui être imputée.

Il convient par conséquent, comme le prévoyait déjà la loi de 1989, que les sportifs soient dûment avertis de l'incompatibilité avec la pratique sportive en compétition des traitements médicaux qu'ils peuvent être amenés à suivre -à supposer que l'état de santé justifiant ce traitement permette à l'intéressé de participer à une compétition.

Il faut en outre tenir compte du fait que la liste des produits dopants établie par le Comité international olympique (CIO) et reprise dans la réglementation nationale comporte désormais un certain nombre de produits (anesthésiques locaux, bêta-bloquants, certains stimulants) dont l'utilisation sur prescription médicale peut être considérée comme compatible avec la pratique sportive en compétition, sous réserve qu'elle ait une justification thérapeutique. En cas de contrôle positif, cette justification thérapeutique est soumise, avant la saisine des instances disciplinaires, à l'examen du ministère de la jeunesse et des sports.

L'article 5 du projet de loi précise, en fonction de ces éléments, les conditions de prescription des substances ou des procédés considérés comme dopants :

- le premier alinéa fait obligation au sportif participant à des compétitions de signaler ce fait aux médecins qu'il consulte ;

- le deuxième alinéa fait obligation au praticien prescripteur, s'il considère comme indispensable de prescrire un traitement interdit, d'informer son patient de l'incompatibilité de ce traitement avec la pratique sportive ;

- le troisième alinéa, enfin, prévoit qu'en cas de prescription de produits dopants pouvant faire l'objet d'une justification thérapeutique, le médecin doit informer l'intéressé qu'il sera tenu de présenter l'acte de prescription en cas de contrôle.

Ces dispositions sont plus précises que celles de la loi de 1989, qui imposait simplement au médecin d'informer son patient, et seulement si celui-ci le lui demandait, que le traitement prescrit comportait des substances ou procédés interdits.

Elles complètent les efforts d'information déjà consentis tant auprès des prescripteurs que des sportifs pour prévenir les risques encourus du fait de l'utilisation de bonne foi de produits dopants : édition régulière, par le ministère de la jeunesse et des sports, de brochures comportant la liste des spécialités pharmaceutiques contenant des substances dopantes ; établissement, en collaboration avec l'Agence du médicament, de listes indicatives de spécialités pharmaceutiques ne contenant pas de principes actifs prohibés ; insertion dans l'édition 1998 du dictionnaire Vidal de l'arrêté ministériel établissant la liste des substances et procédés dopants...

II. Position de la commission

Votre commission a adopté trois amendements à cet article :

le premier tend à supprimer au premier alinéa de l'article, la référence à une prescription thérapeutique , cette précision étant inutile et pouvant par ailleurs être restrictive, car un traitement peut être préventif aussi bien que curatif.

Le deuxième amendement qui supprime également, pour le même motif, la référence aux " fins thérapeutiques " de la prescription, a pour principal objet de renvoyer à l'article 11 du projet de loi, qui définit le dopage, la définition des modalités d'établissement de la liste des substances et procédés interdits -liste dont votre commission vous proposera qu'elle résulte d'un arrêté conjoint des ministres chargés des sports et de la santé.

Le troisième amendement est un amendement de conséquence du précédent, et a en outre pour objet de simplifier la rédaction du troisième alinéa de l'article.
Article 6

Suivi médical des sportifs de haut niveau

I. Commentaire du texte du projet de loi

Cet article définit, d'une part, les modalités du suivi médical des sportifs de haut niveau en vigueur et précise, d'autre part, que ce suivi ne dispense pas de leurs obligations en matière de médecine du travail les clubs sportifs employeurs de sportifs professionnels salariés.

les modalités de la surveillance médicale des sportifs de haut niveau

Le dispositif prévu, qui concernera également -comme c'est déjà le cas- les sportifs inscrits dans les centres régionaux d'entraînement et de formation pour le sport de haut niveau, reprend celui défini aux articles 5 et 6 du décret précité du 1er avril 1987 relatif à la surveillance médicale des activités physiques et sportives.

Il confie aux fédérations délégataires le soin d'assurer la surveillance médicale des sportifs de haut niveau et également celui d'élaborer un réglement définissant la nature des examens médicaux correspondants ainsi que leur fréquence (qui doit être actuellement " au minimum de trois examens durant la saison sportive " selon l'article 6 du décret du 1er juillet 1987). Ce règlement sera soumis à l'approbation des ministres chargés des sports et de la santé, et non plus seulement à celle du ministre chargé des sports (article 4 du décret de 1987). Les résultats de ces examens seront mentionnés dans le livret individuel délivré aux sportifs de haut niveau en application de l'article 7 du projet de loi.

Votre rapporteur, pour les raisons déjà exposées dans le présent rapport, considère comme absolument essentiel le suivi médical et biologique des sportifs. Il s'interroge cependant sur les conditions de définition des modalités de ce suivi.

Il semble en effet contestable au plan des principes, et en pratique peu efficace, que ces modalités soient définies par les fédérations puis approuvées par les ministres des sports et de la santé :

- en premier lieu, cette procédure risque d'être longue : si les propositions des fédérations ne sont pas approuvées, il faudra qu'elles soient modifiées puis soumises à nouveau aux ministres...

- en deuxième lieu, il paraît indispensable que les examens pratiqués soient pour l'essentiel les mêmes pour tous les sportifs, quitte à ce que ce " tronc commun " soit éventuellement complété, pour certaines disciplines présentant des risques particuliers, par des examens spécifiques. Or, il y a peu de chance que des protocoles de suivi élaborés séparément par chaque fédération aboutissent à ce résultat ;

- en troisième lieu, s'il apparaissait nécessaire, compte tenu par exemple de progrès dans la recherche ou dans les techniques d'examen, de modifier ou de compléter les modalités du suivi médical, il conviendrait que ces modifications puissent être réalisées dans les meilleurs délais, et bénéficient dans les mêmes conditions à tous les sportifs concernés.

le suivi des sportifs salariés dans le cadre de la médecine du travail

Un certain nombre de sportifs de haut niveau sont employés par les clubs auxquels ils appartiennent.

Ils sont alors considérés comme occupant un emploi saisonnier, et sont, conformément au 3° de l'article L. 122-1-1 du code du travail, titulaires d'un contrat de travail à durée déterminée.

Comme tous les salariés, ils bénéficient dans ce cas d'un suivi médical au titre de la médecine du travail.

Il est d'ailleurs regrettable que ne soit jamais intervenu l'arrêté conjoint des ministres chargés du travail et des sports qui devait, aux termes de l'article 8 du décret du 1er juillet 1987 précité, définir les modalités particulières de la surveillance médicale des sportifs dans le cadre de la médecine du travail.

Quoi qu'il en soit, la surveillance médicale assurée par les fédérations ne doit évidemment avoir ni pour objet ni pour effet de dégager de leurs obligations les employeurs des sportifs salariés : c'est ce que précise le quatrième alinéa de l'article 6 du projet de loi.

II. Position de la commission

Votre commission a adopté deux amendements à cet article :

• le premier supprime, compte tenu des considérations qui précèdent, les dispositions du premier alinéa de l'article confiant aux fédérations sportives le soin de définir les modalités du suivi médical des sportifs de haut niveau ;

• Le second tend à prévoir que les modalités de la surveillance médicale des sportifs de haut niveau résulteront d'un arrêté conjoint des ministres chargés des sports et de la santé. Il modifie également, par coordination, le troisième alinéa de l'article, et précise la rédaction de son dernier alinéa.
Article 7

Livret individuel des sportifs de haut niveau

I. Commentaire du texte du projet de loi

Cet article prévoit que les sportifs de haut niveau et ceux qui se préparent à le devenir se verront délivrer par la fédération dont ils relèvent un livret individuel, où seront consignées des informations à caractère exclusivement sportif ou médical et que seuls pourront se faire présenter les médecins chargés des contrôles anti-dopage. Il restreint donc la portée des dispositions en vigueur (article 35 de la loi de 1984) prévoyant la délivrance de ce livret à tous les licenciés.

