Projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, adopté par l'Assemblée nationale,

DESCOURS (Charles)

RAPPORT 58 (98-99), Tome I - COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Table des matières




N° 58

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 10 novembre 1998

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME I

ÉQUILIBRES FINANCIERS GÉNÉRAUX

ET ASSURANCE MALADIE


Par M. Charles DESCOURS,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean Delaneau, président ; Jacques Bimbenet, Louis Boyer, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Jean-Louis Lorrain, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Annick Bocandé, MM. Charles Descours, Alain Gournac, Roland Huguet, secrétaires ; Henri d'Attilio, François Autain, Paul Blanc, Mme Nicole Borvo, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Jean Chérioux, Philippe Darniche, Christian Demuynck, Claude Domeizel, Jacques Dominati, Michel Esneu, Alfred Foy, Serge Franchis, Francis Giraud, Claude Huriet, André Jourdain, Philippe Labeyrie, Dominique Larifla, Henri Le Breton, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Simon Loueckhote, Jacques Machet, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Philippe Nogrix, Mme Nelly Olin, MM. Lylian Payet, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vezinhet, Guy Vissac.

Voir les numéros :

Assemblée nationale
( 11 ème législ.) : 1106 , 1147 , 1148 et T.A. 192 .

Sénat : 50 et 56 (1998-1999).


Sécurité sociale.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DE MME MARTINE AUBRY,
MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE LA SOLIDARITÉ
ET DE M. BERNARD KOUCHNER,
SECRÉTAIRE D'ÉTAT À LA SANTÉ

Le mercredi 4 novembre 1998 , sous la présidence de M. Jean Delaneau , président , la commission a procédé à l'audition de Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi sur la solidarité sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité,
a estimé que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 s'organisait autour de l'objectif du retour à l'équilibre du régime général après des déficits de 53 milliards de francs en 1996, de 33 milliards de francs en 1997 et de 13 milliards de francs en 1998.

Elle a estimé que l'équilibre financier était le meilleur gage de pérennité de la sécurité sociale et qu'il était atteint sans prélèvement nouveau, ni suppression de remboursement. Elle a affirmé que ce retour à l'équilibre pouvait s'expliquer, pour un quart, par la croissance et, pour les trois quarts restants, par des mesures structurelles de redressement prises l'an dernier.

Elle a ensuite abordé la branche de l'assurance maladie. Elle a précisé que la croissance de l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (ONDAM) serait fixée à 2,6 % pour 1999, soit un taux supérieur à l'objectif de 2,27 % pour 1998 et de 1,7 % pour 1997.

Elle a estimé qu'un tel taux était nécessaire, à la fois pour mettre en oeuvre les programmes de santé publique et pour respecter l'accord salarial de la fonction publique. Mais elle a considéré que ce taux était également rigoureux rappelant que la croissance de l'économie française serait de 3,8 % en 1999. Elle a affirmé que cette évolution modérée était nécessaire pour aboutir à une meilleure allocation des dépenses. Elle a également rappelé qu'un projet de loi sur la couverture maladie universelle serait déposé dans quelques semaines au Parlement.

Elle a fait part de sa conviction que l'équilibre de la branche maladie ne pourrait être assuré que grâce à des réformes structurelles, soulignant parallèlement le fait que ces réformes prenaient du temps à être mises en oeuvre dans la mesure où elles nécessitaient un large débat avec l'ensemble des acteurs de santé.

Elle a rappelé que de nombreux accords avaient été signés depuis le début de l'année avec les professionnels de la santé : médecins généralistes, industries pharmaceutiques, pharmaciens, internes. Elle a également affirmé qu'une négociation était en cours avec le personnel hospitalier.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité , a déclaré que ces réformes structurelles ne relevaient pas d'une logique partisane, mais d'une démarche pragmatique, précisant qu'elle entendait conserver les volets les plus positifs des réformes précédentes et compléter les lacunes des dispositifs existants.

Elle a rappelé que plusieurs réformes avaient été engagées avec succès depuis un an. Elle a ainsi souligné que l'informatisation avait été relancée en constatant qu'aujourd'hui 50 % des médecins étaient informatisés, contre 30 % seulement il y a un an.

Concernant la démographie médicale, elle a indiqué qu'un accord avait été signé avec les représentants des internes de médecine et que le projet de loi proposait une réforme du mécanisme d'incitation à la cessation anticipée des médecins en le recentrant sur les régions ou les spécialités excédentaires.

Elle a également estimé qu'il était nécessaire de donner une base légale aux réseaux de soins et aux filières organisées autour d'un médecin généraliste choisi par le patient, jugeant qu'une telle réforme permettrait notamment d'éviter les doubles emplois et une meilleure prise en charge du malade.

Elle a précisé que la réforme de la nomenclature et du codage des actes serait terminée en 2000.

S'agissant de médicaments, elle a déclaré qu'une politique de bon usage et de lutte contre la surconsommation avait été engagée. Elle a expliqué que la politique conventionnelle traditionnelle visait avant tout à maintenir des prix de manière artificielle alors que les réformes entreprises cherchaient plutôt à rendre plus cohérents les prix et les taux de remboursement en fonction de l'efficacité thérapeutique du médicament.

Rappelant que la mesure annoncée en juillet avait permis de récupérer 1,5 milliard de francs, elle a déclaré que l'accord conclu avec les laboratoires avait permis d'éviter l'institution d'une nouvelle taxe pharmaceutique.

S'agissant de l'hôpital, elle a affirmé que l'objectif du Gouvernement était d'adapter l'offre hospitalière aux besoins de la population. Elle a insisté sur son souci de rattraper les retards existants en s'engageant à un effort tout particulier sur cinq ans pour les trois régions les plus défavorisées par rapport au reste de la Nation.

Elle a également estimé que la révision des schémas régionaux d'organisation de la santé visait à assurer l'établissement de pôles de qualités technique et professionnelle dans chaque région et à garantir le maintien de services de proximité pour les maladies chroniques.

Elle a rappelé que la réduction des capacités excédentaires se poursuivait, en concertation avec les élus, avec la suppression de 2.900 lits excédentaires et avec la reconversion de 330 établissements hospitaliers.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a affirmé que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 tendait à renforcer ces évolutions structurelles.

Concernant la médecine, elle a indiqué que le projet de loi proposait de renforcer les unions régionales des médecins libéraux et de créer, au sein de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM), un fonds d'aide à la qualité des soins de ville qui serait doté de 500 millions de francs pour 1999.

S'agissant de la politique du médicament, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a indiqué que le projet de loi favoriserait l'essor des médicaments génériques moins coûteux, en instituant un droit de substitution accordé aux pharmaciens.

Elle a estimé que ces réformes de fond devraient porter leurs fruits de manière progressive jugeant par exemple que l'informatisation permettrait à la fois d'offrir une aide à la prescription et d'éviter les interactions médicamenteuses.

Elle a jugé nécessaire que, dans l'attente des résultats de sa politique structurelle, soient mises en place les clauses de régulation visant à responsabiliser les prescripteurs. Elle a souligné que cette clause consistait en un dispositif de " reversement " vers l'assurance maladie si l'objectif de dépenses était dépassé de 0,3 à 0,5 % par le prescripteur. Elle a souhaité que ce mécanisme n'ait pas à jouer grâce notamment à des rendez-vous infra-annuels entre les partenaires conventionnels et la CNAM.

S'agissant des maladies professionnelles, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a indiqué que le projet de loi cherchait à mieux garantir les droits des victimes et qu'il permettait la réouverture des dossiers liés à l'amiante.

Abordant la politique familiale, elle a rappelé que le projet de loi prenait en compte les décisions annoncées lors de la conférence de la famille, qu'il s'agisse de la suppression de la mise sous condition de ressources des allocations familiales, de l'extension de l'allocation de rentrée scolaire aux familles n'ayant qu'un enfant ou de l'ouverture du droit aux allocations familiales pour tous les jeunes dépourvus de ressources propres jusqu'à l'âge de 20 ans.

Elle a rappelé que la politique familiale se fixait trois objectifs pour 1999 : la révision de l'articulation entre vie familiale et vie professionnelle, l'amélioration de la situation des jeunes adultes et une aide aux parents qui ont des difficultés à remplir leur rôle éducatif.

Abordant la question des retraites, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a annoncé que le commissariat général du Plan avait terminé son diagnostic sur les perspectives des retraites et qu'il entrait désormais dans une phase de concertation avec les partenaires sociaux. Elle a précisé que son rapport serait rendu public avant la fin février et qu'il serait suivi d'un grand débat public.

Elle a également rappelé avoir annoncé à l'Assemblée nationale l'abrogation de la loi Thomas, indiquant que ce dispositif serait remplacé par la mise en place de fonds d'épargne à long terme qui pourraient bénéficier à tous et qui seraient gérés par les partenaires sociaux.

Elle a indiqué que le projet de loi prévoyait également la mise en place d'un fonds de réserve pour les retraites, doté de 2 milliards de francs, mais qui pourrait être abondé, à hauteur de 15 à 20 milliards de francs, grâce au transfert d'une partie des fonds des caisses d'épargne.

S'agissant des personnes âgées, Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a estimé que le projet de loi constituait une avancée sensible sur la question des aides à domicile, rappelant qu'un amendement adopté à l'Assemblée nationale permettait l'exonération à 100 % des cotisations sociales pour les associations d'aides à domicile des personnes âgées.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, a enfin estimé que la réforme du financement de la sécurité sociale devait être poursuivie. A cet égard, elle a rappelé que l'Assemblée nationale avait souhaité le dépôt d'un projet de loi avant la fin du premier trimestre 1999 sur la réforme de l'assiette des cotisations sociales des employeurs.

Elle a estimé que ce projet devrait permettre une répartition des charges plus favorables à l'emploi et elle a annoncé qu'une consultation des partenaires sociaux serait engagée dans les semaines qui viennent.

M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, s'est interrogé sur le taux d'inflation prévu pour 1999, chiffré à 1,2 % hors tabac. Il a indiqué que cette prévision lui semblait difficilement crédible dans le contexte actuel. Il a observé qu'une moindre inflation aurait des effets sur la croissance de la masse salariale en valeur. Après avoir relevé que la compensation des exonérations de charges sociales dues aux trente cinq heures serait finalement intégrale en 1999, il s'est interrogé sur le moyen, pour le Gouvernement, de remettre en cause cette compensation intégrale en cours d'année. Il a relevé que l'article 3 bis (nouveau) du projet de loi voté par l'Assemblée nationale, résultant d'un amendement du Gouvernement, remettait en cause -concernant les aides à domicile- le principe de la compensation intégrale posé par la loi du 25 juillet 1994 sur la sécurité sociale. Il a demandé à Mme Martine Aubry si la mission interministérielle portant sur la poursuite de la réforme des droits constatés avait été mise en place.

Concernant l'assurance maladie, après avoir remarqué que le mot " hôpital " n'était cité dans aucun article du projet de loi, il a fait état d'un communiqué de presse de la Fédération hospitalière de France, montrant que le total des enveloppes de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) n'atteignait pas le montant indiqué à l'article 33 du projet de loi. Il a observé que la marge de progression de l'ONDAM était très faible, du fait du dérapage des dépenses intervenu en 1998. Il a demandé si le projet de loi sur la couverture maladie universelle serait discuté avant ou après la tenue des Etats généraux de la santé. Il s'est interrogé sur la modification de l'article 25 du projet de loi, instituant une clause de sauvegarde applicable à la progression du chiffre d'affaires de l'industrie pharmaceutique, alors même que l'article 26, créant une contribution perçue sur l'industrie pharmaceutique au titre de l'année 1998, avait été retiré par le Gouvernement. Après avoir remarqué que seulement deux projets avaient été approuvés par la commission présidée par M. Raymond Soubie, il a souhaité connaître la position du Gouvernement sur les réseaux et filières de soins. Enfin, il s'est interrogé sur la pertinence de relever le numerus clausus, alors que le mécanisme d'incitation à la cessation d'activité (MICA) ne permettait pas de distinguer entre les spécialités.

M. Jacques Machet, rapporteur pour la famille , s'est interrogé sur l'utilisation des excédents prévisionnels de la branche famille sur les années 1999, 2000 et 2001. Il a demandé si ces excédents allaient servir à alimenter le fonds de réserve pour les retraites créé à l'article 2 du projet de loi. En tant que président du groupe d'étude des problèmes du veuvage, il s'est interrogé sur le réel progrès représenté par le nouvel article 29 bis, résultant d'un amendement du Gouvernement.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance vieillesse, s'est interrogé sur les autres sources de financement -en dehors des 2 milliards de francs prévus et des sommes tirées de la réforme des caisses d'épargne- du fonds de réserve pour les retraites. Il a demandé à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité de décrire les grandes lignes du projet de loi sur l'épargne-retraite, et notamment de préciser le caractère obligatoire ou non de l'adhésion à cette forme de capitalisation. Enfin, après avoir rappelé qu'il avait interrogé à ce sujet Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité le 15 octobre 1998, dans le cadre des questions d'actualité, il s'est interrogé sur les conditions d'examen par le Parlement de l'amendement de séance présenté par le Gouvernement au cours du débat à l'Assemblée nationale, modifiant profondément le cadre législatif dans lequel s'inscrit l'aide à domicile.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, répondant à M. Charles Descours, a observé que les prévisions de croissance avaient déjà été contestées lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998. Elle a indiqué que les organismes internationaux avaient retenu pour la France, en 1999, les mêmes prévisions de croissance que le Gouvernement.

Elle a rappelé que la loi du 25 juillet 1994 sur la sécurité sociale n'avait institué le principe de la compensation intégrale des exonérations de charges sociales qu'à partir de la date d'entrée en vigueur de la loi et que l'exonération de 30 % dont bénéficient actuellement les associations d'aide à domicile n'était pas compensée. Elle a indiqué que, dans le cadre de la réduction du temps de travail, les exonérations de charges sociales reposaient sur un mécanisme fondamentalement différent de celui de la ristourne dégressive, puisqu'il était possible de déterminer le nombre d'emplois créés grâce aux effets des trente-cinq heures. Après avoir estimé que les " retours " pour la sécurité sociale étaient chiffrés aux alentours de 30 %, elle a confirmé que la compensation intégrale s'appliquerait en 1999. Elle a précisé que cette compensation n'avait pas pour autant vocation à demeurer intégrale et qu'un bilan précis serait effectué, à l'issue d'une année d'application de la loi d'orientation et d'incitation à la réduction du temps de travail. Elle a estimé que le Gouvernement n'avait pas l'intention de remettre en cause, pour l'ensemble des exonérations de charges sociales, le principe posé par la loi de 1994.

Evoquant la situation des hôpitaux, et constatant que la progression de leurs dépenses était de 2,50 % contre 2,29 % pour les cliniques, elle a estimé qu'il n'y avait aucune raison d'affirmer que l'hôpital public était pénalisé. Elle a déclaré que la présence ou l'absence d'un article du projet de loi sur l'hôpital n'était pas un critère pertinent pour juger de la politique hospitalière du Gouvernement. Elle a reconnu que des problèmes importants étaient néanmoins posés, notamment du fait du mécanisme de péréquation entre les régions. Elle a rappelé qu'une marge restait dans l'ONDAM à la disposition du Gouvernement. Elle a observé que la marge de l'année dernière avait été très utile pour prendre en compte des problèmes spécifiques posés par certains hôpitaux.

Elle a indiqué que le taux d'augmentation des dépenses avait été fortement dépassé en 1998 pour certains spécialistes, dont les radiologues. Elle a estimé que des bilans en cours d'année (quatre mois et huit mois) permettraient de mieux réagir à l'évolution des dépenses de santé.

Elle a confirmé que le projet de loi sur la couverture maladie universelle serait déposé avant la fin de l'automne 1998.

Evoquant les articles 25 et 26 du projet de loi, elle a précisé que les négociations avaient commencé depuis le mois de juillet 1998 avec les laboratoires pharmaceutiques. Elle a indiqué que le Gouvernement s'était opposé à l'amendement modifiant l'article 25, adopté par l'Assemblée nationale, tout en reconnaissant que les arguments invoqués par les députés n'étaient pas sans fondement. Elle a souhaité défendre la politique conventionnelle, en indiquant que le syndicat national de l'industrie pharmaceutique (SNIP) et le Gouvernement discutaient toujours pour aboutir au meilleur dispositif possible.

Concernant la réforme des droits constatés, elle a rappelé qu'il s'agissait d'une réforme récente. Elle a précisé qu'une mission interministérielle sur l'harmonisation des plans comptables était en cours d'installation, ce qui permettrait de disposer dans des délais plus brefs des comptes des régimes de sécurité sociale.

En réponse à M. Jacques Machet, rapporteur pour la famille, Mme Martine Aubry a indiqué que l'allocation veuvage, qui était auparavant versée de manière dégressive sur trois ans, serait désormais accordée pendant deux années seulement, mais au taux de le première année, soit 3.107 francs par mois.

En réponse à M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance vieillesse, Mme Martine Aubry a déclaré que la création d'un fonds de réserve avait pour objectif de conforter les régimes de retraite par répartition. Après avoir affirmé que ce fonds de réserve constituait une grande réforme, malgré le caractère symbolique des financements qui lui étaient affectés, elle a ajouté que les efforts du Gouvernement consisteraient désormais à trouver des moyens financiers pour alimenter ce fonds.

Evoquant l'abrogation de la loi du 25 mars 1997 créant les plans d'épargne-retraite dite " Loi Thomas ", annoncée par le Gouvernement, Mme Martine Aubry a considéré que cette loi, d'inspiration anglo-saxonne, comportait des dispositifs d'exonération de charges sociales trop avantageux qui risquaient de conduire à un " siphonnage " de la sécurité sociale. Elle a également ajouté que cette loi ne prévoyait pas de garanties suffisantes quant à l'utilisation des sommes collectées.

Mme Martine Aubry a ensuite évoqué le nouveau dispositif d'épargne-retraite que le Gouvernement souhaitait mettre en place au cours de l'année 1999. Elle a indiqué que ce dispositif, ouvert à tous et facultatif, devait répondre aux besoins d'épargne à long terme des Français et comporter des avantages fiscaux incitatifs égaux pour tous. Elle a précisé que les fonds ainsi créés devraient être gérés par les partenaires sociaux et qu'ils auraient également pour objet, tout en garantissant une certaine sécurité des placements, de conforter l'assise financière des entreprises françaises.

S'agissant de la situation des associations d'aide à domicile, Mme Martine Aubry a considéré que les problèmes qu'elles rencontraient -coût du travail, concurrence du gré à gré, professionnalisation- présentaient un caractère plus structurel que conjoncturel. Après avoir reconnu que l'adoption, par l'Assemblée nationale, de la réforme de l'aide à domicile avait été caractérisée par une certaine précipitation, Mme Martine Aubry a cependant souligné qu'elle n'avait eu connaissance du rapport Hespel-Thierry que depuis quelques semaines et qu'elle avait souhaité agir rapidement.

S'agissant de la prestation spécifique dépendance (PSD), Mme Martine Aubry a rappelé qu'elle avait déjà mis l'accent, l'année précédente, sur les avancées que comportait cette nouvelle prestation, notamment l'évaluation de la dépendance grâce à la grille Autonomie gérontologie groupe iso-ressources (AGGIR) et la coordination des actions des différents intervenants. Elle s'est réjouie de la progression du nombre de bénéficiaires, passé de 15.000 personnes l'année précédente à 60.000 à la fin du mois de juin 1998. Elle a estimé que l'on pouvait espérer attendre 80 à 100.000 bénéficiaires à la fin de l'année 1998.

Après avoir relevé que cinq départements ne versaient toujours pas la PSD, Mme Martine Aubry a précisé que les décrets porteurs de la réforme de la tarification des établissements paraîtraient incessamment. Elle a considéré que cette réforme de la tarification apporterait plus de transparence dans les financements et les services offerts par les établissements.

Mme Martine Aubry a déclaré qu'elle entendait réfléchir aux modifications souhaitables du dispositif de la PSD à partir du mois de janvier 1999, au vu du bilan établi au 31 décembre 1998. Elle a précisé qu'il conviendrait éventuellement de modifier le seuil de récupération sur succession et, le cas échéant, d'instaurer, par voie réglementaire, des minima nationaux pour les montants de la prestation versée en établissement

M. Claude Huriet s'est interrogé sur les déclarations du Gouvernement sur le plan Juppé de réforme de la sécurité sociale, sur le rôle des unions régionales de médecins libéraux, sur la définition juridique des médicaments génériques et sur la compatibilité d'une régulation infra-annuelle des dépenses médicales avec l'existence de pathologies saisonnières ; il a souligné la difficulté à définir les besoins dans le domaine de la santé dès lors que l'on souhaite y adapter l'offre et l'inadéquation du Programme de médicalisation du système d'information (PMSI) et des points ISA lorsqu'ils sont appliqués à certaines activités hospitalières notamment dans le domaine de la gériatrie.

M. Jean-Pierre Cantegrit a rappelé que, le 15 décembre prochain, serait célébré le cinquantenaire de la caisse de sécurité sociale des Français de l'étranger et il a souhaité que les deux rapports demandés par la ministre, l'un sur cette caisse, l'autre confié à Mme Monique Ben Guiga, sur la paupérisation des Français de l'étranger puissent donner lieu à débat ; il a souhaité que le dispositif annoncé d'épargne-retraite n'exclut pas les Français de l'étranger.

M. Alain Gournac s'est interrogé sur les différentes déclarations des membres du Gouvernement sur l'épargne-retraite et s'est inquiété de l'article 35 bis introduit par l'Assemblée nationale concernant la gestion de la trésorerie des différentes branches du régime général ; il a souligné les difficultés rencontrées dans l'application sur le terrain de la politique en faveur des handicapés.

M. Jean Chérioux s'est associé à cette dernière observation ; il a souligné par ailleurs que l'alimentation en fonds propres des entreprises n'était pas nécessairement compatible avec la garantie nécessaire des retraites ; abordant les problèmes de l'hôpital, il a souligné que les mesures tendant à réguler la démographie médicale coexistaient avec de nombreux postes vacants dans les hôpitaux.

M. François Autain s'est inquiété de la réforme du système d'aide au départ à la retraite anticipée des médecins et son impact sur les médecins qui pourraient voir, de ce fait, leurs projets remis en cause ; s'agissant de la clause de sauvegarde applicable aux dépenses médicales, il a souhaité que le texte de l'article 21 distingue davantage entre les généralistes et les spécialistes.

M. Philippe Darniche s'est interrogé sur le droit de substitution de médicaments génériques et sur une modification éventuelle des seuils de population pour la création d'officines.

M. Bernard Cazeau s'est interrogé sur la télétransmission des feuilles de soins, sur le choix entre responsabilité collective et responsabilité individuelle pour la mise en oeuvre d'une régulation des dépenses, ainsi que sur le cumul des rémunérations privées et publiques des praticiens hospitaliers.

Mme Nicole Borvo s'est félicitée de la perspective d'une abrogation rapide de la loi Thomas ; elle a regretté que le projet de loi ne comporte pas de réforme de l'assiette des cotisations employeurs et qu'il n'y ait pas concomitance entre le projet de loi de financement de la sécurité sociale et le projet de loi relatif à la couverture maladie universelle ; elle a estimé qu'une réforme de la loi du 30 janvier 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales aurait dû précéder la régulation des dépenses introduites par l'article 27 du projet de loi ; elle a en outre fait part de sa crainte d'une remise en cause de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris à travers les critiques qui lui sont adressées.

M. Francis Giraud a souhaité insister sur la question de la formation initiale et continue des médecins.

M. Marcel Lesbros a dénoncé la campagne de presse dont ont été l'objet les chirurgiens-dentistes sur la question des prothèses.

M. Serge Franchis a mis l'accent sur les conduites à risque et les moyens d'une action permettant de responsabiliser les intéressés.

En réponse aux intervenants, Mme Martine Aubry a souligné qu'elle avait souhaité s'abstenir pendant un an de toute déclaration sur le plan Juppé, mais qu'il lui semblait que l'action du Gouvernement relevait d'un esprit différent, fondé moins sur la coercition que sur la négociation et la mise en place d'outils permettant de soigner mieux à un moindre coût. A l'appui de ses propos, Mme Martine Aubry a cité notamment la politique du Gouvernement dans le domaine de l'informatisation médicale et l'accent mis notamment sur l'aide au diagnostic et sur la veille épidémiologique, les négociations conduites avec les internes permettant de mieux répondre aux besoins par spécialités, l'accord global conclu avec les pharmaciens, la demande faite aux directeurs des agences régionales d'hospitalisation de mieux prendre en compte les réalités du terrain, le point de vue des élus et les besoins de la population.

Mme Martine Aubry a souligné que le grief fait à la loi Thomas était d'ouvrir une possibilité de réserver le dispositif de l'épargne-retraite à certaines catégories de salariés et de permettre un " siphonnage " des recettes de la sécurité sociale, que le dispositif envisagé par le Gouvernement serait ouvert à tous mais sans obligation.

Elle a par ailleurs insisté sur l'effort budgétaire consenti en faveur des handicapés dans le projet de loi de finances pour 1999.

Elle a souligné que la péréquation régionale dans le domaine hospitalier avait été réformée, l'objectif était de conforter les dotations des trois départements les plus défavorisés et que la situation des différents départements serait prise en compte au sein de la région Ile-de- France.

Considérant que, s'il appartenait aux caisses d'assurance maladie de contrôler les excès, elle ne croyait pas en revanche à l'individualisation dans la régulation des dépenses médicales consistant à dire à chaque médecin, quels que soient ses patients ou son lieu d'exercice, combien il doit dépenser. Elle a estimé que le dispositif mis en place par l'article 21 était plus souple et plus juste que le mécanisme précédent.

Mme Martine Aubry a souligné par ailleurs les difficultés à réaliser un consensus sur la réforme de l'assiette des cotisations patronales au sein des organisations de salariés et d'employeurs et la nécessité d'un délai de réflexion supplémentaire sur un sujet difficile.

S'agissant de la régulation des dépenses des établissements sociaux et médico-sociaux financés par l'assurance maladie prévue par le projet de loi, elle a souligné qu'il s'agissait largement de mettre le droit en accord avec la pratique ; elle a observé qu'au demeurant l'enveloppe de ces dépenses progressait plus fortement que les autres enveloppes de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.

Répondant à son tour aux intervenants, M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé , a précisé les points suivants :

- trois spécialités nouvelles ont été créées pour l'internat ; le numerus clausus serait porté à 3.800 postes afin de faire face à des besoins précis en 2003 et 2005 ; les internes, dans le cadre des négociations menées sur les quotas par spécialités, n'ont pas accepté le principe d'une répartition géographique ;

- tous les dossiers de départ à la retraite constitués par les médecins seront pris en compte jusqu'au 1 er juillet 1999 conformément au dispositif en vigueur ;

- le ministère a, d'ores et déjà, donné son agrément à l'un des trois dossiers ayant reçu un avis favorable de la commission présidée par M. Raymond Soubie ;

- le projet de loi comporte plusieurs dispositions permettant la prise en charge, par l'assurance maladie, de dépenses non prescriptives et il ouvre la possibilité de rémunérations forfaitaires en complément du paiement à l'acte ;

- le droit de substitution par du médicament générique accordé aux pharmaciens a été accepté par la quasi-totalité d'entre eux mais également par une majorité de médecins ; l'économie attendue de la prescription des génériques existant actuellement pourrait être évaluée à 4 milliards de francs et pourrait atteindre jusqu'à 11 milliards de francs compte tenu du nombre de médicaments pouvant donner lieu à fabrication de génériques ;

- la mise en place de la formation médicale est actuellement bloquée faute d'un accord avec la profession et le Gouvernement prévoit d'insérer dans le prochain projet de loi portant diverses mesures d'ordre social, les dispositions législatives nécessaires ;

- les unions régionales de médecins libéraux auront un rôle essentiel dans l'évaluation et l'amélioration des pratiques médicales.

Enfin, s'agissant des conduites à risque, M. Bernard Kouchner a estimé que la communication était difficile à l'égard de jeunes dépourvus de perspectives d'avenir, notamment professionnelles ; il s'est félicité de l'amendement adopté par l'Assemblée nationale majorant les taxes sur le tabac car la hausse du prix du tabac a un impact direct sur la consommation.

II. AUDITIONS

A. AUDITION DE M. PIERRE JOXE, PREMIER PRÉSIDENT DE LA COUR DES COMPTES

Réunie le jeudi 15 octobre 1998 , sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'audition de M. Pierre Joxe, Premier Président de la Cour des Comptes, accompagné de M. Gabriel Mignot, président de la VIe chambre et Mme Anne-Marie Boutin, rapporteur général de cette chambre, sur le rapport annuel de la Cour consacré à l'application des lois de financement de la sécurité sociale.

M. Jean Delaneau, président, a tout d'abord souligné l'importance de cette audition pour la commission, la Cour des Comptes étant chargée par l'article 47-1 de la Constitution d'assister le Parlement dans le contrôle de l'application des lois de financement. Il a indiqué que le rapport déposé par la Cour le 13 octobre 1998 était le premier rapport permettant de disposer du bilan d'une loi de financement, à savoir celle de 1997.

Puis, M. Jean Delaneau a souhaité formuler trois observations liminaires. Il a tout d'abord fait part de l'irritation des parlementaires face aux nombreuses " fuites " dont est l'objet chaque année le rapport qui, selon la loi organique, doit être remis au Parlement " sitôt son arrêt par la Cour des Comptes ". Il s'est interrogé sur la part relativement réduite du rapport consacrée spécifiquement à l'application de la loi de financement pour 1997 ; il a enfin souhaité savoir s'il était possible pour la Cour d'avancer la date de remise de son rapport.

M. Pierre Joxe a tout d'abord considéré que les finances sociales demandaient un certain degré de spécialisation, en raison de la complexité des dispositions législatives et réglementaires et de l'organisation même des régimes sociaux. Il a estimé que le choix par le Sénat d'une commission réservée aux affaires sociales, ainsi que le mode de renouvellement triennal, donnaient à la Haute Assemblée des atouts intéressants dans le cadre de l'examen des lois de financement.

M. Pierre Joxe, en réponse aux interrogations de M. Jean Delaneau, a indiqué que si la Cour avait parfois le moyen de prouver l'origine des fuites dont ses rapports étaient l'objet, elle n'en était pas moins désarmée, en raison de la procédure contradictoire et de l'envoi de tout ou partie du rapport à un grand nombre de ministères et d'organismes. Il a rappelé l'origine du rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, provenant d'un amendement sénatorial, et il a indiqué que l'ensemble du rapport contribuait -au moins de façon indirecte- à l'éclairage du Parlement dans son contrôle de l'application des lois de financement. Il a souligné le manque d'expérience dont dispose la Cour vis-à-vis du contrôle des finances sociales, à la différence de celui effectué sur le budget de l'Etat. Il a observé que la sixième chambre de la Cour, consacrée spécifiquement à la sécurité sociale, s'était constituée depuis seulement l'année dernière. Il a indiqué que ne lui paraissait pas fondée la distinction faite habituellement entre des lois de finances contraignantes et des lois de financement moins normatives. En recettes, comme en dépenses, il lui a semblé que les lois de financement étaient véritablement un " budget-bis ".

Il a observé que la Cour n'avait été destinataire des comptes des régimes sociaux qu'à la mi-septembre 1998. Il a rappelé que le rapport de la Cour des Comptes sur l'exécution des finances était désormais disponible en juillet, parce que les données de l'Etat étaient disponibles dès le mois de mai, en raison de la normalisation et de l'homogénéisation des comptes. Il a souligné le manque d'homogénéité et de rigueur des comptes sociaux. Il s'est montré soucieux que l'utilisation par les commissions parlementaires compétentes du rapport de la Cour des Comptes sur la sécurité sociale valorise le travail effectué par la haute juridiction.

M. Gabriel Mignot, président de la sixième chambre, a présenté l'articulation du rapport de la Cour. Il a observé que si un seul chapitre reprenait effectivement les articles de la loi elle-même, les développements des première et deuxième parties permettaient de mieux apprécier l'application de la loi de financement pour 1997. Il a remarqué que des développements avaient été consacrés dans les troisième (branche maladie), quatrième (branche famille) et cinquième parties (branche vieillesse) à la demande des commissions parlementaires compétentes. Il a indiqué que la sixième partie du rapport était relative à la gestion des branches et des organismes et que la septième partie du rapport était consacrée à l'activité des comités départementaux d'examen des comptes des organismes de sécurité sociale (CODEC). Il a insisté sur l'importance et l'originalité de la huitième partie qui établit un bilan des propositions faites par la Cour dans ses trois premiers rapports.

M. Gabriel Mignot a observé que l'accélération des délais de remise des comptes serait un processus qui demanderait quelques années.

Abordant la réalisation des objectifs de dépenses et de recettes pour 1997, il a indiqué que ces objectifs avaient été atteints ce qui était tout à fait remarquable, eu égard aux masses financières.

Il a précisé que la Cour critiquait le concept de plafond d'avances, adapté à une comptabilité en encaissements/décaissements mais non à une comptabilité en créances et dettes, ainsi que le processus d'affectation de recettes provenant de la contribution sociale généralisée, qui d'une part intervient très tardivement et d'autre part se révèle d'une complexité redoutable.

Il a observé que la structure de financement de la sécurité sociale évoluait et qu'elle se caractérisait par une augmentation de la part des impôts et des taxes et une diminution de la part des cotisations sociales.

Concernant les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale, il a indiqué que la Cour souhaitait un traitement comptable différent des exonérations de cotisations. Abordant les questions de trésorerie, il a relevé la complication entre les dispositions relatives à l'unité de caisse du régime général, gérée par l'ACOSS, et celles relatives à la séparation comptable des branches. Il a indiqué que l'unité de caisse paraissait favorable à la Cour, de même que la gestion par l'ACOSS ou par la Caisse des Dépôts et Consignations d'un compte unique centralisant les établissements publics de santé, leur principal financeur étant la sécurité sociale.

M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, a tenu tout d'abord à féliciter la Cour des Comptes pour le travail réalisé. Il s'est interrogé sur la manière de mieux définir la notion de branche et sur la pertinence d'avoir choisi de mettre en oeuvre la réforme -par ailleurs nécessaire- des droits constatés avant de disposer d'un plan unique de comptabilité pour les organismes sociaux et d'une hiérarchisation des agents comptables entre Caisses nationales et caisses de base. Il a demandé pourquoi le rapport 1998 de la Cour ne consacrait aucun développement au contrôle de l'assiette de la masse salariale du secteur public et si la Cour avait avancé dans ses réflexions sur la constitution d'un véritable régime spécial de retraite des fonctionnaires civils et militaires de l'Etat. Il s'est interrogé sur les analyses de la Cour vis-à-vis de l'avenir général des régimes de retraite. Il a souhaité savoir si la fiabilité des statistiques d'assurance maladie ne posait pas problème, alors même qu'elles fondent le système de régulation des dépenses.

M. Gabriel Mignot a indiqué que le contrôle de l'assiette de la masse salariale du secteur public ferait partie du prochain programme de travail de la Cour des Comptes. Mme Anne-Marie Boutin a précisé que le rapport sur l'exécution des lois de finances abordait également cette question.

M. Pierre Joxe a rappelé qu'il avait demandé il y a quatre ans une étude approfondie sur les rémunérations du secteur public et que cette étude, selon l'expression consacrée, rencontrait quelques difficultés dans son déroulement mais que ces difficultés étaient surmontées.

Abordant la question des retraites, M. Gabriel Mignot a indiqué que le rapport de la Cour lui consacrait une présentation générale, en intégrant les régimes complémentaires. Il a précisé, à la demande de M. Charles Descours, qu'un magistrat de la sixième chambre était associé aux travaux du commissariat général du plan.

Mme Anne-Marie Boutin a reconnu que l'absence de définition de branche pour l'ensemble des régimes sociaux, à la différence du régime général, posait un grave problème. Elle a indiqué que la direction de la sécurité sociale souhaitait progresser sur ce point. Elle a observé que le projet de loi de financement pour 2000 serait l'occasion de mieux définir l'ensemble des concepts utilisés.

Abordant la question relative à la comptabilité des organismes de sécurité sociale, elle a reconnu que l'un des problèmes de fond était celui du statut juridique de l'ordonnateur et du comptable et de l'organisation entre les caisses centrales et les caisses de base.

Concernant les dépenses d'assurance maladie, Mme Anne-Marie Boutin a souligné combien leur suivi était handicapé par des lacunes fondamentales. Elle a observé que les données produites ou utilisées par l'assurance maladie ne permettaient pas de décrire les actes médicaux. Elle a estimé que les dépenses non encadrées, d'un montant global de 70 milliards de francs, étaient très peu connues, de même que la consommation de médicaments à l'hôpital.

M. Charles Descours, rapporteur, a observé qu'une disposition du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 procédait désormais à l'encadrement des dépenses du secteur médico-social. Il a interrogé les représentants de la Cour des comptes sur l'ampleur d'une éventuelle externalisation des dépenses de l'hôpital dans le secteur privé et sur l'opportunité d'introduire une fongibilité des enveloppes de l'ONDAM.

Mme Anne-Marie Boutin a expliqué que les prescriptions d'un certain nombre de médecins, comme par exemple les médecins à la retraite, n'étaient pas encadrées. Elle a fait état de médicaments achetés en pharmacie, mais prescrits à l'hôpital. Elle a observé que les dépenses du secteur médico-social étaient mal connues, de même que leur répartition entre dépenses médicales et dépenses relevant de l'action sociale.

Mme Anne-Marie Boutin a aussi indiqué que les dépenses hospitalières étaient particulièrement mal suivies. Elle a observé que le travail d'élaboration de nouvelles références médicales opposables (RMO) avait été ralenti. Elle a précisé que les références de bonne pratique devraient également être applicables dans les hôpitaux. Concernant le tarif interministériel des prestations sanitaires (TIPS), elle a fait remarquer qu'il n'avait de sens que dans les cliniques privées et que -citant l'exemple des défibrillateurs cardiaques- les innovations médicales n'étaient que tardivement prises en considération par le TIPS en raison d'une procédure administrative particulièrement lourde. Elle a indiqué que les tarifs de remboursement variaient considérablement en fonction des prescripteurs et des prestataires de soins.

Mme Anne-Marie Boutin , faisant part d'une réflexion globale sur les outils d'une meilleure connaissance des dépenses médicales, a estimé que les objectifs variaient considérablement dans le temps, jusqu'à la contradiction. Prenant l'exemple de SESAM-VITALE, elle a observé que l'objectif premier d'une productivité accrue dans le traitement des feuilles de soins avait été relayé par un objectif de maîtrise médicalisée des soins. Elle a indiqué que la répartition des dépenses par prescripteur ou par région pouvait aboutir à des découpages n'ayant plus de sens. Abordant la question de la fongibilité des enveloppes, elle a estimé que les agences régionales d'hospitalisation étaient prêtes à en assumer les conséquences, mais qu'il convenait de tenir compte de la différence existant entre les règles de fonctionnement et de financement des établissements de santé publics et privés.

M. Jacques Machet, rapporteur pour la famille, a relevé que la Cour des Comptes, dans son rapport, invitait à revoir l'ensemble des avantages vieillesse consentis aux personnes du fait qu'elles ont eu ou élevé des enfants. Il s'est enquis des éventuelles propositions que la Cour des Comptes serait en mesure de formuler sur ce point.

Mme Anne-Marie Boutin a estimé qu'il était nécessaire de clarifier les 70 milliards de francs constituant les différents avantages donnés aux personnes âgées ayant élevé des enfants. Elle a remarqué que la majoration de pension ne donnait pas lieu à cotisations sociales. Elle a observé que ces différentes allocations n'avaient pas toutes une finalité redistributive et que des solutions de plafonnement et de forfaitisation semblaient souhaitables.

M. Dominique Leclerc s'est interrogé sur les progrès récents réalisés en matière de comptabilité, sur la compensation par l'Etat des exonérations de cotisations sociales et sur la gestion déléguée aux mutuelles autres que celles du monde étudiant.

M. Gabriel Mignot a indiqué que si la Cour des Comptes s'était penchée cette année sur la gestion de la mutuelle étudiants, elle consacrerait l'année prochaine des investigations aux autres mutuelles d'assurance maladie.

M. Pierre Joxe a précisé que le programme de travail de la Cour n'était pas extensible, sa nouvelle mission ne s'étant accompagnée d'aucune création de postes. Il a observé que la chambre sociale ne comprenait qu'une quinzaine de magistrats.

Mme Anne-Marie Boutin a estimé que si la réforme des droits constatés avait été mise en place de façon correcte, l'harmonisation des pratiques comptables n'avait fait l'objet d'aucun progrès sur la dernière année.

En ce qui concerne les exonérations de cotisations, elle a observé que leur gestion posait problème, d'où une récente mission de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale des affaires sociales concernant l'ACOSS.

Abordant la question de la compensation démographique des régimes vieillesse, elle a fait état d'une mécanique très compliquée, avec des systèmes de calcul différents et parfaitement arbitraires selon les compensations. Elle a observé que même lorsque la comptabilité des organismes de sécurité sociale sera homogène, des problèmes de consolidation demeureront, en raison de transferts de compensation ne portant pas sur le même exercice.

A M. Louis Boyer , s'interrogeant sur la lecture par les cabinets ministériels des rapports de la Cour des Comptes, M. Pierre Joxe a indiqué que lorsqu'il était ministre, il était parfaitement attentif aux propositions effectuées par la Cour, mais qu'il n'était pas toujours en mesure de réformer lui-même ce qui était critiqué. Il a observé que dans le domaine nouveau des finances sociales, les propositions de la Cour faisaient l'objet d'un taux de réponse élevé.

M. Guy Fischer , faisant référence aux déclarations d'un directeur de caisse national, a demandé quelles étaient les économies à attendre en matière de protection sociale.

M. Pierre Joxe a indiqué que la fixation claire de grands choix de santé publique, comme une meilleure organisation économique pouvaient générer d'importantes économies.

B. AUDITION DE M. JEAN-MARIE SPAETH, PRÉSIDENT DE LA CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE MALADIE DES TRAVAILLEURS SALARIÉS (CNAMTS)

Réunie le mardi 13 octobre 1998 , sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-Marie Spaeth, président de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), accompagné par M. Jean-Paul Phélippeau, directeur délégué, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 .

M. Jean-Marie Spaeth a présenté l'avis du conseil d'administration de la CNAMTS sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999. Après avoir rappelé qu'il n'appartenait pas à ce conseil d'administration de se prononcer pour ou contre un projet de loi, mais de formuler un avis, il a indiqué que la progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) de 2,6 % n'était justifiée que si les marges qui en découlaient étaient utilisées pour favoriser la restructuration du système de soins.

Evoquant le plan d'orientations stratégiques adopté le matin même, M. Jean-Marie Spaeth a aussi affirmé que le conseil d'administration de la CNAMTS avait confirmé l'existence d'une responsabilité économique des professionnels de santé à côté de celles des assurés sociaux et des financeurs et qu'il ne souhaitait pas que les dispositions de la loi du 25 juillet 1994, prévoyant la compensation intégrale par l'Etat des exonérations de charges qu'il institue, soient remises en cause à l'occasion de la mise en oeuvre de la loi d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail.

M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, a demandé à M. Jean-Marie Spaeth des précisions sur la répartition de l'ONDAM. Il s'est également interrogé sur l'ampleur des mesures de restructuration au projet de loi de financement de la sécurité sociale et il a observé qu'aucune de ses dispositions ne concernait l'hôpital. Il a fait siens les propos de M. Jean-Marie Spaeth sur la nécessité d'une compensation, par l'Etat, des exonérations de charges liées à la mise en oeuvre de l'abaissement de la durée légale du travail. Il a enfin interrogé le président du conseil d'administration de la CNAMTS sur la prise en compte des observations formulées l'an dernier par la Cour des Comptes au sujet de l'activité du contrôle médical, sur la vente des immeubles appartenant à la CNAMTS, ainsi que sur l'éventuelle expérimentation de projets tels que ceux qui avaient été présentés par la société AXA assurances ou des groupements mutualistes.