II. Position de la commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

TITRE II

DE LA PRÉVENTION ET DE LA LUTTE CONTRE LE DOPAGE
Section 1

Du conseil de prévention et de lutte contre le dopage
Article 8

Conseil de prévention et de lutte contre le dopage

I. Commentaire du texte du projet de loi

Cet article prévoit la création du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage, qui est qualifié d'autorité administrative indépendante (AAI).

Cette qualification n'a pas en elle-même de portée juridique -si ce n'est qu'elle interdit de considérer les sanctions que pourra prendre le conseil comme des décisions de nature juridictionnelle- car les autorités administratives indépendantes ne constituent pas une catégorie répertoriée à laquelle il suffirait à un organisme d'être rattaché pour se voir automatiquement appliquer certaines règles d'organisation ou de fonctionnement.

Comme pour les autres autorités administratives indépendantes, qu'elles aient ou non été ainsi dénommées par le législateur, la nature du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage doit donc s'apprécier à travers les règles garantissant son indépendance organique et son autonomie fonctionnelle, et à travers la définition de ses compétences.

L'article 8 du projet de loi définit des règles de composition et d'organisation du Conseil qui répondent au souci d'assurer son indépendance : votre commission vous proposera cependant de les compléter ou de les préciser sur certains points.

Cet article comporte aussi des mesures transitoires qui déterminent les conditions de nomination du premier Conseil de prévention et de lutte contre le dopage.

On examinera successivement, bien qu'elles ne se présentent pas dans cet ordre, les dispositions " permanentes " de l'article, qui sont celles relatives à la composition et à l'organisation du Conseil, et ses dispositions " transitoires ".

1) Les dispositions " permanentes " relatives à la composition et à l'organisation du Conseil

Elles ont trait à la composition du Conseil, à la durée du mandat de ses membres, aux conditions de son renouvellement.

Composition du Conseil

Le Conseil se composera de 9 membres nommés par décret, dont le statut ou la profession et le mode de désignation doivent garantir l'indépendance, notamment à l'égard du pouvoir politique.

Les 9 membres représenteront, selon la terminologie employée par l'article (alinéa 14), trois " composantes " :

- une " composante juridique ", représentée par trois magistrats, dont un conseiller d'Etat désigné par le vice-président de la Haute Assemblée, un conseiller à la Cour de cassation désigné par le Premier président de la Cour, et un avocat général à la Cour de cassation désigné par le Procureur général près la Cour de cassation ;

- une " composante médicale ", moins aisément identifiable car elle comporte, à côté de deux médecins (désignés respectivement par le président de l'Académie de médecine et par celui du Comité d'éthique) un scientifique désigné par le président de l'Académie des sciences, tandis que le troisième médecin faisant partie du Conseil (un médecin du sport désigné par le président de l'Académie de médecine) est quant à lui agrégé à la

- " composante sportive ", au sein de laquelle il sera associé à un sportif de haut niveau (désigné par le président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), et à un membre du conseil d'administration du CNOSF désigné par son président.

Afin d'éviter toute confusion entre ces composantes, qui pourrait n'être pas sans conséquences lors de la désignation du premier Conseil, votre commission vous proposera de faire apparaître plus clairement, dans la rédaction de l'article, la composition des trois catégories de membres qu'il doit rassembler.

La durée du mandat des membres du Conseil sera de 6 ans : ce mandat ne sera ni révocable ni renouvelable, deux conditions essentielles à l'indépendance de ses membres.

• Son président est désigné d'avance : la présidence du Conseil reviendra en effet automatiquement au conseiller d'Etat qui siégera en son sein.

Le Conseil se renouvellera par tiers tous les deux ans , ce qui permettra d'assurer la permanence et la stabilité de l'institution. Pour ne pas remettre en cause ce rythme de renouvellement, toute vacance (pour cause de décès, de démission ou d'empêchement constaté par le Conseil) sera comblée par la nomination d'un remplaçant, désigné dans les mêmes conditions que le membre remplacé et pour la durée restant à courir de son mandat. Les remplaçants ayant exercé pendant moins de deux ans les fonctions de membre du Conseil pourront voir leur mandat renouvelé : une règle analogue figure dans les textes relatifs à d'autres AAI, comme par exemple le CSA.
Il est précisé -là encore très classiquement- que les membres et les agents du Conseil seront tenus au secret professionnel.

On notera enfin que les fonctions de membres du Conseil ne sont pas considérées comme incompatibles avec d'autres fonctions. Elles ne seront d'ailleurs pas exercées à plein temps et il n'est pas prévu non plus qu'elles soient rémunérées. Les membres du Conseil percevront cependant des indemnités représentatives des frais exposés à l'occasion de leurs réunions ou missions.

2) Les dispositions " transitoires " relatives à la nomination du premier Conseil

Le premier Conseil sera composé de trois membres nommés pour 2 ans, trois membres nommés pour 4 ans et trois membres nommés pour 6 ans : les trois " composantes " du Conseil comporteront chacune un membre de chaque série afin d'éviter le risque que tous les membres d'une même catégorie puissent être simultanément soumis à renouvellement.

Le président sera le membre nommé pour 6 ans au sein de la composante juridique et la durée du mandat des huit autres membres du Conseil sera déterminée par tirage au sort au sein de chaque catégorie.

Il est précisé que le mandat des trois membres nommés pour 2 ans sera renouvelable, ce qui pourra, pendant la période de mise en place de l'institution, limiter de trop fréquents renouvellements de ses membres.

II. Position de la commission

Votre commission a adopté un amendement proposant une nouvelle rédaction de cet article.

Outre des préoccupations de forme, cet amendement tend à répondre au souci de votre commission de compléter et de préciser, notamment pour mieux garantir son indépendance et celle de ses membres, les règles de composition et de fonctionnement du Conseil :

- en prévoyant que le mandat d'un membre du Conseil ne sera pas interrompu s'il est atteint par la limite d'âge dans son corps ou ses fonctions d'origine ;

- en précisant que l'empêchement d'un membre du Conseil devra être constaté à la majorité des deux tiers de ses membres ;

- en instituant une règle de quorum, particulièrement nécessaire dans un organisme dont les membres n'exerceront pas leurs fonctions à plein temps ;

- en précisant que le Conseil établira son règlement intérieur, ce qui est le propre de tout organisme indépendant.
Article 9

Compétences du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage

I. Commentaire du texte du projet de loi

Cet article définit les compétences du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage.

• Il précise en premier lieu les informations dont le Conseil devra disposer : il sera informé, aux termes du premier alinéa de l'article, des opérations de contrôle anti-dopage, des faits de dopage portés à la connaissance de l'administration ou des fédérations, et des sanctions prises par les fédérations : l'article 14 du projet de loi précise en outre que les procès-verbaux des contrôles anti-dopage lui seront transmis.

• Le deuxième alinéa confère au Conseil un rôle d'impulsion et de coordination en matière de recherche , en prévoyant qu'il disposera d'une cellule scientifique de coordination de la recherche en matière de dopage : ce rôle d'impulsion et de coordination devrait, selon votre rapporteur, pouvoir s'exercer aussi dans le domaine de la recherche en médecine du sport ;

• Le troisième alinéa prévoit que le Conseil " veille à la mise en oeuvre " des procédures disciplinaires par les fédérations : la portée de cette disposition est toutefois incertaine et ne paraît pas correspondre à un véritable rôle de régulation ni même à un pouvoir d'injonction ;

• Le quatrième alinéa fait référence aux pouvoirs de sanction du Conseil définis à l'article 18 du projet de loi : cette référence est d'ailleurs incomplète, le texte comportant une erreur de renvoi ;

• Les cinquième et sixième alinéas définissent le rôle consultatif du Conseil qui comprend, comme c'est fréquemment le cas, deux aspects :

- Le Conseil disposera d'un pouvoir de proposition au ministre en matière de prévention et de lutte contre le dopage, pour l'exercice duquel il pourra se faire communiquer par l'administration ou par le mouvement sportif toutes informations relatives à la préparation, à l'organisation et au déroulement des entraînements et des épreuves ;

- Le Conseil sera consulté sur tout projet de loi ou de règlement relatif au dopage.

• Enfin, il est prévu que le Conseil remette chaque année un rapport d'activité au gouvernement.

Il est à noter que le Conseil ne disposera, aux termes de cet article, d'aucune compétence décisionnelle autre que son pouvoir de sanction.

II. Position de la commission

Votre commission a adopté cinq amendements à cet article :

•  Le premier de ces amendements a pour objet d'étendre à la recherche en médecine sportive la compétence de la cellule scientifique de coordination dont disposera le Conseil. Il paraît en effet tout à fait essentiel, si l'on veut que le Conseil exerce dans les meilleures conditions sa mission de prévention, qu'il puisse également exercer un rôle d'impulsion et de coordination dans ce domaine : le problème de la prévention du dopage ne se résume pas, en effet, à celui du dépistage du dopage, ou de la recherche sur les effets des produits dopants. Il faut aussi, comme l'a d'ailleurs souligné la ministre devant la commission, pouvoir approfondir les connaissances existantes sur les causes de la " méforme " que peuvent connaître les sportifs, sur les pathologies auxquelles ils peuvent être exposés, sur les conséquences physiologiques et biologiques des efforts parfois excessifs qu'ils peuvent être amenés à fournir. C'est en fonction de ces connaissances, en effet, que l'on pourra améliorer le suivi médical des sportifs et prévenir les risques d'atteinte à leur santé -et de dopage- que comportent les rythmes d'activité démentiels qui leur sont parfois imposés.

•  Le deuxième amendement tend à donner au Conseil de prévention et de lutte contre le dopage un pouvoir de recommandation à l'égard des fédérations sportives. Ce pouvoir de recommandation portera, d'une part, sur la politique de prévention du dopage que doivent mener les fédérations et, d'autre part, sur la mise en oeuvre des procédures disciplinaires. Il permettra au Conseil d'exercer un rôle de régulation, à la fois dans le domaine de la prévention et dans celui de la répression du dopage. Comme on l'a déjà souligné, il pourra aussi permettre que soient réellement appliquées les dispositions de l'article 4 imposant aux fédérations de participer à la prévention du dopage, en particulier en évitant la surcharge des calendriers.

•  Le troisième amendement , qui réécrit l'alinéa de l'article relatif aux pouvoirs de sanction du Conseil, est purement rédactionnel, de même que le quatrième amendement, qui propose une nouvelle rédaction de l'alinéa relatif à la consultation du Conseil sur les projets de loi et de règlement.

•  Enfin, le cinquième amendement prévoit que le rapport annuel d'activité du Conseil au gouvernement sera également remis au Parlement et qu'il sera rendu public. Cette publicité est en effet nécessaire pour asseoir l'influence du Conseil, pour assurer une information impartiale et complète de l'opinion et des médias et, enfin, pour combattre l'absence de transparence qui a trop longtemps dissimulé l'ampleur et la gravité du phénomène du dopage, ainsi que certaines des raisons de son développement.
Article 10

Régime financier et moyens en personnel du Conseil
de prévention et de lutte contre le dopage

I. Commentaire du texte du projet de loi

L'autonomie fonctionnelle des autorités administratives est forcément limitée : si elles sont placées " hors hiérarchie " administrative et échappent ainsi à toute subordination vis-à-vis de l'exécutif, elles dépendent en revanche généralement, pour ce qui est de leurs moyens, du bon vouloir de l'Etat.

La conjoncture budgétaire étant ce qu'elle est, le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage ne bénéficiera sans doute pas de dotations somptuaires : son budget annuel devrait, selon l'étude d'impact accompagnant le projet de loi, être de l'ordre de 3 millions de francs, hors dépenses de personnel estimées par ailleurs entre 1 et 2 millions de francs.

Au moins disposera-t-il, comme la plupart des autres AAI, d'une certaine autonomie dans la gestion de ses moyens :

Pour ce qui concerne ses moyens financiers , l'article 10 du projet de loi prévoit que ses dépenses ne seront pas soumises à un contrôle a priori et que le président en sera l'ordonnateur : la gestion du budget du Conseil ne relèvera donc que du contrôle a posteriori de la Cour des comptes.

En ce qui concerne les moyens en personnel , la rédaction du projet de loi est beaucoup moins satisfaisante puisqu'elle ne prévoit pas, comme c'est généralement la règle, que le Conseil disposera de services placés sous l'autorité de son président.
Il est seulement prévu, selon une rédaction empruntée au statut de l'ART, que le Conseil pourra employer " des fonctionnaires en activité dans les mêmes conditions que le ministère chargé des sports ", ce qui ne veut pas dire grand chose, et qu'il pourra recruter des contractuels, ce que l'article 1-4 de la loi n° 83-481 du 11 juin 1983 définissant les conditions dans lesquelles sont pourvus les emplois civils permanents de l'Etat permet à toutes les AAI.

II. Position de la commission

Votre commission a adopté à cet article, outre un amendement rédactionnel, un amendement tendant à une nouvelle rédaction de son troisième alinéa et prévoyant que le Conseil disposera de services placés sous l'autorité de son président.
Section 2

Des agissements interdits
Article 11

Définition et prohibition du dopage

I. Commentaire du texte du projet de loi

Cet article définit les faits de dopage qui pourront valoir à leurs auteurs les sanctions disciplinaires ou administratives prévues aux articles 17 et 18 du projet de loi. Il ne modifie pas l'économie du texte en vigueur (article 1er de la loi de 1989) qui définit les éléments constitutifs du dopage.

Le dopage reste donc le fait, pour un sportif participant ou se préparant à une épreuve organisée ou agréée par une fédération sportive, d'utiliser des substances ou procédés considérés comme dopants .

En revanche, l'article 11 du projet de loi modifie la définition des produits et procédés dopants, ainsi que celle des utilisations interdites :

Selon la loi de 1989 , les substances et procédés dopants sont ceux qui pourront modifier artificiellement les capacités des athlètes, ou masquer l'emploi de tels substances ou procédés. L'utilisation de l'ensemble de ces produits ou techniques, déterminés par arrêté conjoint des ministres des sports et de la santé, est purement et simplement interdite.

Le projet de loi , quant à lui, définit les procédés et substances interdits comme ceux " figurant comme interdits sur une liste publiée en application de la convention du Conseil de l'Europe signée à Strasbourg le 16 novembre 1989 " 4( * ) : il s'agit, concrètement, de la liste établie par le Comité international olympique, dont la convention de Strasbourg sur le dopage prévoit qu'elle peut être " approuvée " par le comité de suivi de la convention, et qu'elle doit servir de base à l'harmonisation des listes de substances interdites par les organisations sportives nationales (article 7 de la convention).
Le projet de loi prévoit également que ces substances et procédés ne seront pas systématiquement interdits mais que l'usage de certains d'entre eux pourra être soumis à conditions restrictives, c'est-à-dire qu'il sera toléré en cas de justification thérapeutique : il renvoie, pour la définition de ces substances et procédés, à la convention qui, d'ailleurs, ne comporte aucune disposition de cette nature.

Cette définition n'entend rien changer, en fait, à la définition des substances et procédés dopants . La liste de ces produits, qui résulte actuellement d'un arrêté du 7 octobre 1994, reprend en effet celle établie par le CIO et comporte la même distinction entre les produits interdits et ceux dont l'usage est toléré sous réserve d'une justification thérapeutique.

Et il est tout à fait souhaitable qu'il en soit ainsi, l'efficacité de la lutte contre le dopage dépendant largement d'une harmonisation de sa définition au niveau international -même si, il convient de le souligner, cet alignement sur la liste du CIO a, dans l'état actuel des textes, pour effet de mettre en contradiction la loi, qui interdit purement et simplement l'usage des produits dopants et exclut, par conséquent, toute justification thérapeutique, et l'arrêté, qui admet, dans certains cas, cette justification.