En réponse, M. Jean-Marie Spaeth a indiqué qu'en l'état, le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne remettait pas en cause l'application de la loi de 1994 sur la compensation des exonérations de charges, mais qu'il conviendrait d'être vigilant lors des débats en séance publique, un amendement pouvant toujours être déposé. Il a affirmé que, conformément aux dispositions de la convention d'objectifs et de gestion, la CNAMTS serait consultée sur la répartition de l'ONDAM et que cette dernière comptait jouer un rôle actif, au sein du comité économique du médicament, dont elle est désormais membre.

M. Jean-Marie Spaeth a énuméré quelques dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale qui allaient dans le sens d'une restructuration du système de soins : l'institution d'un fonds pour la qualité des soins en médecine de ville, les mesures concernant les réseaux de soins ou les nouvelles perspectives ouvertes en matière de mode de rémunération des professionnels de santé. A l'inverse, il a souligné les insuffisances de la loi dans le domaine sanitaire et il a souhaité que soient périodiquement votées des lois d'orientation sanitaire définissant une véritable politique de santé publique. Il a estimé que le niveau régional était pertinent pour mettre en oeuvre une politique d'adaptation aux besoins du tissu hospitalier, mais il a fait part de son impatience afin que les procédures d'accréditation et de contractualisation hospitalières prévues par les ordonnances soient rapidement mises en place. Après avoir indiqué que la vente d'immeubles de la CNAMTS était en cours, il a enfin évoqué les propositions formulées par un assureur privé, la société AXA assurances. Observant qu'aucun projet n'avait été déposé devant la commission présidée par M. Raymond Soubie et estimant qu'une intervention du législateur serait nécessaire pour mettre en oeuvre un plan qui apparaissait contraire aux dispositions du code de la sécurité sociale en vigueur, il a affirmé que les assureurs avaient évolué : rejetant la sélection des malades, ils ont compris que la maîtrise des dépenses de santé reposait sur une maîtrise de l'offre et ils proposent désormais la sélection des offreurs de soins. A cet égard, il a fermement déclaré que, si la CNAMTS disposait de la faculté de sélectionner les offreurs de soins, l'assurance maladie coûterait moins cher à la collectivité. Ainsi, il a estimé que la formation médicale ne devait pas être organisée en fonction de besoins hospitaliers à court terme et qu'elle devait répondre aux besoins de santé de la population ; il a également regretté que les pouvoirs publics aient mis en place des systèmes de préretraite pour les médecins qui n'étaient sélectifs, ni en fonction de critères géographiques, ni en fonction des spécialités médicales, et que le numerus clausus soit relevé. Il a aussi fait part du souhait de la CNAMTS de disposer d'une carte des besoins médicaux en médecine de ville.

M. Jean-Paul Phélippeau a indiqué qu'à la suite du constat fait par la Cour des Comptes sur l'activité du contrôle médical, de nouvelles orientations avaient été officialisées au mois de juin 1998. Il a affirmé que cette activité, largement centrée sur la délivrance d'avis individuels, souvent prévus par la réglementation, et qui, dans certains cas, étaient obsolètes ou peu efficaces, allait diminuer. En contrepartie, les activités de santé publique et d'évaluation, notamment en matière de pratiques collectives, progresseront.

M. Dominique Leclerc s'est prononcé en faveur d'une réforme rapide de l'internat.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a demandé à M. Jean-Marie Spaeth si le ministère de l'emploi et de la solidarité soutenait sa proposition d'adoption périodique de lois d'orientation sanitaire, et si le travail des observatoires régionaux de la santé ne pouvait pas en constituer la base.

M. Gilbert Chabroux a rappelé que la situation financière de l'assurance maladie était en voie d'amélioration. Il a interrogé le président du conseil d'administration de la CNAMTS sur les méthodes de mise en oeuvre de la responsabilité économique des professionnels de santé.

Mme Nicole Borvo a affirmé que la définition d'une politique de prévention, comme la mise en oeuvre d'une couverture maladie universelle, appelaient l'attribution de moyens supplémentaires et elle a souhaité que le fonctionnement de la CNAMTS comporte une composante démocratique accrue, notamment grâce au rôle des usagers.

Répondant aux intervenants, M. Jean-Marie Spaeth a affirmé qu'à ce stade, la mise en oeuvre d'une véritable politique de prévention n'était pas une question de moyens et qu'il convenait avant tout de savoir comment utiliser l'argent disponible. Il a estimé qu'il en était de même pour la politique d'accès aux soins, dont le succès reposait sur une meilleure organisation du système de soins, plutôt que sur l'attribution de moyens supplémentaires. Evoquant d'éventuelles lois d'orientation sanitaire, il a rappelé que la définition d'une politique de santé publique relevait du législateur et non de l'assurance maladie. Il a fait siens les propos de M. Dominique Leclerc sur la réforme de l'internat et il a déclaré avoir du mal à accepter que le ministère de l'éducation nationale, en fixant le numerus clausus, définisse l'offre de soins de demain.

C. AUDITION DE M. BERNARD CARON, PRÉSIDENT DE L'AGENCE CENTRALE DES ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE (ACOSS)

Réunie le mercredi 14 octobre 1998 , sous la présidence de M. Louis Souvet, vice-président, la commission a procédé à l'audition de M. Bernard Caron, président de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) et M. Jean-Louis Buhl, directeur, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 .

M. Bernard Caron , après avoir précisé qu'il s'exprimait sur cette question à titre personnel, a souligné la complexité des lois de financement de la sécurité sociale. Il a rappelé que le champ des recettes par catégorie n'était pas identique au champ des dépenses par branche. Il a indiqué que la comparaison forcément ambiguë des objectifs de recettes et de dépenses montrait un " excédent " prévu en 1999 de 10,3 milliards de francs, après un " déficit " de 8,3 milliards de francs en 1998.

Tout en reconnaissant que les prévisions macro-économiques pour 1998 s'étaient vérifiées, il a souligné la fragilité des hypothèses retenues pour 1999, dépendant de la conjoncture internationale.

M. Bernard Caron a souhaité attirer l'attention sur l'évolution des cotisations fictives, qui à la différence des cotisations effectives, continuaient à progresser. Il a considéré qu'elles représentaient en fait une subvention importante de l'Etat aux régimes spéciaux.

M. Charles Descours, rapporteur , s'est interrogé sur l'absence, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, de dispositions relatives à la non-compensation intégrale des exonérations de cotisations sociales accordées dans le cadre de la loi d'orientation et d'incitation à la réduction du temps de travail, sur la fixation par le projet de loi d'un plafond d'avances pour le régime général de 24 milliards de francs, sur les relations financières entre l'Etat et l'ACOSS et sur les développements du rapport 1998 de la Cour des Comptes concernant l'agence centrale.

M. Bernard Caron a rappelé le principe de la compensation intégrale des mesures d'exonération posé par la loi du 25 juillet 1994. Il a souligné combien le dispositif complexe envisagé par l'exposé des motifs du projet de loi sur les trente-cinq heures ne reposait sur aucune démonstration mathématique.

M. Jean-Louis Buhl a précisé qu'en l'absence de disposition expresse dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, le principe de la compensation intégrale lui semblait maintenu.

S'agissant du plafond d'avances pour le régime général, MM. Bernard Caron et Jean-Louis Buhl ont indiqué que le plafond de 24 milliards de francs prévu par le projet de loi n'intégrait pas l'hypothèse d'une majoration de l'allocation de rentrée scolaire . M. Bernard Caron a estimé que ce plafond lui semblait insuffisant. M. Jean-Louis Buhl a expliqué que le plafond prévu par le projet de loi était supérieur au plafond prévu par la loi de financement pour 1998, malgré une amélioration des comptes du régime général, en raison d'une variation de trésorerie en 1999 fondamentalement différente de celle de 1998, ce qui s'explique par la reprise de dette intervenue le 1er janvier 1998.

Concernant les relations financières entre l'Etat et l'ACOSS, M. Bernard Caron a estimé que si l'assiette de la masse salariale du secteur privé était soumise à un strict contrôle, l'Etat employeur ne s'acquittait pas convenablement de ses obligations, alors même que les unions régionales pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) n'avaient pas les moyens d'agir. Il a rappelé le problème posé par les primes des fonctionnaires et par les différents avantages en nature des employeurs du secteur public, qui échappent aux cotisations sociales.

M. Jean-Louis Buhl a précisé que les URSSAF souhaitaient une amélioration de la qualité des documents transmis par les employeurs publics.

S'agissant des compensations d'exonération et des versements effectués par les régimes de sécurité sociale pour le compte de l'Etat, il a rappelé que la convention annuelle conclue entre l'Etat et l'ACOSS en 1994 tendant à la neutralité en trésorerie de ces opérations avait représenté un grand progrès. Il a précisé que si certaines opérations échappaient encore à la convention, l'un des engagements de l'Etat dans la convention d'objectifs et de gestion de 1998-2001 concernait précisément une extension du champ d'action de la convention de trésorerie. Il a estimé qu'en raison d'erreurs de prévision, certaines mesures d'exonération étaient sous-estimées en loi de finances.

Concernant le rapport 1998 de la Cour des Comptes, M. Jean-Louis Buhl a observé que les critiques adressées à l'ACOSS étaient relatives à l'année 1997, avant la mise en place au 1er janvier 1998 du projet RACINE, qui permet de ventiler à la source et par branche les encaissements comptables.

M. Charles Descours, rapporteur, a demandé à M. Bernard Caron de préciser les orientations du Conseil national du patronat français (CNPF) concernant sa participation à la gestion des organismes de Sécurité sociale.

M. Bernard Caron , après avoir rappelé qu'il s'exprimait à titre personnel, a estimé que la position des employeurs en tant que co-gestionnaires était délicate, alors même que les pouvoirs publics fixaient les différents paramètres. Il a observé que la question d'une participation des employeurs ne se posait pas dans les mêmes termes selon les branches. Il a indiqué ainsi que la branche famille ne lui paraissait plus relever de la compétence du CNPF.

A M. Guy Fischer , l'interrogeant sur les raisons de l'avis négatif de l'ACOSS sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, M. Bernard Caron a répondu que la délégation patronale avait tout d'abord souhaité attirer l'attention sur les difficultés de compréhension des lois de financement, sur l'affectation contestable des excédents de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés au Fonds de solidarité vieillesse (FSV) et sur les conditions de mise en place d'un fonds de réserve ne répondant pas aux enjeux de financement de la branche vieillesse dans les années à venir. M. Jean-Louis Buhl a souligné deux autres aspects : l'un relatif à la fragilité des prévisions macro-économiques, l'autre à l'absence de compensation des mesures d'exonération concernant l'embauche du premier salarié, dont les conditions sont modifiées par le projet de loi.

A M. André Jourdain , l'interrogeant sur la réforme des cotisations patronales, M. Bernard Caron a répondu qu'il ne lui paraissait pas envisageable d'entamer une réforme de l'assiette des cotisations patronales, de même qu'une surcotisation des salaires les plus élevés, tant qu'une réflexion n'était pas menée sur la manière d'optimiser l'utilisation des prélèvements très lourds affectant l'économie française. Citant le taux de prélèvements obligatoires, en France, en 1998, M. Bernard Caron a estimé que l'objectif essentiel était de maintenir la compétitivité de l'économie.

M. Jean-Louis Buhl a précisé qu'il lui apparaissait nécessaire de ne pas augmenter la complexité des mesures législatives et réglementaires en vigueur, qui affectait à la fois les cotisants et les organismes gestionnaires.

D. AUDITION DE M. FRANÇOIS DE PAILLERETS, PRÉSIDENT DE LA CONFÉRENCE NATIONALE DE LA SANTÉ

Réunie le mercredi 14 octobre 1998 , sous la présidence de M. Louis Souvet, vice-président, la commission a procédé à l'audition de François de Paillerets, président de la conférence nationale de la santé, accompagné par MM. Louis Serfaty et Jacques Vleminckx, membres du bureau, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 .

M. François de Paillerets a d'abord indiqué que les travaux de la Conférence nationale de santé, en 1998, s'étaient inscrits dans la continuité des années précédentes. Il a ainsi observé que les trois thèmes étudiés cette année figuraient parmi les dix thèmes retenus dès la première conférence nationale de santé.

M. Jacques Vleminckx a évoqué le premier de ces trois thèmes, la réduction des inégalités inter et infra-régionales d'accès aux soins de santé. A cet égard, la Conférence nationale de santé a formulé quatre propositions : passer d'un dispositif centré sur l'offre de soins à une démarche partant des besoins en prestations sanitaires et créer une enveloppe financière spécifique complémentaire aux autres enveloppes relatives aux soins, promouvoir le niveau régional, adapter le fonctionnement des établissements de santé et les pratiques des professionnels de santé, notamment en établissant une régulation géographique de leur installation et favoriser les plus démunis. A cet égard, M. Jacques Vleminckx a souhaité l'adoption d'une nouvelle loi sur l'allocation autonomie des personnes âgées, ainsi que celle d'une loi sur la couverture maladie universelle.

M. François de Paillerets a ensuite évoqué le second thème étudié, la prévention et le traitement du diabète. Il a indiqué que les propositions formulées par la Conférence nationale de santé pour cette maladie étaient exemplaires de ce qui pourrait être fait pour améliorer la prise en charge d'autres maladies chroniques. La Conférence nationale de santé propose d'abord un dépistage simple, ciblé et rentable du diabète. 100.000 glycémies par an pourraient être ainsi réalisées en fonction de considérations liées à l'âge et aux antécédents familiaux : ce chiffre doit être confronté aux 25 millions de glycémies effectuées chaque année en France et qui n'ont pas toujours d'utilité réelle. La Conférence nationale de santé propose également une meilleure prise en charge du diabète, trop de diabétiques légers étant soignés à l'hôpital et, inversement, trop de diabétiques lourds étant traités exclusivement en ville. Enfin, elle souhaite une meilleure éducation du patient, le traitement du diabète nécessitant une adhésion du malade.

M. François de Paillerets a enfin brièvement évoqué le troisième thème d'études de la Conférence nationale de santé, la réduction des accidents iatrogéniques. Il a estimé que le tiers de ces accidents était évitable et il a rappelé que mieux prescrire, c'était souvent moins prescrire. M. Louis Serfaty a estimé que les questions liées à la iatrogénie pouvaient être entendues de manière très large, englobant par exemple celles de l'indemnisation de l'aléa thérapeutique.

Après avoir indiqué que la prochaine Conférence nationale de santé se tiendrait au printemps prochain afin que ses recommandations puissent être prises en compte dès la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale, M. François de Paillerets a fait part d'observations personnelles sur les travaux de la Conférence. Il a reconnu que, si la Conférence n'était pas du tout en mesure, aujourd'hui, de proposer au Parlement un taux de progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM), peut-être pourrait-elle bientôt fournir des éléments pour définir le panier de biens et services médicaux remboursables. Il a observé que, d'ores et déjà, plusieurs propositions formulées par la Conférence nationale de santé avaient été mises en oeuvre. Il a ainsi cité la mise en place de 20 heures d'éducation à la santé à l'école et celle du réseau en cancérologie et il a constaté qu'aucune dérogation à l'interdiction de la publicité en faveur de l'alcool n'avait été accordée lors de la coupe du monde de football. Au-delà, il a affirmé que les travaux de la Conférence nationale de santé contribuaient à l'émergence d'une culture de santé publique dans notre pays.

M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, a souligné le rôle très positif de la Conférence nationale de santé, mais il a regretté l'insuffisante articulation de ses travaux avec ceux du Parlement. Evoquant les propositions formulées par la conférence, il a rappelé que toutes ne relevaient pas du domaine législatif. Après s'être déclaré favorable à l'adoption d'une loi sur la couverture maladie universelle et observé que le Gouvernement n'avait toujours pas déposé ce projet de loi très attendu, il a demandé aux représentants de la Conférence nationale de santé s'ils souhaitaient instituer une cinquième branche de la sécurité sociale pour couvrir le risque de la dépendance. Il a observé l'absence de consensus sur la nécessité d'une loi sur l'aléa thérapeutique et surtout sur la question de son financement. Il a enfin demandé à M. François de Paillerets si, parallèlement à des actions de santé publique prioritaires, la Conférence nationale de santé était en mesure d'énumérer des dépenses peu efficaces ou inutiles afin que le Parlement soit mieux en mesure de définir une politique de santé publique et de la financer.

M. Jean-Louis Lorrain a évoqué la question du dépistage du cancer et il a demandé à M. François de Paillerets comment s'articuleraient les prochains travaux de la Conférence nationale de santé avec ceux des " Etats généraux de la santé " organisés par le Gouvernement.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a abordé la proposition formulée par M. Jean-Marie Spaeth, président de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), d'adopter des lois d'orientation sanitaire et elle a regretté que les observatoires régionaux de la santé manquent de moyens et voient leurs travaux insuffisamment reconnus.

M. Guy Fischer a souligné l'importance des difficultés d'accès aux soins actuellement ressenties par les plus démunis et leurs conséquences sur le fonctionnement des établissements de santé.

M. Francis Giraud , après avoir évoqué la question du dépistage du diabète, a déclaré que si les programmes de vaccination avaient eu une influence très positive sur l'état de santé des Français, il convenait d'apprécier scrupuleusement le rapport bénéfices/risques de toutes les vaccinations nouvelles.

Mme Gisèle Printz a enfin regretté que les travaux de la Conférence nationale de santé n'aient pas abordé la question des dépistages bucco-dentaire et ophtalmologique.

Répondant aux orateurs, M. François de Paillerets a affirmé que les représentants de la Conférence nationale de santé étaient à la disposition du Parlement pour organiser une meilleure coordination de leurs travaux respectifs. Il a indiqué qu'en raison de la tenue des Etats généraux de la santé, les Conférences régionales de santé ne seraient pas réunies cette année. Il a regretté que la Conférence nationale de santé ne soit pas encore en mesure d'énumérer des dépenses qui pourraient être évitées mais il a souhaité qu'elle puisse le faire dans un proche avenir. Il a reconnu que la question de la prestation autonomie n'était pas évoquée suffisamment dans le détail dans le rapport de la Conférence, mais il a indiqué que le thème central de ses travaux, l'an prochain, serait consacré au vieillissement de la population. Il s'est déclaré favorable à des lois d'orientation sanitaire, mais il a estimé qu'il conviendrait de prendre garde au risque de séparation encore accru entre le curatif et le préventif dans notre système de santé. Il a estimé indispensable de soutenir les observatoires régionaux de la santé et de leur donner les moyens suffisants et il a rappelé que la Conférence nationale de santé souhaitait qu'ils constituent le pivot de l'organisation des banques de données en santé publique proposée dans ses rapports.

E. AUDITION DE M. EDMOND MALINVAUD, PROFESSEUR HONORAIRE AU COLLÈGE DE FRANCE

Réunie le mardi 13 octobre 1998 , sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'audition de M. Edmond Malinvaud, professeur honoraire au collège de France, sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 .

Elle a tout d'abord entendu M. Edmond Malinvaud , Professeur honoraire au collège de France, sur son rapport au Premier ministre consacré aux cotisations sociales à la charge des employeurs. M. Edmond Malinvaud a tenu à préciser que son étude, qualifiée d'analyse économique, avait eu pour objet de donner des repères et non de proposer une réforme particulière. Il a insisté sur le fait qu'elle s'adressait aux effets à long terme (10 ans et plus) à attendre de réformes adoptées immédiatement et considérées comme devant être maintenues durablement sans changement.

M. Edmond Malinvaud a indiqué que l'arrière-plan scientifique du travail accompli n'était pas aussi robuste qu'il l'aurait souhaité, évoquant les obstacles constitués par les interdépendances complexes entre prix et quantités, les substitutions entre facteurs de production ou encore les incertitudes concernant les effets à attendre d'une réforme des cotisations patronales sur la croissance.

M. Edmond Malinvaud a déclaré que son étude visait à éclairer les réponses à trois questions : la première tendant à valider l'intuition consistant à penser qu'une réforme des cotisations patronales, s'appliquant à tous les niveaux de qualification, stimulerait assez l'emploi pour justifier ses difficultés pratiques de mise en oeuvre ; la deuxième ayant pour objet de déterminer quelles seraient les modalités des réformes de ce type les plus favorables à l'emploi ; la troisième essayant de prendre position sur l'intérêt de la pérennisation, voire du renforcement, d'une différenciation des taux de cotisation en faveur des bas salaires.

M. Edmond Malinvaud a déclaré qu'il avait pensé, dans un premier temps, ne pouvoir donner que des indications qualitatives en réponse à ces questions. Il a observé qu'il lui avait été finalement possible d'introduire des éléments de quantification.

Concernant les principales conclusions de son étude, M. Edmond Malinvaud a considéré que les réformes de la fiscalité et de la parafiscalité qui concerneraient indistinctement toutes les qualifications auraient beaucoup moins d'effet sur le coût réel du travail que leurs impacts directs ne conduisaient à le faire penser. S'agissant d'un traitement différentiel des bas salaires, M. Edmond Malinvaud a estimé que la conclusion serait autre en raison d'un déséquilibre plus marqué et plus durable entre offre et demande de travail et du fait également de l'existence d'un salaire minimal légal. Il a plaidé en faveur de l'introduction, à titre définitif, d'un barème des cotisations patronales comportant de faibles taux en bas de l'échelle.

M. Edmond Malinvaud a ensuite fait part des résultats qui pouvaient être escomptés d'une diminution des charges sociales pesant sur les salaires compensée, à due concurrence, par un prélèvement reposant respectivement sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), l'ensemble des revenus (contribution sociale généralisée), les résultats des entreprises (impôts sur les sociétés) ou encore à travers l'introduction d'une nouvelle assiette " valeur ajoutée ".

Dans le cas d'une baisse du taux des cotisations patronales de trois points, compensée par une hausse de la TVA, M. Edmond Malinvaud a estimé qu'il en résulterait une baisse du coût du travail de 3 %, qui se traduirait en termes d'emploi par la création de 70.000 postes au bout de dix ans. Dans l'hypothèse d'une baisse des cotisations accompagnée de l'introduction d'une nouvelle assiette sur la valeur ajoutée, M. Edmond Malinvaud a déclaré que les résultats en termes d'emploi resteraient comparables à ceux induits par un basculement sur la TVA, c'est-à-dire un gain d'environ 70.000 emplois. Il a toutefois mis en évidence les difficultés créées par une telle assiette qui taxerait les amortissements ainsi que le profit pur ; celui-ci rémunérant le risque, il pourrait en résulter une moindre incitation au développement d'activités nouvelles dans les hautes technologies par exemple.

Evoquant l'intérêt d'un traitement différentiel des bas salaires, M. Edmond Malinvaud a estimé qu'il pourrait être justifié par le fait que l'on pouvait diagnostiquer, pour les années à venir, des difficultés d'emploi particulières pour les salariés les moins bien rémunérés. Il a par ailleurs considéré que les bas salaires, étant fortement liés au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC), étaient assez peu sensibles à l'état du marché du travail, ce qui constituait un facteur de chômage pouvant justifier des allégements particuliers sous la forme d'un barème progressif.

M. Edmond Malinvaud a estimé que le barème actuel était trop progressif, entre 1 et 1,3 fois le SMIC.

Il a déclaré qu'un employeur qui souhaitait augmenter de 100 francs le salaire d'un de ses employés payé au SMIC devrait en fait payer 300 francs compte tenu des charges sociales.

M. Edmond Malinvaud a fait part de sa préférence pour un barème moins progressif, qui s'appliquerait à l'ensemble des salaires compris entre une et deux fois le SMIC.

Afin de financer un tel dispositif, M. Edmond Malinvaud a envisagé trois possibilités, l'une d'entre elles consistant à augmenter d'environ 2 % les cotisations sur les plus hautes rémunérations. Il a estimé qu'une telle réforme pourrait se traduire par la création de 300.000 emplois à l'horizon de 10 ans.

M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, a souhaité savoir si le rapport présenté était un rapport demandé par le Premier ministre dans le cadre du Conseil d'analyse économique ou s'il devait être considéré comme étant le rapport du Gouvernement au Parlement prévu par l'article 6 de la loi de financement pour 1998, rapport " analysant les conséquences sur le financement de la sécurité sociale et sur la situation des entreprises d'une modification de l'assiette des cotisations sociales à la charge des employeurs, notamment appuyée sur la valeur ajoutée ".

M. Edmond Malinvaud a répondu que son rapport n'avait pas un tel objet et qu'il devait être considéré comme un rapport réalisé dans le cadre du Conseil d'analyse économique.

M. Charles Descours, rapporteur, a demandé ensuite si le diagnostic d'une évolution plus favorable que par le passé de la masse salariale tenait compte de la modération en termes de hausse des salaires observée depuis l'annonce de la loi d'orientation et d'incitation à la réduction du temps de travail.

M. Edmond Malinvaud a répondu que son étude ne prenait pas en compte l'impact de la loi sur les 35 heures. Il a par ailleurs observé qu'une distinction devrait être faite entre le taux de salaire horaire, qui continuerait à croître, et la rémunération globale qui pourrait effectivement évoluer en fonction de la durée du travail.

M. Charles Descours, rapporteur, s'est enfin interrogé sur le risque qu'une surcotisation imposée aux salaires les plus élevés puisse avoir un effet de " fuite des cerveaux ", notamment dans le domaine des nouvelles technologies.

En réponse, M. Edmond Malinvaud a considéré que les emplois les plus rémunérés étaient les moins sensibles à une augmentation du coût du travail. Il a par ailleurs observé qu'il avait proposé d'autres pistes de réforme.

M. Jean Delaneau, président, a souhaité savoir si les considérations contenues dans le rapport, relatives au SMIC en tant que facteur de rigidité par rapport aux évolutions du marché du travail devaient être considérées comme une critique d'une rémunération minimale fixée par voie administrative.

En réponse, M. Edmond Malinvaud a indiqué qu'il avait considéré la question des coûts salariaux et qu'il avait retenu l'hypothèse d'un abaissement des charges sur les bas salaires pour obtenir une réduction de ces coûts.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard et M. François Autain se sont interrogés sur le nombre de créations d'emplois qui pourrait être attendu d'un transfert plus important de cotisations patronales sur la cotisation sociale généralisée (CSG) d'une part, et sur la TVA d'autre part.

M. Edmond Malinvaud leur a répondu que les résultats en termes d'emplois seraient du même ordre, que le transfert ait lieu sur la CSG ou sur la TVA. Afin de donner un ordre de grandeur, il a rappelé qu'un transfert de trois points des cotisations patronales permettrait la création de 70.000 emplois et qu'un transfert plus important permettrait la création d'un supplément d'emplois proportionnellement plus élevé.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard s'est interrogée sur l'intérêt qu'il pourrait y avoir à exonérer de cotisations sociales les premiers 1.000 francs de l'ensemble des salaires.

M. Edmond Malinvaud a considéré que ce système avait des vertus à long terme, notamment du fait de sa simplicité, mais il a estimé qu'il créerait moins d'emplois que d'autres dispositifs envisagés.

Mme Nicole Borvo s'est interrogée, quant à elle, sur l'intérêt de baisser le coût du travail après avoir constaté que la baisse observée ces dernières années avait été sans effet sur l'emploi.

M. Edmond Malinvaud a déclaré que le coût du travail n'avait pas baissé mais qu'on avait simplement assisté au développement des inégalités notamment au détriment des jeunes qui devaient faire face à une plus grande précarité des emplois. Il a considéré par ailleurs que de nombreuses études avaient mis en évidence l'existence d'un lien entre le coût du travail et la demande d'emploi.

Enfin, M. André Jourdain a demandé à M. Edmond Malinvaud de donner son avis sur l'intérêt d'une cotisation assise sur la valeur ajoutée.

M. Edmond Malinvaud a souhaité simplement souligner qu'il s'agirait d'un impôt nouveau difficile à mettre en oeuvre notamment du fait des obstacles pouvant apparaître dans le contrôle de son recouvrement.

F. AUDITION DE JEAN-FRANÇOIS CHADELAT, INSPECTEUR GÉNÉRAL DES AFFAIRES SOCIALES

Réunie le mardi 13 octobre 1998 , sous la présidence de M. Jean Delaneau, président, la commission a procédé à l'audition de M. Jean-François Chadelat, inspecteur général des affaires sociales.

M. Jean-François Chadelat
a tout d'abord tenu à rappeler les conditions d'élaboration du rapport dont il avait été chargé par une lettre de mission de M. Alain Juppé, alors Premier ministre, en date du 24 décembre 1996.

Il a relevé que M. Alain Juppé reprenait, dans cette lettre, les termes de son discours du 15 novembre 1995 sur la réforme de la sécurité sociale dans lequel il déclarait vouloir mener à bien l'élargissement de l'assiette de la contribution sociale généralisée (CSG), le basculement progressif des cotisations salariales vers une CSG élargie et enfin, une réforme des cotisations patronales " dont l'assiette devrait être diversifiée en intégrant par exemple des éléments fondés sur la valeur ajoutée ".

M. Jean-François Chadelat a souligné que son rapport ne portait donc pas sur la lutte contre le chômage mais d'abord sur la réforme du financement de la protection sociale.

Puis, il a indiqué que le rapport posait d'abord la question de savoir s'il était nécessaire de modifier l'assiette des cotisations patronales et qu'il avançait cinq raisons pour répondre positivement à cette question.

En premier lieu, M. Jean-François Chadelat a souligné qu'il fallait déterminer l'assiette la plus dynamique possible pour assurer le financement de la sécurité sociale.

Il a constaté, à cet égard, que la part de la masse salariale dans la valeur ajoutée se réduisait constamment sur les quinze dernières années. Ainsi, de 1980 à 1997, l'écart en moyenne annuelle entre l'augmentation du produit intérieur brut (PIB) et celle de la masse salariale a été de 0,7 %, soit un manque à gagner de 7 milliards de francs par an qui se cumulent.

En second lieu, M. Jean-François Chadelat a observé que notre système de sécurité sociale restait majoritairement financé par des cotisations assises sur les revenus du travail et principalement sur les salaires, qu'il pesait donc sur le coût du travail et pénalisait l'emploi.

Il a précisé qu'il avait choisi volontairement de ne pas mettre l'accent en premier lieu sur cet argument, dans la mesure où le rapport qui lui était demandé portait prioritairement sur le financement de la sécurité sociale.

En troisième lieu, M. Jean-François Chadelat a souligné le caractère positif d'une diversification des ressources de la sécurité sociale : remarquant, à cet égard, que la France était dans une situation " atypique " par rapport à ses principaux partenaires, dans la mesure où elle accordait la première place aux cotisations sociales assises sur les salaires, ceci malgré l'effort que représentait la mise en place de la CSG, il s'est demandé si notre pays ne courait pas un risque à " mettre tous ses oeufs dans le même panier ".

En quatrième lieu, il a insisté sur la nécessité d'engager en matière de cotisations patronales une réforme parallèle à celle conduite pour élargir l'assiette de la cotisation salariale par la mise en place de la CSG qui tient compte du fait que les revenus des ménages n'étaient pas composés uniquement de revenus salariaux.

Il a estimé qu'il serait paradoxal de ne pas suivre, pour les cotisations patronales, le même raisonnement que pour les cotisations salariales et de ne pas tenir compte de tous les éléments qui " font la richesse des entreprises ".

Enfin, tout en reconnaissant le caractère quelque peu caricatural de la formule, il a déclaré ne pas comprendre pourquoi, du point de vue de l'égalité de traitement, une entreprise " employant 100 salariés et utilisant 10 machines ne verserait pas la même contribution que l'entreprise employant 10 salariés et utilisant 100 machines ".

Puis, M. Jean-François Chadelat a indiqué que la seconde partie de son rapport examinait comment réformer les cotisations patronales de sécurité sociale.

Tout d'abord, il a relevé que, compte tenu de la masse financière en cause, il était nécessaire de recourir à une assiette de cotisation la plus large possible, supérieure ou au moins égale à l'assiette constituée par la masse salariale.

Il a souligné, en effet, qu'il serait déraisonnable d'instituer des taux nominaux de prélèvements excessifs ainsi que de se fonder sur une assiette trop fluctuante en raison de son étroitesse.

Dans ces conditions, M. Jean-François Chadelat a constaté qu'il n'existait que deux possibilités pour asseoir la contribution sociale des entreprises, soit une assiette fondée sur le chiffre d'affaires, soit celle fondée sur la valeur ajoutée.

Concernant le chiffre d'affaires, il a estimé que cette notion, apparemment séduisante, qui était déjà utilisée, à un taux très faible, pour financer la contribution sociale de solidarité à la charge des sociétés (C3S) présentait des inconvénients car elle induisait une taxation en cascade sur les intermédiaires d'un même circuit de production et elle avantageait donc les circuits commerciaux courts au détriment du petit commerce de détail. Sur ce point, il a rappelé que, statistiquement, la somme des chiffres d'affaires des entreprises était deux fois supérieure au montant du PIB.

Considérant donc comme inévitable le recours à une assiette fondée sur la valeur ajoutée, il a précisé que, dans son rapport, il examinait la question de la " faisabilité " du transfert en remarquant que ce problème n'avait pas été franchement abordé dans les multiples rapports précédents.

Il a noté, à cet égard, que dans les travaux antérieurs, les conséquences macro-économiques du passage à des cotisations patronales assises sur la valeur ajoutée avaient été largement analysées.

Il a ainsi été démontré que les secteurs qui utilisent peu de capital et emploient beaucoup de salariés (textile, bâtiment) seraient avantagés par la réforme et qu'en revanche seraient pénalisés les secteurs dans lesquels la masse salariale est faible et le montant des investissements importants en capital (pétrochimie, informatique).

M. Jean-François Chadelat a noté, non sans ironie, que les analyses économétriques ne faisaient sur ce point que confirmer les conclusions auxquelles permettaient d'aboutir un raisonnement économique relativement simple.

Concernant en revanche la question plus complexe des modalités de mise en oeuvre du passage à la nouvelle assiette, il a souligné qu'aucun problème ne serait insoluble dès lors qu'un groupe restreint de décideurs seraient habilités à résoudre les difficultés subsistantes avec une obligation de résultat, nonobstant les réticences des administrations concernées.

Concernant la définition de la valeur ajoutée, M. Jean-François Chadelat a préconisé le recours à la notion de valeur ajoutée comptable déjà utilisée par le code général des impôts dans le dispositif de plafonnement de la taxe professionnelle par rapport à la valeur ajoutée.

S'agissant du champ d'application, il a émis des doutes sur l'opportunité de l'introduction de la valeur ajoutée dans le secteur non marchand. A cet égard, il a remarqué que la notion de valeur ajoutée d'une administration publique ou d'une association à but non lucratif avait peu de sens et qu'elle serait largement identifiée, par des biais comptables, aux charges de personnel, ce qui entraînerait des distorsions par rapport au secteur marchand.

En outre, il a mis l'accent sur la nécessité d'éviter des effets pervers au détriment des travailleurs indépendants. Constatant que le changement avantagerait en moyenne les entreprises comptant entre 5 et 400 salariés, il a estimé nécessaire de définir un seuil minimum d'assujettissement qui permettrait d'exclure les plus petites entreprises.

Enfin, il a considéré qu'un sort particulier devrait être réservé au secteur agricole caractérisé par une forte proportion d'entreprises individuelles et dans lequel la majorité des exploitants cotise au forfait.

En matière de contrôle de recouvrement, M. Jean-François Chadelat a souligné l'effort à accomplir en matière d'information des entreprises ainsi que la vigilance nécessaire à l'égard des évasions et fraudes possibles.

Administrativement, il a estimé envisageable que les opérations matérielles de recouvrement soient effectuées par les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF), tout en soulignant que seuls les services fiscaux bénéficiaient du savoir-faire et de la compétence nécessaire pour assurer les tâches de contrôle des entreprises.

En définitive, M. Jean-François Chadelat a souligné que son rapport faisait apparaître que l'introduction progressive de la notion de valeur ajoutée dans le financement de la sécurité sociale était inéluctable et souhaitable et qu'aucune difficulté technique ne semblait insoluble en ce domaine.

Il a souhaité ne pas porter de jugement sur le rapport de juillet 1988 remis au Premier ministre sur l'analyse économique des cotisations sociales à la charge des employeurs.

Il a relevé toutefois que, dans ce rapport, il lui était reproché de ne pas envisager le basculement immédiat des 12,8 points de cotisations patronales d'assurance maladie sur une nouvelle cotisation assise sur la valeur ajoutée et que cette prudence était interprétée comme un manque de conviction.

Evoquant le principe statistique selon lequel " la nature n'agissait pas par saut ", il a souligné qu'une réforme brutale, " en marche d'escalier ", provoquerait inévitablement une catastrophe.

En revanche, il a souligné la pertinence d'une réforme progressive et lente, en rappelant que le déplafonnement des cotisations de sécurité sociale, engagé depuis 1978 et poursuivi pendant quatorze ans, avait entraîné des transferts considérables entre secteurs et entreprises, de l'ordre de 200 milliards de francs, sans difficulté particulière.

M. Charles Descours, rapporteur pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie, a remercié l'intervenant, a souligné qu'il avait répondu dans ses propos liminaires aux questions qu'il lui avait adressées et il s'est interrogé sur l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale relatif à la C3S.

M. Jean-François Chadelat a indiqué que cette disposition constituait en fait la suite d'un article de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 prévoyant que les excédents de CSG, dégagés à l'occasion du basculement des cotisations salariales d'assurance maladie, devaient être affectés en priorité pour combler le déficit de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) et, le cas échéant, de la Caisse nationale d'assurance maladie maternité des professions indépendantes (CANAM).

Il était également prévu que les excédents de C3S étaient affectés à la Caisse autonome nationale de compensation de l'assurance vieillesse des artisans (CANCAVA) et à l'organisation autonome nationale de l'industrie et du commerce (ORGANIC). Le projet de loi prévoit donc que les excédents éventuellement restants soient affectés au financement du fonds de solidarité vieillesse.

M. Jean-François Chadelat a admis que des excédents pourraient effectivement être dégagés en 1999 sur la C3S en considérant qu'il était difficile de se prononcer au-delà dans un tel dispositif.

M. André Jourdain s'est interrogé sur la situation des grandes entreprises au regard de la valeur ajoutée.

M. Jean-François Chadelat a remarqué que les entreprises, de plus de 400 salariés, utilisaient également beaucoup de capital ce qui expliquait qu'elles ne trouvaient pas toujours avantage au passage à une contribution assise sur la valeur ajoutée.

Il a constaté à cet égard que, statistiquement, la réforme avantageait les entreprises pour lesquelles la masse salariale intervient pour plus de deux tiers dans la formation de leur valeur ajoutée.

M. François Autain a estimé que le problème essentiel était celui de la création d'emplois et il s'est interrogé sur l'opportunité d'un changement d'assiette des cotisations patronales dès lors que certains avançaient que le passage à la valeur ajoutée ne créerait qu'un faible nombre d'emplois.

M. Jean-François Chadelat a indiqué que les simulations demandées pour la préparation de son rapport présentaient des fourchettes d'estimations extrêmement larges variant de 40.000 à 400.000 emplois supplémentaires. Il a souligné, de manière générale, la difficulté et les aléas des chiffrages en matière de création d'emplois. Il lui a semblé clair, en revanche, qu'une réduction des charges sociales pesant sur les salaires allait dans un sens favorable à l'emploi.

Se demandant si ce gain justifiait un changement aussi considérable, il a constaté que la France avait poussé la logique bismarckienne de la protection sociale à un niveau caricatural, en finançant la sécurité sociale de manière quasi exclusive par l'assiette des revenus du travail.

Soulignant que, sur le plan économique, une entreprise avait toujours intérêt à maximiser ses profits et à minimiser ses coûts et en particulier les salaires qui constituent les dépenses les plus importantes, il a considéré qu'il serait absurde de continuer à financer la sécurité sociale à partir d'une assiette que les entrepreneurs cherchent à réduire.

M. Guy Fischer s'est demandé si le maintien du statu quo actuel ne pourrait pas entraîner un sentiment d'injustice de la part des Français ainsi qu'un fort taux de chômage.

En réponse, M. Jean-François Chadelat a estimé que certaines entreprises pouvaient effectivement considérer que le maintien du régime actuel les pénaliserait injustement.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Pour la troisième fois depuis la réforme constitutionnelle de 1996, le Sénat est appelé à débattre d'un projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 est marqué, avant tout, par l'affirmation d'un retour à l'équilibre des comptes sociaux.

Pourtant, à l'examen, le projet du Gouvernement se révèle à la fois fragile dans ses équilibres, inabouti dans ses analyses et peu cohérent dans ses propositions.

Fragile dans ses équilibres, le projet l'est en raison tant du choix de prévisions économiques volontaristes, que d'un redressement des comptes obtenu, moins par la maîtrise des dépenses que par la mobilisation des recettes tirées de la croissance et de l'alourdissement spectaculaire des prélèvements décidés l'an dernier.

Il est fragile enfin dans la mesure où l'équilibre, apparent et global, ne traduit pas un assainissement en profondeur de l'ensemble des branches : les excédents de la branche famille masquent le déficit persistant de la branche vieillesse.

Le projet du Gouvernement est en outre inabouti dans ses analyses. Rarement la représentation nationale aura été sollicitée par autant d'annonces de réformes qui, toutes, sont censées aboutir en 1999, mais dont aucune ne figure, sous une forme achevée, dans le texte qui lui est soumis. Ces réformes sont pourtant essentielles et marquées par l'urgence : avenir des retraites, poursuite de la réforme du financement de la sécurité sociale, couverture maladie universelle.

Enfin, ce projet est peu cohérent dans ses propositions.

Ainsi, la création d'un fonds de réserve destiné à conforter l'avenir des retraites par répartition qui, selon le Gouvernement lui-même, a valeur symbolique, se double d'une revalorisation exceptionnelle des pensions qui aggrave le déficit actuel de la branche vieillesse.

Le message apparaît ainsi singulièrement brouillé qui consiste à affirmer simultanément le souci -au demeurant légitime, mais au prix de déficits accrus- de faire participer, dès aujourd'hui, les retraités aux " fruits de la croissance " et la nécessité impérieuse de constituer des réserves pour payer les pensions de demain.

De même, la situation financière excédentaire de la branche famille ne justifie aucunement les nouvelles économies par lesquelles le Gouvernement gage les quelques mesures positives annoncées lors de la Conférence de la famille.

Après les mesures d'une gravité exceptionnelle mises en oeuvre l'an dernier -notamment la mise sous condition de ressources des allocations familiales à laquelle se substitue cette année le plafonnement du quotient familial- le Gouvernement donne le sentiment que la politique familiale se résume à la mise en excédent de la branche famille.

Enfin, les développements copieux que consacre le projet de loi à l'assurance maladie ne traduisent aucune réforme majeure mais détaillent de nouvelles contributions, véritables usines à gaz comptables, à la charge des professionnels de santé et des laboratoires pharmaceutiques.

Face à ce constat, et tout en considérant que le Parlement devra tôt ou tard revoir la copie du projet de loi de financement pour 1999, votre commission avance un certain nombre de propositions développées tant dans le présent rapport que dans ceux consacrés à la famille et à l'assurance vieillesse.

PREMIÈRE PARTIE
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ÉQUILIBRES FINANCIERS GÉNÉRAUX

I. LES LOIS DE FINANCEMENT : UN INSTRUMENT PERFECTIBLE

Les lois de financement de la sécurité sociale, mises en place par la loi organique du 22 juillet 1996, constituent un progrès essentiel de la démocratie et de la transparence, salué désormais par l'ensemble des forces politiques.