Cependant, il est juridiquement impossible que la loi définisse la liste des produits dopants par simple référence à la liste du CIO :

- d'une part, parce que cette liste, qu'elle soit ou non approuvée par le " comité de suivi " de la convention de Strasbourg, ne peut avoir aucun effet direct en droit français ;

- d'autre part, parce que la définition de produits dont l'usage peut entraîner des sanctions administratives et dont la fourniture est passible de sanctions administratives et pénales doit, en application du principe de légalité des délits et des peines, figurer dans la loi, même s'il est parfaitement possible que le champ d'application de la loi soit précisé par un texte réglementaire fixant la liste des produits répondant à la définition légale.

Par conséquent, il est indispensable que la loi comporte une définition générale des produits dopants. Il est également indispensable, si l'usage de certains de ces produits peut être toléré dans certaines conditions, que la loi prévoie cette possibilité.

Mais, sous ces réserves, rien ne s'oppose à ce que la liste des produits dopants soit prévue par un texte réglementaire et harmonisée avec celle établie par le CIO.

II. Position de la commission

En fonction des considérations qui précèdent, votre commission a adopté un amendement proposant une nouvelle rédaction de cet article afin :

- de réintroduire dans le projet de loi la définition générale des substances et procédés dopants ;

- de préciser que l'utilisation de certains de ces procédés et substances pourra être tolérée dans certaines conditions ;

- de prévoir que la liste des procédés et substances dopantes résultera d'un arrêté conjoint des ministres des sports et de la santé, le renvoi à un arrêté, et non à un décret, se justifiant, comme en 1989, par la nécessité de pouvoir, en tant que de besoin, modifier facilement cette liste.
Article 12

Interdiction de la fourniture à des sportifs de produits dopants
et de l'entrave aux contrôles

I. Commentaire du texte du projet de loi

Cet article définit :

- la fourniture de produits dopants, c'est-à-dire l'ensemble des agissements qui seront passibles, lorsque leurs auteurs seront des licenciés sportifs (médecins, entraîneurs, membres de l'encadrement...) des sanctions disciplinaires et administratives prévues aux articles 17 et 18 du projet de loi, et, qu'ils aient ou non la qualité de licencié sportif, des sanctions pénales prévues à l'article 19 ;

- l'entrave aux contrôles, qui pourra être le fait aussi bien de sportifs que de toute autre personne (membres de l'entourage du sportif ou de de l'encadrement des fédérations ou des groupements sportifs, dirigeants d'établissements sportifs...) et qui sera passible de sanctions disciplinaires ou administratives (pour les titulaires d'une licence sportive) mais aussi de sanctions pénales.

Le texte proposé complète et précise la définition de la fourniture de produits dopants :

• Le texte en vigueur interdit l'administration ou l'application, à des sportifs participant ou se préparant à des compétitions, sous réserve de la liberté de prescription médicale, de produits et procédés dopants, ainsi que l'incitation à l'usage de ces produits et procédés, ou la facilitation de cet usage (article 1er, dernier alinéa, de la loi de 1989).

• L'article 12 du projet de loi précise, quant à lui, qu'il est également interdit de prescrire -sauf dans les conditions prévues à l'article 5- de céder ou d'offrir des produits et procédés dopants. Seront donc punissables les médecins auteurs de prescriptions de complaisance, et toute personne fournissant, à titre gratuit ou onéreux, des produits dopants à des sportifs, même si elle ne se charge pas de les leur administrer ou de les leur appliquer.
II. Position de la commission

Votre commission a adopté cet article sous réserve d'un amendement supprimant la référence à la prescription " à des fins thérapeutiques " de produits dopants, en coordination avec les amendements ayant même objet adoptés à l'article 5.
Section 3

Du contrôle
Article 13

Personnes habilitées à procéder aux enquêtes et contrôles.
Initiative des contrôles

I. Commentaire du texte du projet de loi

Cet article définit les personnes habilitées à procéder aux contrôles prévus par le projet de loi et à rechercher et constater les infractions aux dispositions des articles 11 et 12, ainsi que les personnes ayant l'initiative de ces contrôles.

Les personnes habilitées à procéder aux enquêtes et contrôles

Outre, bien entendu, les officiers et agents de police judiciaire, les personnes compétentes pour effectuer les contrôles seront, comme actuellement, des médecins et des agents agréés par le ministre chargé des sports et assermentés (la mention des vétérinaires n'est évidemment plus nécessaire).

Ces agents sont dotés de pouvoirs étendus dans un domaine qui ne ressortit pas seulement au contrôle administratif mais aussi à la police judiciaire puisqu'ils peuvent (article 15) " rechercher " des infractions passibles de sanctions pénales, procéder à cette fin à des visites de locaux (article 15) et à des saisies (article 16), et constater ces infractions en dressant des procès-verbaux (article 16).

Le second alinéa du texte précise qu'ils seront tenus au secret professionnel.

Le troisième alinéa prévoit que les personnes déjà agréées en application de l'article 4 de la loi de 1989 pourront continuer d'exercer leurs fonctions pour une durée d'un an à compter de l'entrée en vigueur de la nouvelle loi. Ces dispositions correspondent à une sage précaution, en permettant d'appliquer sans tarder les dispositions du nouveau texte, mais elles négligent le fait que, la loi de 1989 restant en vigueur pour ce qui concerne le dopage des animaux, les vétérinaires et les agents agréés au titre de cette loi continueront de remplir les mêmes missions, dans le cadre de l'application de la même législation, et que la rédaction de cet alinéa imposerait le renouvellement de leur agrément, ce qui n'est ni nécessaire ni souhaitable.

L'initiative des contrôles
Le premier alinéa de l'article prévoit que les contrôles seront diligentés par le ministre et qu'ils pourront également être demandés par les fédérations, ce qui n'introduit aucun changement par rapport à la situation actuelle. Il convient, en outre, de rappeler que le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage sera tenu informé des opérations de mise en place des contrôles anti-dopage.

II. Position de la commission

En fonction des considérations qui précèdent, votre commission a adopté à cet article un amendement proposant une nouvelle rédaction du troisième alinéa de cet article, afin de permettre aux agents et médecins agréés au titre de la loi de 1989 d'exercer pendant un an, au bénéfice de cet agrément, les missions relevant de la nouvelle loi, mais sans imposer pour autant le renouvellement de l'agrément des vétérinaires et des agents qui continueront de remplir les missions de contrôle antidopage des animaux prévues par la loi de 1989 modifiée.
Article 14

Contrôles anti-dopage

I. Commentaire du texte du projet de loi

Cet article organise le déroulement des contrôles antidopage et détermine les conditions dans lesquelles les sportifs sont tenus de se soumettre à des examens cliniques et biologiques dont la nature et les modalités sont prévues par décret en Conseil d'Etat, sous peine des sanctions prévues aux articles 17 et 18 du projet de loi. Il n'introduit guère d'innovations par rapport aux textes en vigueur (article 8 de la loi de 1989 et décret n° 91-837 du 30 août 1991) ; il précise toutefois que les médecins contrôleurs pourront convoquer les sportifs licenciés aux fins de pratiquer les examens et prélèvements prévus.

Comme le prévoient déjà les textes en vigueur, les médecins contrôleurs pourront se faire assister, à leur demande, par un membre délégué de la fédération sportive compétente.

L'établissement de procès-verbaux de contrôle, qui n'était prévu que par le décret, est désormais mentionné par la loi. Les procès-verbaux seront transmis au ministre, à la fédération compétente et au Conseil de prévention et de lutte contre le dopage, un double étant remis aux intéressés.

II. Position de la commission

Votre rapporteur tient à souligner que les conditions parfois peu satisfaisantes dans lesquelles se déroulent ces contrôles, du fait notamment de l'insuffisance des moyens qui leur sont consacrés, servent souvent de prétexte à des contestations portant sur la procédure suivie ou sur les résultats du contrôle. Il convient donc, pour éviter tout risque de procédures dilatoires et pour faciliter le déroulement des contrôles, que des efforts soient consentis par l'administration et par les fédérations pour améliorer leur organisation (locaux, personnel, etc...).

Au bénéfice de ces observations, votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 15

Perquisitions

I. Commentaire du texte du projet de loi

Cet article prévoit que les médecins et agents chargés des contrôles ont un droit d'accès à tous les " lieux, locaux, enceintes, installations ou établissements " où se déroulent les compétitions organisées ou agréées par les fédérations sportives, ou les entraînements y préparant. Ils pourront aussi, ce qui constitue une innovation par rapport à la loi de 1989, visiter les installations sportives privées mentionnées à l'article 47 de la loi de 1984, qui peuvent également être fréquentées par des sportifs s'entraînant à des compétitions -et qui sont aussi, parfois, le siège de trafics de produits dopants.

Les conditions dans lesquelles devra s'exercer ce droit de visite sont conformes aux conditions définies par la décision du Conseil constitutionnel n° 90-281 DC du 27 décembre 1990. Elles comportent :

- une obligation d'information préalable du procureur de la République, qui pourra s'opposer à la visite prévue et sera immédiatement avisé de la découverte éventuelle d'infractions ;

- l'interdiction d'accéder à des domiciles privés ou aux parties des locaux visités servant de domicile ;

- une limitation des horaires des visites (entre 6 et 21 heures), cette limitation n'étant toutefois pas applicable dès lors que les locaux sont ouverts au public ou qu'il s'y déroule une compétition ou un entraînement.

Les agents et médecins agréés effectuant la visite pourront demander communication de toute pièce ou document utile, entendre les personnes et recueillir sur place ou sur convocation les informations nécessaires à l'accomplissement de leur mission, les médecins agréés pouvant seuls recueillir les informations nominatives à caractère médical.

II. Position de la commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 16

Saisies

I. Commentaire du texte du projet de loi

Cet article précise les conditions dans lesquelles les personnes agréées pourront procéder, dans les locaux où ils perquisitionneront, à des saisies d'objets ou de documents se rapportant aux infractions qu'ils ont compétence pour rechercher et constater.

Compte tenu de la nature pénale de certaines de ces infractions, les pouvoirs de saisie des contrôleurs sont strictement encadrés :

- les agents ne pourront se faire ouvrir les locaux ou meubles contenant les objets et documents et les saisir que sur ordonnance du président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel le contrôle est effectué, ou du magistrat délégué par lui ;

- la visite et la saisie s'effectuent sous le contrôle du juge, qui peut y assister et y mettre fin à tout moment ;

- les droits de la défense doivent être respectés : l'ordonnance est notifiée sur place au responsable des lieux visités, les objets et documents saisis sont inventoriés en sa présence, et cet inventaire annexé au procès verbal de la visite, dont une copie lui est remise.

Le dernier alinéa de l'article prévoit que les agents et médecins agréés pourront également constater les infractions aux dispositions de l'article 19 du projet de loi (sanctions pénales), c'est-à-dire le non respect des peines complémentaires prévues par cet article (fermeture des établissements ou de l'entreprise ayant servi à commettre l'infraction et appartenant à la personne condamnée, interdictions d'activité professionnelle ou sociale...).

II. Position de la commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Section 4

Des sanctions administratives
Article 17

Exercice par les fédérations de leur compétence disciplinaire

I. Commentaire du texte du projet de loi

Le premier alinéa de cet article innove en faisant obligation aux fédérations agréées, en cas d'infraction aux dispositions des articles 11 et 12 du projet de loi, d'engager des poursuites contre leurs licenciés -ce qu'on ne peut qu'approuver- mais aussi contre les membres, même non licenciés, des groupements qui leur sont affiliés -ce qui n'est en revanche pas concevable car de telles poursuites excéderaient les limites de leur pouvoir disciplinaire.

Le deuxième alinéa de l'article, qui innove beaucoup moins car il reprend les dispositions du deuxième alinéa de l'article 16 de la loi de 1989, leur impose à cet effet d'inclure dans leur règlement des dispositions définies par décret en Conseil d'Etat (elles sont actuellement prévues par le décret n° 92-381 du 1er avril 1992) relatives aux contrôles antidopage, aux procédures disciplinaires et aux sanctions applicables.

Le troisième alinéa -de nature réglementaire- précise les délais dans lesquels les organes disciplinaires des fédérations doivent se prononcer :

- en première instance, ce délai est de trois mois à compter du jour de la transmission du procès verbal constatant l'infraction, comme le prévoit déjà le premier alinéa de l'article 21 du décret précité du 1er avril 1992. Toutefois, ce délai ne pourra plus, semble-t-il, être prolongé de 10 jours en cas de demande de report de l'affaire ;

- si l'organe disciplinaire de première instance n'a pas statué dans le délai fixé, le dossier est transmis à l'instance d'appel ; comme le prévoit déjà le décret en vigueur, en effet, les instances disciplinaires d'appel des fédérations sportives ne sont pas saisies seulement par voie d'appel, mais également en cas de carence de l'organe de première instance ;

- l'organe d'appel devra en tout état de cause statuer dans un délai maximum de 5 mois à compter de la date de transmission du procès verbal d'infraction, ce qui correspond à un raccourcissement d'un mois du délai de 6 mois actuellement prévu (article 23 du décret du 1er avril 1992).

Le quatrième alinéa de l'article prévoit que la sanction disciplinaire maximale prononcée par les fédérations pourra être l'interdiction définitive de participer aux compétitions et manifestations sportives qu'elles organisent ou qu'elles agréent, disposition qui ne peut donc viser que les sportifs (actuellement passibles d'une sanction maximale de radiation, aux termes des articles 23, 29 et 30 du décret précité).

Les autres licenciés reconnus coupables des faits visés à l'article 12 de la loi (médecins licenciés, entraîneurs, membres de l'encadrement) continueront donc d'encourir des peines de suspension et une peine maximale de radiation.

Enfin, afin d'abréger les procédures, le cinquième et dernier alinéa de l'article dispose que les sanctions disciplinaires prononcées par les fédérations délégataires ne donneront pas lieu à la procédure de conciliation devant le CNOSF (en principe obligatoire) prévue par l'article 19 de la loi de 1984. Les sanctions disciplinaires rendues par les fédérations délégataires pourront donc, si le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage ne décide pas de s'en saisir pour les réformer, faire directement l'objet d'un recours contentieux devant le juge administratif.

II. Position de la commission

Votre commission a adopté trois amendements à cet article :

•  le premier de ces amendements tend à prévoir, au premier alinéa de l'article, que les fédérations ne pourront intenter des poursuites disciplinaires à l'encontre des membres de groupement affiliés que lorsque ces derniers seront licenciés.

L'extension de leur compétence disciplinaire aux membres non licenciés de ces groupements excéderait en effet, comme on l'a indiqué, les compétences disciplinaires dont elles disposent en application des dispositions du quatrième alinéa de l'article 16 de la loi de 1984 et qui sont limitées à leurs adhérents (licenciés ou groupements), conformément d'ailleurs aux règles générales applicables à toutes les associations.

• le deuxième amendement répare, au premier alinéa, une omission de référence au II de l'article 14 (refus de se soumettre aux contrôles).

• le troisième amendement est purement rédactionnel.
Article 18

Pouvoirs de sanction du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage

Cet article définit les conditions dans lesquelles le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage peut exercer un pouvoir de sanction.

Le paragraphe I de l'article prévoit que le Conseil est saisi d'office en cas de carence des fédérations à statuer dans les délais prévus à l'article 17.

Il peut, également d'office, réformer dans un délai de deux mois une sanction fédérale qu'il n'estime pas appropriée. Cette dernière disposition pourra poser un problème délicat.

La procédure de " réformation d'office " de la sanction fédérale ne saurait en effet se dérouler concurremment avec l'introduction par le sportif sanctionné d'un recours devant le juge compétent (c'est-à-dire le juge administratif si la sanction émane d'une fédération délégataire, et, dans les autres cas, le juge judiciaire). Si le Conseil se saisit, le sportif sanctionné devrait donc attendre que sa décision intervienne avant de la déférer, éventuellement, au Conseil d'Etat.