L'examen et le suivi des lois de financement par le Parlement supposent une information fiable et cohérente. Cette question de l'information reste majeure. Certes, les progrès réalisés depuis une vingtaine d'années sont importants. La réforme voulue avec courage par M. Alain Juppé a conforté un processus amorcé par la création, en 1979, de la Commission des comptes de la sécurité sociale. L'information est désormais présente ; elle demeure complexe et multiple. La réforme constitutionnelle et la loi organique de 1996 n'ont pas toujours défini les concepts utilisés, d'où une période de " rodage " inévitable. Beaucoup d'informations sont disponibles ; peu s'avèrent réellement " utiles " 1( * ) . Il convient désormais de préciser, de hiérarchiser et d'homogénéiser les tableaux de bord, afin d'assurer un meilleur suivi de l'évolution des recettes et des dépenses.

Loin de considérer qu'il s'agit là d'un débat réservé aux techniciens, votre rapporteur estime que ces questions sont de nature politique. Pour ne donner qu'un seul exemple, la mise sous condition de ressources des allocations familiales -décision politique annoncée par M. Lionel Jospin dans son discours de politique générale le 19 juin 1997- est justifiée a posteriori par une argumentation technique : le dérapage des dépenses de la branche famille. Votre rapporteur constate que ce dérapage a été surestimé.

Les chiffres ont plus que jamais des conséquences politiques et normatives.

Votre rapporteur a jugé utile de procéder à un rapide et premier bilan de la réforme institutionnelle de 1996, à l'aide notamment des documents de la Cour des comptes et de la Commission des comptes de la sécurité sociale.

En effet, les lois de financement de la sécurité sociale sont encore très récentes, à l'inverse des lois de finances, contemporaines de l'histoire des Parlements, et dont l'architecture est fixée depuis quarante ans par la Constitution de 1958 et l'ordonnance portant loi organique du 2 janvier 1959.

Il apparaît possible d'améliorer le contenu des lois de financement de la sécurité sociale (A) et de renforcer la transparence des comptes (B).

A. AMÉLIORER LE CONTENU DES LOIS DE FINANCEMENT

1. Clarifier les enjeux des lois de financement

La clarification des enjeux des lois de financement passe d'abord par une meilleure définition des soldes tendanciels des régimes de sécurité sociale -présentés lors de la Commission des comptes de sécurité sociale- et des soldes corrigés par le projet de loi.

a) Une confusion entre des soldes tendanciels et des soldes corrigés par la loi de financement

Les comptes tendanciels justifient pour une grande part les mesures correctrices prises par le Gouvernement.

Les soldes tendanciels, établis par la Commission des comptes de la sécurité sociale, s'appuient sur des objectifs de croissance de la masse salariale qui peuvent être sous-estimés ou surestimés. Les effets financiers des mesures de correction semblent -à leur tour- mal appréciés.

L'exemple des prévisions concernant la branche famille pour l'année 1998 apparaît caricatural. Le déficit tendanciel était de 11,8 milliards de francs 2( * ) . Le déficit estimé est désormais de 0,9 milliard de francs . Les mesures d'économie contestées lors de la discussion du projet de loi de financement pour 1998 (mise sous condition de ressources des allocations familiales et plafonnement de l'AGED) sont chiffrées à 4,6 milliards de francs. En ce qui concerne la mise sous condition de ressources des allocations familiales, mesure sur laquelle le Gouvernement revient en arrière dans le projet de loi de financement pour 1999, Mme Martine Aubry argumente ce " pas de clerc " 3( * ) par l'impératif de financement.

Il s'avère que si ces mesures contestées n'avaient pas été prises, le déficit n'aurait été que d'un peu plus de 5 milliards, puisque les autres mesures de redressement ont eu un effet plus important que prévu et que l'ensemble des recettes avait été sous-estimé.

On ne saurait méconnaître que la prévision est un art difficile et l'erreur toujours possible. Mais, au-delà, la séparation entre ce qui relève des " prévisions tendancielles " et ce qui tient des " mesures de correction " est très floue.

Les prévisions effectuées en septembre 1998 sont -de ce point de vue- tout à fait étonnantes pour deux raisons principales :

- elles prennent en compte des mesures gouvernementales, et notamment le plan Aubry assurance maladie de l'été 1998, à hauteur des effets souhaités par le Gouvernement ;

- les dépenses d'assurance maladie sont calculées sur la base d'un ONDAM progressant de 2,6 %, ce qui est le chiffre retenu par le Gouvernement dans le projet de loi.

La définition d'un ONDAM tendanciel mérite certes discussion : doit-il être une simple reconduction de l'existant (ONDAM de l'année précédente) ou une prévision s'appuyant sur l'évolution spontanée des dépenses d'assurance maladie ?

Quoi qu'il en soit, dans le cas présent, le Gouvernement se contente de constater l'évolution " tendancielle " des dépenses.

En outre, la confusion entre le " tendanciel " et le " correctif " est symbolisée par l'annonce, le même jour, des prévisions de la Commission des comptes de la sécurité sociale et des mesures correctrices du Gouvernement. C'est dans le cadre de la réunion de la Commission des comptes que le Gouvernement présente les grandes lignes du projet de loi de financement et diffuse son dossier de presse.

La Commission des comptes de la sécurité sociale

La commission se réunit deux fois par an, une session de printemps étant consacrée aux comptes du régime général et une session d'automne à l'ensemble des comptes des régimes de sécurité sociale.

Un débat récurrent agite la Commission des comptes : faut-il que ses membres disposent du rapport quelques jours avant la réunion ou au moment même de la réunion ?

S'agissant d'un rapport de plus de cinq cents pages, il apparaîtrait plus logique de le distribuer préalablement, afin que les membres de la commission puissent en prendre connaissance. Il n'est pas essentiel de réserver aux partenaires sociaux la primeur de l'annonce de ces comptes.

La réunion devrait ainsi mieux distinguer :

- ce qui relève d'une simple observation des comptes (le " tendanciel "),

- ce qui relève des mesures proposées par le Gouvernement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (le " correctif ").

b) Deux dispositions normatives difficiles à apprécier

Les lois de financement contiennent deux dispositions normatives, l'ONDAM et le plafond d'avances de trésorerie, qui apparaissent pourtant difficiles à apprécier.

L'ONDAM est marqué par des incertitudes statistiques, empêchant de disposer d'une estimation claire de sa réalisation en cours d'année

La création par la loi organique de 1996 d'un outil pour contrôler l'évolution des dépenses d'assurance maladie représente un grand progrès. La question essentielle est désormais celle de son suivi.

Deux statistiques différentes sur les dépenses d'assurance maladie, alors même qu'elles se nourrissent des mêmes sources, sont disponibles 4( * ) :

- les prévisions de la Direction de la sécurité sociale, qui ne sont pas rendues publiques ;

- les prévisions de la CNAM, qui utilise une application dénommée GERICO (gestion des risques et contrôle des prévisions) ayant l'intérêt d'être décentralisée. Ces prévisions -rendues publiques- concernent le régime général, le régime agricole et le régime des non-salariés non agricoles (CANAM).

Il n'est pas possible, à partir de ces statistiques, d'arriver à un chiffre réellement pertinent sur une exécution mensuelle de l'ONDAM. La CNAM révise d'ailleurs de mois en mois ses chiffres, donnant ainsi l'impression d'un manque de fiabilité. Le 15 mai 1998, Mme Martine Aubry et M. Bernard Kouchner ont demandé à l'IGAS de contrôler les conditions de collecte de ces statistiques.

Il est tout à fait révélateur que le Parlement ne dispose pas, à l'occasion de la discussion du présent projet de loi de financement, d'une estimation précise portant sur la réalisation de l'ONDAM 1998.

Pour pouvoir suivre avec précision l'évolution des dépenses d'assurance maladie en disposant du même cadre que celui fourni par le législateur, le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale propose ainsi de mensualiser et de régionaliser l'ONDAM.

Le plafond d'avances de trésorerie consenties au régime général a été à deux reprises relevé par le pouvoir réglementaire

La deuxième mesure normative des lois de financement est relative aux plafonds d'avances de trésorerie.

Or, l'exécution des deux premières lois de financement s'est traduite par une modification de ces plafonds par voie réglementaire.

Le système est d'une grande souplesse. Une procédure d'alerte existe entre l'ACOSS et l'Etat, permettant de recourir à un simple décret en Conseil d'Etat pour relever le plafond d'avances. Un rapport au Parlement est transmis dans les dix jours suivant la parution du décret au Journal Officiel.

Le Gouvernement argumente le relèvement du plafond d'avances du régime général opéré par le décret n° 98-753 du 26 août 1998 par :

- la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (ARS) ;

- le dérapage des dépenses d'assurance maladie ;

- la perception en fin d'année des recettes provenant des prélèvements sur les revenus du capital.

En ce qui concerne la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, la solution d'un décret d'avance, permettant au Budget général de mettre à la disposition de la CNAF les sommes nécessaires au versement de cette prestation, s'impose.

En effet, dès lors que le Gouvernement persiste à ne décider qu'au dernier moment de l'opportunité d'une majoration de l'allocation de rentrée scolaire et qu'une mesure réglementaire " d'urgence " est donc nécessaire, le recours à un décret d'avance a le mérite de ne pas faire peser cette décision pendant plusieurs mois sur la trésorerie de la CNAF.

c) Des objectifs de dépenses et de recettes votés par le Parlement, mais ne constituant pas un équilibre

L'ambition de la réforme de 1995-1996 ne se limitait pas au seul régime général. Son objectif était au contraire de considérer l'ensemble des régimes de sécurité sociale, pour pouvoir enfin disposer de masses globales pour tous les régimes obligatoires de plus de 20.000 cotisants.

A cet égard, la distinction entre la réunion de printemps de la Commission des comptes, consacrée au seul régime général, et la réunion d'automne, consacrée à l'ensemble des régimes sociaux, apparaît obsolète, comme l'indique le secrétaire général de la commission, M. Philippe Nasse 5( * ) .

Mais le législateur de 1996 n'a pas souhaité introduire un article d'équilibre dans les lois de financement, ni global (le périmètre des objectifs de dépenses et des prévisions de recettes n'étant pas identique), ni a fortiori par branche (seuls les objectifs de dépenses étant présentés par branche, les prévisions de recettes l'étant par catégorie). Deux raisons principales ont été avancées.

La première raison tient à l'impossibilité d'assimiler les finances sociales au budget de l'Etat.

L'expérience de la première loi de financement permet de considérer que les recettes sociales sont tout à fait comparables aux recettes fiscales. Elles dépendent étroitement de la réalisation des mêmes hypothèses de croissance.

Les dépenses sociales apparaissent, au premier abord, plus éloignées des dépenses du budget de l'Etat.

Les dépenses de santé ne peuvent pas être contraintes. Les dépenses famille et vieillesse sont la conséquence d'une articulation entre, d'une part, la législation et la réglementation en vigueur et, d'autre part, l'évolution démographique. Les régimes de sécurité sociale ne peuvent cesser leurs paiements ou leurs remboursements faute de crédits disponibles. De fait, les montants de dépenses par branche inscrits dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale restent des objectifs et ne sont pas limitatifs.

Il reste que les dépenses budgétaires, dans leur grande majorité, sont dans la même situation : charges obligatoires de la dette, remboursement des allégements de charges sociales, traitements des fonctionnaires, etc. Certaines de ces dépenses ont explicitement un caractère évaluatif.

Les lois de financement de la sécurité sociale définissent bien un " budget bis ", selon l'expression employée par M. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des comptes, lors de son audition devant votre commission le 15 octobre 1998.

La deuxième raison tient au nombre élevé de régimes comptant moins de 20.000 cotisants ou retraités titulaires de droits propres, alors que leurs dépenses représentent moins de 1 % de l'ensemble.

La loi organique du 22 juillet 1996 a ainsi établi une distinction entre des objectifs de dépenses par branche pour les régimes obligatoires de plus de 20.000 cotisants et des objectifs de recettes par catégorie.

Ces raisons demeurent naturellement fortes. Il reste que l'expérience des trois premiers projets de loi de financement montre que la notion d'équilibre est au coeur du débat mais que ce dernier porte de façon réductrice sur l'équilibre du seul régime général sur lequel, au demeurant, le Parlement ne se prononce pas ( voir ci-après e) ).

Les annexes prévues par la loi organique contiennent un grand nombre d'informations générales de très grande qualité. En revanche, celles qui sont censées détailler les chiffres inscrits dans le projet de loi ne sont pas réellement exploitables, parce que trop souvent fondées sur un champ différent, ce qui est lié à l'utilisation de comptes hétérogènes (cf. ci-après).

Par exemple, l'annexe d prévue par l'article LO 111-4 II du code de la sécurité sociale décrit " pour l'année en cours et l'année suivante, par catégorie, les ressources des régimes obligatoires de base de sécurité sociale " . Le descriptif de cette annexe n'est pas identique au contenu obligatoire des lois de financement -voté par le législateur (art. 12 du présent projet de loi)- qui doit " prévoir par catégorie les recettes de l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement " (art. LO 111-3 I-2°).

Pour résumer, le législateur autorise un ensemble de recettes. Cet ensemble de recettes est détaillé selon des règles différentes dans l'une des annexes qu'il tient à sa disposition. La différence s'explique par l'existence du Fonds de Solidarité Vieillesse et des " transferts ", qui correspondent à la nuance introduite par le membre de phrase " organismes créés pour concourir à leur financement " . Dans le projet de loi de financement pour 1999, cette distinction est expliquée par un rapide paragraphe, situé au bas de la page 14 de l'annexe c.

d) L'utilisation de comptes hétérogènes

La loi organique de 1996 n'a pas défini la notion de " branche ". Cette notion n'a été clairement identifiée que pour le seul régime général, par la loi du 25 juillet 1994 sur la sécurité sociale.

En l'absence de définition générale, le Gouvernement a adopté un certain nombre de conventions pour la ventilation des dépenses qui sont précisées à l'annexe c du projet de loi.

Or, de nombreux régimes n'individualisent pas leurs dépenses de charges annexes par branche et l'annexe c de la loi de financement n'apporte aucune précision sur la ventilation de ces charges qui ne correspondent pas à des prestations versées 6( * ) .

Par ailleurs, la Cour des comptes relève que le concept de dépenses utilisé par la loi organique ne recoupe pas exactement celui d'emplois retenu dans les comptes présentés à la Commission des comptes de la sécurité sociale, les différences résultant :

- du traitement des dépenses et des recettes des départements d'outre-mer dans les comptes de la sécurité sociale ;

- des doubles emplois qui apparaissent dans ces comptes de la sécurité sociale du fait des transferts internes aux régimes de base considérés et des dépenses qui constituent la contrepartie des cotisations prises en charge par les régimes de sécurité sociale ;

- de l'exclusion des régimes de base de moins de 20.000 cotisants ou bénéficiaires de droits propres.

Enfin, la direction de la sécurité sociale utilise deux cadres comptables pour les comptes présentés à la Commission des comptes de la sécurité sociale.

Le premier, utilisé pour le seul régime général, classe les comptes en " recettes " et en " dépenses ". La différence forme la variation du fonds de roulement .

Le second, utilisé pour les autres régimes, classe les comptes en " emplois " et en " ressources ". La différence forme le solde des opérations courantes .

Ce second cadre comptable est utilisé par les annexes du projet de loi de financement.

Cette situation, d'après les informations communiquées à votre rapporteur 7( * ) , serait corrigée à l'occasion du prochain projet de loi de financement.

La question des transferts entre branches du régime général, par exemple, est traitée par la Cour des comptes dans son rapport 1997 8( * ) . On résumera ainsi le problème : comment traiter les transferts entre branches du régime général, alors même que la loi du 25 juillet 1994 a réaffirmé la gestion séparée des branches ? A l'heure actuelle, la convention retenue est la suivante : l'objectif des dépenses de la branche versante inclut les transferts versés aux autres branches, tandis que l'objectif de dépenses de la branche bénéficiaire est présenté net des transferts reçus des autres branches. La Cour des comptes a proposé une formule différente, consistant à conserver les transferts versés aux autres branches, mais à ne pas faire apparaître les transferts dans l'objectif de dépenses de la branche bénéficiaire. Un état des transferts entre branches serait souhaitable.

De manière générale, la Cour insiste dans son rapport 1998 sur le flou des notions de " branche ", de " régime ", de " risque ", de " caisse ". Cette critique est liée à l'organisation même des régimes de sécurité sociale, historiquement très complexe.

e) Un discours consacré quasi exclusivement aux comptes du régime général

Les mesures correctives annoncées par le Gouvernement lors de la loi de financement restreignent le débat au seul régime général. Ces mesures corrigent les chiffres " tendanciels " présentés lors la Commission des comptes de la sécurité sociale. Lors de la discussion du projet de loi de financement pour 1998, le déficit prévisionnel du régime général était de 33 milliards. Les mesures correctives proposées par le Gouvernement étaient de 21 milliards, pour parvenir à un déficit de 12 milliards. Il n'a été nullement question d'équilibrer l'ensemble des régimes sociaux.

Pourtant, la loi de financement ne vote pas explicitement les dépenses et les recettes du régime général. Mais le débat sur l'équilibre se concentre sur la page 28 de l'annexe c) du projet de loi de financement consacré à l'effet des mesures du projet de loi sur le solde des différentes branches.

Cette restriction du débat au seul régime général est fâcheuse pour deux raisons :

- ne parler que du déficit du régime général fait porter sur ce seul régime la responsabilité des dérapages ;

- en sens inverse, les effets du projet de loi de financement sur les autres régimes sont passés sous silence. A titre d'exemple, le fait d'avoir attribué la deuxième répartition CSG et droits sur alcools prioritairement à la CNAM en 1998 a eu pour effet de diminuer son déficit ; en revanche, cette mesure a été défavorable à la CANAM. Les intérêts propres des non salariés, échappant à la " norme " du régime général, sont souvent méconnus, comme l'a montré le basculement CSG/cotisations d'assurance maladie de 1998.

Au-delà même de l'ensemble des régimes obligatoires, le périmètre de la loi de financement devrait être confronté au besoin ou à la capacité de financement des administrations de sécurité sociale défini par la comptabilité européenne, et appelé communément " déficit au sens du traité de Maastricht " qui est désormais une référence essentielle des finances publiques.

La définition du besoin ou de la capacité de financement
des administrations publiques en comptabilité européenne

Le secteur des administrations publiques regroupe les catégories suivantes :

- l'Etat (budget général, comptes spéciaux, budgets annexes) ;

- les organismes divers d'administration centrale (ODAC) : il s'agit des organismes publics ou privés financés majoritairement par des taxes affectées ou par des subventions de l'Etat ;

- les administrations publiques locales (APUL) : elles recouvrent les collectivités locales proprement dites, les établissements publics locaux et les organismes divers d'administration locale (centres communaux d'action sociale, caisses des écoles, organismes consulaires, agences de bassin) ;

- les administrations de sécurité sociale (ASSO) : elles sont constituées de l'ensemble des régimes d'assurance sociale obligatoire (régime général, régimes complémentaires, régimes spécifiques, UNEDIC,...), ainsi que des organismes financés par ces régimes (dont les hôpitaux publics ou privés participant au service public hospitalier).

Le champ couvert par la comptabilité européenne est plus large que celui des lois de financement : il intègre les régimes complémentaires obligatoires et l'UNEDIC.

En France, il correspond au compte de la protection sociale, compte satellite des comptes nationaux de l'INSEE ou à l'effort social de la nation

Il est à noter que la notion de besoin de financement en comptabilité européenne n'est pas identique au concept habituel de déficit budgétaire (écart entre les charges et les ressources, quelle que soit leur nature). Le besoin de financement correspond aux flux nets de dettes des flux nets de créances.

L'application des droits constatés aux organismes de sécurité sociale devrait leur permettre d'être familières à cette notion de besoin de financement.

Le rapport économique, social et financier du projet de loi de finances pour 1999 donne une évolution de la capacité de financement des administrations publiques, dont les administrations de sécurité sociale.


(en points de PIB)

1997

1998

1999

Administrations de sécurité sociale

- 0,6

- 0,15

+ 0,15

Administrations publiques

- 3,0

- 2,9

- 2,3

Le jaune budgétaire " Effort social de la nation " permet de disposer d'informations utiles, mais datant des années précédentes.

La question d'une meilleure compréhension des différents champs des comptes sociaux demeure ainsi posée.

2. Compléter l'information du Parlement

a) Un " vert " loi de financement apparaît nécessaire

Aucun document n'est fourni aux parlementaires à l'issue du vote de la loi de financement de la sécurité sociale hormis naturellement la loi promulguée. Par analogie avec les lois de finances, il n'y a donc pas de " vert " lois de financement. Ce type de documents apparaît pourtant fort utile puisque la discussion parlementaire peut apporter des modifications sensibles par rapport aux chiffres présentés par le Gouvernement. De plus, une des recettes des régimes d'assurance maladie -les droits sur les tabacs- dépend du vote de la loi de finances.

La loi promulguée comporte par définition les objectifs de dépenses et de recettes. Mais le projet de loi s'adosse sur des éléments -que l'on retrouve dans certaines annexes 9( * ) - qui dépendent directement des objectifs votés. Ces éléments gagneraient à être actualisés en fonction des votes intervenus. Il est bien sûr hors de question que le Gouvernement réédite l'ensemble des annexes. En revanche, il serait souhaitable que le Parlement dispose des comptes du régime général tels qu'ils résultent des objectifs de dépenses et de recettes votés en loi de financement.

En conséquence, il serait souhaitable qu'un document -bref- soit transmis au Parlement, au cours du mois de janvier suivant l'adoption des lois de finances et de financement de la sécurité sociale, comprenant :

- le récapitulatif des dépenses du régime général par branche ;

- le récapitulatif des recettes du régime général par branche. L'observation de la Cour des comptes 10( * ) trouverait ainsi sa place : " La Cour souhaite que, pour le régime général en particulier, les recettes soient décrites par branche dans les comptes annexés au projet de loi de financement, ce qui serait en cohérence avec la loi de juillet 1994 ";

- le récapitulatif des incidences financières des mesures votées, tant pour le régime général que pour l'ensemble des régimes sociaux.

En l'état actuel, il est nécessaire d'attendre la réunion de printemps de la Commission des comptes de la sécurité sociale (cette année, le 11 mai), pour disposer de ces informations.

b) Le calendrier d'examen de la loi de financement devra tenir compte de l'évolution du calendrier d'examen de la loi de finances

L'articulation entre la loi de finances et la loi de financement est nécessaire

Contrairement aux craintes exprimées lors de la discussion de la loi organique de 1996, le double examen par le Parlement, à l'automne, de la loi de financement et de la loi de finances s'effectue de telle manière que toute discordance entre les deux textes de loi semble avoir été évitée, en dehors du BAPSA 11( * ) . La cohérence des prévisions macro-économiques (croissance du PIB, croissance de la masse salariale) est nécessaire. Tout décalage de calendrier rendrait impossible cette cohérence.

De fait, la question du calendrier n'est pas tant celle de l'articulation loi de finances/loi de financement, mais celle des délais très serrés laissés aux partenaires sociaux et au Parlement.

Un calendrier très serré, mais susceptible d'évoluer

D'un point de vue strictement parlementaire, il est profondément regrettable que le projet de loi de financement ait été adopté en Conseil des ministres le 7 octobre 1998, laissant à l'Assemblée nationale à peine quinze jours avant l'ouverture de la discussion générale et au Sénat à peine plus d'une semaine entre l'adoption du texte à l'Assemblée nationale et le début de la discussion dans la Haute Assemblée.

Ce calendrier serré n'est pas une fatalité ; il souffre du délai de production des comptes de la sécurité sociale et de l'évaluation des compensations. La réforme comptable doit accélérer ce délai.

La Commission des comptes de la sécurité sociale pourrait se réunir dès l'adoption en Conseil des ministres du projet de loi de finances. Cette année, le projet de loi de finances -et c'est un progrès- a été présenté dès le 9 septembre 1998. En conséquence, il est regrettable que la Commission des comptes de la sécurité sociale n'ait été réunie que le 22 septembre 1998. Une modification du décret n° 96-834 du 20 septembre 1996 pourrait être nécessaire, puisque ce décret prévoit que cette commission se réunit deux fois par an : entre le 15 avril et le 15 juin, entre le 15 septembre et le 15 octobre.

En outre, il serait souhaitable que le rapport de la Cour des comptes soit rendu public peu de temps avant la réunion de la Commission des comptes. Il apparaît important de souligner que ce rapport -qui apporte beaucoup dans la compréhension des comptes de la sécurité sociale- est remis trop tardivement au Parlement, alors même que des " fuites " répétées sont observées chaque année, permettant à certains journaux d'en faire état dès le début du mois de septembre.

Le délai de consultation des caisses (qui est de 7 jours, selon le décret du 10 septembre 1996) semble actuellement très court. Une réunion plus précoce de la Commission des comptes permettrait de donner davantage de temps aux partenaires sociaux.

Les étapes du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999

22, 23 et 24 juin 1998

Conférence nationale de santé

9 septembre 1998

Adoption du projet de loi de finances en Conseil des ministres

22 septembre 1998

Réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale

23 septembre 1998

Transmission de l'avant-projet de loi aux caisses

30 septembre 1998

Avis des caisses

1 er octobre 1998

Avis du Conseil d'Etat

7 octobre 1998

Adoption du projet de loi de financement en Conseil des ministres

13 octobre 1998

Sortie du rapport de la Cour des comptes

15 octobre 1998

Dépôt du projet et de ses annexes à l'Assemblée nationale

27 octobre - 3 novembre 1998

Discussion à l'Assemblée nationale

La volonté du Gouvernement d'adopter le projet de loi de finances en conseil des ministres dès la fin du mois de juillet, à partir de 1999 12( * ) , après l'étape intermédiaire de 1998 (présentation en deux temps : fin juillet, les grandes orientations, notamment fiscales ; début septembre, le projet lui-même), aura des conséquences sur le projet de loi de financement :

- positives, si le projet de loi de financement est présenté également plus tôt, ce qui aura pour effet une réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale beaucoup plus avancée, ce qui correspondra à l'objectif affiché plus haut ;

- négatives, s'il apparaît un décalage trop important entre les grandes orientations macro-économiques adoptées en juillet, et les chiffres présentés en septembre.

A tout le moins, il est nécessaire que le Gouvernement précise ses intentions concernant le calendrier de la loi de financement.

c) La proposition d'un véritable débat d'orientation sur le financement de la sécurité sociale dans le cadre du débat d'orientation budgétaire

Lors de la discussion de la loi organique de 1996, M. Jacques Barrot, alors ministre des Affaires sociales, s'était engagé à organiser au printemps 1997 un débat d'orientation sur le financement de la sécurité sociale, à l'image des débats d'orientation budgétaire. Un tel débat ne s'est tenu ni en 1997, en raison de la dissolution de l'Assemblée nationale, ni en 1998.

De fait, un débat spécifique consacré au financement de la sécurité sociale n'apparaît pas souhaitable pour deux raisons. La première raison est liée au processus de qualification à l'euro, tout comme les engagements souscrits au titre du Pacte de stabilité et de croissance de juin 1997, qui imposent la référence au " besoin de financement des administrations publiques " , dépassant le cadre de la loi de finances, et incluant les finances des collectivités locales et de la sécurité sociale. La seconde raison est liée à la nature des lois de financement de la sécurité sociale, qui forment une seconde catégorie de lois de finances publiques.

L'évolution logique serait que le débat d'orientation budgétaire, spécifiquement consacré aux ressources et dépenses de l'Etat, devienne un " débat d'orientation sur l'évolution des finances publiques " , selon l'expression du Président Jean-Pierre Fourcade 13( * ) . Le débat d'orientation budgétaire, qui s'est tenu au Sénat le 25 juin 1998, a montré que le Gouvernement était resté à la " croisée des chemins ". Certes, trois des quatre objectifs fixés dans le rapport déposé par le Gouvernement à l'occasion du débat concernaient de près ou de loin les finances sociales. Mais, le Gouvernement, en l'absence du ministre de l'emploi et de la solidarité, n'a pas indiqué de véritables orientations sur ce que serait le projet de loi du financement de la sécurité sociale, les analyses consacrées aux finances sociales étant restées très insuffisantes.

A titre anecdotique, on peut rappeler que les ministres des Finances et du Budget expliquaient à l'occasion de leur audition devant la commission des finances de l'Assemblée nationale le dérapage des dépenses d'assurance maladie par une simple épidémie de grippe, alors qu'au même moment, Mme Martine Aubry ne voyait aucune raison sanitaire à cette dérive.

La proposition d'organiser un véritable débat sur les finances publiques, au cours du mois de juin, est pertinente. Elle permettrait d'amorcer un débat au Parlement, qui pourrait se continuer avec les organismes professionnels 14( * ) pendant trois mois, avant que le Gouvernement ne dépose le projet de loi devant le Parlement.

M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au Budget, a donné acte de cette proposition : " Peut-être faudra-t-il qu'en 1999, dans le prochain débat d'orientation budgétaire, nous trouvions ensemble une façon de traiter plus directement de la question de la sécurité sociale " 15( * ) .

Votre rapporteur est naturellement prêt à toute concertation allant dans ce sens.

B. ASSURER LA TRANSPARENCE DES COMPTES

1. Améliorer le suivi de la loi de financement

a) Il est nécessaire de relancer la réforme comptable

L'application du principe de comptabilisation en droits constatés aux opérations des organismes de la sécurité sociale constitue pour la Cour des comptes " un progrès -dans la voie de la clarification des comptes de la sécurité sociale- dont il importe de souligner l'importance " 16( * ) .

Les considérations du rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale relatives à l'application de la réforme sont nettement moins enthousiastes 17( * ) .

Les deux principes de comptabilisation

Une comptabilité en encaissements - décaissements consiste à n'enregistrer les opérations qu'à partir du moment où celles-ci sont recouvrées (cotisations) ou payées (prestations).

Pour résumer, une comptabilité en encaissements - décaissements est une comptabilité de trésorerie.

Une comptabilité en droits constatés consiste à rattacher à un exercice les dépenses et les recettes dès la naissance du fait générateur. En fin d'exercice, les opérations qui ont pris naissance dans l'année mais qui n'ont pas donné lieu à encaissement ou paiement sont rattachées à l'exercice comptable sous forme de produits à recevoir (créances), de provisions ou de charges à payer (dettes).

Pour résumer, une comptabilité en droits constatés est une comptabilité de créances et de dettes.

Avant la réforme, les comptes des caisses du régime général étaient en encaissements-décaissements. Néanmoins, elles utilisaient déjà, pour certaines opérations, la technique des droits constatés (exemple de certaines avances ou compensations de l'Etat).

En revanche, les régimes complémentaires et les compagnies d'assurance étaient déjà en droits constatés.

La réforme des droits constatés : histoire et avantages

L'histoire de la réforme des droits constatés montre une certaine unanimité des acteurs ; de plus, les avantages du principe des droits constatés sont bien réels.

En 1990, M. Claude Evin, alors ministre de la Solidarité, a demandé à un groupe de travail interministériel, placé sous la responsabilité d'un expert comptable, M. Robert Mazars, d'étudier la comptabilité et les conditions de consolidation des comptes de la sécurité sociale. Le rapport Mazars -rendu public en décembre 1990 par M. René Teulade- a formulé un certain nombre de propositions, parmi lesquelles l'adoption du principe des droits constatés. A la suite du rapport Mazars, tant les rapports de la Cour des comptes, rendus chaque année au Parlement à la suite de la loi de 1994, que les rapports de la Commission des comptes de la sécurité sociale ont plaidé pour la mise en oeuvre rapide de cette réforme.

Un groupe de travail 18( * ) , associant les administrations de l'Etat et les représentants a été constitué en 1994. Le décret n° 96-448 du 23 mai 1996, a officialisé la comptabilisation en droits constatés dans les organismes du Régime général à compter du 1 er janvier 1996.

Puis, il a été décidé d'appliquer la réforme dans les autres régimes à partir du 1 er janvier 1997. Trois décrets du 18 mars 1997 ont étendu le principe des droits constatés aux organismes d'assurance maladie et maternité des travailleurs salariés des professions non agricoles, aux organisations d'assurance vieillesse de ces professions (ORGANIC, CANCAVA et CNAVPL notamment) et aux organismes tels que la Caisse mutuelle d'assurance maladie des cultes (CAMAC), la Caisse mutuelle d'assurance vieillesse des cultes (CAMAVIC), la Caisse des français à l'étranger (CFE), la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires (CRPCEN) ou la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (CANMSS). Enfin, un décret du 31 mai 1997 étend le principe au régime agricole.

La réforme des droits constatés est ainsi une réforme qui s'est poursuivie sur un certain nombre d'années, sous des ministres différents. Les avantages attendus sont, en effet, importants :

Les avantages attendus de la réforme des droits constatés

Le mécanisme des droits constatés en matière de sécurité sociale présente -pour la Cour des comptes- quatre avantages :

1) Un résultat indépendant des événements venant perturber le règlement des cotisations ou le paiement des prestations ;

2) Une étape importante vers l'harmonisation des comptabilités et des méthodes comptables de l'ensemble des régimes ;

3) Un cadre comptable similaire pour l'ensemble des régimes, les régimes complémentaires et les mutuelles ;

4) Une transparence financière entre les différents acteurs de la sécurité sociale, puisque les droits constatés font apparaître les créances et les dettes respectives de chacun.

La mise en oeuvre de la réforme elle-même ne semble pas poser de problèmes majeurs, contrairement aux craintes émises en 1994.

Ces craintes pouvaient se justifier. Un organisme de sécurité sociale n'est pas une entreprise privée. La définition d'un fait générateur -qui va de soi dans le cadre d'une activité lucrative- apparaît beaucoup plus complexe. La notion de résultat est beaucoup moins pertinente.

Grâce à l'opiniâtreté et au pragmatisme du groupe de travail, grâce aux efforts réalisés par les agents comptables, des réponses ont été apportées aux deux principales questions, à savoir la définition des faits générateurs et les modalités de rattachement à l'exercice. Des applications informatiques de comptabilité, lourdes à faire évoluer, sont en train d'être modifiées pour tenir compte de la réforme.

Le bilan de la réforme apparaît aujourd'hui décevant par rapport aux espoirs affichés

Le groupe de travail s'est vu confier, par lettre du 12 novembre 1997, quatre nouveaux objectifs :

1. veiller à la mise en oeuvre de la réforme ;

2. s'engager dans la voie de l'homogénéisation des pratiques comptables ;

3. accélérer la sortie des comptes ;

4. réfléchir à la suppression à terme aussi proche que possible de la présentation des comptes en encaissement/décaissement.

La poursuite de la mission du groupe de travail placé sous l'autorité de M. Alain Déniel montre que le bilan de la réforme, eu égard aux avantages attendus, est plus que nuancé. L'année 1998 est venue confirmer cette impression : alors que la méthode de comptabilisation en droits constatés devait éviter normalement les trop longues périodes complémentaires, les comptes des régimes sociaux pour 1997 ont été remis avec beaucoup de retard. Les comptes 1997 de la CNAF, par exemple, ont été approuvés le 9 septembre 1998.

Deux ans après l'application de la réforme pour le régime général et un an après l'extension de cette réforme, trois questions principales sont apparues, qui avaient été probablement sous-estimées :

- La question du basculement

Les résultats 1996, 1997 et 1998 du régime général sont présentés à la fois en droits constatés et en encaissements/décaissements, afin de garantir la continuité des informations comptables. En effet, les lois de financement pour 1997 et 1998 ont été votées en encaissements/décaissements. Il a donc été nécessaire de reconstruire des comptes en encaissements/décaissements à partir de comptes originaux en droits constatés, ce qui est incontestablement une source de complication supplémentaire et de retard pour la fourniture des comptes. Les incertitudes statistiques dont fait part le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale de mai 1998 trouvent pour une bonne part leur source dans cette reconstruction.

Il est possible d'apprécier les différences de déficit entre le système des encaissements/décaissements et le système des droits constatés :

Solde du régime général

1996

1997

Encaissements/décaissements

- 53

- 33

Droits constatés

- 56

- 24

en milliards de francs

La date du basculement a été fixée au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Il faut espérer que la réforme puisse être mise en oeuvre à temps par les régimes spéciaux.

- La question des relations financières Etat-sécurité sociale

Les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale sont nombreuses, complexes et financièrement lourdes.

Si l'Etat tient une comptabilité générale en droits constatés, celle-ci n'est guère utilisée. L'Etat reste dans une logique de caisse -dépendant de l'ordonnance portant loi organique du 2 janvier 1959- pour sa comptabilité budgétaire. Le régime de retraite des fonctionnaires et le budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA) restent ainsi en encaissements/décaissements.

- La question de l'harmonisation des comptes

La réforme des droits constatés ne semble pas avoir été l'occasion d'une harmonisation des comptes. Il est d'ailleurs légitime de se demander si la réforme de l'organisation comptable n'aurait pas dû précéder la réforme des droits constatés.

La comptabilité des organismes de sécurité sociale ne permet pas ainsi :

- de mettre en évidence des opérations réciproques entre les organismes et de procéder à leur élimination ;

- de comptabiliser les transferts entre régimes de manière homogène.

Les pistes de réforme

A la lecture des actes d'un colloque consacré à ce sujet le 15 mai 1997 19( * ) , des rapports de la Cour des comptes de septembre 1997 20( * ) et de la Commission des comptes de la sécurité sociale, quatre pistes de réforme sont envisageables ( cf. encadré ).

Quatre propositions pour réussir la réforme comptable

1. Harmoniser les plans comptables des organismes de sécurité sociale. Un plan comptable unique des organismes de sécurité sociale devrait être approuvé par le Conseil national de la Comptabilité. Il faudra réfléchir aux notions d'amortissement et insister sur la réforme patrimoniale. L'exercice devra aboutir à la consolidation des comptes au niveau de la branche, qui est le niveau retenu par les lois de financement.

2. Unifier les pratiques comptables , ce qui signifie hiérarchiser et contrôler les différents organismes. A cet égard, le système actuel ne permet pas de savoir, par exemple, si les 125 caisses d'allocations familiales passent leurs écritures dans les mêmes conditions. La fixation de normes de liquidation est nécessaire. Par ailleurs, il est à noter qu'il n'existe aucun texte établissant une autorité directe des agents comptables des caisses nationales sur les caisses primaires, ni de texte relatif à la responsabilité des uns par rapport aux autres. Il serait envisageable de donner aux caisses du régime général la responsabilité de la centralisation et de la consolidation des comptes des différents régimes, pour arriver aux comptes d'une " branche ", au sens des lois de financement. La question de la répartition des pouvoirs entre directeur et agents comptables est également posée.

3. Lier plus étroitement systèmes comptables et systèmes d'information. L'architecture des systèmes d'information pourrait être le moyen d'assurer une unité des systèmes comptables. Une comptabilité n'a plus seulement aujourd'hui pour but de décrire des opérations de gestion administrative, elle doit donner des informations nécessaires et suffisantes sur les recettes et les dépenses.

4. Clarifier les relations financières entre l'Etat et les organismes de sécurité sociale dans le cadre de la réforme des droits constatés ; à cet égard, il serait souhaitable que la réforme de la comptabilité de l'Etat, initiée par M. Jean Arthuis, soit réamorcée dès maintenant.

Il est désormais important de disposer d'une démarche globale. Le rapport demandé, en juin 1997, par M. Lionel Jospin, Premier ministre, à MM. Jacques Bonnet et Philippe Nasse sur l'état des finances publiques mentionnait une difficulté méthodologique : " Une dernière difficulté examinée durant notre mission concerne le passage à la comptabilité en " droits constatés " (...). La comptabilité nationale doit, ultérieurement, passer en droits constatés bien que l'Etat ne prévoie pas de traiter ses comptes dans ce système. Cette situation est troublante. Nous avons donc cherché à mesurer si l'introduction des droits constatés dans les comptes des organismes de sécurité sociale pouvait modifier notre prévision du déficit de 1997 en nous appuyant sur l'information de 1996 disponible dans les deux systèmes. Nous avons dû renoncer à anticiper, même seulement, le signe de la correction, tant l'interprétation du double résultat de 1996 nous a semblé difficile. Par ailleurs, nous n'avons pas abordé ce que pourrait être l'effet d'un retraitement des comptes de l'Etat les rapprochant des droits constatés . " 21( * ) .

Une mission interministérielle, sous l'égide du ministère de l'emploi et de la solidarité et en accord avec le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, a été chargée de la refonte des dispositifs comptables des régimes de sécurité sociale en vue de leur harmonisation. Sa mise en place, décidée en mai 1998, n'est toujours pas effective, alors que ses axes de travail semblent aller dans le bon sens :

- définition d'un plan comptable des régimes de sécurité sociale ;

- neutralisation des transferts financiers permettant d'agréger les comptes des différents régimes au niveau de la branche ;

- description plus claire des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale ;

- propositions d'accélération des délais de production des comptes.

Si votre commission ne peut être qu'approuver de tels objectifs, elle s'étonne néanmoins du peu d'empressement mis à installer cette mission. Six mois, depuis mai 1998, ont d'ores et déjà été perdus, alors même que la fiabilité des chiffres est mise en doute au plus haut niveau, à travers la mission confiée à l'IGAS.

b) La réforme comptable devrait permettre l'élaboration de tableaux de bord et de suivi incontestables

La réforme comptable est le moyen de disposer d'une information fiable annuelle, mais également infra annuelle.

Il n'est pas possible pour le Gouvernement, comme pour les responsables de la sécurité sociale, de se contenter d'effectuer chaque année un vague bilan des comptes de la sécurité sociale et, à l'issue de l'adoption de la loi de financement, de donner rendez-vous pour l'année suivante au Parlement et aux partenaires sociaux. Des tableaux de bord et de suivi infra-annuels, ce que M. Philippe Nasse, secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale, appelle le " reporting social " , sont désormais nécessaires 22( * ) . Certes, les principaux régimes publient de telles données, mais leur agrégation se révèle délicate. Il faut bien comprendre que les chiffres publiés par la Commission des comptes sont une agrégation effectuée par la direction de la sécurité sociale du ministère de l'emploi et de la solidarité (division des évaluations économiques et financières, devenue sous-direction de la prévision et des études financières) à partir des chiffres fournis par les caisses 23( * ) .

La réforme des droits constatés porte en elle-même des enjeux de nature politique , qu'il convient de clarifier. Le Parlement doit contribuer à cette tâche : ces réformes sont la condition d'un débat véritablement démocratique. Les comptes de la sécurité sociale doivent devenir incontestables, puisqu'ils sont opposables à un certain nombre de professions.

2. Assainir les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale

Les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale sont complexes. Elles ont tendance à l'être chaque année davantage. Cette question recouvre des aspects multiples :

a) L'Etat employeur

La question du contrôle de la cohérence entre les versements de cotisations de l'Etat et l'assiette salariale correspondante se pose. Le bilan des encaissements 1997 montre une progression de l'assiette salariale du secteur public de 1,4 %. Ce chiffre ne correspond pas à l'évolution de la masse salariale brute résultant de l'évolution des rémunérations et du glissement vieillesse technicité (GVT). La Cour des comptes a confirmé que le calcul des cotisations patronales de l'Etat employeur était effectuée sur la base d'une assiette minorée. Le décret n° 95-38 du 6 janvier 1995 limite l'assiette aux traitements soumis à retenue pour pensions (2 ème alinéa de l'article D. 712-38 du code de la sécurité sociale), alors que les articles L. 241-6 et L. 242-1 précisent la règle générale : l'assiette est constituée par la totalité des sommes versées aux salariés. Même si elle n'est pas en mesure de chiffrer l'ampleur du manque à gagner pour le régime général 24( * ) , elle l'a estimé de 10 à 15 milliards de francs par an 25( * ) .

Le contrôle apparaît difficile, les URSSAF n'ayant pas d'habilitation juridique pour effectuer le contrôle des versements de l'Etat employeur au régime général. Il faut remarquer que c'est seulement depuis 1997 que la part patronale des cotisations maladie des fonctionnaires est versée aux URSSAF et non plus à l'ACOSS. Enfin, la loi du 25 juillet 1994 sur la sécurité sociale a donné mission à la Cour des comptes d'opérer le contrôle de déclaration de l'assiette des administrations centrales et services déconcentrés de l'Etat.