Mais comment saura-t-il si le Conseil se saisit ou non ? Et si aucune décision n'intervient dans le délai de deux mois, faudra-t-il considérer que le Conseil ne s'est pas saisi -mais alors le requérant sera forclos- ou qu'il a tacitement décidé de ne pas modifier la sanction fédérale, décision tacite qui pourrait alors être déférée au Conseil d'Etat  ?

Il paraît indispensable de lever ces incertitudes -les voies de recours contre les décisions disciplinaires fédérales sont en effet déjà assez compliquées comme cela pour les justiciables- et de prévoir que le Conseil disposera, pour se saisir aux fins de réformation d'une sanction fédérale, d'un délai qui devra être suffisamment court pour ne pas retarder à l'excès ni compromettre un éventuel recours contentieux. Ce délai n'a d'ailleurs pas besoin d'être long, car le Conseil, compte tenu des informations dont il disposera, pourra juger immédiatement si la sanction est " inappropriée ". Passé ce délai, si le Conseil ne s'est pas saisi, la personne sanctionnée pourra aller devant le juge, et, s'il se saisit, elle pourra, le cas échéant, saisir le Conseil d'Etat de sa décision. Votre commission vous proposera donc de prévoir que le Conseil disposera d'un délai de 8 jours pour se saisir d'une sanction fédérale.

• L'architecture du paragraphe II de l'article est composite :

- les trois premiers alinéas énoncent les sanctions que le Conseil peut prononcer à l'égard des sportifs dans les cas visés au I (interdiction provisoire ou définitive de participer aux épreuves organisées ou agréées par les fédérations) ou à l'égard des personnes participant à l'organisation ou l'encadrement d'une manifestation, ou de l'entraînement y préparant (interdiction temporaire ou définitive de telles participations, ou d'exercer une profession d'éducateur sportif). Les sanctions doivent être prononcées à l'issue d'une procédure contradictoire, précision superfétatoire puisque le IV de l'article impose que les sanctions prises par le Conseil le soient dans le respect des droits de la défense.

- le quatrième alinéa dispose que le Conseil statue dans le délai de trois mois à compter de sa saisine -disposition dont on doit donc penser qu'elle ne s'applique pas dans le cas de la réformation des sanctions des fédérations, qui doit être prononcée, comme on l'a déjà mentionné, dans un délai de deux mois.

- le cinquième alinéa prévoit que " dans tous les cas les mesures prononcées se substituent aux sanctions éventuellement appliquées par les fédérations sportives " : la portée de cette disposition est incertaine puisque, selon les cas prévus, soit la fédération compétente n'aura pris aucune sanction, soit, si elle en a prononcé une, le Conseil n'interviendra que pour la réformer ou pour l'étendre aux activités pratiquées dans le cadre d'autres fédérations. Il n'y a donc aucun risque qu'une sanction administrative prononcée par le Conseil puisse être considérée comme cumulable avec une sanction disciplinaire prononcée par une fédération.

- enfin, le sixième alinéa donne au Conseil compétence pour étendre la sanction disciplinaire prononcée par une fédération aux activités de l'intéressé relevant des autres fédérations. Cette extension peut être décidée d'office par le Conseil ou sur demande de la fédération qui a pris la sanction.

Le paragraphe III de l'article donne compétence au Conseil pour sanctionner les sportifs non-licenciés : en effet, ces derniers ne relèvent pas, par définition, de la compétence disciplinaire des fédérations.

Le second alinéa du même paragraphe précise que, dans ce cas, les peines applicables sont celles prévues au II, et que le Conseil statue dans un délai de cinq mois -dont le point de départ n'est pas précisé, mais ne peut être que la date de transmission au Conseil du procès verbal d'infraction.

Le paragraphe IV précise que les sanctions administratives intervenant " au titre de la présente loi " (il faut sans doute lire " au titre du présent article ") sont prises dans le respect des droits de la défense. Il précise également qu'elles doivent être motivées et notifiées aux intéressés mais ces précisions sont inutiles : toute décision administrative doit être motivée (et toute sanction au titre du respect des droits de la défense). Quant à la notification de la décision, elle constitue le point de départ du délai de recours.

•  Enfin, le paragraphe V prévoit que les décisions du Conseil peuvent faire l'objet d'un recours de pleine juridiction devant le Conseil d'Etat. Ce choix se justifie par l'étendue du contrôle qu'il permet : le recours pour excès de pouvoir limite en effet le contrôle du juge à l'erreur manifeste d'appréciation dans le choix de la sanction, alors que le recours de pleine juridiction permet le contrôle de l'adéquation entre la gravité de la sanction et celle de l'infraction, et permet aussi au juge de réformer la sanction infligée.



II. Position de la commission

Votre commission a adopté un amendement proposant une nouvelle rédaction de cet article.

Cet amendement répond d'abord à des considérations de forme : il a en effet paru souhaitable à votre commission d'alléger la rédaction de cet article et d'en regrouper les dispositions en quatre paragraphes relatifs respectivement à la compétence du Conseil et aux modalités de sa saisine (I), aux délais dans lesquels il statue (II), aux sanctions qu'il peut prononcer -dans le respect des droits de la défense (III), et aux voies de recours contre ses décisions (IV).

Il comporte aussi quelques modifications de fonds :
- il précise -compte tenu des observations formulées ci-dessus- que le Conseil dispose d'un délai de 8 jours pour se saisir d'une sanction fédérale en vue de sa réformation ;

- il précise les conditions de saisine du Conseil ;

- il unifie à trois mois la durée du délai dont le Conseil dispose pour statuer, et précise en tant que de besoin le point de départ de ce délai ;

- il précise que le Conseil peut sanctionner les sportifs non seulement pour fait de dopage, mais aussi pour refus de se soumettre aux contrôles, et qu'il ne peut sanctionner, pour les fautes définies à l'article 12, que des licenciés.
Section 5

Des sanctions pénales
Article 19

Sanctions pénales

I. Commentaire du texte du projet de loi

1. Les délits passibles de sanctions pénales

Le projet de loi ne remet pas en cause le choix opéré par la loi de 1989, qui avait dépénalisé les faits de dopage. Les délits définis et sanctionnés à cet article ne concernent donc que :

- l'entrave aux missions de contrôle, de recherche et de constatation des infractions dont sont chargés les agents et médecins agréés (paragraphe I de l'article) ;

- tous les agissements des pourvoyeurs de produits dopants (prescription illégale, offre, cession, administration ou application de produits dopants à des sportifs participant ou se préparant à des compétitions), y compris l'incitation au dopage et la facilitation de l'usage de produits dopants (paragraphe II).

Bien entendu, si les sportifs ne peuvent être pénalement poursuivis pour s'être dopés, ils s'exposent en revanche à des sanctions pénales, au même titre que toute autre personne, s'ils s'opposent à un contrôle ou s'ils fournissent des produits dopants à d'autres sportifs participant ou se préparant à des compétitions.

Le paragraphe III de l'article 19 prévoit que la tentative des délits définis à cet article est punissable des mêmes peines.

2. Les circonstances aggravantes

La commission des délits prévus au II en bande organisée ou à l'égard de mineurs entraîne une forte aggravation des peines prévues.

3. Les sanctions encourues

L'article 19 du projet de loi procède à une refonte complète des peines prévues par la loi de 1989.

Le quantum des peines est modifié :

- les peines encourues pour le délit d'entrave aux contrôles sont ramenées à 6 mois d'emprisonnement et 50.000 F d'amende ;

- les peines frappant les pourvoyeurs sont nettement relevées : elles sont portées à 5 ans d'emprisonnement et 500.000 F d'amende ;

- les peines encourues en cas de circonstances aggravantes sont portées à 7 ans d'emprisonnement et 1 million de francs d'amende.

Les peines principales encourues par les pourvoyeurs de produits dopants pourront être assorties de peines complémentaires : confiscation des biens ayant servi à la commission de l'infraction, affichage ou diffusion de la décision prononcée, fermeture de l'entreprise ayant servi à commettre l'infraction, interdiction de l'exercice d'activités professionnelles ou sociales, interdiction d'exercice d'une fonction publique.

Conformément à l'article 131-11 du code pénal, ces peines complémentaires pourront également être prononcées à titre de peines principales.

•  L'article 19 du projet de loi prévoit enfin que les personnes morales pourront être déclarées pénalement responsables , dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, des infractions qu'il définit, les personnes morales encourant des peines d'amende d'un montant quintuple de celui prévu pour les personnes physiques. Dans le cas des délits liés à la fourniture de produits dopants, elles encourront également des peines complémentaires.



II. Position de la commission

Votre commission a adopté deux amendements à cet article :

•  le premier tend à punir des mêmes peines que le délit d'entrave aux contrôles (6 mois de prison et 50.000 F d'amende) le fait d'enfreindre les décisions d'interdictions prononcées, à titre de sanction, par le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage ;

•  le second a pour objet, pour améliorer la clarté du texte, de définir la prescription illégale de produits dopants par référence aux dispositions de l'article 5 du projet de loi, et non à celles de l'article 12 qui renvoient à ces dispositions.
Article 20

Exercice par le CNOSF et les fédérations des droits
reconnus à la partie civile

I. Commentaire du texte du projet de loi

Cet article dispose que pourront exercer les droits reconnus à la partie civile, en ce qui concerne les infractions définies à l'article 19 :

- le comité national olympique et sportif français, pour les infractions commises à l'occasion des compétitions dont il a la charge ;

- les fédérations agréées, chacune pour ce qui la concerne, sauf si l'auteur de l'infraction relève de leur pouvoir disciplinaire.

Le Conseil constitutionnel a en effet considéré (décision n° 89-260 DC du 28 juillet 1989) qu'il était contraire aux droits de la défense qu'une autorité investie d'un pouvoir de sanction puisse concurremment, à l'égard de la même personne et s'agissant des mêmes faits, se constituer partie civile et user de tous les droits afférents à cette qualité sans pour autant justifier d'un intérêt distinct de l'intérêt général.

II. Position de la commission

Votre commission a adopté cet article sans modification.

TITRE III

DISPOSITIONS DIVERSES
Article 21

Modalités d'application

I. Commentaire du texte du projet de loi

Cet article comporte trois alinéas :

- le premier dispose que les modalités d'application de la loi seront fixées par décret en Conseil d'Etat -l'intervention de décrets en Conseil d'Etat étant par ailleurs prévue aux articles 6, 13, 14 et 17 du projet de loi.

- le deuxième alinéa fait obligation aux fédérations agréées d'inscrire dans leur règlement les dispositions définies aux articles 6 (dispositions relatives aux modalités de la surveillance médicale des sportifs de haut niveau) et 17 (dispositions relatives aux contrôles et aux procédures disciplinaires).

- le troisième alinéa prévoit que les fédérations agréées perdront le bénéfice de cet agrément (auquel sont subordonnés les concours financiers et en personnel de l'Etat) si elles n'ont pas mis leur règlement en conformité avec le décret en conseil d'Etat prévu à l'article 17 dans le délai d'un an à compter de la publication de cet article. Votre rapporteur se félicite de cette disposition. Il rappellera cependant qu'une disposition analogue figurait à l'article 16 de la loi de 1989 et que, le décret en question n'ayant été publié qu'en avril 1992, son application a été retardée jusqu'en avril 1993, soit près de quatre ans après l'adoption de la loi. Il espère donc vivement que l'intervention du décret auquel fait référence cet alinéa ne sera pas aussi longtemps attendue.

II. Position de la commission

Votre commission a adopté un amendement de suppression du deuxième alinéa de cet article.

Cet amendement est, d'une part, la conséquence des amendements qu'elle a adoptés à l'article 6 et qui tendent à renvoyer à un arrêté conjoint des ministres chargés des sports et de la santé la définition des modalités du suivi médical des sportifs de haut niveau.

D'autre part, il paraît inutile de prévoir à cet alinéa que les fédérations sont obligées d'intégrer dans leurs règlements les dispositions relatives aux contrôles et aux procédures disciplinaires définies à l'article 17, cette obligation figurant déjà au deuxième alinéa de l'article 17, et étant de surcroît rappelée -et sanctionnée- au troisième alinéa du présent article.

Article 22

Restriction du champ d'application de la loi du 28 juin 1989
à la lutte contre le dopage des animaux

I. Commentaire du texte du projet de loi

Cet article procède à un " découpage " de la loi du 28 juin 1989 destiné à en limiter le champ d'application à la prévention et à la répression du dopage des animaux participant à des compétitions sportives.

Votre rapporteur a déjà exposé dans le présent rapport les inconvénients de ce singulier procédé : il n'y reviendra donc pas ici.

II. Position de la commission

Votre commission a adopté à cet article un amendement tendant à " réécrire la réécriture " de la loi de 1989.

Cet amendement se justifie à la fois par des considérations de forme et de présentation technique du texte et par des considérations de fond.

Les modifications de forme opérées par l'amendement n'appellent pas de commentaires détaillés. On signalera simplement, à ce titre, qu'il était nécessaire de supprimer les dispositions de l'article modifiant des dispositions abrogées (troisième alinéa de l'article 3) ou tendant à apporter aux dispositions pénales du texte des modifications déjà réalisées en application de la loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992 relative à l'entrée en vigueur du nouveau code pénal (suppression des minima des peines, remplacement des références à l'article 378 de l'ancien code pénal par des références aux articles 226-13 et 226-14 du nouveau code pénal).

Quant au fond , votre commission a estimé :
- qu'il convenait d'adapter l'intitulé de la loi de 1989 à son nouveau champ d'application ;

- qu'il convenait aussi, par symétrie avec la dénomination du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage, que la " commission nationale de lutte contre le dopage des animaux " soit plus simplement dénommée " commission de lutte contre le dopage des animaux " ;

- qu'il était inutile de prévoir dans la loi que la politique de lutte contre le dopage des animaux comporte un volet de prévention, d'autant que cette prévention ne saurait à l'évidence revêtir la même importance ni comporter les mêmes actions que la prévention du dopage des sportifs ;

- qu'il était également inutile de prévoir la consultation par le ministre des sports de la commission de lutte contre le dopage des animaux sur les projets de textes législatifs et réglementaires concernant le dopage des animaux ;

- qu'il était superflu de prévoir dans la loi que la commission de lutte contre le dopage des animaux puisse collaborer avec le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage, cette collaboration, à supposer qu'elle soit nécessaire, pouvant fort bien s'organiser sans texte ;

- qu'il convenait de réécrire entièrement les dispositions pénales de l'article 14 ;

- qu'il convenait aussi de modifier en fonction de la décision n° 89-260 DC précitée du Conseil constitutionnel l'article 15 de la loi ;

- qu'il convenait, enfin, d'abroger le troisième alinéa de l'article 16 dont les dispositions n'étaient applicables que pendant un an suivant la publication du décret qu'il prévoit (soit jusqu'en août 1993).
Article 23

Abrogation de l'article 35 de la loi du 16 juillet 1984 relative à
l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives

I. Commentaire du texte du projet de loi

Cet article abroge l'article 35 de la loi du 16 juillet 1984, qui figure dans le chapitre de cette loi relatif à la surveillance médicale des sportifs. Le premier alinéa de cet article prévoit que, lors de la délivrance de la première licence sportive, il est remis à chaque licencié -ou à son représentant légal- un livret sportif individuel ne contenant que des informations sportives et médicales. Son second alinéa subordonne la participation des sportifs aux compétitions organisées par les fédérations à la présentation d'un certificat médical de non contre-indication.

II. Position de la commission

Votre commission a adopté un amendement proposant une nouvelle rédaction de cet article et tendant à maintenir en vigueur le premier alinéa de l'article 35. Pour les raisons déjà exposées dans le présent rapport, elle estime en effet qu'il n'y a pas lieu de revenir sur les dispositions de cet alinéa au seul motif qu'elles n'ont jusqu'à présent pas été appliquées.