Cette situation est dénoncée depuis de nombreuses années -à juste titre- par les employeurs privés, qui -strictement encadrés par la réglementation- s'y conforment sous le contrôle exigeant des URSSAF.

b) Les exonérations de cotisations

Grâce aux travaux de la Commission des comptes et de la Cour des comptes, on dispose désormais d'une bonne évaluation du montant des cotisations exonérées et non remboursées par l'Etat : 16,9 milliards de francs en 1998 , correspondant à des mesures prises avant la loi du 25 juillet 1994, c'est-à-dire avant que ne soit posé le principe de la compensation intégrale.

Ces exonérations concernent principalement les contrats emploi solidarité, les contrats emplois consolidés, l'embauche premier salarié et le temps partiel.

Exonérations de cotisations non compensées

en milliards de francs

1996

1997

1998 (prévisions)

1999 (prévisions)

15,0

16,8

16,9

17,3

Le montant des exonérations de cotisations patronales compensées intégralement par l'Etat a connu une très vive augmentation à partir de 1996, année marquée par la fusion des deux dispositifs généraux d'allégement de charges sur les bas salaires -exonération de cotisations d'allocations familiales et ristourne dégressive-, par la montée en charge du contrat initiative emploi et par les premiers effets de la " loi Robien ".

Les différentes mesures relèvent des interventions de plusieurs chapitres budgétaires ministériels (Budget, Emploi et Solidarité et DOM), alors que leurs objectifs sont très proches. Deux chapitres budgétaires étaient jusqu'à cette année principalement concernés : le chapitre 44-75 " Mesures exceptionnelles en faveur de l'emploi et de la formation professionnelle " (budget des charges communes) et le chapitre 44-78 " Exonération de cotisations sociales en faveur de l'emploi et de la formation professionnelle " (budget du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle).

Exonérations de cotisations prises en charge par l'Etat

Année

1995

1996

1997

1998

1999

Montant en millions de francs

29.531

53.216

66.492

65.525

61.402 26( * )

La refonte de la nomenclature à l'occasion du projet de loi de finances pour 1999, et la création dans le fascicule " Emploi " d'un nouveau chapitre intitulé " compensation de l'exonération des cotisations patronales " (44-77) a permis de regrouper les mesures du chapitre 44-75 et du chapitre 44-78.

Cette refonte de la nomenclature va dans le sens d'une clarification ; en conséquence, votre rapporteur s'en félicite.

A la suite du rapport 1997 de la Cour des comptes, estimant que les estimations des exonérations de cotisations étaient trop " dépendantes de la qualité des déclarations des employeurs " et " les contrôles réalisés par l'ACOSS insuffisants " 27( * ) , une mission d'enquête a été décidée en septembre 1997 28( * ) par le ministère de l'économie et le ministère de l'emploi et de la solidarité. Elle a été confiée à l'Inspection générale des finances (IGF) et à l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS). Présentées fin juillet aux administrateurs de l'ACOSS, les conclusions ont été rendues publiques fin août 1998. " Les faiblesses importantes " sont " peu compatibles avec l'enjeu que ces mesures représentent pour le budget de l'Etat et la politique de l'emploi "

Le projet RACINE, qui a débuté le 1 er janvier 1998, devrait permettre d'améliorer la gestion des mesures d'exonération, en raison d'un caractère plus détaillé des imputations comptables et de la plus grande rapidité de leur remontée, qui permettra de calculer mensuellement la dette de l'Etat, ainsi que de la possibilité de décentraliser, en les affinant, les contrôles jusque là réalisés par l'ACOSS. Mais les auteurs du rapport notent que la mise en place de RACINE devra s'accompagner d'un développement de la politique de contrôle de l'ACOSS et des URSSAF.

Votre commission observe que la gestion pour l'instant déficiente des exonérations est une des conséquences de la complexité des différents dispositifs établis sans cohérence.

c) Les remboursements de prestations

Des prestations sont gérées et versées par le régime général pour le compte de l'Etat. Il s'agit principalement de la CNAF, qui a été jugée la mieux placée pour gérer ce type de prestations, pour des raisons de proximité.

Malheureusement, l'Etat ne verse pas le plus souvent de participation aux frais de gestion. Le montant total des prestations versées pour le compte de l'Etat est de l'ordre de 96,95 milliards de francs. L'Etat participe à hauteur de 380 millions (seule l'allocation de logement à caractère social fait l'objet d'une participation aux frais de gestion). Si l'Etat remboursait aux caisses un montant de 3 % pour participation aux frais de gestion de l'ensemble des prestations servies pour son compte, il devrait verser 2,9 milliards de francs.

En sens inverse, l'Etat fait payer à l'ACOSS un taux de prélèvement pour frais d'assiette et de recouvrement opéré sur le produit des prélèvements sociaux sur les produits du patrimoine de 0,5 % 29( * ) .

d) Les charges de trésorerie

La charge de trésorerie pesant sur le régime général -pour certaines prestations- est loin d'être neutre. La majoration de l'allocation de rentrée scolaire est principalement à l'origine du décret du n° 98-753 du 26 août 1998 30( * ) , qui a relevé le plafond des avances de trésorerie au régime général de 20 à 31 milliards de francs.

Des prestations liées aux fonds logement sont remboursées ex post par l'Etat. A l'inverse, le versement de prestations comme le revenu minimum d'insertion (RMI) et l'allocation aux adultes handicapés (AAH) fait heureusement l'objet d'une mensualisation.

Les effets de trésorerie de la CSG ne sont pas négligeables ; la CSG sur patrimoine (6,4 milliards de francs en 1997) est recouvrée selon les mêmes règles que l'impôt sur le revenu, par voie de rôle. Elle est reversée à l'ACOSS le 15 décembre de chaque année, à la différence de la CSG sur les placements (prélèvement libératoire), versée en plusieurs acomptes, mais le plus souvent en fin d'année (2,2 milliards de francs en 1997).

La création par la loi de financement d'une contribution unique de 2 % affectée à la CNAVTS et à la CNAF, se substituant aux deux contributions de 1 % existantes, a également modifié le reversement de cette contribution, en l'alignant sur le système mis en place pour la CSG sur patrimoine ou sur placements.

Plus d'une quinzaine de milliards de francs seront ainsi perçus par la sécurité sociale à la fin de l'année 1998.

Dans son rapport adressé au Parlement pour justifier un plafond des avances de trésorerie au régime général supérieur aux objectifs fixés par la loi de financement pour 1998, le Gouvernement évoque lui-même cet argument, après ceux relatifs à la majoration de l'allocation de rentrée scolaire et au dérapage des dépenses d'assurance maladie.

Votre rapporteur, Président du Conseil de surveillance de l'ACOSS, veillera à ce que l'application de la convention d'objectifs et de gestion signée entre l'Etat et l'ACOSS pour les années 1998-2001 fasse bien respecter le principe de complète neutralité en trésorerie entre les deux partenaires.

e) Le régime des fonctionnaires

L'Etat sert les prestations familiales pour les agents de droit public qu'il rémunère (art. D. 212-3 du code de la sécurité sociale).

Le taux de cotisation est inférieur au droit commun pour tenir compte du coût administratif du service et de l'action sociale exercée par l'Etat.

La comptabilité budgétaire de l'Etat ne décrit pas le régime des prestations familiales des agents de droit public de l'Etat. Elle cumule toutes les prestations, qu'elles soient servies en métropole ou dans les départements d'outre-mer. Le solde compensatoire métropole n'a pas de sens : ce n'est pas la différence entre les cotisations versées par l'Etat employeur et les prestations versées par l'Etat, remboursées par la CNAF. Comme l'indiquait la Cour des comptes en juillet 1997 31( * ) : " Les comptes de l'Etat se présentent comme s'il avait en charge les prestations et versait une subvention au régime général, sous l'apparence d'un solde compensatoire. Ils traduisent là l'Etat puissance publique plus que l'Etat employeur. "

Le régime des retraites des fonctionnaires décrit par les annexes de la loi de financement n'a pas réellement de sens. Il s'agit d'une reconstruction ; l'Etat, par le biais des " cotisations fictives ", l'équilibrera toujours.

La création d'un véritable régime spécifique pour les fonctionnaires de l'Etat serait de nature à clarifier les responsabilités et éviter que la puissance publique soit à la fois juge et partie. Cette mesure s'impose dans le cadre d'un débat sur les retraites en France.

f) La question du BAPSA

Le BAPSA est un héritage historique

Le BAPSA a été créé par l'article 58 de la loi de finances pour 1960 (n° 59-1454 du 26 décembre 1959). Il est régi par les articles 1003-1 à 1003-7 du code rural.

La Cour des comptes a consacré à la protection sociale agricole le chapitre VI de son Rapport 1996 . Certaines orientations de son rapport ont pu laisser croire qu'elle remettait en cause l'existence même du régime.

Au-delà des simplifications techniques, d'une plus grande cohérence intellectuelle, il faut reconnaître que l'année 1997 a donné des arguments de poids aux partisans d'une intégration du BAPSA dans la loi de financement. En effet, l'articulation du BAPSA et de la loi de financement s'est avérée impossible.

En raison de la structure démographique très défavorable du monde agricole, le régime des exploitants agricoles est l'un des régimes de sécurité sociale qui dépend le plus de la solidarité des autres régimes et du contribuable. Le BAPSA n'est pas un cas unique ; plusieurs régimes spéciaux bénéficient de subventions d'équilibre, sans faire pour autant l'objet d'un budget annexe : SNCF, marins, mineurs...

L'existence d'un budget annexe des prestations sociales agricoles donne au monde agricole l'assurance que ce budget annexe sera toujours équilibré, parce que le budget général assurera -en dernier ressort- cet équilibre.

Il apparaît à l'analyse que le statut de budget annexe n'est pas -en lui-même- source d'équilibre systématique. L'exécution du BAPSA peut révéler un excédent ou un déficit (art. 1003-6 du code rural). Un fonds de roulement existe.

Le système des budgets annexes est un cadre juridique (art. 20 à 22 de l'ordonnance de 1959) créé pour les services de l'Etat producteurs de biens et services marchands. Un régime de sécurité sociale -financé par des prélèvements obligatoires, des transferts et des subventions diverses- correspond difficilement à cette définition.

L'articulation impossible du BAPSA et de la loi de financement de la sécurité sociale

La lecture comparée du fascicule budgétaire (" bleu ") BAPSA et des comptes prévisionnels du régime des exploitants agricoles présentés en annexe du projet de loi de financement laisse apparaître une différence de présentation. Le BAPSA est, en effet, plus détaillé, notamment en ce qui concerne les recettes ; l'annexe de la loi de financement les regroupe par catégories, alors que le BAPSA permet d'identifier chacune des cotisations ou des impositions.

Le champ couvert par les deux documents n'est pas le même :


 

LOI DE FINANCEMENT

BAPSA

 

- Frais de gestion du régime

- Détail des recettes

Existe

- Action sanitaire et sociale

- Prestations familiales agricoles et recettes correspondantes

Manque

- Branche famille des exploitants agricoles

- Fraction des dépenses de pensions de retraite des exploitants (majorations pour enfants) + recettes FSV

Pour 1998, le projet de BAPSA a été construit " à droit constant ", sans tenir compte de la poursuite du basculement des cotisations sociales maladie sur la CSG et de la mise sous condition de ressources des allocations familiales proposé par le projet de loi de financement.

Pour 1999, le projet de BAPSA n'est pas non plus cohérent avec le projet de loi de financement.

D'une part, les mesures " famille " ne sont pas prises en compte, en-dehors du retour à l'universalité des allocations familiales.

D'autre part, la part d'excédent de contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S) affectée au BAPSA est de 600 millions de francs dans le bleu budgétaire et d'un milliard de francs dans le projet de loi de financement.

Le calendrier d'élaboration des deux projets n'est pas seul en cause ; bien évidemment, le projet de loi de finances initial doit être déposé au plus tard le premier mardi d'octobre, alors que le projet de loi de financement doit être déposé le 15 octobre, mais le projet de BAPSA est préparé très en amont.

Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1998, un amendement de coordination a été nécessaire pour mettre en conformité la loi de finances avec la loi de financement.

Au total, une intégration du BAPSA dans la loi de financement semblerait logique à votre rapporteur sous trois conditions :

1. Assurer le même niveau d'informations ;

2. Etre préparée en concertation avec le monde agricole ;

3. Garantir l'autonomie du régime agricole.

II. LE BILAN D'APPLICATION DES DEUX PREMIÈRES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE : LE RETOUR À L'ÉQUILIBRE DES COMPTES EST FRAGILE

A. LA RÉFORME DU FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE ET LA CROISSANCE RETROUVÉE EXPLIQUENT LA TENDANCE D'UN RETOUR À L'ÉQUILIBRE DES COMPTES SOCIAUX

1. L'évolution de la structure du financement de la sécurité sociale

Les années 1997 et 1998 ont été marquées par l'augmentation de la contribution sociale généralisée (CSG), compensée par la diminution des cotisations salariales d'assurance maladie.

a) L'évolution sur les recettes de l'ensemble de la sécurité sociale

Structure des recettes de la sécurité sociale
(au sens de la loi de financement)

En milliards de francs

Réal. 1996

%

LFSS 1997

%

LFSS 1998

%

PLFSS 1999

%

Cotisations effectives

1.160,3

72,18

1.152,4

69,49

1.034,1

60,02

1.063,0

59,08

Cotisations fictives

175,9

10,94

181,9

10,97

186,9

10,85

194,8

10,83

Contributions publiques

61,0

3,79

63,9

3,85

62,0

3,60

63,8

3,55

Impôts et taxes affectés

170,3

10,59

223,6

13,48

403,0

23,39

438,6

24,38

Transferts reçus

4,5

0,28

4,7

0,28

4,6

0,27

4,9

0,27

Revenus des capitaux

2,1

0,13

1,8

0,11

1,3

0,08

1,4

0,08

Autres ressources

33,4

2,08

30,0

1,81

31,1

1,80

32,7

1,82

Total recettes

1.607,5

100

1.658,3

100,00

1.723,0

100,00

1.799,2

100,00

N.B. : les chiffres mentionnés pour 1997, 1998 et 1999 sont les prévisions de recettes en loi de financement.

La part des cotisations effectives connaît une décélération nette, en raison du basculement cotisations d'assurance maladie/CSG en 1997 et en 1998. Ce basculement produit encore des effets en 1999, en raison d'une évolution plus favorable des Impôts et taxes affectés, comprenant des sources de financement très réactives à la conjoncture économique.

La comparaison des objectifs de recettes 1997 et 1999 est éclairante :

Les recettes de la sécurité sociale en 1997 (réalisation)

Les recettes de la sécurité sociale en 1999 (prévisions)

La catégorie des cotisations fictives connaît une grande stabilité. Il s'agit de l'équivalent des cotisations patronales provenant du secteur public (Etat, régimes spéciaux). Il en est de même des contributions publiques , qui recouvrent pour l'essentiel les subventions d'équilibre versées à certains régimes spéciaux et des remboursements de prestations.

La part des impôts et taxes affectés augmente logiquement, atteignant en 1999 presque le quart de l'ensemble des recettes de la sécurité sociale. Le financement budgétaire de la sécurité sociale, en prenant en compte les cotisations fictives et les contributions publiques, financées également par l'impôt, est désormais de l'ordre de 40 %.

b) L'évolution sur les recettes du régime général

Lorsque l'on examine les recettes du seul régime général 32( * ) , la part des cotisations tombe de 83,4 % en 1996 à 67,6 % en 1999 tandis que la part des impôts et taxes affectés passe de 5,1 % à 21,5 %.

Le régime général reste ainsi proportionnellement davantage dépendant de la ressource " cotisations ".

Structure des recettes du régime général 1996-1999

En milliards de francs

1996

1997

1998

1999

Cotisations

959

952

862

880

Impôts et taxes affectés

59

103

254

279

Autres ressources

132

158

149

141

TOTAL

1.150

1.213

1.265

1.300

Part des cotisations

83,39 %

78,48 %

68,14 %

67,69 %

Part des impôts et taxes

5,13 %

8,49 %

20,08 %

21,46 %

Autres ressources

11,48 %

13,03 %

11,78 %

10,85 %

Ces moyennes générales recouvrent des situations très contrastées suivant les branches :

- la branche accidents du travail est quasiment exclusivement financée par les cotisations des employeurs ;

Structure du financement de la branche accidents du travail

En millions de francs

1996

1997

1998

1999

Cotisations

41.184

41.973

43.822

44.598

Autres ressources

2.286

2.198

2.261

2.364

TOTAL

43.470

44.171

46.083

46.962

Part des cotisations

94,74 %

95,02 %

95,09 %

94,97 %

Part des autres ressources

5,26 %

4,98 %

4,91 %

5,03 %

TOTAL

100,00 %

100,00 %

100,00 %

100,00 %

Le financement de cette branche apparaît logique, et ne devrait pas connaître d'évolution majeure dans les prochaines années.

- le recul de la part des cotisations est le plus net pour la branche maladie : de 93,3 % à 59,8 % en 1997.

Structure du financement de la branche maladie

En millions de francs

1996

1997

1998

1999

Cotisations

492.116

479.236

363.540

359.871

Impôts et taxes

11.249

49.084

195.041

215.799

Transferts reçus

8.525

11.389

9.283

9.480

Autres ressources

15.315

19.086

16.529

16.911

TOTAL

527.205

558.795

584.393

602.061

Part des cotisations

93,34 %

85,76 %

62,21 %

59,77 %

Part des impôts et taxes

2,13 %

8,78 %

33,37 %

35,84 %

Part des transferts reçus

1,62 %

2,04 %

1,59 %

1,57 %

Part des autres ressources

2,90 %

3,42 %

2,83 %

2,81 %

TOTAL

100,00 %

100,00 %

100,00 %

100,00 %

- la structure du financement de la branche vieillesse et de la branche famille , en revanche, est particulièrement stable de 1996 à 1999 : les cotisations représentent entre 75 à 77 % des recettes de la CNAVTS, 65 à 67 % de celles de la CNAF.

La part des impôts et des taxes a légèrement tendance à augmenter dans les deux cas, en raison notamment de l'alignement sur l'assiette de la CSG des prélèvements 1 % famille et 1 % vieillesse, devenu " prélèvement social " sur les revenus du patrimoine.

Structure du financement de la branche famille

En millions de francs

1996

1997

1998

1999

Cotisations

153.252

158.361

165.485

171.301

Impôts et taxes

45.106

50.551

53.898

57.169

Transferts reçus

1.459

1.457

1.529

1.603

Autres ressources

28.665

33.103

33.229

27.497

TOTAL

228.482

243.472

254.141

257.570

Part des cotisations

67,07 %

65,04 %

65,12 %

66,51 %

Part des impôts et taxes

19,74 %

20,76 %

21,21 %

22,20 %

Part des transferts reçus

0,64 %

0,60 %

0,60 %

0,62 %

Part des autres ressources

12,55 %

13,60 %

13,08 %

10,68 %

TOTAL

100,00 %

100,00 %

100,00 %

100,00 %

Structure du financement de la branche vieillesse

En millions de francs

1996

1997

1998

1999

Cotisations

271.988

276.931

289.303

301.207

Impôts et taxes

2.722

3.060

4.570

4.838

Transferts reçus

71.010

81.294

81.655

81.586

Autres

5.215

5.029

5.283

5.461

TOTAL

350.935

366.314

380.811

393.092

Part des cotisations

77,50 %

75,60 %

75,97 %

76,63 %

Part des impôts et taxes

0,78 %

0,84 %

1,20 %

1,23 %

Part des transferts reçus

20,23 %

22,19 %

21,44 %

20,75 %

Part des autres ressources

1,49 %

1,37 %

1,39 %

1,39 %

TOTAL

100,00 %

100,00 %

100,00 %

100,00 %

Le financement de la sécurité sociale repose encore principalement sur les cotisations, et dépend fortement de l'évolution de la masse salariale. Seule la partie salariale des cotisations d'assurance maladie a été affectée par le basculement.

2. L'effet des mesures de redressement des deux premières lois de financement

a) La substitution CSG/cotisations d'assurance maladie est complexe

Les lois de financement 1997 et 1998 comportent toutes deux une mesure de substitution CSG/cotisations d'assurance maladie, mais d'inégale ampleur.

Votre commission s'est montrée favorable au principe du basculement des cotisations d'assurance maladie sur la CSG. La CSG dispose d'une assiette plus large et fait participer l'ensemble des revenus au financement de la sécurité sociale. Elle avait appuyé la mesure limitée du projet de loi de financement pour 1997.

En revanche, votre commission s'est opposée, lors de la discussion du projet de loi de financement pour 1998, à un " basculement massif et inconsidéré ". Ce nouveau transfert n'a pas respecté les principes posés en 1996. Au moment où les dispositions étaient présentées au Parlement, aucun bilan d'application de la première mesure de basculement n'était disponible. Par ailleurs, le Gouvernement n'avait pas transmis au moment de la discussion du projet de loi de financement tous les éléments d'appréciation, notamment les taux applicables aux non-salariés.

Pour la CSG affectant les revenus de remplacement, la substitution était parfois impossible, en raison de cotisations d'assurance maladie trop basses, voire inexistantes.

La CSG sur les revenus d'activité

La substitution serait relativement facile à mettre en oeuvre, si toutes les populations considérées étaient dans la même situation.

Le cas des salariés du régime général, cas principal, n'est pas le cas unique. Un basculement des cotisations maladie vers la CSG est beaucoup plus complexe dans le cas des non-salariés. L'assiette de CSG-CRDS ne coïncide pas avec leur assiette de cotisations sociales, à la différence des salariés.

Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 97-393 DC du 18 décembre 1997 émettait une réserve d'interprétation sur l'article opérant le basculement, encadrant ainsi le pouvoir réglementaire : " Considérant que les dispositions critiquées se bornent à majorer les taux de la contribution sociale généralisée et sont sans incidence, par elles-mêmes, sur les taux des cotisations d'assurance maladie ; qu'il appartiendra au pouvoir réglementaire de fixer les nouveaux taux des cotisations d'assurance maladie de façon à ne pas créer de rupture caractérisée de l'égalité entre catégories socioprofessionnelles à l'occasion de l'augmentation des taux de la contribution sociale généralisée et de la diminution corrélative des taux des cotisations d'assurance maladie prévue par la loi " .

Les taux de cotisation d'assurance maladie ont suivi, en conséquence, une évolution différente entre salariés et non-salariés.

L'article 5 de la loi de financement pour 1998 a institué une majoration du taux de la CSG de 4,1 points. La CSG s'établit ainsi à 7,5 %.

Pour les salariés , la cotisation d'assurance maladie a été ramenée de 5,5 % à 0,75 % (baisse de 4,75 points). Au total, le gain de pouvoir d'achat annoncé était de 1,1 point.

Dans leur majorité, les fonctionnaires ont vu leur rémunération globale légèrement accrue ou maintenue à son niveau antérieur, dans le cadre du transfert de cotisations sociales sur la contribution sociale généralisée.

Néanmoins, une proportion importante de fonctionnaires, qu'il est difficile de chiffrer avec précision, touche un montant significatif de primes. Ces primes n'étaient pas soumises à cotisations sociales : à rémunération égale, les salariés du régime général supportaient une cotisation plus forte que celle des fonctionnaires. Le basculement des cotisations d'assurance maladie sur la contribution sociale généralisée aurait pu avoir pour avantage non seulement de corriger ce défaut d'assiette, mais également de mettre à plat les différences de situation entre salariés du secteur privé et fonctionnaires, comme l'a souligné M. Michel Charasse, arguant du " principe d'égalité des citoyens devant les charges publiques " , à l'occasion d'une question écrite adressée à Mme la ministre de l'Emploi et de la solidarité 33( * ) .

Le Gouvernement s'est efforcé de rendre la substitution la plus neutre possible, afin qu'il n'y ait pas de perte de pouvoir d'achat pour les fonctionnaires. Les agents bénéficiant d'un niveau de rémunérations annexes (indemnités de résidence, supplément familial de traitement, primes et indemnités diverses) représentant plus de 24 % du traitement se trouvaient perdants. Une indemnité compensatoire a été instituée par le décret n° 97-215 du 10 mars 1997, modifié par le décret n° 97-1268 du 29 décembre 1997 34( * ) .

Le coût de cette mesure serait de 800 millions de francs en 1998.

Une circulaire du 3 mars 1998 a précisé le champ d'application, l'assiette, les personnels bénéficiaires et les modalités d'application 35( * ) .

Cette compensation, en raison du principe de parité entre les fonctions publiques, " a vocation à s'appliquer dans les collectivités locales sous réserve d'une délibération expresse de chacune d'elles. " 36( * ) . Une circulaire a été diffusée le 23 janvier 1998 aux préfets, " leur donnant toutes informations utiles pour permettre aux assemblées délibérantes de procéder ainsi à la mise en place de ce dispositif indemnitaire ". Le coût de cette mesure de compensation se répercute ainsi sur les budgets des collectivités locales et des hôpitaux.

En ce qui concerne les non-salariés , le Gouvernement a compensé la hausse de 4,1 points de la contribution sociale généralisée par une baisse des cotisations d'assurance maladie des travailleurs non salariés, de 5,5 points sur la fraction du revenu n'excédant pas le plafond de la sécurité sociale et de 3,7 points sur la fraction comprise entre une et cinq fois ce plafond : les taux de cotisations d'assurance maladie des travailleurs non salariés sont donc respectivement de 5,9 % sur la fraction du revenu n'excédant pas le plafond de la sécurité sociale et de 5,3 % sur la fraction comprise entre une fois et cinq fois ce plafond. L'opération de substitution se traduit par un gain pour plus de 80 % des affiliés du régime d'assurance maladie maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles (CANAM). Le bénéfice est d'autant plus sensible que les revenus sont bas.

En ce qui concerne les non-salariés non agricoles , le problème est similaire. La CSG perçue sur les revenus agricoles n'est pas calculée sur la même assiette que celle des cotisations. L'assiette CSG porte sur 62,6 milliards de francs en 1998, alors que l'assiette des cotisations maladie agricoles porte sur 49,2 milliards de francs. Elle est supérieure d'environ 27 %. Pour calculer un taux de baisse des cotisations maladie assurant la parité de gain de pouvoir d'achat entre agriculteurs et salariés, il aurait fallu multiplier le taux de baisse prévu par le Gouvernement (4,75 points), par le rapport des assiettes (127/95 37( * ) ), soit 6,4 points.

Le Gouvernement a accordé une baisse de 5,5 points des cotisations maladie aux agriculteurs, soit une pénalisation de 0,9 point.

Par ailleurs, un certain nombre d'agriculteurs bénéficiant d'un allégement de cotisations sociales ont perdu cet avantage différentiel :

- jeunes agriculteurs ;

- pluriactifs agriculteurs à titre secondaire ;

- agriculteurs à titre principal ayant des activités accessoires ;

- préretraités agricoles ;

- retraités agricoles bénéficiant de prestations maladie d'un autre régime ou poursuivant l'exploitation agricole sur plus d'1/2 surface minimale d'installation (SMI) ;

- conjoints retraités bénéficiant de la seule retraite forfaitaire ;

- retraités titulaires de majorations de pension pour enfants.

Le Sénat avait adopté, au cours de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, un amendement permettant de prendre en compte la situation des jeunes agriculteurs. Cet amendement n'a pas été retenu par l'Assemblée nationale.

La substitution a favorisé les exploitants modestes et défavorisé les exploitants les plus aisés (titulaires de revenus supérieurs à six fois le plafond de la sécurité sociale, soit 988.000 francs). Le gain est proportionnellement plus important pour les tranches hautes de revenu (sauf la plus élevée) que pour les tranches moyennes (revenus compris entre le plafond de la sécurité sociale, 165.000 francs et 988.000 francs).

La parité de gain de pouvoir d'achat n'a pas été respectée entre salariés du régime général et non salariés agricoles, puisque le gain devrait s'élever à 0,2 % pour les exploitants.

La CSG sur les revenus de remplacement

Pour la CSG affectant les revenus de remplacement, trois cas de figure sont à considérer :

1°) Le taux " normal " de CSG sur les revenus de remplacement est de 6,2 % (article 136-8 II du code de la sécurité sociale).

2°) Un taux réduit de 3,8 % s'applique pour les personnes assujetties à la taxe d'habitation, mais non redevables de l'impôt sur le revenu.

3°) Les personnes bénéficiant d'un avantage contributif servi sous condition de ressources ou dont les revenus justifient l'exonération de la taxe d'habitation ne payent pas de CSG.

En conséquence, les revenus les plus modestes ne sont pas affectés par la CSG : 53 % des titulaires des pensions de retraite sont ainsi exonérés.

Des effets de seuil existent 38( * ) .

Le cas spécifique des titulaires de pensions civiles d'invalidité pose problème.

En effet, si la CSG ne touche ni les pensions militaires d'invalidité, ni les rentes d'accidents du travail, ni l'allocation aux adultes handicapés (2.870.000 bénéficiaires), elle concerne les pensions civiles d'invalidité, soit 430.000 titulaires.

Le taux est passé de 3,4 % à 6,2 %, sans baisse de cotisations maladie, puisque les pensions d'invalidité ne sont pas assujetties à ces cotisations.

Les plus modestes ne sont heureusement pas touchés pour les mêmes raisons expliquées plus haut. Au total, 60 % des titulaires de pension d'invalidité sont exonérés de CSG 39( * ) . Une fois de plus, le problème se pose pour ceux qui se situent juste au-dessus du niveau de seuil des différents cas d'exonération.

Il convient de préciser néanmoins que les produits des contrats d'assurance spécifiques pour les personnes atteintes d'une infirmité (contrats d'épargne handicap et de rente survie prévus à l'article 199 du code général des impôts) sont exonérés de la CSG, contrairement aux autres revenus financiers. Enfin, les invalides bénéficient d'une exonération du ticket modérateur.

La réforme de la CSG était censée remédier aux inconvénients à la fois des cotisations sociales et des impositions classiques. Elle devait se traduire par une base (nombre d'assujettis) et une assiette (revenus soumis) larges.

En ce qui concerne les revenus de remplacement, le basculement de 1998 n'a pas respecté le " cahier des charges initial ". La fréquence des questions écrites posées au Gouvernement, par des parlementaires de sa propre majorité, montre que la CSG est devenue une contribution complexe.

D'une part, plus de la moitié des titulaires de pension d'invalidité et de pension de retraite sont exonérés alors même qu'une participation de tous à la solidarité nationale, dans la mesure de ses moyens, pourrait se justifier. D'autre part, le système reporte sur les personnes juste au-dessus des seuils une charge disproportionnée.

La CSG et le " prélèvement social " sur les revenus du patrimoine

Les contribuables viennent de prendre conscience, avec l'envoi des rôles émis par l'administration fiscale, de l'importance des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine :

- 7,5 % de CSG ;

- 0,5 % de CRDS ;

- 2 % du " prélèvement social " affecté à la CNAF et à la CNAVTS.

Votre commission ne s'était pas montrée, à l'occasion de la discussion du projet de loi de financement pour 1998, défavorable au principe d'un rééquilibrage des prélèvements sociaux entre revenus du travail et revenus du capital.

Elle déplorait l'alourdissement considérable, en une seule année, des prélèvements sur l'épargne et avait proposé d'exclure les primes des comptes et plans d'épargne logement, ainsi que les produits d'assurance vie de l'assiette du nouveau " prélèvement social ".

L'Assemblée nationale n'a pas retenu cette exonération qui visait à limiter les effets de cette fiscalité accrue sur les classes moyennes.

Votre commission observe que ces prélèvements sur l'épargne ont pour conséquences des incohérences majeures ; une personne exonérée d'impôt sur le revenu, en raison de revenus de remplacement modestes, se retrouve, vis-à-vis des prélèvements sociaux exactement dans la même situation que les contribuables aisés : taxation au premier franc, et au même taux.

b) Le bilan financier de la substitution CSG/cotisations est difficile à déterminer

Il est possible d'effectuer un bilan financier de la première substitution (loi de financement 1997), grâce aux travaux de la Commission des comptes de la sécurité sociale et de la Cour des comptes. Les pertes de cotisations pour les régimes d'assurance maladie sont compensées non seulement par la CSG, mais également par l'attribution d'une fraction des droits de consommation sur les alcools 40( * ) .

Bilan financier de la première substitution CSG/cotisations (1997)

En milliards de francs

Prévisions 1997

Réalisations
1997

CSG maladie

40,8

40,8

Droits sur les alcools

4,6

4,1

Pertes de cotisations maladie

- 42,6

- 43,5

SOLDE

2,8

1,5

Cette première substitution était censée procurer à l'assurance maladie 2,8 milliards de francs de recettes supplémentaires. En raison principalement d'une sous-estimation de la perte de cotisations, le résultat est nettement en dessous de l'objectif : 1,5 milliard de francs de recettes supplémentaires.

Il n'est malheureusement pas possible d'effectuer un bilan précis de la seconde opération de substitution . La Commission des comptes de la sécurité sociale 41( * ) ne fournit pour 1998 qu'un tableau estimatif relatif aux deux opérations de substitution, sans isoler clairement les effets de la seconde opération par rapport à ceux de la première.

En effet, les effets de la loi de financement 1997 et les effets de la loi de financement 1998 sur le rendement de la CSG en 1998 sont connus. Le rendement du point nouveau de CSG affecté à l'assurance maladie en 1997 est évalué à 46,1 milliards de francs en 1998. Il serait possible de déterminer les effets de la seconde substitution en disposant d'une évaluation des pertes de cotisation relatives à la substitution 1997 et celles relatives à la substitution 1998. Ces données sont indisponibles.

Bilan incomplet de la seconde substitution CSG/cotisations (1998)

En milliards de francs

CSG

Compensations des pertes de cotisation maladie

1ere substitution

46,1

indisponible

2nde substitution

160,1

indisponible

Sous total

206,2

208,2

Le tableau global de la substitution CSG/cotisations maladie est le suivant :

Bilan financier des deux substitutions en 1998

En milliards de francs

Estimations
1998

CSG maladie

206,2

Droits sur les alcools

4,2

Pertes de cotisations maladie

208,2

SOLDE

2,2

Ce solde de 2,2 milliards de francs revient intégralement à la CNAMTS.

L'annexe b) du projet de loi de financement pour 1999 reprend le tableau de la Commission des comptes, en omettant de mentionner qu'il s'agit d'un tableau portant sur les deux opérations (1997 et 1998).

Le Gouvernement avait annoncé lors de la discussion du projet de loi de financement pour 1998 que cette substitution devait rapporter à la CNAMTS 4,6 milliards de francs. Même si le bilan de cette seconde substitution est impossible, il est clair qu'il se situe très en deçà de cette évaluation : peut-être un milliard de francs.

En outre, les conditions dans lesquelles s'effectue la répartition entre les régimes d'assurance maladie du produit de la CSG sont particulièrement complexes.

La première répartition a pour objet de compenser exactement, pour chaque régime d'assurance maladie, la perte de ressources résultant de la diminution des taux de cotisation d'assurance maladie au 1er janvier 1997. Il est donc nécessaire d'estimer les pertes de recettes consécutives à la baisse de la cotisation maladie, ce qui suppose une bonne connaissance de l'assiette de chaque régime par catégorie de cotisants.

La seconde répartition partage les montants restants en fonction des déficits comptables des régimes, prioritairement au prorata et dans la limite du déficit comptable de la CNAMTS, puis de la CANAM, puis des autres régimes d'assurance maladie 42( * ) .

Il est nécessaire d'anticiper les déficits du régime général et de la CANAM.

La Cour des comptes estime dans son Rapport 1998 43( * ) : " Dans les deux cas, on a été contraint de mettre en place un système d'acomptes et de régularisations complexe et peu lisible. Une simplification de ces mécanismes apparaît souhaitable " .

c) Le bilan financier de l'ensemble des mesures de redressement apparaît quasiment impossible

Effectuer un bilan financier des mesures de redressement portant sur 1997 apparaît une gageure. La Cour des comptes s'en est d'ailleurs prudemment abstenue dans son rapport 1998. Les dernières évaluations portant sur ces mesures de redressement ont été effectuées par l'annexe B du projet de loi de financement pour 1998, à un moment où la croissance des recettes était sous estimée et où le déficit du régime général était estimé au-delà de 37 milliards de francs.

Il reste à rappeler que le déficit tendanciel du régime général en 1997 -alors que les prévisions de croissance se sont avérées exactes- était de 47 milliards de francs. Le résultat est de 33 milliards de francs. Les mesures de redressement financier du régime général (17 milliards de francs prévus en loi de financement 1997) ont joué naturellement leur rôle.

Pour l'année 1998, la tentative d'un bilan approfondi de la substitution CSG/assurance maladie montre qu'il s'agit d'un exercice particulièrement difficile.

Néanmoins, votre rapporteur estime qu'un tel bilan est tout à fait nécessaire, afin d'améliorer le contrôle du Parlement.

Il déplore à cet égard la faiblesse de l'annexe b) du présent projet de loi, qui est censée décrire " la mise en oeuvre des dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 ".

Le tableau suivant est établi à l'aide des éléments fournis par la Commission des comptes du 22 septembre 1998 :

Bilan financier du plan de redressement du régime général en 1998

 

Recettes

Dépenses

 

Prévisions

septembre 1997

Prévisions

septembre 1998

Prévisions

septembre 1997

Prévisions

septembre 1998

CNAMTS

 
 
 
 

Droits sur les tabacs (loi de finances)

1.400

1.900

 
 

Modification règles de compensation CRPCEN/CNAMTS

200

200

 
 

Taxe sur les ventes directes de médicaments

300

250

 
 

Relèvement taxe sur publicité des laboratoires pharmaceutiques

300

330

 
 

Substitution CSG/cotisations maladie

4.600

1.000

 
 

Excédent C3S

1.000

1.000

 
 

Participation RG à l'ONDAM

 
 

500

500

Fonds d'accompagnement social des hôpitaux

 
 

300

300

Développement des actions de prévention de la CNAMTS

 
 


300


300

Total CNAMTS

7.800

4.380

1.100

1.100

CNAVTS

 
 
 
 

Harmonisation assiette 1 % sur assiette CSG

1.300

1.791

 
 

Relèvement taux taxe sur les contributions des entreprises à la prévoyance


500


500

 
 

Transfert financier régimes vieillesse des non-salariés/non-agricoles (excédent C3S)


1.200


1.200

 
 

Intégration financière de la CAMAVIC

300

200

 
 

Total CNAVTS

3.300

3.691

 
 

CNAF

 
 
 
 

Déplafonnement total des cotisations famille des employeurs et travailleurs indépendants


300


340

 
 

Mise sous condition de ressource des allocations familiales

 
 


- 4.000


- 3.825

Modulation AGED

 
 

- 900

- 810

Harmonisation assiette 1 % sur assiette CSG

3.200

3.760

 
 

Versement des allocations familiales jusqu'à 19 ans

 
 


300


300

Total CNAF

3.500

4.100

-4.600

-4.335

TOTAUX

14.600

12.471

-3.500

-3.235

Les mesures de correction annoncées étaient de 21,1 milliards de francs, se décomposant en 14,6 milliards de francs de recettes supplémentaires, d'une diminution nette des dépenses de 3,5 milliards de francs et d'une économie de 3 milliards de francs de frais financiers résultant de la reprise de dette par la CADES.

Contenu des mesures de redressement 1998

En milliards de francs

Prévisions
sept. 1997

Estimations
sept. 1998

Recettes supplémentaires

14,6

12,5

Diminution nette des dépenses

3,5

3,2

Reprise de frais financiers

3,0

3,0

Total

21,1

18,7

Si l'on applique ces 18,7 milliards de francs au solde tendanciel 1998 estimé en 1997 (33 milliards de francs), on retrouve un chiffre de 14,3 milliards de francs, chiffre qui n'est guère éloigné de l'estimation d'un déficit de 13,3 milliards de francs. Il reste à préciser que le solde tendanciel 1998 est erroné (déficit surestimé), puisque fondé sur une sous-estimation, en septembre 1997, de la croissance pour cet exercice. De plus, il n'est pas possible d'isoler, au sein des mesures de redressement, " l'effet croissance ", qui apporte des recettes supplémentaires aux prévisions 44( * ) .

L'argumentation de Mme le ministre de l'Emploi et de la Solidarité de dire que la réduction du déficit général s'explique par " des mesures de redressement prises en 1997 qui ont amélioré les comptes de plus de 21 milliards de francs " n'apparaît pas tout à fait rigoureuse.

3. Les recettes seront supérieures en 1998 aux prévisions de l'an dernier

L'examen des recettes par catégorie en 1997 (réalisation) et en 1998 (estimation) montre une grande différence entre les deux lois de financement.

Pour 1997, hors la majoration de l'allocation rentrée scolaire, qui constitue un surcroît de recettes et de dépenses (sans effet sur le solde), les recettes se situent à 1.658,2 milliards de francs, soit seulement 100 millions de francs de moins que la prévision, ce qui est un résultat tout à fait exceptionnel, compte tenu d'un premier exercice de cette nature.

Recettes par catégorie 1997 : de la prévision à la réalisation

En milliards de francs

Catégories de recettes

LFSS 1997

Réalisations 1997

Ecarts milliards de francs

Ecarts
%

Cotisations effectives

1.152,4

1.154,9

+ 2,5

+ 0,22 %

Cotisations fictives

181,9

181,2

- 0,7

- 0,39 %

Contributions publiques ( * )

63,9

62,3

- 1,6

- 2,5 %

Impôts et taxes affectés

223,6

221

- 2,6

- 1,18 %

Transferts reçus

4,7

4,8

+ 0,1

+ 2,08 %

Revenus des capitaux

1,8

1,4

- 0,4

- 28,57 %

Autres ressources

30,0

32,6

+ 2,6

+ 7,98 %

Total recettes ( * )

1.658,3

1.658,2

- 0,1

0 %

(*) hors majoration de l'allocation de rentrée scolaire

Les impôts et taxes affectés ont rapporté 2,6 milliards de francs de moins que prévu ; l'écart ne porte pas sur la CSG (+ 0,5 milliard de francs), mais sur différentes taxes affectées et principalement la C3S (-1,6 milliard de francs) qui a fait l'objet en 1997 d'une régularisation négative au titre de 1996, concernant essentiellement la CANAM et l'ORGANIC.

Pour 1998, les recettes sont supérieures aux prévisions. Cela s'explique en raison d'un effet de base : la croissance de l'année 1997 a été sous-estimée en septembre 1997, lorsqu'a été élaborée la prévision d'objectifs de recettes.

Recettes par catégorie 1998 : de la prévision à l'estimation

en milliards de francs

Catégories de recettes

Prévisions LFSS 1998 (1)

Prévisions d'exécution (2)

Ecart (2) - (1)

Cotisations effectives

1.034,1

1.045,7

+ 11,6

Cotisations fictives

186,9

186,8

-0,1

Contributions publiques ( * )

62,0

61,0

- 1,0

Impôts et taxes affectés

403,0

399,6

-3,4

Transferts reçus

4,6

4,8

+ 0,2

Revenus des capitaux

1,3

1,4

+ 0,1

Autres ressources

31,1

32,2

+ 1,1

Total des recettes ( * )

1.723,0

1.731,5

+ 8,5

(*) hors majoration de l'allocation de rentrée scolaire

En dehors de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire (6,3 milliards de francs), le supplément de recettes est de 8,5 milliards de francs.

Mme Martine Aubry, ministre de l'Emploi et de la Solidarité, a expliqué ce supplément de recettes par l'existence d'une croissance plus forte en 1998 qu'en 1997 45( * ) : " La croissance a effectivement joué son rôle mais celle-ci n'explique pas tout. Si nous avions connu en 1998 la même croissance qu'en 1997, nous aurions eu 6 milliards de recettes en moins ".

Cette argumentation est inexacte : ces 8,5 milliards de francs disponibles pour l'ensemble de la sécurité sociale s'expliquent principalement par l'effet base 1997, puisque la prévision de croissance pour 1998, sur laquelle était fondée le projet de loi de financement, s'est avérée.

Cet excédent se retrouve principalement dans les cotisations, qui augmentent de 11,6 milliards de francs : 8,5 milliards de francs pour le régime général, 3,1 milliards de francs pour les autres régimes.

L'annexe b) du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 explique les raisons des moindres recettes provenant des impôts et taxes. Cette minoration s'explique principalement en raison du moindre montant de la CSG, qui découle d'une régularisation comptable. La CSG maladie des départements d'outre-mer (2 milliards de francs) avait été présentée dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 avec la CSG métropole ; elle se retrouve dans les prévisions d'exécution à la ligne " Autres recettes ". Le rendement de la CSG serait, en fait, supérieur à la prévision de 1,3 milliard de francs.

4. Une réduction des déficits sociaux

a) La réduction des déficits sociaux s'explique par une progression des recettes supérieure à celle des dépenses

Il n'est pas correct, du point de vue comptable, de rapprocher les dépenses par branche des recettes par catégorie, en raison de leur différence de périmètre née de la loi organique :

- les recettes par catégorie concernent l'ensemble des régimes obligatoires de base et des organismes créés pour concourir à leur financement ;

- les dépenses par branche concernent l'ensemble des dépenses des régimes obligatoires de plus de 20.000 cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres.

Il est néanmoins possible d'utiliser l'estimation des dépenses des régimes de moins de 20.000 cotisants, disponible dans l'une des annexes du projet de loi de financement 46( * ) .

en milliards de francs

Catégories de recettes

1996 réalisations

1997 réalisations

1998
Prévisions d'exécution

Total des recettes

1.607,5

1.664,5

1.737,8

Total des dépenses

1.647,6

1.695,7

1.745,3

Estimation des dépenses régimes - 20.000 cotisants

2,6

2,6

2,5

Solde

- 42,7

- 33,8

- 10,0

Les régimes sociaux retournent globalement à l'équilibre, en raison d'une progression des recettes supérieure à celle des dépenses.

Progression en %

Prévisions de recettes

Objectifs de dépenses

PIB en valeur

1997

3,55

3,12

3,40

1998

4,40

2,83

4,10

L'écart de progression entre les recettes et les dépenses est de + 0,43 point en 1997 et de + 1,57 point en 1998, en raison d'une croissance plus importante, de l'alourdissement des prélèvements de la loi de financement pour 1998 et des mesures d'économie prises sur la branche famille (mise sous condition de ressources des allocations familiales).

b) Le régime général en 1997

Le déficit tendanciel de 1997 était supérieur à 47 milliards de francs. La loi de financement pour 1997 prévoyait de ramener ce déficit à 30 milliards de francs. Les différentes évaluations de l'été 1997 (rapport Bonnet-Nasse sur l'état des finances publiques), ainsi que celles de la Commission des comptes de septembre 1997 ont permis au Gouvernement actuel d'ironiser l'an dernier à la fois sur la non-réalisation des objectifs affichés et sur l'efficacité des mesures prises.

Le tableau suivant permet de suivre avec précision l'évolution des prévisions affectant les comptes du régime général 1997.

Solde 1997 du régime général : rappel des différentes prévisions d'exécution

En millions de francs

1996
(p.m.)

1997 (tendanciel sept. 1996)

1997
(LFSS 1997)

1997 (prévisions
septembre 1997)

1997
(semi-définitifs mai 1998)

1997 (définitifs septembre 1998)

CNAMTS - Maladie

 
 
 
 
 
 

Recettes

527.207

544.390

555.390

554.482

560.036

558.795

Dépenses

563.100

575.620

572.120

570.601

574.026

573.210

Solde d'exercice

- 35.893

- 31.240

- 16.730

- 16.119

- 13.990

- 14.415

CNAMTS - AT

 
 
 
 
 
 

Recettes

43.470

44.950

44.950

44.408

45.430

44.171

Dépenses

43.298

43.190

44.190

44.262

44.158

43.897

Solde d'exercice

172

1.750

750

146

1.272

274

CNAVTS

 
 
 
 
 
 

Recettes

350.935

360.980

362.480

364.337

362.335

366.314

Dépenses

358.803

369.970

369.970

372.722

371.334

371.480

Solde d'exercice

- 7.868

- 8.990

- 7.490

- 8.385

- 8.999

- 5.166

CNAF

 
 
 
 
 
 

Recettes

228.466

235.080

235.080

240.771

240.363

243.472

Dépenses

238.124

243.760

243.010

254.045

252.647

257.448

Solde d'exercice

- 9.658

- 8.680

- 7.930

- 13.274

- 12.283

- 13.976

ENSEMBLE

 
 
 
 
 
 

Recettes

1.150.078

1.185.390

1.199.650

1.203.998

1.206.530

1.212.752

Dépenses

1.203.325

1.232.540

1.229.290

1.241.630

1.241.677

1.246.035

Solde d'exercice

- 53.247

- 47.150

- 29.700

- 37.632

- 35.147

- 33.283

Une année après, force est de constater que l'écart entre l'objectif ambitieux affiché en 1997 (déficit de 29,7 milliards de francs) et le résultat final (déficit de 33,2 milliards de francs) n'est que de 3,5 milliards de francs.

c) Le régime général en 1998

Le dépassement prévisible de 1998 (1,4 milliard de francs) est comparable, relativement, au dépassement constaté en 1997 (3,5 milliards de francs).

Solde 1998 du régime général

En millions de francs

Tendanciel 1998 (prévisions sept. 1997)

LFSS 1998 (CCSS)

1998
(mai 1998)

1998
(septembre 1998)

CNAMTS - Maladie

 
 
 
 

Recettes

572.117

580.226

582.133

584.393

Dépenses

586.391

586.561

587.099

592.909

Solde

- 14.274

- 6.335

- 4.965

- 8.516

CNAMTS - AT

 
 
 
 

Recettes

46.149

46.151

45.430

46.083

Dépenses

44.701

44.701

44.158

44.330

Solde

+ 1.448

1.450

1.272

1.754

CNAVTS

 
 
 
 

Recettes

377.790

381.100

379.667

380.811

Dépenses

386.026

385.359

387.084

386.405

Solde

- 8.236

- 4.259

- 7.417

- 5.593

CNAF

 
 
 
 

Recettes

242.593

246.113

247.151

254.141

Dépenses

254.429

248.857

248.995

255.088

Solde

- 11.836

- 2.744

- 1.843

- 947

ENSEMBLE

 
 
 
 

Recettes

1.238.000

1.253.591

1.254.381

1.265.429

Dépenses

1.271.000

1.265.479

1.267.335

1.278.731

Solde

- 33.000

- 11.888

- 12.954

- 13.303

Cette dégradation du solde global pose une nouvelle fois la question de l'endettement du régime général de la sécurité sociale pour 1998.

En effet, la loi de financement a opéré une reprise de dette par anticipation, en se fondant sur le solde prévu à l'époque : 12 milliards de francs.

Non seulement ce solde est supérieur de 1,3 milliard de francs, mais son contenu a fortement évolué.

La branche famille était censée connaître un déficit de 2,7 milliards de francs : il est inférieur à un milliard de francs.

En revanche, les branches maladie et vieillesse du régime général ont vu leur déficit se creuser.

Contenu du déficit du régime général en 1998

en millions de francs

 

Prévisions
septembre 1997

Estimations
septembre 1998

CNAMTS

- 6.375

- 8.516

CNAVTS

- 4.259

- 5.593

CNAF

- 2.744

- 947

TOTAL

- 13.338

- 15.059

CNAM-accidents du travail

1.450

1.704

Quelle branche sera donc déclarée " responsable " du 1,3 milliard de francs de déficit supplémentaire ?

B. SEULE LA MAÎTRISE DES DÉPENSES PERMET DE TENIR DURABLEMENT L'ÉQUILIBRE DES COMPTES SOCIAUX

1. Le bilan 1997 : des objectifs de dépenses stricts sont réalisables

a) Les objectifs de dépenses ont été atteints

Dépenses par branche

En milliards de francs

PLFSS 1997

Réalisations septembre 1998

Ecarts milliards de francs

Ecarts %

Maladie

662,1

663,1

+ 1,0

+ 0,15

Accidents du travail

54,7

55,0

+ 0,3

+ 0,55

Vieillesse

726,7

721,8

- 4,9

- 0,67

Famille (*)

241,7

249,5

+ 7,8

+ 3,2

Total dépenses (*)

1.685,2

1.689,4

+ 4,2

+ 0,25

(*) Hors majoration de l'allocation de rentrée scolaire

En dehors de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, intervenant pour 6,3 milliards de francs, le dérapage global est seulement de 4,2 milliards de francs. Il est principalement imputable à une sous-estimation des dépenses de la branche famille (7,8 milliards de francs hors majoration de l'allocation de rentrée scolaire), alors que la branche maladie connaît un très léger dérapage d'un milliard de francs. Les dépenses de la branche famille sont augmentées du montant de la régularisation intervenue en 1997 sur les versements de l'assurance vieillesse des parents au foyer (AVPF) au titre de 1996 pour un montant de 3,4 milliards de francs.

Les dépenses supplémentaires induites par la loi famille de 1994 , tant décriées par Mme Martine Aubry lors de la discussion du projet de loi de financement pour 1998, n'ont représenté finalement en 1997 qu'un montant de 4,4 milliards de francs.

b) La progression de l'ONDAM a été respectée

La maîtrise des dépenses d'assurance maladie est particulièrement remarquable. Le plan Juppé a représenté un coup d'arrêt à la progression ininterrompue des dépenses. Le premier ONDAM de l'histoire parlementaire est respecté. La progression 1997/1996 est de 1,5 %.

L'ONDAM 1997

Réalisation 1996

Objectif 1997

Réalisation 1997

590,4

600,2

599,5

c) Les frais de gestion des branches du régime général ont pu être contenus

Les dépenses de gestion administrative ont connu une décélération sensible, en raison de la négociation tardive au cours de l'année 1997 des budgets pluriannuels au sein des conventions d'objectifs et de gestion.

Dépenses de gestion administrative 1996-1997

En millions de francs

1996

1997

CNAMTS (y compris accidents du travail)

33.316

33.028

CNAVTS

5.690

5.697

CNAF

8.022

8.297

Total

47.028

47.012

En définitive, la première loi de financement montre que des objectifs stricts de dépenses, dans un contexte de reprise économique, peuvent être tenus. L'ONDAM a progressé de 1,5 %, alors que la croissance du PIB était de 3,4 % en valeur .

2. Le bilan 1998 : " l'année gâchée "

a) Les objectifs de dépenses ont été dépassés

Le contexte économique de 1998 semble avoir été très favorable. La croissance s'établit à 3,1 %, légèrement au-dessus des prévisions. Les objectifs de recettes faisant apparaître un excédent de 8,5 milliards, il aurait pu être possible -à dépenses constantes- de réduire fortement le déficit des comptes sociaux.

Objectifs de dépenses 1998

En milliards de francs

Objectifs LFSS pour 1998 (1)

Prévisions d'exécution (2)

Ecarts
(2) - (1)

Maladie - maternité - invalidité - décès

678,5

686,0

+ 7,5

Vieillesse - veuvage

755,0

755,2

+ 0,2

Accidents du travail

50,8

51,1

+ 0,3

Famille ( * )

246,9

246,7

- 0,2

Total des dépenses ( * )

1.731,2

1.739,0

+ 7,8

( * ) hors majoration de l'allocation de rentrée scolaire

La différence est très nette par rapport à 1997. En dehors de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire, intervenant pour 6,3 milliards de francs, le dérapage global est de 7,8 milliards de francs, imputable au dérapage des dépenses d'assurance maladie.

La prévision de réalisation de l'ONDAM confirme ce dérapage. Elle s'établirait à 619,8 milliards de francs, au lieu des 613,8 prévus.

b) Le régime général en 1998 : les recettes supplémentaires ne compensent pas entièrement les dépenses supplémentaires

Le dérapage des dépenses du régime général est de 6,94 milliards de francs en dehors de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire.

Cette dérive des dépenses du régime général est là aussi principalement due aux dépenses d'assurance maladie, qui ont connu un dérapage imputable au Gouvernement, en raison de ses atermoiements à définir une politique dans ce domaine 47( * ) .

Dépenses du régime général en 1998

En millions de francs

LFSS 1998 (CCSS)

1998
(septembre 1998)

Ecarts

CNAMTS - Maladie

586.561

592.909

+ 6.348

CNAMTS - AT

44.701

44.330

- 371

CNAVTS

385.359

386.405

+ 1.046

CNAF ( * )

248.857

248.776

- 81

Total dépenses ( * )

1.265.479

1.272.419

+ 6.940

( * ) Hors majoration de l'allocation de rentrée scolaire

Les dépenses de gestion administrative du régime général connaissent une forte croissance en 1998, passant de 47.012 millions de francs à 49.575 millions de francs, soit une augmentation de 5,45 %. Certes, il s'agit pour beaucoup d'un rattrapage de la stabilisation observée en 1997 et d'un déport de dépenses 1997 sur 1998 (programme SESAM-VITALE). Il n'en demeure pas moins que cette augmentation aussi importante montre, là aussi, un certain relâchement.

Parallèlement, un supplément de 5,5 milliards de francs de recettes a pu être enregistré grâce à la croissance en 1998, de sorte que la dégradation du solde global du régime général a pu être limitée à 1,4 millliard de francs (11,9 milliards de francs prévus initialement, 13,3 milliards de francs en prévision actualisée).

L'année 1998 aurait pu être bien meilleure : si les dépenses n'avaient pas dérapé, le déficit " global " du régime général s'établirait à 7 milliards de francs.

C'est pour cette raison que l'année 1998 est, du point de vue des comptes sociaux, " une année gâchée ".

En définitive, l'enseignement principal des deux premières lois de financement de la sécurité sociale est le suivant : seule la maîtrise des dépenses permet de tenir durablement l'équilibre des comptes.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 pourrait malheureusement être, après une année 1998 gâchée, celui d'une " année perdue ".

III. LE PROJET DE LOI DE FINANCEMENT POUR 1999 : LE GOUVERNEMENT SE CONTENTE D'ENGRANGER LES FRUITS DE LA CROISSANCE SANS PRÉPARER L'AVENIR

A. LES INCERTITUDES ÉCONOMIQUES MENACENT LA PRÉVISION D'UN ÉQUILIBRE GLOBAL DU RÉGIME GÉNÉRAL EN 1999

1. Les prévisions économiques du Gouvernement sont optimistes

Le 9 septembre 1998, le Gouvernement a revu très légèrement à la baisse sa prévision de croissance pour 1999 (2,7 % contre 2,8 % au printemps dernier).

Cette hypothèse, ainsi que l'ensemble des paramètres l'accompagnant (masse salariale, cours du dollar), apparaît optimiste.

a) Les certitudes : un environnement international perturbé et difficilement prévisible

La crise financière est apparue en Asie dès l'été 1997. La demande intérieure et la production se sont affaissées et le taux de chômage a rapidement augmenté. Au Japon, la situation économique était déjà fortement dégradée. Les mesures exceptionnelles décidées par le gouvernement nippon au printemps 1998 pourraient aider l'activité à repartir, mais très progressivement. Elles n'empêcheraient pas l'économie japonaise de connaître une baisse du PIB sur l'année 1998.

La baisse de la demande asiatique a des conséquences directes sur l'économie américaine. Si l'activité reste soutenue aux Etats-Unis en raison d'une demande intérieure très ferme, elle devrait ralentir progressivement.

Au Royaume-Uni, dès la fin de l'année 1997, l'activité a amorcé un net ralentissement.

La crise russe n'a fait qu'amplifier l'effet de la crise asiatique. Si la France n'est pas touchée directement 48( * ) , son principal partenaire commercial, l'Allemagne est plus vulnérable.

La crise des pays émergents apparaît, aux yeux des observateurs, beaucoup plus grave. Les conséquences d'une crise financière affectant des pays comme le Brésil pourraient être catastrophiques sur l'économie américaine.

Dans cet environnement économique particulièrement incertain, tout au plus peut-on affirmer que :

- les pays européens sont entrés dans une phase de croissance, entretenue par la vigueur de leur demande interne ;

- les pays européens sont et seront touchés par les perturbations extérieures ;

- l'ampleur de ces perturbations extérieures est difficile à déterminer.

b) L'économie française : une reprise constatée dès 1997

L'enquête de conjoncture de l'INSEE de juin 1998 montrait que la reprise était intervenue en 1997, entraînant un redressement de la situation de l'emploi :

" En France, bénéficiant rapidement de la reprise de l'activité, l'emploi a amorcé son redressement en 1997. Dans les secteurs marchands non agricoles, environ 160.000 emplois nets ont été créés. "

En conséquence, l'argumentation actuelle du Gouvernement selon laquelle il aurait été à l'origine de la reprise économique, notamment par le basculement cotisations/CSG, apparaît fallacieuse.

c) Les hypothèses retenues pour 1999 : une croissance de la masse salariale exagérée

Le cadrage macro-économique des lois de financement de la sécurité sociale est rigoureusement identique à celui des lois de finances ; les prévisions gouvernementales annoncées le 9 septembre 1998 fondent ainsi les hypothèses du présent projet de loi.

Dans le cadre des finances sociales, trois chiffres attirent plus particulièrement l'attention :

- la masse salariale ;

- la prévision de l'inflation ;

- la croissance du Produit Intérieur Brut (PIB).


La masse salariale

L'étude des prévisions successives de la croissance de la masse salariale 49( * ) en 1997 et en 1998 permet de mieux apprécier la pertinence de l'évolution prévue en 1999.

Prévisions successives de la croissance
de la masse salariale en 1997

 

mars

1997

septembre 1997

septembre 1998

Salaire moyen par tête en valeur

2,2

2,3

2,7

Effectifs

0,5

0,4

0,4

Masse salariale en valeur

2,7

2,7

3,2

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale - Comptes et budgets économiques de la nation

La croissance de la masse salariale en 1997 a été sous-évaluée, du fait d'une mauvaise estimation du salaire moyen par tête (SMPT).

Prévisions successives de la croissance
de la masse salariale en 1998

 

septembre

1997

mai

1998

septembre

1998

Salaire moyen par tête en valeur

2,6

2,3

2,2

Effectifs

1,3

1,5

1,8

Masse salariale en valeur

3,9

3,8

4,0

Source : Commission des comptes de la sécurité sociale

Sur 1998, le salaire moyen par tête progresse de façon moins importante que prévu, alors que l'évolution tenant aux effectifs a été nettement sous-évaluée. L'enquête de conjoncture de l'INSEE de juin 1998 indiquait que " les salaires progresseraient légèrement moins que l'an passé " et que " leur évolution a été modérée en début d'année par la faiblesse des négociations salariales et la prise en compte du bas niveau de l'inflation ". Il est fort possible d'y voir un effet pervers de la loi d'orientation sur la réduction du temps de travail, les entreprises ayant été fortement tentées de conserver un " atout ", afin de négocier les 35 heures dans de meilleures conditions. Le pari d'une augmentation plus importante du salaire moyen par tête au second semestre 1998 ne semble pas tenu, alors que cet élément avait été moteur en 1997. En revanche, la croissance des effectifs a été plus importante que prévue .

Evolution de la masse salariale 1997 - 1999

 

1997

1998

1999

Salaire moyen par tête en valeur

2,7

2,2

2,5

Effectifs (évolution en moyenne)

0,4

1,8

1,8

Masse salariale en valeur

3,2

4,0

4,3

Source : Projet de loi de finances

Le Gouvernement prévoit, pour 1999, une croissance de la masse salariale de 4,3 %.

L'hypothèse d'une croissance en 1999 du salaire moyen par tête de 2,5 %, après 2,2 % en 1998, ne paraît pas réaliste. Elle est contradictoire avec la tendance de fond observée depuis l'annonce de la réduction du temps de travail. Les premiers accords signés montrent que cette modération est la condition même de ces accords . M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie et des finances, pouvait déclarer à ce sujet : " Les salariés devront accepter des restrictions salariales. Bien que le Premier ministre ait dit que les salaires ne doivent pas être baissés, il a dit aussi que les augmentations devraient être contrôlées. Un gel des salaires nominaux pour une période donnée et un gel des salaires pour une période plus longue sont des possibilités. " 50( * ) .

Le rapport économique, social et financier du projet de loi de finances est encore plus précis lorsqu'il parle du pouvoir d'achat du salaire par tête : " Une certaine modération devrait intervenir en 1999 (+ 1,2 %), sous l'effet de la mise en place de la réduction du temps de travail. Celle-ci s'accompagnerait d'un partage de la masse salariale favorable à l'emploi, et un peu moins favorable au salaire mensuel. En termes de salaire horaire, en revanche, une légère amélioration devrait être enregistrée " 51( * ) . Dans le contexte de la réduction du temps de travail, et selon la logique même du Gouvernement, l'augmentation des effectifs s'acquiert au prix d'une modération salariale.

Comme en 1998, la croissance de la masse salariale peut être " sauvée " en 1999 par l'augmentation des effectifs.

Cette augmentation est estimée à 1,8 point. Elle ne prend pas en compte les emplois créés par la réduction du temps de travail, en raison de la non compensation intégrale 52( * ) . Selon le Gouvernement, le marché de l'emploi resterait extrêmement dynamique, avec la création de 240.000 emplois dans les secteurs marchands (260.000 en 1998). Le nombre total de créations d'emplois serait -en comptant 100.000 emplois-jeunes- de 340.000 en 1999. La croissance est plus riche en emplois, en raison d'un ralentissement tendanciel de la productivité du travail. Le seuil de croissance au-delà duquel l'économie française crée des emplois semble se situer désormais aux alentours de 1,5 %. Les efforts accomplis en matière d'allégements de charges sur les bas salaires produisent leurs effets .

Mais l'évolution des finances sociales dépend fortement de la croissance. Les créations d'emplois envisagées en 1999 ne seront atteintes que si la croissance reste celle prévue par le Gouvernement.

Cette prévision de croissance peut être affectée par une baisse importante du dollar, qui peut avoir des effets sur l'inflation.

Une inflation surestimée

Pour bon nombre d'observateurs, la prévision d'inflation établie par le projet de loi de finances est étonnante. La hausse des prix à la consommation serait censée passer de 0,9 % en 1998 à 1,3 % en 1999 (1,2 % hors tabac).

Il est tout d'abord possible de constater que les prix au détail n'enregistrent, sur les neuf premiers mois de 1998, qu'une progression de 0,3 % (en glissement annuel : 0,5 %) 53( * ) . De plus, dans une période de crise extérieure déflationniste, une légère accélération de l'inflation en France ne semble pas se justifier. Les prix des matières premières, notamment du pétrole, n'ont aucune raison d'augmenter. Les monnaies européennes ont tendance à s'apprécier, notamment par rapport au dollar 54( * ) , ce qui signifie que les produits importés sont moins chers. " L'inflation sera probablement inférieure à 1 % l'an prochain " , estime Hervé Goulletquer 55( * ) , qui résume l'opinion de la plupart des économistes.

Cette hypothèse est loin d'être neutre en termes de recettes fiscales, mais également sociales. En effet, la progression du PIB en valeur, prévue à 3,8 % par le Gouvernement, risque d'être alors très différente.

La croissance du PIB

Evolution du PIB en volume - années 1997 - 1999

1997 (réalisation)

1998 (estimation)

1999 (prévision)

2,2

3,1

2,7

L'hypothèse d'une croissance du PIB de 2,7 % est jugée par le ministre de l'économie et des finances, M. Dominique Strauss-Kahn, " vraiment prudente et réaliste " . La croissance est " tirée " par la demande intérieure : consommation et investissement.

Le caractère désormais endogène de la croissance n'apparaît pas contestable.

La note de conjoncture de l'INSEE d'octobre 1998 note ainsi : " Sensible dès l'été 1997, la reprise de l'investissement des entreprises s'est accentuée début 1998 portant sa progression à un rythme annuel de l'ordre de 10 %. A l'été 1998, les taux d'utilisation des capacités sont toujours nettement supérieurs à leur moyenne de longue période et, malgré un léger tassement, les anticipations de demande restent favorables. Après la forte accélération du début d'année, l'investissement devrait donc rester soutenu au second semestre. Malgré l'extrême modération des prix, la situation financière des entreprises est restée favorable du fait de la maîtrise des coûts. Si la demande des entreprises a contribué nettement à la croissance depuis l'été 1997, la reprise de la demande des ménages est encore plus flagrante. Depuis le printemps 1997, les anticipations des ménages n'ont cessé de s'améliorer . "

Cette prévision " révisée " demeure optimiste. Beaucoup d'observateurs, et les principaux instituts de conjoncture décrivent une croissance se situant au-dessous. Une " moyenne " s'établit à 2,5 %.

Le cours du dollar peut affecter la prévision de croissance. Selon les calculs de l'INSEE, une baisse de 10 % du dollar ampute d'un demi-point la croissance française. Cette prévision est néanmoins à nuancer, en raison principalement du contexte de la baisse des taux d'intérêt. Des experts économiques avancent l'hypothèse d'une baisse de 0,2 point 56( * ) .


Organisme de prévision

Hypothèse de croissance en France en 1999

Morgan Stanley

2,0

Société Générale

2,3

Rexecode

2,3

CCF

2,4

Caisse des dépôts

2,5

BNP

2,5

Paribas

2,5

Crédit Lyonnais

2,5

Golden Sachs

2,5

Deutsche Bank

2,5

Commission européenne

2,6

OFCE

2,7

Natexis

2,7

BIPE

2,8

Société Française d'Assurance

3,0

Les experts techniques de la Commission des comptes de la Nation, réunie le 1er octobre 1998, ont retenu le chiffre de 2,4 %.

La réponse du ministre de l'économie et des finances, M. Dominique Strauss-Kahn, est habile ; il rappelle le grief d'optimisme adressé lors de la discussion du projet de loi de finances pour 1998. La prévision du Gouvernement -jugée à l'époque surévaluée- serait finalement dépassée (3,1 % au lieu de 3,0 %).

Le Gouvernement fonde cette prévision sur un environnement extérieur stabilisé. Le débat ne se situe pas sur les composantes internes de la croissance (consommation /investissement), qui apparaissent bien orientées, mais sur l'ampleur du choc externe.

Les prévisions gouvernementales sur la croissance des zones OCDE et Euro apparaissent optimistes.

La prévision de croissance française en 1999 est fondée sur une croissance dans la zone OCDE à 2,6 % (soit une baisse de 0,2 point) et celle de la zone euro à 2,8 %.

Pour la zone OCDE, les deux grandes incertitudes sont relatives à la situation des économies japonaise et américaine.

En ce qui concerne la croissance des pays de la zone euro, les perspectives sont effectivement beaucoup plus rassurantes. L'hypothèse d'une " zone de croissance " en Europe continentale, alors que le reste du monde s'engage dans une phase de récession, est tout à fait possible. L'Europe connaîtrait, avec quelques années de décalage, le mécanisme de la croissance américaine. Mais il n'est pas raisonnable de prétendre qu'elle puisse être à l'abri des perturbations extérieures .

En conclusion, les prévisions du Gouvernement sont optimistes et volontaristes.

Ces prévisions ne sont pas pour autant irresponsables : il est possible que le choc externe ait des effets limités.

Les retournements de conjoncture économique ont des effets aussi importants sur les finances sociales que sur les finances de l'Etat.

2. Les effets d'un retournement de conjoncture économique sur les finances sociales

a) Le rappel historique de 1993 - 1996

Les retournements majeurs de conjoncture restent mal appréciés par les économistes.

Deux exemples historiquement proches montrent l'impact direct d'une moindre croissance sur les finances sociales.

En 1993, alors que le Gouvernement avait construit le projet de loi de finances sur la base d'une croissance de 2,6 %, la France connut la plus sérieuse crise économique de l'après-guerre. La croissance de la masse salariale du secteur privé était prévue à 1,7 % ; elle s'est élevée en définitive à 0,3 %.

Les mesures de redressement de la sécurité sociale mises en oeuvre par le gouvernement Balladur -pourtant particulièrement courageuses- eurent pour seuls effets de neutraliser les conséquences de la dégradation de l'environnement économique.

Pour l'année 1996, le projet de loi de finances retenait une prévision de croissance de 2,8 %. En raison d'une demande intérieure déprimée et d'un environnement international moins porteur, la croissance s'éleva finalement à 1,3 %. La sécurité sociale disposa alors de 29,5 milliards de francs de recettes en moins 57( * ) , ce qui creusa le déficit du régime général (53 milliards de francs).

b) Les effets possibles d'une moindre croissance sur les comptes sociaux en 1999

Dans le cadre des finances sociales, le Gouvernement ne dispose pas, comme pour le budget de l'Etat, de l'effet bénéfique de la baisse des taux d'intérêt. En effet, la prévision de taux d'intérêt pour 1999 est prudente ; le Gouvernement s'est donné une marge, en comptant largement la charge de la dette publique. Si cette prévision prudente jouera éventuellement son rôle pour le déficit budgétaire, elle n'aura pas de conséquences, en revanche, sur l'évolution de la masse salariale.

Même si le financement de la sécurité sociale s'est diversifié, les effets de la masse salariale restent très importants.

Contrairement aux années 1997 et 1998, qui ont été correctement estimées, il apparaît nécessaire d'être d'une grande prudence vis-à-vis des prévisions de croissance. Le Gouvernement actuel a choisi la voie de l'optimisme, en prévoyant une croissance de la masse salariale à 4,3 %.

A l'autre extrême, M. Eric Chaney, de Morgan Stanley, a prévu une croissance de la masse salariale de 3,3 % 58( * ) . Il reste à préciser que Morgan Stanley a prévu la croissance du PIB la plus faible (2 %).

Les effets sont différents suivant la nature de la recette (cotisations ou CSG).

L'impact d'une croissance inférieure d'un point de la masse salariale serait ainsi, pour le régime général, de 7,2 milliards de francs pour les cotisations , à répartir comme suit :

. 2,9 milliards de francs en moins pour la branche maladie ;

. 0,5 milliard de francs en moins pour la branche accidents du travail ;

. 2,5 milliards de francs en moins pour la branche vieillesse ;

. 1,3 milliard de francs en moins pour la branche famille.

Pour la CSG et les autres ressources fiscales, les pertes sont beaucoup plus complexes à déterminer, du fait des clefs de répartition affectant les 5,1 points de CSG maladie, mais peuvent s'évaluer à 1,8 milliard de francs pour le seul régime général de sorte qu'un point de masse salariale en plus ou en moins représenterait 9 milliards de francs de recettes supplémentaires ou perdues pour le seul régime général.

Votre commission ne fait pas grief au Gouvernement de son optimisme en matière de prévisions économiques mais elle déplore qu'il n'en tire pas toutes les conséquences : présenter des comptes qui ne sont à l'équilibre que de l'épaisseur d'un trait, revient à se priver de toute marge d'erreur pour 1999 et de tout marge de manoeuvre pour les années suivantes.

3. L'évolution tendancielle montre un équilibre global de la sécurité sociale, qui n'est pas atteint par toutes les branches du régime général

a) Evolution tendancielle des objectifs de dépenses et de recettes

A la différence des comptes du régime général, la Commission des comptes de la sécurité sociale ne présente pas l'évolution tendancielle des objectifs de dépenses et de recettes des comptes de la sécurité sociale, ce qui est regrettable.

Votre rapporteur s'est fait communiquer, par le ministère de l'emploi et de la solidarité, les objectifs tendanciels de dépenses 1999, dans le cadre des pouvoirs qu'il tient de l'article 2 de la loi n° 96-1160 du 27 décembre 1996.

Les principales hypothèses pour déterminer ces évolutions ont été les suivantes :

- évolution de l'ONDAM à 2,6 % ;

- maintien de la mise sous condition de ressources des allocations familiales et non-reconduction de la majoration d'allocation de rentrée scolaire en 1999 ;

- revalorisation de 0,7 % de la BMAF et des pensions vieillesse.

Objectifs tendanciels de dépenses 1999

en milliards de francs

 

Objectifs LFSS 1998

Objectifs tendanciels 1999

Evolution

Maladie

678,5

696,4

+ 2,63 %

Accidents du travail

50,8

52,3

+ 2,95 %

Vieillesse

755,0

779,0

+ 3,18 %

Famille

246,9

251,5

+ 1,86 %

TOTAL

1.731,2

1.779,3

+ 2,76 %

b) Evolution tendancielle des comptes du régime général

Les comptes prévisionnels 1999, annoncés lors de la Commission des comptes de la sécurité sociale du 22 septembre 1998, s'appuient logiquement sur les prévisions macro-économiques retenues pour le projet de loi de finances. Le solde global du régime général serait, en tendanciel, un excédent de 352 millions de francs.

La branche maladie du régime général -la Commission des comptes retenant l'hypothèse d'une progression de l'ONDAM de 2,6 %- serait en léger excédent (324 millions de francs).

Evolution tendancielle par branche
des comptes du régime général

 

1998 (1)

tendanciel 1999

CNAMTS maladie

 
 

Recettes

584.393

602.061

Dépenses

592.909

601.736

Solde

- 8.516

324

CNAMTS accidents du travail

 
 

Recettes

46.083

46.962

Dépenses

44.330

45.008

Solde

1.754

1.953

CNAVTS

 
 

Recettes

380.811

393.092

Dépenses

386.405

399.069

Solde

- 5.593

- 5.977

CNAF

 
 

Recettes

254.141

257.570

Dépenses

255.088

253.518

Solde

- 947

4.052

(1) CCSS Sept. 1998

La branche accidents du travail du régime général serait en excédent (1,9 milliard de francs), alors même que la baisse du taux de cotisation des entreprises est comprise dans les hypothèses tendancielles. Cette baisse du taux représenterait un allégement pour les entreprises de 1 milliard de francs.

La branche vieillesse afficherait toujours un déficit structurel préoccupant (5,9 milliards de francs).

Enfin, la branche famille enregistrerait un excédent de 4 milliards de francs.

Le total tendanciel montre, en conséquence, un équilibre assuré par les excédents de la branche accidents du travail et de la branche famille.

Recettes et dépenses tendancielles
du régime général en 1999

Régime général

1998

tendanciel 1999

Recettes

1.208.321

1.247.391

Dépenses

1.221.624

1.247.039

Solde

- 13.303

352

Contenu de l'excédent tendanciel 1999


CNAM - Maladie

324

CNAM - Accidents du travail

1.953

CNAVTS

- 5.977

CNAF

4.052

Solde global

352

B. LES MESURES PROPOSÉES PAR LE GOUVERNEMENT

1. Les mesures correctives sur l'équilibre tendanciel ont un impact très limité

a) Régime général

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, et M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé, ont annoncé, lors de la Commission des comptes de la sécurité sociale, un certain nombre de mesures, respectant le solde tendanciel : 4,8 milliards de francs de dépenses supplémentaires sont financés par 4,8 milliards de francs de recettes affectés au régime général.

Ces mesures sont principalement liées à la prise en compte des orientations de la Conférence de la famille du 12 juin 1998 (dégradation de l'excédent famille) et à un transfert comptable du FSV vers la CNAVTS.

Préalable méthodologique

Les comptes sont, dans le cadre des annexes du projet de loi de financement, parfois présentés en emplois et en ressources, parfois en recettes et dépenses, d'où des différences ( cf première partie ). Il est à noter que la page 28 de l'annexe C du projet de loi , qui indique l'impact des mesures du projet de loi sur les branches du régime général, ne donne qu'un résultat d'une variation des soldes. Votre rapporteur s'est attaché, comme l'an dernier, à retracer les recettes et les dépenses de chaque branche du régime général à partir des comptes tendanciels fournis en Commission des comptes. De très légers écarts peuvent apparaître avec les tableaux fournis à la page 96 de l'annexe C, consacrée aux comptes résumés du régime général 1997 - 2001, sans conséquences sur les soldes.

La " nouveauté " de la page 28 de l'annexe C du projet de loi concerne la ligne " Variation produits/frais financiers et ajustements cotisations prises en charge ". Il s'agit des conséquences financières des mesures du projet de loi : de moindres frais financiers pour la branche vieillesse, en raison d'un déficit moins important, de moindres produits financiers pour la branche famille, en raison d'un excédent moins important. Les " cotisations prises en charge " seraient celles des rapatriés.

Les comptes des branches du régime général s'établissent en recettes et en dépenses de la manière suivante :


CNAMTS
maladie

1998

Tendanciel 1999

Mesures

Effet mesures sur frais financiers

PLFSS
1999

Recettes

584.393

602.061

+ 870

 

602.931

Dépenses

592.909

601.736

+ 1.190

+ 10

602.936

Solde

- 8.516

325

- 320

- 10

- 5

Les recettes supplémentaires sont liées à l'attribution à la CNAM d'un excédent de CSG (750 millions de francs), à la rationalisation sur l'exonération de cotisations sociales du premier salarié (60 millions de francs) et à des mesures permettant un meilleur recouvrement des contributions sociales (60 millions de francs).

Les dépenses supplémentaires de la branche recouvrent un certain nombre de mesures disparates (prise en charge des CHAA, création du fonds d'aide à la qualité des soins, revalorisation des pensions, etc.) 59( * ) .


CNAMTS accidents du travail

1998

Tendanciel 1999

Mesures

Effet mesures sur produits financiers

PLFSS
1999

Recettes

46.083

46.962

+ 10

- 10

46.962

Dépenses

44.330

45.008

+ 650

 

45.658

Solde

1.754

1.953

- 650

- 10

1.304

Les dépenses supplémentaires de la branche accidents du travail sont liées à l'indemnisation des pneumoconioses et lombalgies (+ 200 millions de francs), à la modification de la prescription biennale (+ 150 millions de francs), à la mensualisation des rentes accidents du travail (+ 150 millions de francs) et à la revalorisation des pensions d'invalidité (+ 1,2 % au lieu de + 0,7 %).

La revalorisation des pensions de retraite accentue l'augmentation des dépenses de la branche vieillesse (+ 1,81 milliard de francs).

Un transfert du FSV permet de dégager 3,8 milliards de francs de recettes supplémentaires 60( * ) .


CNAVTS

1998

Tendanciel 1999

Mesures 1999

Effet mesures sur frais financiers

PLFSS
1999

Recettes

380.811

393.092

+ 3.860

 

396.952

Dépenses

386.405

399.069

+ 1.810

- 60

400.819

Solde

- 5.593

- 5.977

+ 2.150

 

- 3.867

Pour la CNAF, le solde de 1,2 milliard de dépenses nettes supplémentaires résume des opérations complexes, résultant de la prise en charge par le budget général de l'allocation parent isolé en échange du retour à l'universalité des allocations familiales, ainsi que d'un certain nombre d'améliorations de prestations, partiellement gagées par des économies 61( * ) .


CNAF

1998

Tendanciel 1999

Mesures 1999

Effet mesures sur produits financiers

PLFSS
1999

Recettes

254.141

257.570

+ 40

- 20

257.590

Dépenses

255.088

253.518

+ 1.200

 

254.718

Solde

- 947

4.052

- 1.150

 

2.872

L'examen des comptes du régime général, après correction, apparaît selon le tableau suivant :

Le régime général - comptes en recettes/dépenses

en millions de francs

LFSS 1998

LFSS 1998 (estimations)

Tendanciel 1999

Mesures

Variations financières

PLFSS 1999

Recettes

1.253.591

1.265.429

1.299.684

4.780

- 30

1.304.434

Dépenses

1.265.479

1.278.731

1.299.332

4.850

- 50

1.304.132

Solde

- 11.888

- 13.303

+ 352

- 70

+ 20

+ 302

Le cadre comptable emplois/ressources utilisé par l'annexe C du projet de loi de financement 62( * ) s'établit de la manière suivante :

Le régime général en emplois ressources

en millions de francs

1998

1999

Ressources

1.255.669

1.298.869

Emplois

1.265.696

1.295.657

Solde des opérations courantes

- 10.027

3.212

Solde des opérations en capital

- 3.276

- 2.914

Variation fonds de roulement

- 13.303

298

Source : annexe C du projet de loi, p. 27

L'équilibre global repose sur une forte progression des recettes.

Par rapport aux " mesures votées " en 1998, le régime général bénéficiera de 51 milliards de francs de recettes supplémentaires : 46 milliards de francs d'évolution spontanée et 4,8 milliards de francs de recettes supplémentaires (mesures correctives).

Cette " marge de manoeuvre ", produit conjugué d'une prévision de croissance forte et des hausses d'impôts décidées dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, est affectée à hauteur de :

- 12,2 milliards de francs (24 %) pour réduire le déficit,

- 38,6 milliards de francs (77 %) pour couvrir la progression des dépenses.

Evolutions des recettes et des dépenses 1998-1999

 

(1)

LFSS 1998

(2)

1998 Estimations

(3)

PLFSS 1999

(3)/(1)

Variation apparente

(3)/(2)

Variation réelle

Recettes

1.253.591

1.259.129

1.304.434

4,06 %

3,60 %

Dépenses

1.265.479

1.272.431

1.304.132

3,05 %

2,49 %

N.B. - Hors majoration de l'allocation de rentrée scolaire pour l'estimation 1998 (6,3 milliards de francs).

La variation " réelle " montre une augmentation de 3,60 % des recettes et de 2,49 % des dépenses.

Le contenu de l'équilibre repose sur les excédents des branches famille et accidents du travail. L'équilibre " corrigé " n'est donc pas fondamentalement différent de l'équilibre " tendanciel ".

Contenu de l'équilibre du régime général en 1999
après mesures de correction


CNAM - Maladie

- 5

CNAM - Accidents du travail

+ 1.304

CNAV

- 3.867

CNAF

+ 2.872

Solde global

+ 304

b) Prévisions de recettes et objectifs de dépenses

Les prévisions de recettes par catégorie sont supérieures de 76 milliards de francs à celles votées en 1998.

Prévisions de recettes par catégorie en 1999

 

LFSS 1998
(1)

Prévisions 1998
(2)

PLFSS 1999
(3)

Evolution
(3)/(1)

Evolution réelle
(3)/(2)

Cotisations effectives

1.034,1

1.045,7

1.062,9

2,79 %

1,64 %

Cotisations fictives

186,9

186,8

194,8

4,23 %

4,28 %

Contributions publiques

62,0

67,3

63,8

2,90 %

-5,20 %

Impôts et taxes affectés

403,0

399,6

438,6

8,83 %

9,76 %

Transferts reçus

4,6

4,8

4,9

6,52 %

2,08 %

Revenus des capitaux

1,3

1,4

1,4

7,69 %

0,00 %

Autres ressources

31,1

32,2

32,7

5,14 %

1,55 %

Total recettes

1.723,0

1.737,8

1.799,1

4,42 %

3,53 %

L'évolution de certaines catégories de recettes retient particulièrement l'attention.

Les cotisations fictives ont un rythme d'augmentation nettement supérieur aux cotisations effectives , alors qu'elles devraient suivre normalement une évolution similaire. Cette ligne montre, en fait, la forte participation de l'Etat au financement des régimes spéciaux.

Les impôts et taxes affectés augmentent de 8,83 % par rapport à la prévision de 1998. Cette évolution importante résulte de la prévision de croissance. Elle montre l'effet mécanique des dispositions prises en 1997 et en 1998 (substitution CSG/cotisations maladie). L'assiette CSG est beaucoup plus réactive à la croissance que l'assiette cotisations.

Les contributions publiques comportent, sur la prévision 1998, la majoration de l'allocation rentrée scolaire, non inscrite en loi de financement initiale, d'où la baisse " réelle " observée en 1999.

Ce poste est, par ailleurs, fortement affecté par le financement par l'Etat, à partir du 1 er janvier 1999, de l'allocation de parent isolé (API), pour 4,2 milliards de francs 63( * ) .

La prévision tendancielle de recettes pour 1999 64( * ) montrait une baisse par rapport au montant inscrit en loi de financement pour 1998 (de 62,0 milliards de francs à 59,6 milliards de francs), en raison, principalement, de la diminution de la subvention d'équilibre au BAPSA (de 7,8 milliards de francs à 4,9 milliards de francs).

Les recettes de la sécurité sociale pour 1999 augmentent de 3,53 %, alors que les dépenses augmentent de 2,43 %. Ce rythme d'augmentation reste inférieur à celui du PIB (3,8 en valeur en 1999, selon les hypothèses retenues par le Gouvernement).