Article additionnel après l'article 23

Déclaration préalable des manifestations publiques de sports de combat
ou d'arts martiaux ne relevant pas d'une fédération sportive agréée

On assiste depuis quelque temps au développement de disciplines de sports de combats ou d'arts martiaux souvent extrêmement violents (" kick boxing ", boxe américaine, boxe thaï, " full contact "), et qui ne relèvent d'aucune fédération sportive : sur plus de 160 disciplines de sport de combats et d'arts martiaux actuellement pratiquées, une douzaine seulement sont organisées dans le cadre de fédérations.

Or, certaines de ces nouvelles disciplines donnent lieu à l'organisation de manifestations qui ne sont soumises à aucune règle, et notamment à des " combats extrêmes " d'une inadmissible violence, aussi dégradants que dangereux pour la santé et l'intégrité physique des participants et qui flattent les plus bas instincts du public.

De surcroît, la violence de ces combats constitue une puissante incitation à l'usage de produits dopants.

Pour mettre un terme à ces dérives, votre commission vous propose d'insérer dans la loi du 16 juillet 1984 un article additionnel soumettant à déclaration préalable l'organisation des manifestations de sports de combats ou d'arts martiaux ne relevant pas d'une fédération agréée, et permettant à l'autorité administrative d'interdire la tenue de ces manifestations si elles présentent des risques d'atteinte à la dignité, à la santé ou à l'intégrité physique des sportifs qui y participent.

Cet article prévoit de sanctionner le défaut de déclaration, ou la violation d'une décision d'interdiction, des mêmes peines que celles déjà prévues par la loi de 1984 pour sanctionner des infractions de même nature, et dont il convient de rappeler qu'elles permettent la comparution immédiate des personnes poursuivies.

*

* *

Sous réserve de l'adoption des amendements qu'elle vous propose, votre commission demande au Sénat d'adopter le présent projet de loi.

*

* *

EXAMEN EN COMMISSION

La commission a examiné le projet de loi n° 416 (1997-1998) relatif à la protection de la santé des sportifs et à la lutte contre le dopage au cours d'une réunion tenue le 20 mai 1998 sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.

Un débat a suivi l'exposé du rapporteur.

M. Franck Sérusclat a interrogé le rapporteur sur les substances stupéfiantes utilisées comme produits dopants et s'est inquiété du développement du trafic de spécialités de pharmacie vétérinaire utilisées à des fins de dopage. S'étonnant de la variété des disciplines sportives dans lesquelles avaient été constatés des cas de dopage, il s'est interrogé sur les causes du recours au dopage dans des sports qui n'exigent pas le développement de la résistance physique et de la force musculaire des athlètes. Il a regretté que les informations publiées, notamment dans le dictionnaire Vidal, sur la liste des substances dopantes et des spécialités en contenant, ne comportent pas d'indication sur les risques liés à leur usage et s'est par ailleurs demandé si ces informations ne pourraient pas aussi constituer dans certains cas une incitation au dopage. Il a enfin dit partager l'analyse du rapporteur sur l'intérêt de la création du Conseil de prévention et de lutte contre le dopage.

M. Jean Bernard , répondant à M. Franck Sérusclat, a remarqué que le dopage pouvait aussi être utilisé pour augmenter la capacité de résistance au stress des athlètes. A propos du rôle des fédérations en matière de protection de la santé des sportifs, il a jugé nécessaire de renforcer les contrôles médicaux exigés avant d'autoriser de jeunes sportifs à participer à des épreuves relevant de catégories d'âges supérieures, ces " surclassements " pouvant leur imposer des efforts excessifs qui d'ailleurs nuisent souvent à la suite de leur carrière sportive. Il a enfin évoqué les problèmes que peut poser la prescription de produits considérés comme dopants, et a insisté sur la nécessité de préciser les conditions de la compatibilité de ces traitements avec la pratique sportive.

Mme Hélène Luc a voulu savoir pourquoi le rapporteur ne jugeait pas indispensable une réécriture complète de la loi de 1989. Elle s'est félicitée que le projet de loi laisse aux fédérations sportives leurs compétences en matière de prévention et de sanction du dopage, soulignant que la lutte contre le dopage ne pourrait progresser sans la participation active des sportifs qui sont les premiers intéressés à la sauvegarde de l'éthique du sport.

Reprenant la parole, M. Jean Bernard s'est demandé si toutes les fédérations sportives auraient la volonté d'appliquer des sanctions et si le Conseil de prévention et de lutte contre le dopage serait compétent pour veiller à cette application.

En réponse aux intervenants, le rapporteur a notamment apporté les précisions suivantes :

- un grand nombre de substances dont l'usage est interdit en application de la législation antidopage figurent également dans le classement des stupéfiants ;

- le trafic de médicaments vétérinaires est effectivement, comme le trafic de spécialités pharmaceutiques à usage humain, une des formes que peut revêtir le trafic de produits dopants, et des médicaments vétérinaires ont été découverts lors de saisies de produits dopants ;

- le dopage n'a pas toujours pour finalité le développement des capacités physiques, comme l'indique d'ailleurs sa définition légale, qui vise l'usage de substances ou procédés " de nature à modifier les capacités ". La prise de substances destinées à diminuer le stress, ou à favoriser la précision des mouvements fait donc partie des actes de dopage réprimés par la loi ;

- il est vrai que la diffusion d'informations sur les substances dopantes et les spécialités qui en contiennent peut être " à double tranchant ". Il convient aussi, cependant, d'informer les sportifs et de les protéger contre le risque de se retrouver, à leur insu, en infraction ;

- il serait sans doute souhaitable de renforcer le contrôle des " surclassements " par la consultation systématique d'un médecin du sport, dont l'intervention n'est actuellement exigée qu'en cas de double surclassement ;

- le renforcement de la prévention du dopage et de la surveillance médicale des sportifs est une priorité que personne ne conteste, mais il n'était peut être pas indispensable, pour y parvenir, que le projet de loi reprenne un certain nombre de dispositions déjà en vigueur et qui sont souvent de nature réglementaire ;

- il est tout à fait indispensable que le mouvement sportif participe activement à la lutte contre le dopage -ce qu'il fait d'ailleurs dans tous les pays- aussi bien au niveau de la prévention que de la sanction du dopage. Comme l'avait souligné devant la commission M. Henri Serandour, président du CNOSF, il y a sans doute des fédérations qui préféreraient être déchargées de ce problème : mais cette mission fait partie de leurs responsabilités vis-à-vis des sportifs qu'elles forment et de l'éthique sportive, et ne peut par ailleurs être dissociée des missions de service public que leur confie la loi.

La commission a ensuite procédé à l'examen des articles au cours duquel sont intervenus, outre le rapporteur et le Président Adrien Gouteyron , MM. Jean Bernard , James Bordas , Jean Delaneau , Jacques Legendre , Mme Hélène Luc , MM. André Maman , Lylian Payet et Franck Sérusclat .

Après avoir adopté les amendements proposés par son rapporteur, la commission a adopté le projet de loi ainsi modifié.

*

* *

TABLEAU COMPARATIF
ANNEXE :


Etude d'impact du projet de loi




1 Etude BVA - L'Equipe magazine, publiée dans l'Equipe Magazine - n° 808, 27 septembre 1997, sondage CSA réalisé en décembre 1997 à la demande du ministère de la jeunesse et des sports.

2 : " De la sécurité juridique " Rapport public 1991. On notera que la circulaire du Premier ministre relative à l'organisation du travail gouvernemental du 6 juin 1998 stigmatise également l'inclusion dans les lois de " dispositions sans contenu normatif n'ayant leur place que dans les exposés des motifs ou les débats ".

3 : circulaire du Premier ministre du 25 mai 1988 relative à la méthode de travail du gouvernement

4 Il s'agit de la convention du Conseil de l'Europe contre le dopage, dont l'approbation par la France a été autorisée par une loi du 21 décembre 1990, qui est entrée en vigueur en mars 1991, et qui tend à favoriser la coopération des Etats parties " en vue de réduire et, à terme, d'éliminer le dopage dans le sport " (préambule de la convention)

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page