 

PIB en valeur

Prévisions de recettes

Objectifs de dépenses

1998

4,40

4,40

2,83

1999

3,80

3,53

2,43

Hors majoration de l'allocation de rentrée scolaire, les recettes progressent pour 1999 à un rythme de 3,90 %, tandis que les dépenses progressent de 2,86 %.

L'effet des mesures correctives sur les comptes de l'ensemble de la sécurité sociale -obtenues en comparant les objectifs de dépenses du projet de loi aux objectifs tendanciels - est d'un surcroît de 9,5 milliards de francs de dépenses, se répartissant comme suit :

- 1,3 milliard de francs pour la branche maladie ;

- 0,7 milliard de francs pour la branche accidents du travail ;

- 2,1 milliards de francs pour la branche vieillesse (revalorisation des pensions à 1,2 % au lieu des 0,7 % envisagés en tendanciel) ;

- 5,5 milliards de francs pour la branche famille (retour à l'universalité des allocations familiales et autres mesures " positives " annoncées lors de la Conférence de la famille du 12 juin 1998).

Objectifs de dépenses par branche en 1999

 

LFSS 1998 (1)

Prévision 1998 (2)

Tendanciel 1999

PLFSS 1999 (3)

Evolution 1999/1998 (3) / (1)

Evolution 1999/1998 (3)/(2)

Maladie

678,5

686,0

696,4

697,7

2,83 %

1,58 %

Accidents du travail

50,8

51,1

52,3

53,0

4,33 %

3,68 %

Vieillesse

755,0

755,2

779,0

781,1

3,46 %

3,32 %

Famille

246,9

246,7

251,5

257,0

4,09 %

4,17 %

Total dépenses

1.731,2

1.739,0

1.779,3

1.788,8

3,33 %

2,86 %

N.B. La prévision 1998 est hors majoration de l'allocation rentrée scolaire.

Les dépenses de la branche vieillesse augmentent nettement plus rapidement que les dépenses de la branche maladie. Elles représentent désormais 43,6 % du total, contre 39 % pour la branche maladie-maternité-invalidité-décès et 14,7 % pour la branche famille.

En 1995, les dépenses vieillesse représentaient 40,8 % du total des dépenses, contre 39,7 % pour la branche maladie-maternité-invalidité-décès et 16,4 % pour la branche famille.

Le processus de l'augmentation des dépenses vieillesse -avant même l'arrivée à la retraite des générations du " baby boom "- est déjà largement engagé.

Les autres régimes de sécurité sociale se retrouvent à peu près tous à l'équilibre en 1999.

Cette notion d'équilibre n'a pas exactement le même sens que dans le régime général.

•  Des régimes sont équilibrés par la subvention de l'Etat : exploitants agricoles, fonds spécial des ouvriers de l'Etat, Mines, SNCF, Marins ;

•  Des régimes spéciaux bénéficient des " cotisations fictives " : fonctionnaires civils et militaires, EDF-GDF, des employeurs publics, SNCF, RATP, Banque de France ;

•  Des régimes peuvent bénéficier de l'affectation de taxes. En cas de croissance économique, ils reviennent naturellement à l'équilibre : CANAM (avec les excédents de CSG et des droits sur les alcools), ORGANIC et CANCAVA (avec la C3S).

Il convient d'ajouter que ces régimes de base, pour la plupart, gèrent principalement ou uniquement l'assurance vieillesse 65( * ) .

A ce titre, soit ils bénéficient d'un rapport démographique favorable et contribuent à la compensation (CNRACL, CNAVPL), soit ils n'en bénéficient pas et reçoivent des transferts importants dus à la compensation (Régime des cultes, SNCF, Marins).

La croissance explique le retour à l'équilibre, comme en témoigne le tableau rapprochant les recettes par catégorie des objectifs de dépenses par branche.

Tableau de l'équilibre global de la sécurité sociale

 

Réalisations 1997

Estimations 1998

PLFSS
1999 (1)

Recettes par catégorie

1.664,5

1.737,8

1.799,2

Dépenses régimes
+ 20.000 cotisants

1.695,2

1.745,3

1.788,8

Estimation des dépenses régimes
- 20.000 cotisants

2,6

2,5

2,5

Sous total dépenses

1.697,8

1.747,8

1.791,3

Solde

- 33,3

- 10,0

+ 7,9

(1) Texte initial

2. La politique gouvernementale laisse planer une incertitude de plus sur l'équilibre des comptes

La politique menée par le Gouvernement, riche d'ambiguïtés, laisse planer des incertitudes sur l'équilibre des comptes sociaux. Deux exemples principaux :

- les trente-cinq heures ;

- les emplois-jeunes.

a) La loi d'orientation et d'incitation relative à la réduction du temps de travail

L'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale affirme solennellement : " toute mesure d'exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale, instituée à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, donne lieu à compensation intégrale aux régimes concernés par le budget de l'Etat pendant toute la durée de son application ".

Pourtant, le Gouvernement avait tenu à annoncer, dès l'exposé des motifs du projet de loi sur la réduction du temps de travail et l'étude d'impact jointe au projet, que cette règle ne serait pas respectée :

" Afin de tenir compte des rentrées de cotisations que l'aide à la réduction du temps de travail induira pour les régimes de sécurité sociale, cette aide donnera lieu, à compter du 1 er janvier 1999, à un remboursement partiel de la part de l'Etat aux régimes concernés. Cette disposition figurera dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, après concertation avec les partenaires sociaux sur le taux de cette compensation " 66( * )

" A l'horizon 1999, et pour le futur système d'abattement structurel des cotisations, les retours financiers qu'enregistrent les régimes de sécurité sociale, et l'UNEDIC justifient d'examiner avec les partenaires sociaux l'affectation de ces " retours ". Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 prévoira à cet égard un remboursement partiel de l'aide par l'Etat aux régimes concernés, selon des modalités et un taux qui seront établis de façon concertée ". 67( * )

Cette démarche n'a toutefois pas convaincu les caisses de sécurité sociale qui ont en conséquence émis un avis négatif sur le projet de loi le 2 décembre 1997 pour la CNAF et le 3 décembre 1997 pour la CNAMTS.

Comme l'expliquait votre rapporteur du projet de loi d'orientation et d'incitation à la réduction du temps de travail, notre excellent collègue M. Louis Souvet 68( * ) , la démarche du Gouvernement n'est pas convaincante pour trois raisons :

" Elle remet en cause tout d'abord un principe nécessaire à une gestion saine et responsable de la sécurité sociale dans la perspective nécessaire d'un retour à l'équilibre de ses comptes. Dès lors que toute exonération de cotisations décidée par l'Etat -du moins faut-il l'espérer- a un objectif d'intérêt général, le principe de " solidarité " évoqué par le Gouvernement pourra toujours justifier la non-application du principe de la compensation intégrale.

En second lieu, la comptabilité " administrative " des emplois créés ne prendra en compte ni les effets d'aubaine, ni les emplois détruits. Elle ne prendra pas davantage en compte l'effet sur les ressources de la sécurité sociale d'une moindre progression de la masse salariale imputable à la " modération " des rémunérations qui, selon les experts, est l'une des conditions des créations d'emplois. Seules seront prises en compte ces créations d'emplois et non l'effort demandé aux salariés en place qui se traduira pourtant par un tassement des cotisations.

La clarification des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale, que votre commission appelait de ses voeux lors de l'examen de la loi de financement pour 1998, n'en sortira pas à l'évidence renforcée.

Comment, dans ces conditions, exiger des gestionnaires des caisses, de leurs personnels, des assurés et des professionnels, l'effort de rigueur indispensable au redressement financier de la sécurité sociale ?
"

Ce principe inédit depuis la loi de 1994 d'une neutralité scrupuleuse de la compensation, grâce à un calcul méticuleux des " retours " attendus par la sécurité sociale, gagnerait en crédibilité s'il s'appliquait à l'ensemble des exonérations de charges, et donc aux dispositifs antérieurs à la loi de 1994, qui restent non compensés et dont le coût est évalué à 17 milliards de francs.

Le Gouvernement a fixé, dans le projet de loi de finances pour 1999, à 3,5 milliards de francs l'enveloppe nécessaire au financement des allégements de charges. A cette somme, s'ajouterait un " reliquat " de l'exercice 1998, évalué entre 1,5 et 2 milliards de crédits non consommés dans la loi de finances pour 1998.

Les chiffres du ministère de l'emploi et de la solidarité, datant de la fin du mois d'août 1998, faisaient état de 150 accords signés, 127 dans le cadre d'une version " offensive " de la loi, permettant la création de 1.750 emplois, 23 dans le cadre d'une version " défensive ", permettant de sauvegarder 428 emplois. La volonté du Gouvernement de créer 35.000 emplois d'ici à fin 1998 apparaît d'ores et déjà contredite par les faits.

Par ailleurs, 2 à 3 milliards de francs devaient reposer sur les régimes sociaux, pour arriver à une enveloppe de 7,5 milliards de francs.

Selon les estimations du ministère de l'emploi, cette somme permettrait le passage aux 35 heures de 1,5 million de salariés. Pour le Gouvernement, ce chiffre n'est qu'une estimation et non un objectif. Les aides à la réduction du temps de travail étant conditionnées à une augmentation des effectifs de 6 %, il est possible de déduire que ces 7,5 milliards de francs pourraient créer -ou sauvegarder- 90.000 emplois.

Les estimations du Gouvernement portant sur les années 1998-1999 sont donc de 125.000 emplois créés ou sauvegardés.

Mme Martine Aubry a fait état d'une estimation de " retours " pour la sécurité sociale de l'ordre de 32 %. Cette estimation aurait été effectuée à l'occasion des " études sur les exonérations accordées aux entreprises qui réalisent les 35 heures " 69( * ) . Elle a réaffirmé le principe selon lequel l'Etat était fondé à ne rembourser que deux tiers des exonérations de charges.

La Commission des comptes de la sécurité sociale a retenu pour principe que l'incidence de la réduction du temps de travail était considérée comme neutre sur les encaissements : " La compensation par l'Etat au Régime général des pertes de cotisations liées aux abattements de cotisations patronales n'a pas non plus été intégrée dans le poste cotisations prises en charge. Il a été fait l'hypothèse pour ce compte que les suppléments de recettes générés en 1999 par les emplois créés neutraliseraient les pertes de cotisations nettes des compensations prévues par l'Etat " 70( * ) .

Si la ministre de l'emploi et de la solidarité n'a pas renoncé à une compensation qui ne serait que partielle des exonérations de charges, elle ne l'a pas pour autant inscrit dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, comme le laissait prévoir tant l'exposé des motifs que l'étude d'impact du projet de loi d'orientation et d'incitation à la réduction du temps de travail. Ainsi, Mme Martine Aubry a pu déclarer à l'Assemblée nationale : " En ce qui concerne la durée du travail (...), pour l'instant, nous nous en tenons à la compensation liée à la loi de 1994. Nous dresserons un bilan de l'application de la loi à mi-année avec les partenaires patronaux et syndicaux et nous verrons alors si nous devons changer les règles " 71( * ) .

En l'absence de tout dispositif législatif modifiant " les règles ", votre commission considère que la compensation intégrale, dans le cadre des 35 heures, continue à s'appliquer en 1999. Elle s'en félicite.

L'article 12 portant prévisions des objectifs de recettes doit être, en conséquence modifié. La ligne " cotisations effectives ", sur laquelle s'imputent les exonérations de charges compensées, doit être majorée d'un montant de 2,5 milliards de francs.

Votre commission appelle ainsi l'attention du Gouvernement sur le fait qu'une remise en cause de ce principe en cours d'année justifierait une loi de financement rectificative.

b) Les emplois-jeunes

La prévision d'un succès des emplois-jeunes a des conséquences non négligeables vis-à-vis de la prévision de croissance de masse salariale. Les hypothèses du Gouvernement tablent en effet sur une réussite du plan emplois-jeunes 72( * ) .

Un bilan daté de fin juin 1998 faisait état du recrutement de 66.000 jeunes, dont 33.000 par les établissements scolaires, 5.000 par la police nationale et 28.000 dans les collectivités locales, les associations et les entreprises. Un bilan du 30 septembre 1998 établissait le nombre d'embauchés à 88.855 et le nombre d'emplois créés à 138.250, la différence s'expliquant officiellement par les délais longs entre la date de création de l'emploi et son recrutement. Le taux de démission dans l'éducation nationale est de l'ordre de 10 %. Des premières grèves ont eu lieu à Paris.

Si le ministère de l'emploi espère passer le cap des 150.000 emplois créés d'ici la fin de l'année 1998, il est clair que les emplois-jeunes ne font pas recette en entreprise, et vont représenter une sous-fonction publique, bombe à retardement pour les gouvernements de l'après 2002.

3. L'absence de réformes structurelles

a) La réforme des cotisations patronales est enlisée par l'accumulation de " diagnostics "

Le présent projet de loi se caractérise par une grande absence : la réforme des cotisations patronales. Le dernier paragraphe de l'introduction du rapport annexé à l'article premier du projet de loi est une déclaration de principe : " Enfin, la politique du Gouvernement en matière de sécurité sociale doit s'inscrire dans la politique générale qu'il conduit en faveur de l'emploi. Après la réforme des cotisations salariés entreprise dès 1998 73( * ) , le Gouvernement souhaite engager une réforme des cotisations patronales favorable à l'emploi. "

Un débat ancien

La longue liste de rapports sur la réforme des cotisations patronales 74( * ) pourrait inviter à un certain pessimisme. Ces rapports ont néanmoins permis de poser un double constat sur le financement de la sécurité sociale :

1- un décrochage sur les quinze dernières années entre l'évolution de la masse salariale et celle de la richesse nationale

Entre 1981 et 1996, la masse salariale a évolué en moyenne annuelle de 0,7 point en dessous du PIB. Sur les sept dernières années (1991-1997), la masse salariale a évolué en moyenne annuelle de 0,4 point en dessous du PIB.

Evolution en valeur de la masse salariale et du PIB 1991 - 1997

en %

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

Masse salariale

4,0

3,4

0,4

2,1

4,0

3,1

3,2

PIB

4,1

3,3

1,1

4,4

3,7

2,7

3,4



Cette situation a trois explications :

- la politique de modération salariale ;

- la hausse du chômage ;

- la hausse des taux d'intérêt.

La masse salariale subit de manière très importante les dépressions conjoncturelles (1993). En revanche, elle réagit avec retard à l'augmentation de production (1994).

2- un renchérissement du coût relatif du travail par rapport au facteur capital

L'assise des cotisations sur la masse salariale incite le chef d'entreprise à remplacer les hommes par les machines. Elle pénalise les industries à bas salaire (industries de main d'oeuvre).

A la suite d'une demande du Parlement fin 1973 de rechercher " un aménagement de l'assiette des charges sociales assumées par les entreprises pour tenir compte de l'ensemble des éléments d'exploitation ", différents rapports vont examiner la possibilité d'une taxation de la valeur ajoutée. Le rapport du comité des revenus et des transferts indiquait dès 1976 qu'une assiette élargie présente " plus d'inconvénients que d'avantages ". Les conclusions du rapport Malinvaud (1998) ne constituent pas, de ce point de vue, une nouveauté.

La réforme des cotisations patronales : une longue série de rapports

1974 Rapport de Léon Boutbien, (Conseil économique et social)

1975 Rapport de la commission Granger (ministère du travail)

1976 Rapport du comité des revenus et des transferts du VIIème Plan

1978 Rapport Ripert (Commissariat Général du Plan)

1981 Rapport Maillet (Direction de la Sécurité sociale)

1982 Rapport de Castries (Inspection générale des finances)

1982 Rapport Peskine (ministère de la solidarité nationale)

1983 Rapport Bazy-Malaury et Buisson de Courson

1994 Rapport Foucault (Commissariat général du Plan)

1996 Rapport du groupe de travail sur la réforme des

prélèvements obligatoires (rapport La Martinière)

1997 Rapport de M. Jean-François Chadelat

1998 Rapport de M. Edmond Malinvaud



Les rapports des années soixante-dix sont les premiers à poser la question du financement au travers des charges pesant sur les entreprises de main d'oeuvre : le déplafonnement des cotisations en a été une conséquence directe.

Les rapports les plus récents ont permis de déterminer qu'il n'existe pas de réforme parfaite du financement de la sécurité sociale et d'insister sur la nécessité d'une approche globale des prélèvements sur les ménages et les entreprises.

Le rapport de M. Jean-Baptiste de Foucault (1994) affirme " qu'il n'existe pas d'assiette miracle qui à elle seule permettrait de garantir l'équilibre financier du système de protection sociale (...) Il serait donc vain d'espérer pérenniser le système, si le rythme de croissance des dépenses sociales devait évoluer durablement et sensiblement plus vite que le PIB "

Le rapport de M. Dominique de la Martinière (1996) montre la nécessité de disposer d'une vue globale, par le recours au concept de prélèvements obligatoires.

La France, les prélèvements obligatoires et les prélèvements sociaux

Dans la structure des prélèvements, l'originalité française n'est plus, comme on l'a longtemps dit, dans les impôts indirects, mais dans le poids respectif de l'impôt sur le revenu et des charges de sécurité sociale. La France a compensé la faiblesse de l'impôt sur le revenu par les cotisations de sécurité sociale.

Selon les données statistiques de l'OCDE sur les recettes fiscales publiques en 1997 75( * ) , le taux des prélèvements obligatoires (impôts + cotisations sociales) a atteint 46,1 % du PIB en France, contre 37,7 % pour la moyenne des pays membres de l'OCDE et 42,4 % par rapport à la moyenne des membres de l'Union européenne.

Si l'on considère les seuls prélèvements sociaux, la France se place en tête avec 19,7 % du PIB. Sur ce plan, les écarts entre les résultats français et ceux des principaux pays développés sont très significatifs : les cotisations sociales représentent 15,5 % du PIB allemand, 14,8 % du PIB italien, 6,2 % du PIB anglais. La moyenne des pays membres de l'Union européenne se situe à 12,2 %. Il est néanmoins nécessaire de nuancer cette première place : la comparaison est difficile. L'OCDE est d'ailleurs en train de mettre au point des indicateurs de dépenses sociales nettes 76( * ) .

En effet, des dépenses fiscales ont un caractère social, alors qu'elles sont classées dans les dépenses de l'Etat : allégements fiscaux à caractère social (cotisations patronales d'assurance maladie, régimes de retraite privés), dépenses privées obligatoires, imposition directe des transferts sociaux, taxation indirecte de la consommation issue des prestations.

Le Premier ministre s'est déclaré résolu à aller plus loin dans la baisse des prélèvements obligatoires, lors d'une intervention devant l'assemblée plénière du Conseil économique et social : " Grâce au retour de la croissance, le taux de prélèvement obligatoire va baisser en 1998 ".

Le rapport Chadelat a montré les possibilités et les limites d'une taxation de la valeur ajoutée

En 1996, lorsque le gouvernement de M. Alain Juppé confie à M. Jean-François Chadelat une mission sur cette question, c'est pour tenir compte à la fois du basculement d'une partie des cotisations salariales maladie sur une CSG élargie et de la perspective de l'assurance maladie universelle. M. Jean-François Chadelat a rédigé une note sur l'état des réflexions et travaux antérieurs -intitulée " note de problématique "- et a rencontré courant mars 1997 tous les partenaires sociaux.

Le rapport a écarté tout d'abord la piste d'une cotisation assise sur le chiffre d'affaires, dans la mesure où elle conduirait à une taxation en cascade des intermédiaires (par exemple, pénalisation du petit commerce de détail par rapport aux distributeurs). Autre solution écartée, celle d'un élargissement aux immobilisations brutes, dans la mesure où il risquerait d'avoir un effet négatif sur l'investissement, et donc sur l'emploi, tout en conduisant à une taxation sans lien avec les résultats de l'entreprise. La solution de la taxation de la valeur ajoutée a été ainsi préférée. Mais le rapport a rappelé sans détours les inconvénients et l'ensemble des problèmes posés par cette nouvelle assiette.

Avantages, inconvénients et difficultés d'une cotisation assise sur la valeur ajoutée

Avantages

- progression identique au PIB marchand, par définition

(PIB marchand = somme des valeurs ajoutées)

- ralentissement de la substitution du capital au travail

Inconvénients

- défavorable à l'investissement

- défavorable à l'esprit d'entreprise

- risques de délocalisation (rapport La Martinière, p.46-47)

Difficultés

- définition de la valeur ajoutée

- organisme de recouvrement (URSSAF ou administration fiscale)

- déclarations particulières

- possibilités de manipulation avantageuse des déclarations

- inadaptation de la nouvelle assiette aux administrations publiques, aux associations,

aux emplois familiaux, aux entreprises agricoles et aux entreprises ayant une valeur

ajoutée inférieure à 3 millions de francs



Il est à noter que le rapport Chadelat a apporté un certain nombre de réponses aux difficultés signalées. Ainsi, en ce qui concerne la définition de la valeur ajoutée, il a proposé le choix de la définition fiscale, prévue à l'article 1647 B sexies du code général des impôts, telle qu'elle est utilisée pour le plafonnement de la taxe professionnelle. En ce qui concerne les services chargés du recouvrement de cette cotisation, il a plaidé pour la compétence des services fiscaux.

Le rapport a proposé également une alternative : soit une nouvelle assiette valeur ajoutée, soit une modulation des cotisations par des paramètres valeur ajoutée. La modulation permettrait de limiter les transferts intersectoriels. Mais cette modulation serait source de complexité.

Le rapport a été contesté. La Chambre de commerce et d'industrie de Paris a notamment considéré que " si elles devaient conduire à une opération de redistribution à somme nulle, ces modifications d'assiette ou de taux constitueraient un pari très risqué pour l'emploi " . Elle s'est prononcée pour une baisse nette des cotisations.

Dans cet ordre d'idées, l'économiste Patrick Artus s'est prononcé pour le transfert des charges sociales des entreprises sur l'impôt direct, que ce soit l'impôt sur le revenu ou l'impôt sur les sociétés.

Alors que le rapport Chadelat, commandé par M. Alain Juppé, était remis en juin à M. Lionel Jospin, le Gouvernement issu des élections législatives de 1997 n'a pas souhaité amorcer la réforme des cotisations patronales lors de la discussion de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.

" Nous modifierons progressivement l'assiette d'une partie des cotisations patronales, en les faisant reposer sur l'ensemble de la richesse produite par les entreprises et non sur le seul travail " ; la brochure " Changeons d'avenir, changeons de majorité " , diffusée à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires par le Parti socialiste avant les élections législatives avait pourtant l'avantage de la clarté. La réforme des cotisations patronales fait partie des thèmes du programme économique du PS depuis 1996.

Un rapport complémentaire a été demandé à M. Jean-François Chadelat. Mais ce nouveau report, comme ce nouveau rapport, ne signifiaient pas pour autant abandon. Un amendement, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative de M. Augustin Bonrepaux, alors rapporteur pour avis au nom de la commission des Finances, a permis d'inscrire dans la loi de financement (article 6) qu'un rapport serait déposé sur le bureau des Assemblées par le Gouvernement avant le 1 er août 1998, " précisant les effets, notamment sur l'emploi, d'une extension de l'assiette des cotisations patronales à la valeur ajoutée " . Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, affirmait devant le Sénat le 13 novembre 1997 : " Nous souhaitons en effet -je l'ai dit à plusieurs reprises- modifier l'assiette des cotisations patronales, en espérant pouvoir, dès l'année prochaine, en faire une première étape. Il conviendra de travailler sur la notion de valeur ajoutée. "

Dans l'esprit des rédacteurs de cet amendement, il ne s'agissait pas de renoncer à la réforme de l'assiette des cotisations patronales, mais -bien au contraire- d'annoncer que cette réforme aurait lieu, grâce à une date impérative, celle de la remise d'un rapport.

Le rapport Malinvaud privilégie la baisse des charges sur les bas salaires

Le 6 avril 1998, une lettre de mission signée par M. Lionel Jospin, Premier ministre, a confié à M. Edmond Malinvaud, dans le cadre du Conseil d'analyse économique, un nouveau rapport. Ce rapport a été rendu public le 3 août 1998 et transmis au Parlement à la même date, sous couvert de l'article 6 précité de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.

Du rapport Chadelat au rapport Malinvaud : le glissement

La lettre de mission du Premier ministre à M. Edmond Malinvaud, datée du 6 avril 1998, change la problématique puisqu'elle met l'accent, dès son premier paragraphe, sur les " salaires les plus bas " et sur " le développement de l'emploi ".

Elle ne fait pas mention explicite du rapport Chadelat. Elle souligne que " parmi les options possibles ", une attention particulière sera accordée " aux avantages et aux inconvénients d'un élargissement de l'assiette des cotisations à la valeur ajoutée ".

Le glissement sur le fond (de la réforme du financement de la sécurité sociale à la politique de l'emploi) est accompagné d'un glissement sur la forme : la lettre de mission ne fait pas mention de l'obligation découlant de l'article 6 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.

M. Edmond Malinvaud a précisé, lors de son audition par votre commission, le mardi 13 octobre 1998, que son rapport ne devait pas être considéré comme celui prévu à l'article 6 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.

Votre commission s'étonne, en conséquence, de ce " détournement de rapport " et du non-respect par le Gouvernement de l'article 6 de la loi du 19 décembre 1997.

Le Conseil d'analyse économique, créé par M. le Premier ministre, est un organisme qui s'est déjà exprimé en faveur d'une baisse des charges. Il s'agit d'une idée du rapport de MM. Blanchard et Fitoussi intitulé " Croissance et chômage " 77( * ) .

Le rapport Malinvaud repose sur trois " diagnostics 78( * ) ".

Le premier " diagnostic " porte sur la masse salariale. M. Malinvaud estime qu'elle " augmentera à l'avenir au moins aussi vite que la valeur ajoutée - et de façon moins cyclique ", contrairement à " certains promoteurs de la réforme de l'assiette, qui s'appuient sur des années exceptionnelles " 79( * ) . Pour M. Malinvaud, les trois facteurs expliquant les années " exceptionnelles " sont susceptibles de s'inverser sur le moyen terme : politique de modération de la masse salariale, hausse du chômage et hausse des taux d'intérêt.

Ce premier diagnostic est contestable pour deux raisons. Premièrement, les effets de la loi d'orientation sur les trente-cinq heures -qui ne se traduisent pas forcément par des embauches supplémentaires- montrent que les chefs d'entreprise sont fortement tentés de négocier la réduction du temps de travail contre un accord pluriannuel de modération salariale. Deuxièmement, le développement de rémunérations non assujetties aux cotisations sociales, et donc une réduction de l'assiette cotisations sociales, va dans le sens d'une masse salariale évoluant moins favorablement que le PIB.

Eléments de rémunération exonérés de cotisations sociales

- sommes versées au titre de la participation, de l'intéressement, de l'abondement sur

les PEE ou PER

- déductions supplémentaires pour frais professionnels accordés à certaines professions

- contributions patronales de retraite et de prévoyance complémentaire (sous plafond)

- prestations des comités d'entreprise

- une partie des sommes versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail

- contribution des employeurs aux tickets-restaurant

- remboursements de frais de transport

- stock options au-delà de cinq ans

L'ensemble de ces avantages représenterait 200 milliards de francs d'assiette supplémentaire.

Le second " diagnostic " porte sur le taux de chômage. Pour M. Malinvaud, " il est exagérément pessimiste de raisonner comme si le taux de chômage devait dans les dix prochaines années osciller autour de son niveau actuel, plus probable que ce taux diminuera significativement " . Le rapport cite des exemples pris dans l'histoire économique (Pays-Bas, Royaume-Uni).

Le troisième diagnostic porte sur le grave handicap des moins qualifiés, qui n'a pas de raison d'être moindre dans les prochaines années.

Pour M. Malinvaud, l'introduction assiette valeur ajoutée aurait pour effet une baisse du coût réel du travail et une hausse du coût réel de l'utilisation du capital. L'effet positif sur l'emploi à travers les substitutions se révélerait limité. Une modification de l'assiette des cotisations patronales serait un pari risqué.

En revanche, M. Malinvaud indique sa préférence pour une baisse permanente, stable et durable des charges sur les bas salaires.

Deux rapports, rendus à moins d'un an d'écart, sont ainsi contradictoires.

Pour la majorité de votre commission, les conclusions du rapport Malinvaud sur la nécessité de réduire les charges sur les bas salaires ne constituent pas une révélation. A peine un mois avant la remise au Premier ministre du rapport Malinvaud, le Sénat avait consacré son attention à cette question, en adoptant le 29 juin 1998 une proposition de loi, tendant à alléger les charges sur les bas salaires, déposée par les présidents des commissions des Affaires sociales et des Finances et les présidents des groupes RPR, UC et RI.

Cette proposition de loi reprenait les termes de la proposition n° 628, présentée le 14 janvier 1998 à l'Assemblée nationale par MM. François Bayrou, Jean-Louis Debré, Jacques Barrot, Franck Borotra, Robert Galley, Yves Nicolin et les membres des groupes de l'union pour la démocratie française et du centre (UDF) et du groupe du rassemblement pour la République (RPR), mais qui n'avait pas franchi, le 30 janvier 1998, le stade de la discussion générale.

L'excellent rapport de M. Alain Gournac 80( * ) montre que la majorité du Sénat est d'une parfaite clarté sur la question de l'allégement des charges sur les bas salaires. Il n'en reste pas moins que, pertinent sur la question d'une politique dynamique pour l'emploi, le rapport Malinvaud n'aborde qu'accessoirement le problème du financement de la protection sociale.

Le projet de Mme Martine Aubry : une réforme avortée

Le 8 septembre 1998, le Premier ministre a chargé Mme Martine Aubry d'engager au plus vite des concertations bilatérales avec le patronat et les syndicats " dans la perspective d'une réforme des cotisations patronales ".

Le système proposé de manière tout à fait informelle aux partenaires sociaux 81( * ) semble avoir été le suivant :

- allégement des charges sur les salaires (jusqu'à 16.000 francs) ;

- surcotisation sur les salaires supérieurs à 20.000 francs.

Cette surcotisation n'étant pas suffisante pour financer la réduction des charges, il était proposé la création d'une cotisation sur la valeur ajoutée à un taux de 0,5 %.

Ces concertations n'ont pas abouti. De plus, le Ministre de l'économie et des finances a " doublé " son collègue de l'emploi et de la solidarité dans sa volonté d'alléger les charges sur les entreprises, puisqu'une des mesures du projet de loi de finances pour 1999 concerne la réforme de la taxe professionnelle.

Sans réforme des cotisations patronales, il fallait absolument trouver une mesure pour donner au projet de loi de financement de la sécurité sociale une apparence de réformisme. Ce fut l'acte fondateur du fonds de réserve, dont les partenaires sociaux apprirent l'existence par les journaux, deux jours avant la réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale, alors même qu'ils venaient d'être entendus par Mme la Ministre sur son projet.

b) Le financement du déficit structurel de la branche vieillesse n'est pas assuré

La création du " fonds de réserve " est présentée comme la mesure la plus novatrice du projet de loi de financement pour 1999. En fait, il s'agit de mettre de côté un certain nombre d'excédents, tandis que d'un autre côté le déficit de la branche vieillesse continue d'être important, avant même l'échéance de 2005/2010.

Le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale indique que l'excédent de CSG et l'excédent de contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S) ont pour conséquence " un accroissement de l'interdépendance financière de régimes théoriquement indépendants ", d'où un risque d'arbitraire et d'opacité 82( * ) .

Le Gouvernement propose d'affecter l'excédent structurel de C3S au fonds de solidarité vieillesse, afin d'alimenter un fonds de réserve des retraites.

La contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S)

La C3S, contribution sur le chiffre d'affaires des sociétés, a été instituée par la loi du 3 janvier 1970. Son objet est d'équilibrer les risques vieillesse et maladie des non-salariés. Elle est recouvrée par l'ORGANIC.

Il s'agit d'une contribution dont le principal mérite est la simplicité.

Elle a fait l'objet en 1995 d'une réforme destinée à augmenter son rendement (loi du 4 août 1995 portant loi de finances rectificative pour 1995) :

- taux porté de 0,1 % à 0,13 % du chiffre d'affaires ;

- champ d'application élargi à des formes de sociétés jusqu'alors exonérées  à compter du 1er janvier 1996 83( * ) ;

- seuil d'exonération de la contribution pour les petites entreprises porté de 3 à 5 millions de francs de chiffre d'affaires.

La loi du 12 avril 1996 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier a explicité les modalités de répartition de la C3S :

1ère étape : CANAM, ORGANIC (y compris le régime complémentaire des bâtiments travaux publics) et CANCAVA au prorata et dans la limite de leurs déficits comptables ;

2ème étape : CNAVPL, BAPSA, CAMAVIC et CNBF au prorata des sommes reçues au titre de la compensation généralisée et dans la limite de leur déficit comptable.

Dans la pratique, le BAPSA et les autres régimes de la " seconde étape " n'ont profité ni en 1996, ni en 1997 de cette source de financement (à la différence des années 1992 et 1993). L'excédent de C3S en 1996 a été reporté sur 1997 (loi de financement du 27 décembre 1996) et l'excédent de C3S en 1997 a été reporté sur 1998 (loi de financement du 19 décembre 1997).

Le rendement de la C3S attendu en 1998 est de 16,1 milliards de francs (soit une augmentation de 3,8 % par rapport à 1997).

L'excédent structurel de C3S s'explique en raison d'un moindre besoin de financement de la part de la CANAM, qui s'explique lui-même par le moindre besoin de la CNAM en matière de CSG/droits alcools. En effet, la CANAM bénéficie -après la CNAM- de la seconde répartition. Le produit de la répartition CSG/droits sur les alcools -du fait de l'équilibre de la CNAM- serait en forte augmentation : la CANAM bénéficierait de 16,3 milliards de francs de CSG en 1999 (au lieu de 11,1 milliards de francs en 1998).

Son " besoin " en C3S serait de 1 milliard de francs en 1999 au lieu de 5,2 milliards de francs en 1998.

Les organismes bénéficiaires de la C3S

En millions de francs

1996

1997

1998

1999

CANAM

1.722

5.766

4.843

1.038

ORGANIC

5.797

5.886

6.646

5.867

CANCAVA

3.856

4.111

4.526

4.013

Rég. compl. du bâtiment

301

300

330

330

Total dépenses

11.676

16.063

16.345

11.248

Recettes C3S

15.305

15.622

16.233

16.950

Un solde important de C3S demeure, alors même que le compte présente des excédents cumulés depuis 1996.

Le compte de la contribution sociale de solidarité 1996 - 1999

En millions de francs

1996

1997

1998

1999

Ressources

15.305

15.622

16.233

16.950

Emplois

11.676

16.063

16.345

12.248

Solde

636

1.856

- 354

5.634

Réserves

958

2.814

2.460

8.094

L'application des dispositions en vigueur reviendrait à affecter l'excédent de C3S au BAPSA et à diminuer la subvention de l'Etat.

Le Gouvernement propose pour 1999 d'affecter 1 milliard de francs au BAPSA et d'affecter le reste au FSV, dont 2 milliards de francs prévus pour le " fonds de réserve des retraites ".

Affectation des excédents cumulés de C3S
proposée par le Gouvernement en 1999

BAPSA

1.000

FSV

7.094

Total des excédents cumulés

8.094

L'excédent de C3S pour 1999, venant alimenter le solde cumulé, repose ainsi sur deux hypothèses :

- L'hypothèse de croissance du PIB de 2,7 %, la C3S étant par nature très sensible à l'activité économique ;

- L'hypothèse d'une croissance modérée des dépenses d'assurance maladie.

Le FSV est soumis, de son côté, à des dépenses supplémentaires :

Conséquences du PLFSS pour 1999 sur l'équilibre du FSV

 

Recettes

Dépenses

Solde tendanciel (1)

2.404

 

Attribution au FSV des excédents cumulés de C3S

7.094

 

Attribution à la CNAM d'excédents de CSG

 

810

Indexation des pensions

 

340

Accroissement des transferts à la CNAVTS

 

3.800

Attribution fonds de réserve

 

2.000

Total mesures

7.094

6.950

Solde des mesures (2)

144

 

Solde après mesures (1) + (2)

2.548

 

Réserves FSV (1998)

2.425

 

Solde cumulé fin 1999

4.973

 

L'attribution de 2 milliards de francs au fonds de réserve apparaît ainsi relever d'une " usine à gaz ". Elle est prudente, en raison d'un équilibre du FSV en 1998 et d'un excédent important en 1999.

Le dispositif proposé fait que, même en l'absence d'excédent important de C3S, le fonds de réserve sera alimenté, puisque le FSV se retrouve en excédent en 1999 et que ce fonds de réserve est alimenté à la fois par les excédents de C3S, mais également par tout ou partie de l'excédent de la première section, retraçant les opérations de solidarité.

Mais ce financement d'un fonds de réserve est, d'une part, contradictoire avec les déficits prévus de la CNAVTS à court terme, et d'autre part, représente un montant dérisoire du financement comparé aux besoins de financement de la branche vieillesse dans les prochaines années. La mission confiée au commissariat général au Plan -un rapport de plus- n'apparaissait pas véritablement nécessaire. Il suffisait d'actualiser les conclusions du rapport Briet (1995).

Le Gouvernement accumule là aussi les " diagnostics ", en retardant l'échéance de la prise de décision, du fait des contradictions de sa " majorité plurielle " sur le recours à la capitalisation, qui est apparu depuis longtemps à votre commission comme un complément indispensable -et non une substitution- aux régimes de retraite par répartition 84( * ) .

c) Le financement de la couverture maladie universelle n'est pas défini

Le Gouvernement fait référence, dans le rapport annexé au projet de loi, à la couverture maladie universelle. Après l'annonce, au printemps dernier, d'un dépôt simultané des deux projets de loi (projet de loi de financement de la sécurité sociale et projet de loi instaurant la couverture maladie universelle), le rapport annexé au projet de loi déposé par le Gouvernement à l'Assemblée nationale précise que " le Gouvernement déposera un projet de loi au cours de l'automne 1998 ".

Ce calendrier n'apparaît pas compatible avec les exigences fixées par l'adoption, au cours du même automne, des deux projets de finances publiques que sont le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le Parlement ne se prononcera pas sur la question avant le mois d'avril 1999, le temps que la concertation avec l'ensemble des parties prenantes puisse avoir lieu. Les dispositions de ce projet de loi auront des conséquences sur l'équilibre financier de la sécurité sociale.

Faudra-t-il prévoir une loi de financement rectificative ?

Mme Martine Aubry semble indiquer que le projet de loi n'aurait des effets que sur l'exercice de la loi de financement 2000.

Votre commission regrette qu'une priorité plus importante n'ait pas été donnée à ce projet, qui rassemble pourtant autour de lui un consensus large.

d) Le " dispositif permanent de financement des services d'aide aux personnes " n'est pas présent dans le projet de loi initial

Les mesures conjointes de la loi de finances (proratisation de la réduction des charges sur les bas salaires et diminution de la réduction d'impôt pour l'emploi d'une personne à domicile) et de la loi de financement pour 1998 (diminution de l'AGED) ont eu des conséquences fâcheuses sur les emplois à domicile. Le Gouvernement a confié à l'Inspection générale des finances et à l'Inspection générale des affaires sociales une mission conjointe 85( * ) , qui devait envisager une mise à plat des aides à domicile.

A l'occasion de la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, M. Christian Sautter, secrétaire d'Etat au Budget, annonçait que figurerait dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 un " dispositif permanent de financement des services d'aide aux personnes " 86( * ) .

Il est à noter que :

- aucun dispositif permanent de financement des services d'aide aux personnes n'était présent dans le projet de loi déposé à l'Assemblée nationale ;

- le rapport Hespel-Thierry, sous forme d'une synthèse, n'a été rendu public et communiqué à votre commission que le 16 octobre 1998, alors que le Gouvernement en disposait depuis probablement plusieurs mois ;

- il n'a fait pour l'instant l'objet d'aucune concertation.

e) La question de l'affectation des excédents du régime général est esquissée dans des termes inquiétants

L'affectation des excédents des régimes de sécurité sociale au fonds de réserve est une question soulevée par Mme Martine Aubry, en se fondant sur des estimations portant sur les années 2000 et 2001. Ces estimations ont été effectuées avec une prévision de masse salariale de 4,3 % sur les années considérées, ce qui est bien évidemment très optimiste.

Il convient par ailleurs de distinguer clairement ce qui relève des excédents de trésorerie, et ce qui relève des excédents comptables.

Les excédents de trésorerie

La gestion commune de trésorerie est effectuée par l'ACOSS, au moyen du compte unique de disponibilités courantes (CUDC) ouvert à la Caisse des dépôts. Ce système a pour effet de prendre en charge l'éventuel déficit structurel de trésorerie d'une ou de plusieurs branches par les excédents des autres.

Néanmoins, chaque caisse dispose d'une individualisation de sa trésorerie , par un suivi permanent en prévision et en réalisation comptable (art. L. 225-1 du code de la sécurité sociale). La séparation comptable exacte des encaissements entre les branches isole les intérêts créditeurs et débiteurs résultant de la gestion de trésorerie (art. L. 255-1).

De manière générale, un excédent de trésorerie peut apparaître régulièrement, sans qu'il y ait excédent comptable. L'évolution du solde journalier du compte ACOSS pour 1998 montre ainsi un excédent jusqu'au mois de juin. Le compte se redresse de fin juillet à fin août, avant de connaître une dégradation importante qui connaît son apogée vers le 12 octobre 1998.

L'ACOSS va placer cet argent, afin de procurer des produits financiers qui compenseront les charges financières résultant des déficits de trésorerie intervenant à partir de fin août.

Les Caisses nationales ont deux possibilités :

- laisser à l'ACOSS la gestion de leur compte (article R. 255-6 du code de la sécurité sociale), dans le cadre du " pot commun " ;

-
donner à l'ACOSS le mandat de placer les " excédents durables de trésorerie " (troisième alinéa de l'article L. 225-1 et article R. 255-3 du code de la sécurité sociale). Ces excédents durables de trésorerie sont ainsi définis : " le montant des excédents durables est celui du petit solde prévisionnel de trésorerie constaté dans le cadre de l'exercice annuel, à condition que ce solde soit positif " (art. R. 255-2). Le montant des sommes placées ne peut être inférieur à 300 millions de francs.

La Caisse nationale doit se prononcer avant le 31 décembre, au vu de la prévision de trésorerie fournie par l'ACOSS.

Cette deuxième possibilité ne s'est jamais vérifiée. Une seule branche remplit en 1998 la condition de l'article R. 255-3 : la branche des accidents du travail.

La Cour des comptes, dans son rapport 1998 87( * ) , s'est montrée défavorable à la séparation de la gestion des excédents de trésorerie durables des branches. Elle constate que " la séparation comptable de la trésorerie des branches permet en fait aux branches excédentaires de faire des placements auprès des branches déficitaires aux conditions fixées par la convention CDC/ACOSS, sans augmentation de la charge finale des emprunts opérés pour les branches déficitaires. "

Les excédents comptables

La notion d'excédents comptables est différente. Au bout d'un exercice donné, la branche dégage un " excédent " ou un " déficit ".

Sur l'année 1998, seule la branche accidents du travail devrait dégager un excédent.

Sur l'année 1999, la branche famille et la branche accidents du travail seraient excédentaires.

Cet excédent va alimenter le fonds de roulement , permettant de disposer sur l'année suivante d'un meilleur profil de trésorerie.

Une succession d'excédents comptables aurait pour effet de dégager des excédents de trésorerie durables.

Aucune disposition n'est prévue pour l'affectation des excédents comptables.

Deux propositions ont récemment été faites :

1- La proposition de votre commission des Finances

L'article 2 de la proposition de loi relative à l'extinction de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) 88( * ) , déposée le 2 juillet 1998 par M. Jacques Oudin et M. Alain Lambert, prévoit une affectation des excédents au remboursement de la dette sociale. En raison du silence du code de la sécurité sociale sur l'affectation des excédents comptables, la proposition s'appuie sur la notion " d'excédents durables de trésorerie de chaque branche ".

Sur le fond, la proposition a le principal mérite de la vertu : désendettement et baisse à terme des prélèvements obligatoires ; elle semble néanmoins remettre en cause ce qu'elle souhaite défendre, à savoir la séparation comptable des branches. En effet, il n'est pas possible de déterminer dans le " stock " de dettes géré par la CADES la part incombant aux déficits de la branche maladie ou à ceux de la branche famille, etc. Affecter les excédents de la branche famille au désendettement reviendrait à faire supporter à la branche famille les dérapages de dépenses de santé des années antérieures.

2- La proposition de Mme Martine Aubry

Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité a évoqué la possibilité d'une affectation au fonds de réserve des excédents dégagés dans l'avenir par les régimes de sécurité sociale 89( * ) .

Cette proposition remet en cause la séparation comptable des branches.

D'autres organismes de la sécurité sociale peuvent avoir des excédents. C'est le cas du Fonds de solidarité vieillesse (FSV).

En revanche, il est absurde de prévoir une affectation des " excédents " de la CADES 90( * ) . Il est dans la nature même de la CADES de faire des " excédents ", puisque ce sont ces deniers qui permettent de rembourser la dette sociale, jusqu'en 2009 pour les 110 milliards de francs de dette reprise à l'Etat, jusqu'en 2014 pour les 224 milliards de francs correspondant aux déficits 1994, 1995, 1996, 1997 et 1998.

L'existence d'excédents a une signification variable suivant les branches

La question de l'affectation des excédents comptables doit être distinguée de celle des excédents durables de trésorerie. La remarque de la Cour des comptes visant à interdire une gestion séparée des excédents de trésorerie d'une branche par rapport à une autre mérite examen dans le cadre des économies d'échelle résultant de la gestion unique de trésorerie du régime général. Sur la proposition conjointe de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales et de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, un amendement a été voté par l'Assemblée nationale supprimant cette possibilité des branches de placer leurs excédents de trésorerie. Toutefois, cette mesure est prématurée dans le contexte actuel et ne règle pas la question des excédents comptables.

A court terme, il est prématuré de prévoir l'affectation des excédents comptables de telle ou telle branche. Les excédents éventuellement réalisés en 1999 -une moindre croissance pouvant transformer l'excédent de la branche famille en simple équilibre- permettront d'améliorer le fonds de roulement de ces branches, et de diminuer les charges de trésorerie sur l'année 2000. Il est également nécessaire d'absorber le déficit supplémentaire de 1998 (1,3 milliard de francs).

Il reste à déterminer la signification d'excédents pour les branches du régime général à moyen et long terme .

Pour la branche famille, comme pour la branche maladie et pour la branche accidents du travail, ces excédents n'ont aucun sens. Ils résultent d'une progression plus favorable des recettes par rapport à celle des dépenses. Leur but ne peut pas être de constituer des " réserves pour l'avenir ". Il n'est pas non plus souhaitable d'aligner la progression des dépenses sur celle des recettes : c'est le meilleur moyen de créer, en cas de retournement brutal de conjoncture, des déficits nouveaux. La seule solution est celle d'une diminution des recettes. Le Gouvernement a choisi timidement cette voie pour la branche accidents du travail en 1999 (diminution du taux de cotisation).

Pour la branche vieillesse, la constitution de réserves a un véritable sens, dans le cadre de la répartition provisionnée. Malheureusement, la branche vieillesse est en déficit structurel sur les années 1999-2000-2001.

La seule solution respectant la séparation comptable des branches serait à moyen terme de réaffecter le financement , à taux de prélèvements obligatoires inchangés.

C. LES ORIENTATIONS DE VOTRE COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

Face à ce constat, et tout en considérant que le Parlement devra tôt ou tard revoir la copie du projet de loi de financement pour 1999, la commission avance un certain nombre de propositions qui seront développées dans les trois rapports sectoriels (assurance maladie, famille et assurance vieillesse).

Pour l'utilisation des marges disponibles à l'adaptation de l'offre de soins

La commission estime, comme le Conseil d'administration de la CNAMTS, qu'il convient d'utiliser les marges disponibles pour adapter l'offre de soins, plutôt que de se contenter d'accompagner l'évolution des dépenses. Aussi, propose-t-elle de réduire d'un milliard de francs le montant de l'ONDAM, et d'affecter ces crédits à l'accompagnement social des opérations de restructuration hospitalières.

Par ailleurs, inquiète des annonces gouvernementales en la matière, la commission a choisi de déterminer, pour cette année, dans la loi le numerus clausus des médecins : il sera fixé au même niveau qu'en 1998.

Pour la mise en place de mécanismes de régulation des dépenses simples, médicalisés et efficaces

En matière de régulation des dépenses médicales , le dispositif de reversements en vigueur, issu des ordonnances Juppé, posait problème. Alors que le Gouvernement souhaite aller jusqu'au bout de la régulation comptable et collective que ce dispositif comportait, la commission propose au contraire d'aller jusqu'au bout de l'individualisation de la responsabilité des médecins à laquelle il faisait aussi appel.

Ainsi, tirant les leçons du passé, elle veut instituer un mécanisme simple, médicalisé et efficace de maîtrise des dépenses. Collectivement organisé par les partenaires conventionnels, il laisse les médecins maîtres de déterminer les conditions d'exercice de leur responsabilité individuelle.

Garantissant le respect des objectifs tout en organisant l'amélioration des pratiques médicales individuelles et collectives, il répond au double souci de favoriser la qualité des soins dont bénéficient les français et d'en limiter le coût.

Il tourne le dos aux usines à gaz comptables inventées par le projet de loi.

Très attachée à améliorer les conditions de la maîtrise des dépenses pharmaceutiques et le bon usage des médicaments dans des conditions compatibles avec le développement industriel, de la recherche et de l'emploi, la commission refuse d'entériner la mort de la politique conventionnelle du médicament inscrite dans le projet de loi. Elle veut au contraire améliorer cette politique conventionnelle en renforçant ses exigences pour les laboratoires dans le cadre d'un objectif opposable de dépenses pharmaceutiques défini annuellement par le gouvernement en fonction de l'ONDAM.

Elle ne rejette pas le principe de la taxation proposée par le projet de loi, ni son assiette, ni son taux, mais veut en faire un instrument encourageant les entreprises à accepter une régulation conventionnelle sérieuse.

Pour un projet cohérent et complet sur les retraites

Ayant pris acte de la mesure " symbolique " que constitue la création d'un fonds de réserve pour les retraites par répartition, la commission juge inutile de " faire semblant ", comme le fait le projet de loi, d'attribuer à ce fonds un embryon de ressources, de peaufiner la composition d'un Comité de surveillance ou de préciser les régimes bénéficiaires.

Alors même que restent parfaitement indéterminés à la fois la nature des " vraies " ressources qui l'alimenteront et qui devront se chiffrer en centaines de milliards de francs, l'affectation de ces fonds, leur mode et leur horizon de placement ou enfin les modalités de gestion qui devront être cohérentes tant avec l'origine des ressources qu'avec l'objectif des emplois.

En revanche, elle considère que la mise en place d'un tel fonds de réserve relève, à l'évidence, d'un texte d'ensemble, cohérent et complet , incluant des mesures permettant de faire cesser les déficits d'aujourd'hui, de clarifier la situation des régimes spéciaux et de définir un véritable régime des fonctionnaires de l'Etat.

Pour un traitement équitable de la branche famille

La commission estime que la situation financière excédentaire de la branche famille ne justifie aucunement de nouvelles économies : elle rejette en conséquence le décalage de la majoration d'âge pour les allocations familiales qui n'a aucun fondement au regard des objectifs de la politique familiale.

Afin de souligner le poids des charges indues pesant sur la branche famille au titre des prestations qu'elle gère pour le compte de l'Etat, la commission propose un abattement d'un milliard de francs sur les frais de gestion de la CNAF au titre de la gestion et du contrôle du RMI.

Pour l'affirmation sans ambiguïté de la compensation intégrale des exonérations de cotisations

La commission propose de réaffirmer solennellement le principe, posé par la loi du 25 juillet 1994, de la compensation intégrale pour la sécurité sociale des exonérations de charges sociales postérieures à cette loi. Ce principe est l'un des fondements de la clarification indispensable des relations et des responsabilités entre l'Etat et les régimes sociaux.

La commission s'oppose à la remise en cause de ce principe , que ce soit pour :

- les exonérations de cotisations dans le cadre d'incitation à la réduction du temps de travail, au nom d'une prétendue " neutralité " de la mesure ;

- les dispositifs, antérieurs à 1994 et donc non compensés, que le Gouvernement proroge au-delà de leur échéance en les modifiant, telle l'exonération des charges liée à l'embauche d'un premier salarié ; la commission estime qu'il y a novation juridique et donc compensation intégrale de ces nouvelles exonérations en application de la loi de 1994 ;

- les dispositifs, également antérieurs à la loi de 1994, dont le taux d'exonération est fortement majoré, telle l'exonération portée de 30 % à 100 % pour les associations d'aide à domicile ; la commission considère qu'elles doivent être compensées à hauteur de la majoration du taux d'exonération.

Pour une vraie taxe de santé publique sur les tabacs

Attachée aux objectifs de la politique de santé publique, la commission propose de convertir la majoration du taux de la taxe sur les tabacs, introduite par l'Assemblée nationale, mais, en l'état, sans affectation précise sinon au " pot commun " du budget général, en une " taxe de santé publique " directement affectée à la CNAM.

Pour un projet de loi de financement rectificatif tirant les conséquences d'un projet initial incertain

La commission des Affaires sociales considère que le Gouvernement, conformément à la loi organique, serait bien inspiré de soumettre au Parlement, à la fin du printemps, un projet de loi de financement rectificatif de la sécurité sociale pour 1999 :

- tirant, d'une part, les conséquences sur les équilibres de la sécurité sociale des réformes urgentes que le Gouvernement renvoie au premier semestre de l'année prochaine : mesures structurelles indispensables dans le domaine des retraites dont la commission considère qu'elles doivent intervenir dès le début de 1999, projet de loi instituant une couverture maladie universelle dont le dépôt doit intervenir avant la fin de l'année, réforme de l'assiette des cotisations employeurs sur laquelle le Gouvernement annonce qu'il arrêtera sa position dans les semaines qui viennent ;

- faisant le point, d'autre part, sur l'évolution des dépenses et des recettes au vu, notamment, de l'évolution de la conjoncture ; la commission considère qu'il ne serait guère acceptable qu'une nouvelle fois le Parlement ne soit saisi d'une dérive des comptes qu'à l'occasion de la seule ratification en fin d'année d'un décret majorant le plafond de recours à l'emprunt par les régimes de sécurité sociale.

Pour une réflexion sur l'évolution des lois de financement

Abordant l'examen de la troisième loi de financement depuis la réforme constitutionnelle de 1996, la commission constate que cette réforme constitue un progrès considérable et l'amorce d'une évolution profonde ; elle constate également que cet instrument est perfectible. Elle entend, en conséquence, constituer un groupe de travail chargé de proposer une amélioration de la présentation des lois de financement et, au-delà d'une multiplication vaine des annexes, de la qualité et de la cohérence des informations fournies au Parlement.

Cette réflexion, à laquelle la commission entend associer étroitement l'ensemble des acteurs de la loi de financement, conduira au dépôt d'une proposition de loi.

DEUXIÈME PARTIE
-
ASSURANCE MALADIE

Après les bons résultats de 1997 qui sont à inscrire à l'actif de la réforme Juppé, l'ONDAM 1998, pourtant peu rigoureux, ne sera pas respecté.

Il faut voir dans cet échec les effets de l'immobilisme du Gouvernement en matière de santé et d'assurance maladie, que votre rapporteur avait dénoncé lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998.

Il est en effet regrettable que les premières décisions du Gouvernement, entré en fonctions au printemps 1997, aient été prises au mois de juillet 1998.

Il est également regrettable que ces décisions se soient résumées à des pénalités financières infligées aux professionnels et aux industriels de santé, sanctionnant un dérapage des dépenses que, par son abstention, voire par certaines déclarations ministérielles, le Gouvernement avait contribué à favoriser.

Il est enfin regrettable que ces décisions aient été prises par le seul Gouvernement, qui a ainsi placé l'assurance maladie devant le fait accompli, et l'a mise dans une position délicate face aux professionnels de santé.

Pour 1999, le projet de loi de financement présente deux caractéristiques majeures :

- pour la médecine de ville et le secteur pharmaceutique, il se résume, dans une large mesure, à la définition de contributions à la charge des professionnels et des établissements, véritables " usines à gaz " instituant une maîtrise purement comptable des dépenses ;

- il est totalement muet en ce qui concerne l'hôpital. Le Gouvernement ne donne aucune impulsion particulière pour accélérer la mise en place des outils prévus par les ordonnances, qu'il ne conteste pourtant pas, et choisit des orientations financières peu incitatives à l'adaptation du tissu hospitalier.

I. LES SEULES DÉCISIONS IMPORTANTES DU GOUVERNEMENT EN 1998 : DES PÉNALITÉS FINANCIÈRES POUR LES PROFESSIONNELS DE SANTÉ, SANCTIONS DE SON PROPRE IMMOBILISME

L'an dernier, dans son rapport sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, votre commission avait dénoncé le relâchement de la politique de maîtrise des dépenses de l'assurance maladie, le Gouvernement se contentant de constater l'évolution des dépenses plutôt que de chercher à la maîtriser. Elle avait également critiqué l'attentisme dont faisait preuve le Gouvernement dans la mise en oeuvre des réformes de la sécurité sociale introduites par les ordonnances d'avril 1996 sur l'hôpital et la médecine de ville.

Les résultats, malheureusement, ne se sont pas fait attendre. L'année 1998 se caractérise en effet par un important dérapage des dépenses : malgré les sanctions financières prises au mois de juillet, il est à craindre que l'ONDAM 1998 ne soit pas respecté.

A. L'OBJECTIF 1997, POURTANT RIGOUREUX, A ÉTÉ RESPECTÉ

L'ONDAM 1997 avait été fixé à 600,2 milliards de francs par la première loi de financement de la sécurité sociale, en progression de 1,7 % par rapport à 1996. Il avait été réparti en fixant un taux d'évolution identique aux dépenses des médecins, des hôpitaux et des cliniques : seul le secteur médico-social s'était vu autoriser une progression supérieure. Selon la Commission des comptes de la sécurité sociale, cet objectif a été respecté, le taux d'évolution des dépenses n'ayant été que d'1,5 % par rapport aux réalisations de l'année 1996.

Les dépenses des médecins généralistes ont très faiblement progressé et sont demeurées en deçà du montant des dépenses autorisées, avec un écart de 565 millions de francs. Cette somme a donc fait l'objet d'un reversement aux médecins, d'un montant de 9.000 francs par médecin, au printemps de l'année 1998. Le respect de l'objectif s'est également traduit par une revalorisation tarifaire du C intervenue au mois d'avril 1998.

L'objectif de dépenses des médecins spécialistes , cependant, n'a pas pu être respecté, ni pour les honoraires (+ 1,8 % réalisé pour 1,4 % autorisé), ni pour les prescriptions (+ 1,2 % réalisé pour 0,5 % autorisé). Les médecins spécialistes ont choisi de ne pas reverser une somme correspondant à la fraction de l'écart total prévue par la réglementation (140 millions de francs au titre des honoraires et 10 millions de francs à celui des prescriptions ; ils ont préféré que leur objectif de dépenses pour 1998 soit réduit de cette somme.

Les établissements de santé sous dotation globale , dont l'objectif 1997 s'élevait à 233 milliards de francs ont, à 160 millions de francs près, respecté leur objectif.

L'objectif de dépenses du secteur médico-social a été dépassé de 200 millions de francs. En revanche, les dépenses des cliniques privées (40,6 milliards de francs) ont été inférieures d'1,3 milliard de francs à l'objectif.

ONDAM
Objectif et réalisations 1997

milliards de francs

1996
comptes CCS

1997
objectif

1997
comptes CCS

Evolution 97/96

Objectif national hors marge de manoeuvre

590,4

600,0

599,5

1,5 %

I. Métropole

577,3

586,8

585,9

1,5 %

I.1. Soins de ville

256,6

261,8

261,3

1,8 %

I.2. Versements aux établissements

320,7

325,0

324,6

1,2 %

I.2.1. Etablissements sanitaires

243,0

242,8

243,5

0,2 %

I.2.1.1. Etablissements sanitaires sous DG

230,9

233,2

233,4

1,1 %

I.2.1.2. Autres établissements sanitaires

11,3

8,9

9,5

ns

I.2.1.3. Honoraires du secteur public

0,7

0,7

0,6

ns

I.2.2. Médico-social

39,3

40,2

40,4

2,8 %

I.2.2.1. Médico-social (E.I. - A.H.)

27,0

27,3

27,5

1,9 %

I.2.2.1. Médico-social (personnes âgées)

12,4

12,9

13,0

4,6 %

I.2.3. Cliniques privées

38,4

41,9

40,6

5,9 %

II. Ressortissants français à l'étranger

0,9

0,8

0,9

1,9 %

III. Prestations DOM

12,3

12,4

12,7

3,2 %

Marge de manoeuvre résiduelle

0,0

0,2

0,0

 

Objectif national

590,4

600,2

599,5

1,5 %

Source : direction de la sécurité sociale (DEFF-BES)

B. LA DÉCLINAISON D'UN OBJECTIF 1998 PLUS GÉNÉREUX

L'objectif national de dépenses de l'assurance maladie a été fixé, par la loi de financement de la sécurité sociale, à 613,8 milliards de francs, soit une progression de 2,27 % par rapport à l'objectif 1997 qui a été respecté : il s'agissait donc d'une progression " nette " autorisée, à la différence du scénario attendu pour 1999.

1. Un préalable à la répartition de l'ONDAM 1998 : les corrections apportées à l'ONDAM 1997

Tant pour apprécier la réalisation de l'ONDAM 1997 que pour cadrer l'ONDAM 1998, les chiffres de 1997 ont fait l'objet d'un retraitement justifié par l'évolution des règles relatives aux dépenses et à leur suivi : les objectifs de dépenses 1998 devaient en effet être calculés, non par rapport aux dépenses réellement réalisées, mais par rapport à l'ONDAM 1997.

Ce rebasage a concerné tous les postes de dépenses. Il s'est traduit par :

- la prise en compte des conséquences du basculement des anciens établissements à prix de journée préfectoral sous régime contractuel, à la suite des ordonnances d'avril 1997 ;

- le rebasage prévu par l'accord tripartite entre l'Etat, l'assurance maladie et les cliniques privées ;

- la mise en conformité du périmètre des statistiques avec les champs des objectifs de dépenses des médecins. En particulier, les dépenses relatives aux prothèses internes, qui avaient été comptabilisées à tort dans les statistiques 1996, ont été retirées en 1997. De même, le système statistique actuel n'ayant qu'imparfaitement permis d'isoler les dépenses d'antirétroviraux des statistiques de suivi, les dépenses retenues pour le constat ont été minorées d'un montant équivalent à l'estimation que l'on pouvait faire des dépenses d'antirétroviraux liquidées comme celles de médicaments ordinaires ;

- la prise en compte de l'incidence des règles de ventilation statistique et de l'amélioration de la qualité des données. En effet, les prescriptions dont le prescripteur n'est pas codé sont ventilées selon des règles qui diffèrent d'un régime à l'autre, et qui peuvent avoir une incidence sur le taux d'évolution des dépenses lorsque la masse des prestations non ventilées décroît, ce qui a été le cas en 1997. Ces améliorations statistiques ont permis de mieux rendre compte de la réalité des faits.

Enfin, conformément aux engagements pris dans l'avenant à la Convention d'objectif et de gestion, l'impact des décisions de l'Etat survenant en cours d'année et susceptibles d'augmenter les dépenses médicales a été neutralisé : les dépenses observées ont été minorées de 50 millions de francs pour tenir compte des conséquences de la modification transitoire du mode de calcul de la marge des officines et de l'autorisation qui a été accordée aux industriels d'écouler leurs stocks de médicaments revignettés.

2. La définition de l'objectif de soins de ville

A la suite de la publication de la loi de financement pour 1998, un avenant à la convention entre l'Etat et la CNAMTS a, conformément aux dispositions de l'article L. 227-1 du code de la sécurité sociale, défini l'objectif soins de ville, qui comprend, pour les risques maladie, maternité, invalidité et accidents du travail :

- la rémunération des soins dispensés en cabinet de ville ou en établissements privés par les professions médicales, les auxiliaires médicaux, les directeurs de laboratoires, ainsi que ceux délivrés par les praticiens exerçant à l'hôpital public ;

- les dépenses résultant de l'exécution des prescriptions des professions médicales délivrées en ville ;

- les prestations en espèces, à l'exclusion des indemnités journalières maternité et des rentes d'accident du travail ;

- et les forfaits scanners et IRM exécutés en ville.

Le montant de cet objectif a été fixé à 267,5 milliards de francs pour l'ensemble des régimes d'assurance maladie. L'avenant annuel précise que le suivi de sa réalisation sera effectué à partir des résultats de la CNAMTS, de la MSA, de la CNMSS, du régime des mines et de celui de la SNCF, dont les dépenses de soins de ville représentent 98 % des dépenses tous régimes.

L'Etat et la CNAMTS ont prévu que, si des décisions étaient prises, en cours d'année, par les pouvoirs publics pour des raisons de santé publique graves et imprévues, il pourrait être procédé à leur évaluation et, le cas échéant, à une modification de l'avenant.

a) L'objectif de dépenses médicales

Le périmètre de cet objectif a été défini par l'annexe annuelle à la convention d'objectifs et de gestion.

Il comprend les dépenses suivantes :

ANNEXE A L'AVENANT ANNUEL
DE LA CONVENTION D'OBJECTIFS ET DE GESTION

Le champ de l'objectif de dépenses médicales

1.
Il concerne les dépenses présentées au remboursement hors dépassement engendrées par l'activité des médecins libéraux, pour tous les régimes et pour les trois risques (maladie, maternité, accidents du travail).

Ces dépenses sont ventilées en honoraires et prescriptions des généralistes, honoraires et prescriptions des spécialistes.

Les forfaits scanner et IRM sont inclus dans les honoraires des médecins spécialistes.

La population de médecins libéraux est constituée des médecins exerçant libéralement :

- soit à leur cabinet ou au domicile du malade,

- soit dans des établissements d'hospitalisation privée,

- soit à l'hôpital pour ceux qui disposent d'un secteur privé à l'hôpital.

2. L'objectif des dépenses médicales ne concernant que les médecins libéraux, un certain nombre de dépenses sont exclues du champ :

- Les dépenses correspondant à des honoraires et des prescriptions qui ne sont pas liées à l'activité des médecins libéraux : honoraires et prescriptions des sages-femmes, des dentistes et des médecins exerçant en centres de santé, prescriptions des médecins hospitaliers publics.

- Les dépenses prises en charge par des associations :

. forfaits de soins à domicile,

. forfaits de soins courants et de sections de cure médicale des
établissements pour personnes âgées,

. dotations de soins de long séjour,

. forfaits de réadaptation fonctionnelle,

. forfaits de dialyse à domicile,

. insuffisance respiratoire chronique gérée par les associations.

- Les dépenses n'engageant pas la responsabilité des médecins libéraux :

. les prestations en espèces maternité,

. les rentes accidents du travail.

- Les dépenses résultant de la prescription par les médecins libéraux des médicaments antirétroviraux, des médicaments visés à l'article 1.2 du présent avenant (médicaments actuellement réservés à l'usage hospitalier dont le statut pourrait être modifié en cours d'année), des prothèses internes et des produits d'origine humaine.

3. Les postes statistiques concernés par le champ défini ci-dessus sont donc, pour les trois risques (maladie, maternité, accident du travail) :

- HONORAIRES

. consultations

. visites

. actes en K, KE

. actes en KC, KCC (à compter de son entrée en vigueur) et forfaits chirurgie

. actes en SPM

. actes en Z, ZN

. actes en P

. honoraires de surveillance

. forfaits d'accouchement

. frais de déplacement des médecins

. forfaits thermaux

. autres honoraires

. forfaits scanner

. forfaits IRM

. rémunération forfaitaire annuelle au titre du médecin référent

- PRESCRIPTIONS

. actes en SFI

. frais de déplacement des sages-femmes

. actes en AMI, AIS

. actes en AMC, AMK

. actes en AMO, AMY, AMP

. frais de déplacements des auxiliaires médicaux

. médicaments 91( * )

. actes en B

. actes en KB, PB, TB

. TIPS, dont :

- accessoires et pansements

- optique

- orthopédie

. cures thermales

. frais de transport des malades

. indemnités journalières maladie et accidents du travail

Sera également incluse dans le champ défini ci-dessus, toute nouvelle lettre-clé (ou tout autre mode de rémunération) qui serait le cas échéant créée au cours de l'année 1998.

L'Etat et la CNAMTS sont convenus que les médicaments antirétroviraux et les médicaments réservés à l'usage hospitalier, mais dont le statut pourrait changer en 1998, qui n'entrent pas dans le périmètre de l'objectif, feront l'objet d'un suivi spécifique de façon à pouvoir déduire les dépenses y afférent du montant des dépenses médicales 1998.

Le montant de l'objectif des dépenses médicales a ensuite été établi par les dispositions conventionnelles relatives aux médecins généralistes et aux médecins spécialistes.

Elles ont respectivement prévu :


 

Dépenses remboursables

Taux de remboursement

Dépenses remboursées

 

Objectif 1997 " rebasé "

Evolution 1998/1997

Objectif 1998

 

Objectif 1998

Omnipraticiens

180.456

1,8 %

183.704

0,780.047

143.375

Honoraires

36.729

1,8 %

37.391
dont provision : 1.105

0,76.941

28.769
dont provision : 850

Prescriptions

143.727

1,8 %

146.313

0,78.329

114.606

Spécialistes

81.205

1,6 %

82.517

0,83.245

68.691

Honoraires

49.352

1,6 %

50.149
dont provision : 1.105

0,84.272

42.262
dont provision : 850

Prescriptions

31.852

1,6 %

32.368

0,81.653

26.429

Si l'objectif applicable aux médecins spécialistes a été calculé sur une base de progression de 1,8 %, il a ensuite été réduit du montant du reversement au titre de 1997 : il a donc été fixé à 1,6 %.

Le règlement conventionnel applicable aux médecins en l'absence de convention médicale, pris par arrêté du 10 juillet 1998, n'a pas modifié les objectifs des médecins généralistes et spécialistes à la suite de l'annulation des deux conventions médicales par le Conseil d'Etat.

b) Les autres dépenses des soins de ville

Ainsi que l'indique l'annexe b au présent projet de loi, ces autres dépenses, qui s'élèvent à 55,4 milliards de francs, comprennent essentiellement :

- les soins dentaires et les honoraires des sages-femmes, encadrés par deux objectifs nationaux prévisionnels ;

- les prescriptions exécutées en ville mais prescrites par d'autres prescripteurs que les médecins libéraux (essentiellement les médecins hospitaliers). Ces prestations sont, pour partie, encadrées par les objectifs quantifiés nationaux s'imposant aux professionnels prescrits (infirmières, masseurs-kinésithérapeutes, orthoptistes, orthophonistes, biologie, transports).

En fait, les parties conventionnelles n'ont, pour la plupart des professions, pas fixé d'objectif pour 1998.

Il s'agit notamment :

- des chirurgiens-dentistes ;

- des infirmières,

- des masseurs-kinésithérapeutes,

- des orthophonistes.

3. Le montant des dépenses autorisées des établissements de santé financés par dotation globale

L'article L. 174-1 du code de la sécurité sociale prévoit que sont financés par dotation globale :

- les établissements publics de santé ;

- les établissements de santé privés à but non lucratif admis à participer à l'exécution du service public hospitalier ;

- les établissements de santé à but non lucratif ayant opté pour ce mode de financement.

a) L'encadrement national des dépenses

L'article L. 174-1-1 du code de la sécurité sociale dispose que, chaque année, les ministres de la santé, de la sécurité sociale, du budget et de l'économie déterminent, en fonction de l'ONDAM voté par le Parlement :

- l'objectif provisionnel de dépenses des établissements visés à l'article L. 174-1 ;

- et, corrélativement, le montant total annuel des dépenses hospitalières prises en compte pour le calcul de la dotation globale et des tarifs de prestations de ces établissements.

Est en effet encadré un montant global correspondant à l'ensemble constitué par la dotation globale et les produits de l'activité hospitalière (tickets modérateurs, forfaits journaliers, etc.).

Tableau de passage des versements de l'assurance maladie (ONDAM)
aux dépenses hospitalières autorisées

 
 

Dépenses d'assurance maladie

 

Dépenses hospitalières encadrées*

 
 
 
 
 

Parlement

 

Objectif national de dépenses d'assurance maladie
613.800 MF

 
 
 
 
 
 
 

Ministère

 

Objectif prévisionnel d'évolution des dépenses des établissements prises en charge par l'AM (versements sous forme de DG) :
238.371 MF (+ 2,2 %)

 

Montant total annuel des dépenses hospitalières (prises en compte pour le calcul de la DGF et des tarifs)
253.470 MF (+ 2 %)

 
 
 
 
 
 
 
 
 

Répartition en dotations régionales

 
 
 
 
 

A R H

 

Arrêté fixant le montant de la dotation globale annuelle et les tarifs de prestations

 

Ventilation de la dotation régionale entre les établissements

Estimation de la structure des recettes

* Dépenses encadrées : total classe 6 - recettes issues des activités subsidiaires.


Ainsi, un arrêté du 6 janvier 1998 a fixé à 238,3 milliards de francs (+ 2,2 %) l'objectif prévisionnel des dépenses d'assurance maladie (résultant de l'ONDAM), et à 253,3 milliards de francs (+ 2 %) le montant total des dépenses encadrées prises en compte pour le calcul de la dotation globale.

b) Les dotations régionalisées

Puis une circulaire du 16 décembre 1997 a délégué aux directeurs d'agences régionales de l'hospitalisation les dotations régionalisées, déterminées en fonction du taux d'évolution de 2 %.

Ce taux se décompose en :

0,59 % de mesures nationales, constituées essentiellement par la mise en oeuvre de l'accord salarial dit " Zucarelli " dans la fonction publique hospitalière ;

1,41 % d'évolution des dotations régionalisées. Ce taux couvre la reconduction des moyens et le financement de mesures spécifiques, telles que :

- le basculement de la cotisation maladie sur la CSG ;

- le recrutement d'emplois-jeunes ;

- le recrutement de praticiens adjoints contractuels ;

- le plan de lutte contre les infections nosocomiales ;

- le développement de la formation médicale continue.

Selon la circulaire du 16 décembre précitée, les dotations régionalisées ont été réparties en fonction de deux critères :

- un critère de besoins théoriques fondé sur les taux de recours à l'hospitalisation appelé critère de la " population hospitalisable " ;

- un critère d'efficience économique mesuré à travers la valeur moyenne du point ISA produite par le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI).

Selon ladite circulaire, " pour chaque région est calculée une dotation cible. Cette cible est établie, pour les activités de médecine, chirurgie et obstétrique hors enseignement et recherche (MCO), pour moitié à partir du premier critère, la valeur du ratio " dépenses hospitalières par habitant hospitalisable dans le secteur public " et pour moitié à partir du second critère, la valeur moyenne nationale du point ISA. S'agissant des activités " hors MCO " (soins de suite, psychiatrie, sujétions particulières comme le SMUR ou les écoles, activité d'enseignement et de recherche), la cible est calculée entièrement à partir de la valeur moyenne nationale du ratio " dépenses hospitalières par habitant hospitalisable dans le secteur public ".

" Les données 1996 sur les valeurs de point ISA ont été utilisées pour le calcul de la péréquation. La durée théorique de résorption complète des inégalités de ressources, sur la base de ce modèle, a été fixée à 16 ans.

" Les données relatives à la population hospitalisable tiennent compte des dernières données démographiques disponibles, c'est-à-dire les estimations démographiques réalisées par l'INSEE pour 1995 et les enquêtes de morbidité de 1990 et 1993. D'autre part, elles intègrent les patients hospitalisés pour une durée inférieure à 24 heures, pour une IVG ou une séance de dialyse, ainsi qu'en soins de suite et de réadaptation.

" Le ratio " population hospitalisable " pour la part correspondant au secteur public est ensuite déterminé en deux temps. Dans un premier temps, est calculée une population hospitalisable de la région, au vu de la taille et de la structure de sa population, et du recours aux soins hospitaliers observé au niveau national pour chaque tranche d'âge. Dans un deuxième temps, la population hospitalisable régionale est répartie entre le secteur public (établissements publics, privés participant au service public hospitalier et anciens prix de journée préfectoraux basculant en financement par dotation globale) et le secteur privé (les autres établissements) dans l'attente des résultats du PMSI sur le secteur privé. La répartition s'effectue au prorata du nombre d'entrées observées dans la région dans les établissements des deux secteurs.

" Par ailleurs, en réponse aux observations formulées notamment par le Haut Comité de la Santé Publique, il a été tenu compte pour la première fois des patients soignés résidant dans une autre région. Toutefois, seule une partie des flux de patients entre régions peut être considérée comme légitime au regard de considérations géographiques (bassins de population), économiques (production de soins hospitaliers à moindre coût) ou d'organisation hospitalière (recours à des spécialités très coûteuses et nécessitant une qualification particulière). Le calcul des dotations cibles prend donc en compte la moitié de ces flux, tels qu'ils ressortent de l'application Pampers de la CNAMTS (Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés). Les dotations régionales de dépenses hospitalières pour 1998 permettent ainsi de financer des soins à la population effectivement accueillie par les établissements de santé de la région. "


Afin de permettre une adaptation progressive des structures hospitalières des régions qui apparaissent comme les mieux dotées, un niveau minimum d'évolution des dotations régionalisées a été fixé à 0,35 %, règle dont ont bénéficié les régions Ile-de-France et Corse.

Les taux d'évolution des dotations régionales, aux termes de la circulaire du 7 janvier 1998 qui les a notifiés à titre définitif, ont été fixés entre 0,35 % (Ile-de-France et Corse) et 2,55 % (Poitou-Charentes) pour la métropole, soit une moyenne de 1,41 %.

Les départements d'outre-mer ont bénéficié de progressions beaucoup plus significatives, entre 2,61 % pour la Martinique et 3,06 % pour la Guyane.

Au total (métropole + DOM), le taux moyen de progression des dotations a été de 1,44 %.

c) La gestion de la dotation régionale et l'élaboration des budgets hospitaliers

La circulaire du 16 décembre 1997 prévoit que " les règles de gestion de la dotation régionale, bien que reposant sur le principe de l'annualité budgétaire, doivent s'inscrire dans une perspective à moyen terme, à l'aide d'instruments, notamment le PMSI, qu'il importe d'utiliser avec méthode ".

A l'opposé, la circulaire prévoit aussi un étalement infra-annuel de l'allocation des ressources, en raison d'une délégation, par l'administration centrale, en cours d'exercice, de certaines dotations spécifiques. En effet, le coût de certaines mesures nationales telles que la hausse des traitements de la fonction publique, ne peut pas être connu ex ante .

On a donc :

- une dotation régionalisée, fixée par la circulaire ;

- une dotation régionale, qui est la somme de la dotation régionalisée et des enveloppes correspondant aux mesures nationales qui seront déléguées en cours d'année (à hauteur de + 0,59 % en moyenne en 1999).

Parmi les outils dont disposent les directeurs d'agences pour répartir leur dotation, le PMSI est utilisé depuis deux ans. La circulaire du 16 décembre précitée définit les modalités de cette utilisation :

" Le PMSI ne saurait être considéré, au regard de l'objectif de correction des inégalités entre établissements, comme un instrument exclusif dont la technicité autoriserait une application universelle et mécanique pour la détermination des budgets. Les informations fournies par le PMSI doivent ainsi toujours être croisées avec d'autres données, notamment celles issues de l'analyse budgétaire classique, sans omettre des référents plus généraux que sont l'activité et la place de l'établissement dans le secteur et la région .

" Par ailleurs, il y a lieu de tenir compte d'une marge d'incertitude sur les valeurs du point ISA (indice synthétique d'activité) pouvant résulter notamment des coefficients de variation des coûts des groupes homogènes de malades (GHM) tels que les a calculés l'étude nationale de coûts, aux contraintes de l'établissement sur le plan architectural (structure pavillonnaire, monobloc) ou au poids des charges fixes dans certains établissements justifiant une analyse particulière (cas des charges sociales dans les établissements privés). Il y a lieu d'être particulièrement attentif aux causes d'une sous-activité temporaire (due par exemple à une opération de restructuration) se traduisant par une forte valeur du point ISA.

" Il convient également de porter attention au développement de thérapies substitutives lourdes dans certains établissements de santé (par exemple l'orthopédie au détriment de l'arthroplastie ou la chirurgie cardiaque au détriment de la pose de pacemakers) dont la finalité première serait de gonfler le nombre de points ISA produits. De même, il convient de veiller à ce que des activités comme la chirurgie ambulatoire ne voient pas leur développement freiné, du fait d'une application défavorable du critère PMSI. Des mécanismes correcteurs, incitatifs au développement de ces activités, pourront être, au cas par cas, contractualisés avec des établissements ayant développé ce type d'activité. L'orientation donnée aux dépenses devra ainsi répondre au souci premier de satisfaire les besoins de santé. Il faut ainsi préciser que la politique d'organisation des soins hospitaliers permet de dégager trois priorités pour les prochaines années. Elles concernent la chirurgie ambulatoire et les alternatives à l'hospitalisation, la cancérologie et l'accueil des urgences.

" Une fois les inégalités de moyens clairement identifiées, il convient cependant de se montrer constant, d'un exercice à l'autre, dans l'application des mécanismes de correction budgétaire. Il n'apparaît ainsi pas nécessaire de corriger, chaque année, la position relative de chaque établissement au gré des fluctuations marginales de sa valeur du point ISA, sauf si celle-ci faisait apparaître des écarts importants résultant d'une évolution significative des pathologies prises en charge.

" Il convient à cet égard de préciser que les régions dont la valeur du point se révèle sensiblement inférieure à la moyenne nationale, et qui sont donc normalement appelées à bénéficier d'un rééquilibrage favorable, ne sauraient se considérer comme exonérées de l'exigence d'une répartition plus équitable, au sein même de leur dotation, des ressources financières entre les établissements, le principe de la référence à l'efficience demeurant fondamental y compris pour les régions moins bien dotées.

" Il faut cependant souligner que ce rééquilibrage des ressources entre établissements ne saurait être l'objectif exclusif de la gestion des dotations régionales. Les moyens complémentaires alloués aux régions devront ainsi être prioritairement affectés à la satisfaction des besoins de santé de la population. L'emploi de ces crédits complémentaires devra ainsi être soigneusement ciblé et motivé
".

La gestion de ces éléments, par les directeurs d'agences régionales, s'insère dans le calendrier d'élaboration des budgets hospitaliers, qui est le suivant :

- au 30 juin, élaboration d'un rapport d'orientation ;

- avant le 15 octobre, délibération du conseil d'administration sur le budget, présenté par groupes fonctionnels ;

- formulation des observations de l'autorité administrative (directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation) dans les 45 jours ;

- réponse de l'établissement aux observations du directeur de l'agence régionale dans les 15 jours ;

- décision du directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation fixant définitivement le montant des autorisations de dépenses et les prévisions de recettes dans un délai de 30 jours, à compter de la publication de la loi de financement de la sécurité sociale.

En 1998, tous les budgets ont ainsi pu être approuvés avant le 23 janvier, laissant les hôpitaux fonctionner seulement pendant un mois avec une dotation globale provisoire.

4. L'objectif quantifié national des cliniques privées

L'ordonnance n° 96-346 du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation publique et privée a apporté une modification importante aux modalités de fixation de l'objectif quantifié national (OQN) de l'hospitalisation privée.

D'une part, alors que le montant annuel des frais d'hospitalisation à la charge de l'assurance maladie était, depuis la loi du 31 juillet 1991, défini par accord tripartite entre l'Etat, les caisses et les fédérations des cliniques privées, il est désormais fixé, en application de la loi de financement de la sécurité sociale, par le Gouvernement. Pour 1998, il a été fixé à 38,7 milliards de francs, soit une progression de 1,85 % par rapport à l'objectif 1997.

Il faut ajouter à ce montant de dépenses celui des établissements à prix de journée préfectoral désormais dans le champ conventionnel, et les établissements ou prestations hors OQN.

Au total, le montant autorisé des dépenses des cliniques a été fixé, pour 1998, à 41,8 milliards de francs.

Une seconde modification résulte de l'ordonnance du 24 avril 1996 : elle se traduit par une régionalisation très progressive.

En 1998, elle a conduit à la détermination d'une enveloppe de 190 millions de francs prélevée sur l'OQN. Elle a été décomposée en deux sous-ensembles :

- une enveloppe dite " efficience " d'un montant de 57 millions de francs, qui a pour objectif de tenir compte des premiers résultats du PMSI privé pour rééquilibrer la tarification des cliniques privées ;

- une enveloppe dite " contrats " dotée de 133 millions de francs destinée à financer les objectifs prioritaires des contrats d'objectifs et de moyens qui seront conclus entre les ARH et les cliniques avant le 31 décembre 1998.

Cette enveloppe constitue le moyen, pour les agences régionales de l'hospitalisation, de pouvoir accompagner des opérations dans le secteur privé s'inscrivant dans la logique de recomposition du tissu hospitalier, et de mise en place de complémentarités, voire de coopérations entre hospitalisation publique et hospitalisation privée.

5. L'objectif de dépenses des établissements médico-sociaux

L'objectif de dépenses du secteur médico-social, qui ne s'intégrait pas encore, pour l'année 1998, dans un mécanisme de régulation des dépenses, a été fixé à 41,5 milliards de francs pour 1998. Cette augmentation correspond à une progression de 2,4 % pour les établissements hébergeant des personnes handicapées et de 4,7 % pour ceux qui accueillent des personnes âgées.

C. LE DÉRAPAGE DES DÉPENSES EN DÉBUT D'ANNÉE ET LES SANCTIONS FINANCIÈRES PRISES PAR LE GOUVERNEMENT

La dérive des dépenses de soins de ville, au premier trimestre, a servi de base aux premières décisions importantes du Gouvernement en matière d'assurance maladie depuis sa nomination. Elles se sont traduites par des sanctions financières ainsi, à la suite de l'annulation des conventions nationales des médecins, que par un règlement conventionnel minimal.

1. La forte augmentation des dépenses de soins de ville durant les quatre premiers mois de l'année

Les chiffres fournis par la Direction des Statistiques et des Etudes de l'assurance maladie au 15 juin 1998, ont montré une très forte évolution des dépenses, incompatible en tendance avec le respect de l'ONDAM 1998.

Pour l'ensemble des médecins libéraux, le total des dépenses remboursables a en effet évolué de 3,7%.

Les dépenses remboursables des médecins généralistes, en leur sein, ont progressé de 2,3 %, avec une progression identique des honoraires et des prescriptions. L'analyse de cette progression inférieure à la moyenne, doit cependant tenir compte du fait que la revalorisation de 5 francs du C n'est intervenue qu'au 1 er avril 1998 et produira ses effets tout au long de l'année.

Ce sont les dépenses des médecins spécialistes qui ont le plus fortement progressé : + 6,9 % au total, soit + 4,8 % de progression des honoraires et + 10,1 % de progression des prescriptions.

La hausse a été particulièrement élevée dans certaines régions. Ainsi, le volume des prescriptions des spécialistes a augmenté de 23 % dans les Pays de Loire et de 20 % en Basse-Normandie, contre 2,7 % en Ile-de-France et 3,2 % en Languedoc Roussillon.

2. Des sanctions décidées unilatéralement par le Gouvernement

La publication de ces chiffres a donné lieu à des mesures concernant les chirurgiens-dentistes ainsi, le 6 juillet 1998, qu'à la présentation d'un plan d'économies d'environ 3 milliards de francs, l'essentiel (1,8 milliard de francs) étant à la charge des laboratoires pharmaceutiques.

a) Les chirurgiens-dentistes

Dès le 26 juin 1998, le Gouvernement a reporté, par arrêté, une mesure de revalorisation de la nomenclature de chirurgie dentaire, pourtant prévue par l'arrêté interministériel du 30 mai 1997.

En effet, la convention nationale des chirurgiens-dentistes, conclue le 18 avril 1997, et approuvée par cet arrêté, avait décidé, outre la mise en oeuvre d'une politique de promotion du dépistage et des soins précoces et la fixation d'honoraires de référence pour les traitements prothétiques et orthodontiques, une programmation de révision de la nomenclature.

Compte tenu du coût de cette révision, il a été décidé que sa mise en oeuvre interviendrait en plusieurs phases.

Au mépris des engagements conventionnels, la date d'entrée en vigueur d'une de ces phases a été reportée par le Gouvernement

b) Les radiologues

Une seconde mesure a concerné les radiologues. Le 11 août 1998, un arrêté a ainsi baissé de 13,5 % la valeur de la lette-clé Z1 (électroradio, gastro-entéro, onco-radio). Le Gouvernement a annoncé qu'il entendait " récupérer " 450 millions de francs et a donc consenti à caractériser cette baisse de " temporaire ". Pour autant, les modalités de suivi des effets de cette mesure n'ont pas été définies : les radiologues n'ont donc aucune garantie que, lorsque les 450 millions de francs auront été récupérés, la lettre-clé Z1 sera à nouveau évaluée à la hausse.

Cette mesure se caractérise par un profond arbitraire. En effet, s'il est vrai que les dépenses en Z ont fortement progressé, elle fait peser sur les seuls radiologues la charge du respect de l'objectif de l'ensemble des médecins spécialistes. En outre, si l'objectif pour 1998 était dépassé, les radiologues seraient appelés, comme les autres médecins spécialistes, à acquitter une sanction financière supplémentaire. Ils auraient donc été sanctionnés deux fois, une fois pour ce qui les concerne, et une seconde fois au titre du dépassement de l'ensemble des médecins spécialistes.

c) L'industrie pharmaceutique

L'essentiel des économies annoncées par le Gouvernement (1,8 milliard de francs) concerne l'industrie pharmaceutique. Il convient à cet égard, d'observer que cette industrie, qui représente environ 15 % des dépenses de l'assurance maladie, sera ainsi appelée à financer à hauteur des 2/3 le plan d'économies gouvernemental.

Les 1,8 milliards de francs attendus se répartissaient ainsi :


- application des engagements conventionnels prix/volume : 450 millions de francs

- baisses de prix ou ristournes dans les classes à faible service médical rendu : 250 millions de francs

- ristournes sur les antibiotiques et les antidépresseurs ainsi que dans d'autres classes à forte évolution : 1 milliard de francs

- autres mesures (déremboursement du MAXEPA, modification du taux de remboursement de certains vasodilatateurs, baisse du prix des médicaments nouvellement inscrits au répertoire des génériques : 100 millions de francs

Après le déremboursement du médicament MAXEPA (Laboratoires Pierre Fabre), le Gouvernement a pris un arrêté du 3 août 1998 diminuant de 65 % à 35 % le taux de remboursement de 28 présentations de médicaments vasodilatateurs.

Devant les réactions des professionnels s'indignant que de telles mesures soient prises sans qu'ils aient été entendus par la commission administrative compétente, un arrêté du 21 août 1998 a retiré l'arrêté précédent.

Plusieurs autres arrêtés sont venus mettre en oeuvre une faible partie des mesures annoncées :

- deux arrêtés du 23 juillet et du 7 août 1998 ont tiré les conséquences des engagements prix/volumes ;

- deux arrêtés du 7 août et du 30 septembre 1998 sont venus abaisser le prix de médicaments inscrits sur la liste des groupes génériques.

L'essentiel des recettes attendues restant à récupérer, le Gouvernement a inséré dans le projet de loi de financement, un article 26 menaçant les industriels d'une taxe sur le chiffre d'affaires au titre de l'année 1998.

Les laboratoires ayant accepté de signer des accords conventionnels, cet article 26 a été retiré par le Gouvernement lors de l'examen du projet de loi en première lecture à l'Assemblée nationale.

3. L'assurance maladie placée devant le fait accompli

Conformément à la légitime répartition des rôles entre l'Etat et l'assurance maladie résultant des ordonnances dites " Juppé ", il appartient au Gouvernement de définir les orientations générales de la politique de santé et d'assurance maladie, l'assurance maladie assurant la gestion quotidienne du système.

Alors que ces orientations étaient attendues depuis son entrée en fonctions, le Gouvernement est venu, avec le plan d'économies du mois de juillet, intervenir dans la simple gestion de l'assurance maladie, la plaçant ainsi dans une situation délicate vis-à-vis des professionnels avec lesquels elle est appelée à négocier des engagements conventionnels de maîtrise des dépenses.

Les décisions gouvernementales concernant les chirurgiens-dentistes ont ainsi donné lieu à une vive réaction des caisses d'assurance maladie, exprimée par une lettre des trois présidents (CNAMTS, MSA, CANAM) à madame la ministre de l'emploi et de la solidarité (8 octobre 1998).

Madame la Ministre,

Par un arrêté du 26 juin 1998, le Gouvernement a reporté la mesure de revalorisation de la Nomenclature de chirurgie dentaire qui devait entrer en vigueur le 1 er juillet. Cette revalorisation, prévue par l'arrêté interministériel du 30 mai 1997, figurait pourtant au nombre des engagements de la Convention Nationale qui lie la profession à l'assurance maladie, convention approuvée elle aussi par arrêté interministériel du même jour.

Les caisses nationales avaient, à l'époque, regretté cette décision, qui aboutissait à rompre unilatéralement un accord conventionnel important, et surtout fragilisait ce très important changement d'attitude de la profession, laquelle s'engageait enfin dans la voie -vertueuse- d'une revalorisation des soins dentaires conservateurs, et d'une maîtrise concomitante des dépassements tarifaires sur les actes prothétiques.

Au mois de juin dernier, vous avez présenté cette mesure comme conservatoire, et résultant de l'évolution de 5,5 % des dépenses de chirurgie dentaire sur les cinq premiers mois de 1998, que vous jugiez préoccupante.

A la vérité, cette tendance du début 1998 ne dépassait que d'assez peu le taux de croissance de 4,2 % qui avait été anticipé et souhaité par les caisses, au cours des négociations conventionnelles de l'annexe tarifaire pour 1998 (délibération du Conseil d'Administration de la CNAMTS du 28 avril 1998 implicitement approuvée par les autorités de tutelle). Le taux d'évolution global des dépenses ambulatoires (2,1 %) ne saurait en effet servir de référence pour des secteurs dans lesquels l'assurance maladie doit massivement se réinvestir pour combler un retard préjudiciable aux assurés.

Au surplus, cette première tendance ne paraît pas se confirmer au vu des chiffres disponibles à la fin du mois de juillet. La hausse des dépenses remboursables de chirurgie dentaire se situe en effet à un niveau de 4,1 %, c'est-à-dire non seulement en net retrait par rapport aux premiers chiffres de 1998, mais surtout dans la cible que visait le projet d'annexe conventionnelle.

Ce contexte explique le très lourd mécontentement des chirurgiens-dentistes. Le conflit qui s'installe met aujourd'hui en péril non seulement une campagne de prévention bucco-dentaire destinée aux adolescents de 15 à 18 ans (cible extrêmement importante sur le plan de la santé dentaire), mais aussi -et surtout- un début d'évolution de la profession vers une plus grande discipline tarifaire, dans l'intérêt évident des assurés sociaux.

Cette situation préoccupante nous conduit, Madame la Ministre, à souhaiter que le Gouvernement réexamine la position provisoire qui fut la sienne au mois de juin dernier, et donne un signal très clair aux chirurgiens-dentistes en confirmant que la mesure de suspension de la nouvelle nomenclature sera rapportée avant la fin de l'année.

Compte tenu des échéances propres aux instances syndicales signataires de la convention (à la mi-octobre, la CNSD tient une assemblée générale et l'UJCD un conseil d'administration), il paraît très important que la teneur de votre réponse soit connue dans les jours qui viennent.

Nous vous prions d'agréer, Madame la Ministre, l'expression de notre respectueuse considération.

Jean-Marie SPAETH, Jeannette GROS, Marcel RAVOUX

4. La publication du règlement conventionnel minimal

A la suite de l'annulation, par le Conseil d'Etat, des conventions nationales des médecins, le Gouvernement a pris, le 10 juillet 1998, un règlement conventionnel minimal dont la publication, intervenue le 12 juillet 1998, était depuis longtemps légitimement attendue par les caisses d'assurance maladie.

Ce règlement a repris les objectifs de dépenses fixés par les conventions, ainsi que les références médicales opposables aux médecins et les sanctions applicables, la participation des caisses d'assurance maladie au financement des cotisations sociales des médecins.

En revanche, il n'a pas prévu de mécanisme de reversement en cas de non-respect des objectifs de dépenses.

D. L'ONDAM 1998 NE DEVRAIT PAS ÊTRE RESPECTÉ

Selon la Commission des comptes de la sécurité sociale, " de fortes tensions pèsent sur la réalisation de l'ONDAM 1998 ".

En effet, sur les six premiers mois de l'année, les dépenses de médecine de ville ont progressé de 5,7 % par rapport à la même période de l'année 1997. La Commission des comptes précise en outre qu'une évolution corrigée des jours ouvrés donnerait un taux de progression de 6,5 %.

Elle craint en outre que, si les dépenses d'hospitalisation sous dotation globale ne dérapent pas, des effets de champ n'aient été sous-estimés.

Pour les cliniques privées (+ 6,7 %) et le secteur médico-social (+ 9,3 %), l'objectif ne serait pas non plus respecté. Au total, la dérive par rapport à l'objectif serait de 6 milliards de francs.

L'assurance maladie a publié, le 15 octobre 1998, deux tableaux récapitulatifs décrivant la réalisation, par grands agrégats, puis par grands postes de dépenses, de l'ONDAM pour le Régime général. Ils s'établissent comme suit :

Objectif national de dépenses d'assurance maladie

France métropolitaine - Résultats par grands agrégats

Dépenses remboursées

Régime général

Montants en millions de francs

Réalisations risque maladie uniquement


Réalisations tous risques

Taux d'évolution tous risques PCAP (1)


Objectif annuel (2)

Taux d'évolution de l'objectif annuel (3)

Taux de réalisation de l'objectif RG

Soins de ville

140.965

149.513

6,5 %

219.600

2,6 %

68,1 %

Etablissements sanitaires publics

127.316

134.343

1,2 % (6)

206.100

2,4 %

65,2 %

Etablissements sanitaires privés

21.703

22.788

5,6 %

33.800

2,8 %

67,4 %

Etablissements médico-sociaux

18.059

18.255

7,7 %

35.500

3,0 %

70,8 % (5)

dont enfants inadaptés-adultes handicapés

18.059

18.255

7,7 %

25.800

1,8 %

70,8 %

dont action médico-sociale précoce (4)

n.d.

n.d.

 

320

2,6 %

 

dont personnes âgées (4)

n.d.

n.d.

 

9.380

6,3 %

 

Total objectif de dépenses d'assurance maladie

308.044

324.899

4,2 %

495.000

2,5 %

66,9 % (5)

(1) Taux d'évolution des dépenses par rapport à la période comparable de l'année précédente.

(2) Part estimée du régime général dans l'objectif national de dépenses d'assurance maladie tous régimes (613,8 Mds France entière et 599,6 Mds métropole). En métropole, le régime général devrait représenter 82,6 % des dépenses 1998 de l'ensemble des régimes.

(3) Objectif 1998 rapporté aux réalisations de 1997.

(4) Résultats disponibles en fin d'année uniquement.

(5) Taux calculé hors médico-social personnes âgées et action médico-sociale précoce.

(6) Le taux d'évolution de la dotation globale est calculé en neutralisant l'évolution du poids du régime général par rapport aux autres régimes dans les versements de 1997 et 1998. Par contre, il ne tient pas compte de l'effet de la régularisation, opérée à ce titre fin 1997, de l'exercice 1996.

Statistique mensuelle des dépenses - France métropolitaine

Résultats détaillés par postes de dépenses

Dépenses remboursées

Résultats cumulés à fin Août 1998

PRESTATIONS

Risque maladie

Tous risques

 

Dépenses en milliers de francs

Taux d'évolution PCAP (en %)

Dépenses en milliers de francs

Taux d'évolution PCAP (en %)

Consultations

17.349.712

5,2

18.300.652

4,7

Visites

3.801.925

0,7

3.831.681

0,7

Actes en K, KE

6.503.227

1,5

6.624.555

1,6

Actes en KC, et forfaits chirurgicaux

3.848.391

3,3

4.038.944

3,3

Actes en Z, CN et PRA

5.634.013

7,7

5.771.999

7,7

Frais de déplacement des praticiens

948.340

1,0

985.205

1,0

Autres honoraires du secteur privé

1.240.351

1,3

1.440.575

1,4

TOTAL HONORAIRES MÉDICAUX

39.325.958

4,1

40.966.612

3,9

Honoraires dentaires D, DC, Sc, SPR, TO.

7.955.739

4,7

7.958.544

4,7

TOTAL HONORAIRES SECTEUR PRIVÉ (médicaux et dentaires)

47.281.697

4,2

48.925.155

4,0

Auxiliaires médicaux

13.351.828

4,5

13.849.243

4,4

Actes en B, BP et BR

6.575.313

6,5

6.916.066

7,1

Actes en KB, PB et TB

381.286

14,2

404.388

14,7

Dépenses médicaments

44.748.921

8,5

45.031.519

8,5

Produits d'origine humaine

473.210

7,2

480.546

7,2

Appareils matériels de traitement et pansements

2.550.530

38,8

2.580.625

38,7

Autres bien médicaux inscrits au TIPS

3.748.709

5,6

3.814.888

5,6

TOTAL PRESCRIPTIONS

71.829.796

8,3

73.077.274

8,3

Frais de déplacement des malades

4.801.941

8,6

4.950.016

8,5

Autres prestations diverses hors CAMSP

717.861

ns

750.269

ns

TOTAL AUTRES PRESTATIONS DE SOINS SANTÉ

5.519.801

7,2

5.700.285

7,2

PRESTATIONS EN ESPÈCES

16.334.005

5,5

21.269.277

5,8

Forfaits Scanner et IRMN réalisés en ville

 
 

540.695

14,7

TOTAL SOINS DE VILLE

140.965.300

6,5

149.512.687

6,5

Dotation globale hospitalière

124.462.655

3,3

131.390.366

3,3

Prestations autres que dotation globale

2.435.083

- 51,1

2.502.917

- 51,4

Honoraires du secteur à tarification administrative

418.627

39,5

449.328

38,9

TOTAL VERSEMENTS AUX ÉTABLISSEMENTS SANITAIRES À TARIFICATION ADMINISTRATIVE

127.316.364

1,2

134.342.611

1,2

Frais de séjour

18.360.308

5,7

19.961.569

5,5

Dépenses forfaitaires sanitaires

3.342.877

7,6

3.367.612

7,6

Forfaits Scanner et IRM réalisés en ville

 
 

- 540.695

14,7

TOTAL VERSEMENTS AUX ÉTABLISSEMENTS SANITAIRES À TARIFICATION CONVENTIONNELLE

21.703.185

6,0

22.788.486

5,6

Enfance inadaptée et Adultes handicapés

18.059.143

7,8

18.254.858

7,7

Médicalisation E.H.P.A. S.S.A.D

 

-

 
 

CAMSP

 

-

 
 

TOTAL PRESTATIONS MÉDICO-SOCIALES

18.059.143

7,8

18.254.858

7,7

TOTAL ONDAM

308.043.993

4,3

324.898.642

4,2

Prestations en espèces maternité

 
 

7.204.666

2,1

Incapacité permanente AT + autres charges techniques

 
 

13.770.978

0,4

Assurance Invalidité

 
 

11.787.749

2,7

Assurance Décès

 
 

496.738

2,1

TOTAL STATISTIQUE MENSUELLE DES DÉPENSES

 
 

358.158.772

4,0

II. UNE POLITIQUE DES SOINS DE VILLE QUI SE RÉSUME À DES CONTRIBUTIONS FINANCIÈRES À LA CHARGE DES PROFESSIONNELS

A. MÉDECINE DE VILLE : LE GOUVERNEMENT FAIT LE CHOIX D'UNE MAÎTRISE EXCLUSIVEMENT COMPTABLE DES DÉPENSES

1. Le Gouvernement ne parvient pas à dialoguer avec les médecins

Dès son entrée en fonctions, le Gouvernement avait laissé entendre aux médecins libéraux qu'il avait l'intention d'instituer avec eux un dialogue fructueux et serein, permettant de prendre en considération leurs aspirations pour faire progresser à la fois la qualité des soins et la maîtrise médicalisée des dépenses d'assurance maladie.

Commençant par temporiser, il a confié à M. François Stasse, conseiller d'Etat, une mission de concertation sur l'avenir de la médecine de ville. Le rapport issu de cette mission a été présenté le 15 juin 1998, soit un an après l'entrée en fonctions du Gouvernement.

A la veille de l'examen, par le Sénat, du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, le constat est clair : le Gouvernement n'a réussi a établir les conditions du dialogue qu'avec un syndicat de médecins, MG-France, sur des bases qui ne semblent pas acceptables par les autres syndicats.

Après l'annulation, par le Conseil d'Etat, des deux conventions signées, avec les médecins généralistes et les médecins spécialistes sous le précédent Gouvernement, l'avenir de la politique conventionnelle avec les médecins spécialistes semble compromis.

Le syndicat MG-France, avec lequel pourrait être conclue une convention spécifique des médecins généralistes n'apparaît pas non plus accepter de bonne grâce le principe des lettres-clés flottantes que le projet de loi institue en sus du système exclusivement comptable de régulation de l'évolution des dépenses médicales.

La mise en oeuvre des principaux outils de l'ordonnance du 24 avril 1996, tels que la formation continue obligatoire des médecins ou les expérimentations de nouveaux modes d'exercice de la médecine libérale, qui devaient être rendues possibles grâce à la commission présidée par M. Raymond Soubie, demeurent bloqués. Ainsi, pour des raisons politiques, le Gouvernement ne veut pas agréer des projets tels que celui présenté par Groupama, qui ne présente pourtant aucun risque pour les professionnels ou pour les patients et contribuerait à améliorer la qualité des soins dans des zones rurales.

Les médecins demeurent convaincus que l'importance des transferts d'activité de l'hôpital vers la ville rend peu fiables les mécanismes de régulation qui leur sont imposés et qui joueraient ainsi à leur détriment : force est de constater que le Gouvernement ne met pas tout en oeuvre, loin s'en faut, pour éclaircir la situation et garantir que, par avance, si l'on peut dire, " les dés ne seront pas pipés ".

Et, parallèlement, ce Gouvernement fait des choix politiques dont il est difficile de comprendre les raisons, mais qui sont périlleux pour l'avenir de la médecine de ville. Il en est notamment ainsi en matière de démographie médicale.

2. Des choix politiques périlleux : l'exemple de la politique de régulation de la démographie médicale

Le 22 septembre dernier, le ministre de l'emploi et de la solidarité, Mme Martine Aubry, affirmait que " la maîtrise de la démographie médicale est essentielle pour garantir le meilleur accès aux soins comme pour assurer la maîtrise des dépenses ".

Cette déclaration confirmait les orientations retenues par le Gouvernement précédent.

Dès le printemps 1996, en effet, il avait engagé une réflexion approfondie en confiant une mission à M. Jean Choussat. Les conclusions du rapport qu'il a remis au Gouvernement avaient conduit ce dernier à retenir des orientations claires, qui ont été inscrites au titre II de la Convention d'objectifs et de gestion conclue entre l'Etat et la CNAMTS au mois d'avril 1997.

Celles-ci reposaient sur le constat qu' " un excédent global, quasi unanimement reconnu bien que difficile à chiffrer, des déséquilibres dans la répartition entre généralistes et spécialistes ainsi qu'entre spécialistes, ainsi que des disparités régionales caractérisent la démographie médicale française. "

Et l'affirmation selon laquelle la politique de l'Etat doit conduire à rétablir les équilibres nécessaires débouchait logiquement sur la conclusion suivante : " dans cette perspective, le numerus clausus instauré à l'entrée des études médicales doit rester stable pendant la durée d'application de la présente convention et une réduction progressive du nombre de places offertes à l'internat doit être engagée afin d'atteindre une proportion de 60 % de résidents et de 40 % d'internes en spécialités ".

Le Gouvernement actuel, malgré la déclaration précitée de Mme Martine Aubry, vient cependant de changer de cap en annonçant qu'il relèverait le numerus clausus .

Le motif invoqué par la ministre, l'augmentation nécessaire des effectifs dans trois disciplines déficitaires (pédiatrie, gynécologie-obstétrique, anesthésie-réanimation), n'appelle pas, pour votre commission, une hausse du nombre d'étudiants en médecine mais une meilleure orientation de ces étudiants vers ces spécialités.

Elle partage, ce faisant, l'avis du Conseil d'administration de la CNAMTS exprimé par une annexe à ses orientations stratégiques adoptées le 13 octobre dernier :

ANNEXE AUX ORIENTATION STRATÉGIQUES DE LA CNAMTS

Démographie médicale et numerus clausus

adoptées le 13 octobre 1998

1/ Numerus clausus et démographie :

Par rapport à l'effectif global existant de médecins (170.000), il n'existe aucune " pénurie " à attendre dans les 10 ans qui viennent (durée études médicales) qui pourrait expliquer une augmentation du numerus clausus dès 1999. Tout au contraire, l'augmentation attendue de 12.000 médecins repousse à 2015 le retour aux effectifs existants et donc, si c'est l'objectif, à 2005 une hausse du numerus clausus.

2/Numerus clausus et santé publique :

La fixation du numerus clausus n'est jamais neutre. Au-delà d'une expression primaire des besoins en médecins par habitants, elle traduit la volonté ou non, de rendre l'accès aux soins et la dispensation des soins plus performants médicalement. Une médecine mieux coordonnée entre généralistes, spécialistes, ville et hôpital, c'est une médecine qui, partout dans le monde, offre plus de qualité dispensée par moins de médecins.

C'est bien cette approche qui avait conduit Jean Choussat à préciser que " l'excédent de médecins couramment admis, soit 20.000 environ, sous-estime la réalité en considérant implicitement comme quasi intangibles les dysfonctionnements importants du système de santé ". Il proposait donc de stabiliser l'effectif des médecins à 140.000, " soit 30.000 de moins qu'aujourd'hui et 45.000 de moins qu'en 2005/2010 ". Retenir un effectif cible de 140.000 médecins conduit à retenir en première approche les années 2010/2011 pour relever le numerus clausus

(...)

La hausse du numerus clausus annoncée (plus 200 l'an prochain et plus de 400 en trois ans) met inévitablement en cause la cohérence des différentes actions publiques déjà entreprises ou envisagées :

- compatibilité avec l'usage coûteux et le renforcement, prévue dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale, d'un MICA ;

- développement de la coordination des soins ;

- restructuration de l'offre hospitalière ;

plus généralement, elle amène à examiner la compatibilité d'une politique de maîtrise des dépenses s'exerçant notamment sur le volume des acteurs médicaux et d'un renforcement de la hausse (aujourd'hui) et de l'excédent (demain) du volume des acteurs (...).


Pour ces raisons, votre commission vous proposera de fixer, exceptionnellement, le numerus clausus des médecins dans la loi pour 1999 : elle soumettra à votre approbation un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale fixant à 3.583, comme l'an dernier, le nombre d'étudiants en médecine autorisés à poursuivre leurs études, au lieu des 3.800 annoncés par le Gouvernement.

3. Le projet de loi de financement, en instituant des lettres-clés flottantes et des reversements collectifs, multiplie les outils de régulation purement comptables des dépenses médicales

Les développements copieux du projet de loi de financement de la sécurité sociale en matière d'assurance maladie pourraient laisser croire à un observateur non averti que le Gouvernement entend proposer une réforme d'ensemble pour assurer son avenir. Il n'en est rien : l'essentiel de l'imagination créatrice des auteurs du projet de loi a en effet été consacré à bâtir de nouveaux et complexes mécanismes de régulation comptable des dépenses, encore de nouvelles taxations à la charge des professionnels.

Ainsi, les articles 21 et 22 du projet, qui mettent en place un mécanisme de taxation permanent et une taxation spécifique pour 1998, occupent cinq pages et demi du projet de loi !

En effet, le Gouvernement propose d'abord au Parlement de créer, pour 1998, une taxation applicable en cas de dépassement des objectifs d'évolution des dépenses fixés par le règlement conventionnel minimal. Il n'en définit, ni le seuil de déclenchement (le principe d'une marge de tolérance au delà de l'objectif est en effet retenu), ni le taux, ni les modalités de calcul, qui seront déterminées par un décret en Conseil d'Etat.

Un mauvais esprit (mais l'absence de transparence des choix favorise ce type d'analyse) pourrait conclure que l'ampleur de la marge de tolérance sera fixée dès que l'on connaîtra les réalisations des médecins généralistes : ceux-ci pourraient ainsi être récompensés par une absence de reversement d'avoir accepté de signer une convention dans les conditions qui leur étaient proposées...

Le projet de loi propose par ailleurs d'instituer un mécanisme permanent de régulation des dépenses qui ne fera que pérenniser la pratique inaugurée en 1998, avec des lettres-clés flottantes en cours d'année (cf. la décision de baisser la valeur du Z) et des reversements collectifs en fin d'année (cf. art. 22 du projet de loi, qui débouchera sur une contribution à la charge des médecins spécialistes au titre de 1998).

Ainsi, des médecins ayant accepté de signer une convention, et ayant déterminé au début de l'année, avec les caisses, un objectif de dépenses médicales et des tarifs pour l'année, pourraient voir ces tarifs baisser au bout des quatre premiers mois de l'année, puis une nouvelle fois au bout de huit mois, sans voir pour autant écartée la perspective d'une contribution en fin d'année...

A supposer que ce mécanisme de régulation des dépenses médicales constitue, en fait, la traduction d'une politique des revenus des médecins, force est de constater que les salariés du secteur public ou privé ne voient pas fluctuer ainsi les déterminants de la rémunération de leur activité.

Il est tout de même paradoxal que les médecins soient moins bien traités que des salariés alors qu'employant un ou plusieurs salariés, ils sont bien souvent chefs d'entreprise...

Les propositions du Gouvernement traduisent d'abord son renoncement à enrichir une politique de maîtrise médicalisée des dépenses dans l'intérêt des malades et des contribuables
. La maîtrise des dépenses se ferait désormais en fonction de critères purement comptables, presque au mois le mois, le revenu des médecins fluctuant avec leur activité, sans que la préoccupation d'améliorer les pratiques médicales puisse y trouver sa place.

Elles traduisent aussi une profonde défiance à l'égard des partenaires conventionnels : le projet de loi multiplie en effet les clauses aux termes desquelles, si le Gouvernement n'approuve pas les décisions prises par les syndicats de médecins et les caisses, il pourra les rectifier lui-même sans autre forme de procès.

Elles reflètent enfin la méconnaissance des conditions d'activité des médecins , qui ont besoin, comme tous les agents économiques, d'un peu de visibilité (un horizon d'un an ne semble pas excessif....) et dont le niveau de vie moyen ne comporte pas de marge suffisante pour permettre une telle incertitude et une telle fluctuation des revenus.

Votre commission vous proposera de refuser ces dispositifs.

Certes, le mécanisme de reversement établi par l'ordonnance dite " Juppé " posait problème. Alors que le Gouvernement souhaite aller jusqu'au bout de la régulation comptable et collective que ce dispositif comportait, votre commission propose au contraire d'aller jusqu'au bout de l'individualisation de la responsabilité des médecins à laquelle il faisait aussi appel.

Ainsi, tirant les leçons du passé, elle veut instituer un mécanisme simple, médicalisé et efficace de maîtrise des dépenses. Collectivement organisé par les partenaires conventionnels, il laisse les médecins libres de déterminer les conditions d'exercice de leur responsabilité individuelle.

Garantissant le respect des objectifs tout en organisant l'amélioration des pratiques médicales individuelles et collectives, il répond au double souci de favoriser la qualité des soins dont bénéficient les Français et d'en limiter le coût.

Il tourne le dos aux usines à gaz comptables inventées par le projet de loi.

B. PHARMACIE : LE PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE VEUT METTRE FIN À LA POLITIQUE CONVENTIONNELLE DU MÉDICAMENT

Votre commission affirme son attachement à la politique conventionnelle du médicament. Si, à l'évidence, elle méritait d'être enrichie et améliorée, notamment au regard des enjeux européens et nationaux immédiats, elle ne devrait pas être remise en cause. C'est pourtant à une telle remise en cause que se livre le présent projet de loi, aggravé par les amendements adoptés à l'Assemblée nationale.

1. La politique conventionnelle du médicament et les principaux enjeux de la politique du médicament

Le Comité économique du médicament, placé auprès des ministres compétents, a pour missions :

- de contribuer à l'élaboration de la politique économique du médicament,

- de mettre en oeuvre les orientations -qu'il reçoit annuellement des ministres- relatives à la maîtrise des dépenses de médicaments,

- et de fixer les prix des médicaments par voie conventionnelle.

Depuis la signature de l'accord-cadre de 1994, le Comité économique du médicament a ainsi signé 86 conventions " normales " et 54 conventions dites simplifiées (émanant de laboratoires dont le chiffre d'affaires est inférieur à 60 millions de francs), couvrant environ 95 % du chiffre d'affaires de l'industrie française en médicaments remboursables. Parmi les signataires, on trouve désormais tous les grands laboratoires français et étrangers.

Dès son entrée en fonctions, le Gouvernement n'a cependant que peu soutenu son action. Ainsi, le décret relatif à cette institution, attendu depuis la mi-1996, n'a été publié que le 31 décembre 1997. Pourtant, la politique conventionnelle qu'il a mise en oeuvre, dans le cadre d'un régime de prix administré, a permis une régulation économique du secteur compatible avec le bon usage du médicament.

En effet, les conventions qui ont été proposées par les laboratoires pharmaceutiques visent à moderniser la structure des prix des produits tout en permettant de maîtriser les volumes commercialisés. Toutes les conventions comportent également des engagements précis relatifs au bon usage du médicament (respect des indications thérapeutiques, des posologies, respect des avis des commissions scientifiques compétentes et de la commission de la publicité, ...) et à la réduction significative des dépenses de promotion des laboratoires. Les conventions ont enfin permis, chaque fois que possible, d'encourager le développement de spécialités génériques.

L'action du Comité économique doit se poursuivre, eu égard notamment aux principaux enjeux du secteur.

On ne citera ici que quelques exemples : les prix (prix et TVA) du médicament en Europe, le développement du marché des médicaments génériques, la " révision des services votés " et les sorties de médicaments de la réserve hospitalière.

* Les prix du médicament en Europe et la TVA sur les médicaments remboursables.

Les prix des médicaments fixés dans un pays de l'Union européenne servent de plus en plus de référence lors de la fixation des prix des mêmes médicaments dans les autres pays de l'Union. Le développement d'un marché unique du médicament, et notamment le développement du commerce parallèle des médicaments, conduit en effet les laboratoires à mener une politique de convergence des prix dans l'ensemble des pays. De fait, la référence aux prix européens est une référence importante lors de la fixation des prix en France, notamment lorsqu'il s'agit d'innovations majeures : cette référence a été acceptée dans le cadre de l'accord-cadre entre l'Etat et le SNIP.

L'ensemble des pays sont confrontés à la problématique des " prix européens " et il est donc nécessaire de favoriser les échanges entre les pays sur ce sujet. A ce titre, la France a eu une participation active au sein du comité consultatif sur la transparence du prix et du remboursement des médicaments, instance créée pour suivre l'application de la directive européenne n° 89/105 sur la transparence des décisions des Etats-membres en matière de prix et de remboursement. Les représentants français ont notamment soutenu le projet d'un réseau européen d'échanges d'informations sur les prix et les conditions de mise sur le marché des médicaments nouveaux.

La France a également participé activement aux conférences de Francfort organisées par le commissaire Bangeman sur le marché unique des médicaments. Ces conférences ont abouti, en 1998, à l'initiative du Conseil invitant la commission à lui présenter une communication sur l'évolution future du marché unique des médicaments.

La question de la TVA sur les médicaments remboursables constitue également un enjeu important. En effet, deux taux différents coexistent : depuis la loi de finances pour 1990, un taux réduit de 2,10 % est applicable aux médicaments remboursables (art. 281 octies du code général des impôts), les médicaments non remboursables demeurant soumis au taux de 5,5 % (art. 278 quater du même code).

Selon la Commission européenne, la coexistence de deux taux différents selon que le médicament est ou non remboursable aurait pour effet que deux médicaments identiques puissent être taxés de deux taux différents ; or, l'application à des produits identiques de deux taux différents est contraire aux directives TVA du Conseil (1 ère directive du 11 avril 1967 et 6 ème directive du 17 mai 1977).

C'est pourquoi, depuis 1995, la Commission demande au Gouvernement français de se conformer au droit européen. Celui-ci a toutefois maintenu sa position initiale pour plusieurs raisons :

- il existe bien une distinction de nature entre un médicament remboursable et un médicament non remboursable, en raison non seulement de leur effet sur les patients, mais aussi de leur différence de statut juridique au regard des prix et de la publicité, qui implique l'existence de deux marchés séparés ;

- d'autres produits bénéficient, dans la directive TVA, de la possibilité d'être taxés avec deux taux distincts en fonction de leur destination finale ;

- l'alignement sur la position de la Commission correspondrait, en application des objectifs de convergence des taux européens, au passage du taux de TVA des médicaments remboursables de 2,1 % à 5,5 %. Le surcoût de cette augmentation de taux serait de 4 milliards de francs, à la charge des ménages (pour 1,3 milliard de francs) et de l'assurance maladie (pour 2,7 milliards de francs). Or, le surcoût pour les ménages serait un obstacle à la mise en oeuvre de la politique d'accès aux soins, surtout pour les plus démunis. Quant au surcoût pour l'assurance maladie, il devrait être financé par une augmentation des cotisations sociales. Une telle mesure susciterait l'incompréhension de la population à l'égard de la politique européenne, d'autant plus qu'elle augmenterait le coût du travail, ce qui serait en contradiction avec les recommandations faites par la Commission ;

- compte tenu de l'étanchéité des marchés des médicaments remboursables et non remboursables, il n'existe pas d'enjeu concurrentiel entre ces deux marchés ; aucune entreprise n'a jamais contesté la dualité des taux de TVA ;

- d'autres pays européens appliquent deux taux de TVA distincts selon le caractère remboursable ou non du médicament.

A ce stade, les procédures écrites de la phase pré-contentieuse sont épuisées. Le collège des commissaires européens s'est prononcé en faveur de la saisine de la Cour de Justice des communautés européennes, sans suite pour l'instant.

* Le développement du marché des médicaments génériques

Le marché du médicament générique reste peu développé en France, notamment en raison d'une politique des prix du médicament, menée pendant longtemps, qui a favorisé des prix moyens bas et n'a que faiblement différencié les prix en fonction du contenu innovant des médicaments.

Ainsi, le chiffre d'affaires industriel du marché des génériques se situe entre 1 et 3 milliards de francs selon les définitions du générique retenues, soit un maximum de 4 à 5 % du marché des médicaments en ville, à comparer à des parts de marché comprises entre 10 et 30 % dans les autres pays développés.

Environ 50 % du marché du médicament remboursable est aujourd'hui " génériquable ". Or, des médicaments génériques ne sont actuellement disponibles sur le marché que pour seulement 1/3 environ de ces produits. Si des médicaments génériques remplaçaient en totalité les médicaments de référence, à un prix inférieur de 30 %, l'économie serait d'environ 4 milliards de francs pour la sécurité sociale. Il faut toutefois tenir compte de l'augmentation des prix des médicaments innovants qui serait, en contrepartie, légitimement demandée par les laboratoires.

L'objectif poursuivi par le Gouvernement, dans la ligne de la politique définie par le Gouvernement précédent, est de doubler la place qu'occupent les médicaments génériques dans la consommation pharmaceutique d'ici la fin de 1999.

Différentes mesures ont été prises, sont en cours de réalisation ou en préparation, pour favoriser le développement des médicaments génériques.

Ainsi, dans le but de clarifier l'identification des médicaments génériques, (en application des articles 22 et 23 de l'ordonnance n° 96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins et du décret n° 97-221 du 13 mars 1997), la première inscription des médicaments au répertoire des groupes génériques réalisé par l'Agence du médicament a été publiée au Journal officiel du 6 juin 1997.

Puis, le répertoire complet des médicaments génériques a été publié le 7 juillet dernier : il comprend 459 spécialités génériques. Par ailleurs, un arrêté du 14 mars 1997 a précisé les conditions de dénomination auxquelles ces spécialités sont soumises en vue de leur prise en charge par les organismes d'assurance maladie.

Par ailleurs, le prix de l'ensemble des génériques a été mis en conformité avec la règle de plafond de - 30 % des prix du princeps au 1 er janvier 1996.

En outre, pour accélérer la mise à disposition des médicaments génériques, une simplification et une accélération des procédures administratives nécessaires à leur prise en charge par l'assurance maladie est en cours. Dès à présent, dès lors que les prix sont inférieurs au plafond des - 30 % par rapport au prix du princeps, les inscriptions et les modifications de prix sont traitées sans délai par le comité économique.

Enfin, pour garantir la qualité et la sécurité de ces médicaments, l'Agence du médicament a engagé un programme d'inspection et de contrôle concernant l'ensemble des génériques du répertoire qui sera achevé d'ici la fin de l'année.

En vue de favoriser le développement de leur marché, les médicaments génériques bénéficient de mesures dérogatoires au droit commun.

Ainsi, pour favoriser la promotion des génériques, la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 a procédé à un abattement égal à 30 % du chiffre d'affaires réalisé en France au titre des spécialités génériques sur l'assiette de la taxe sur les dépenses promotionnelles qu'elle a parallèlement très fortement relevées.

D'autre part, les médicaments génériques ont été exonérés par la loi de financement de la sécurité sociale précitée de la taxe sur les ventes directes des médicaments remboursables.

Si l'article 23 du projet de loi de financement de la sécurité sociale était adopté tel qu'amendé par l'Assemblée nationale, un taux de remise maximum dérogatoire de 10,47% (au lieu du taux de droit commun de 2,5%) serait accordé au bénéfice des pharmaciens d'officine afin d'encourager des conditions favorables de commercialisation des médicaments génériques.

Il appartient au Comité économique du médicament d'apporter une contribution majeure à cette politique : il encourage en effet contractuellement la mise en oeuvre d'une stratégie de production, chaque fois que cela paraît possible. Plusieurs laboratoires importants tels que Rhône-Poulenc Rorer, Roussel Uclaf, Synthelabo ou Lafon Ratiopharm ont souscrit à cette orientation en proposant la mise sur le marché de gammes de génériques.

* La " révision des services votés "

La " révision des services votés " -c'est-à-dire la révision des classes thérapeutiques- par le Comité économique du médicament, avec l'aide de la commission de la transparence, vise à harmoniser les conditions et les taux de prise en charge ainsi que les prix des spécialités pharmaceutiques à partir d'une estimation du service médical effectivement rendu.

Les premières études visant à préparer la révision des classes thérapeutiques ont été engagées à partir de 1995-1996 par le Comité économique du médicament en liaison avec le secrétariat de la commission de la transparence, qui a aidé à définir le périmètre des spécialités concernées.

Cette politique de " révision " était envisagée essentiellement sous l'angle traditionnel du déremboursement de certaines classes thérapeutiques dont l'efficacité sociale et financière peut être discutée. Le nouveau Gouvernement a confirmé, dans la communication au conseil des ministres du 18 février 1998, l'importance d'une réévaluation des conditions de prise en charge de l'ensemble des classes thérapeutiques mais dans un cadre rénové, centré autour de la notion de service médical rendu. Il a annoncé une réforme des conditions d'admission au remboursement et de taux de remboursement, qui sera entreprise dans ce but avant la fin de l'année.

* La sortie de médicaments de la réserve hospitalière

Le terme " sortie de la réserve hospitalière " correspond à plusieurs opérations distinctes :

- la révision par la commission d'autorisation de mise sur le marché (AMM) des conditions de prescription et de délivrance figurant à l'autorisation de mise sur le marché, classe thérapeutique par classe thérapeutique, afin de les adapter au régime des conditions de prescriptions prévu par le décret du 2 décembre 1994 : la révision de ces conditions peut donner lieu à reclassement dans l'une des trois catégories de prescription restreinte (médicament réservé à l'usage hospitalier, à prescription initiale hospitalière, à prescription nécessitant une surveillance spéciale pendant le traitement), ou à la suppression de toute prescription restreinte ;

- l'exclusion de la dotation globale : il s'agit d'une modification du champ de la prise en charge de certains médicaments qui, bien que destinés à des patients en ville, restent, de manière dérogatoire, financés par les budgets hospitaliers : en 1996, une vingtaine de médicaments ne pouvaient être pris en charge que sur la dotation globale, alors que le régime de droit commun de prise en charge des médicaments prévoyait que lorsqu'ils sont rétrocédés (dispensés à des patients non hospitalisés), les médicaments hospitaliers peuvent être facturés aux caisses d'assurance maladie. Il reste encore aujourd'hui 11 médicaments sous ce régime ;

- la réserve " de fait " : jusqu'à présent, les médicaments qui n'étaient pas réservés à l'usage hospitalier mais qui étaient commercialisés uniquement à l'hôpital par les firmes pouvaient être traités comme les médicaments réservés à l'usage hospitalier (rétrocession et prise en charge par les caisses autorisées). Un projet de décret sur la rétrocession des médicaments par les hôpitaux, qui pourrait paraître fin 1998, va limiter la possibilité d'être rétrocédés et pris en charge par les caisses aux seuls médicaments réservés à l'usage hospitalier, ce qui conduira les firmes à demander l'inscription au remboursement en ville pour les médicaments en réserve " de fait ".

 

1996

1997

1998

prév. 1999

sortie de la réserve hospitalière - AMM

ARV(*)

 

certains anticancéreux, certains antibiotiques

 

exclusion de la dotation globale

janvier : interférons

alpha (hépatite C)

1er janvier : ARV

 

1er janvier :
11 médicaments restant

inscription en ville

janvier : interférons alpha (hép. C)

30 octobre : ARV

 
 

(u) ARV = antirétroviraux

Les médicaments récemment sortis de la réserve hospitalière sont les interférons alpha dans le traitement de l'hépatite C et les antirétroviraux.

1 - Interférons alpha - sortis en 1996

 

CAHT ville (source Gers)*

CAHT hôpital
(source taxe)**

1996

70,8 MF

204,6 MF

1997

98,5 MF

187,4 MF

1998 (6 mois)

99,0 MF

-

* CA uniquement pour l'indication hépatite C

** CA pour l'ensemble des indications thérapeutiques

prévisions*

ville

hôpital

1999

325 MF

36 MF

* uniquement dans l'indication hépatite C, en cas de mise en oeuvre du plan national de lutte contre l'hépatite C (source ministère emploi et solidarité)

2 - Antirétroviraux - sortis en 1997


 

CAHT ville
(source Gers)

CAHT hôpital (source taxe)

1997

67,7 MF

1.437,8 MF

1998 (6 mois)

337,5 MF

 

prévisions DH

Ville + hôpital

1998

1.920 MF

1999

2.092 MF

3 - Anticancéreux, antibiotiques

Votre commission n'a pas pu obtenir d'estimation concernant ces médicaments, la liste des médicaments exclus de la réserve hospitalière étant en cours d'établissement.

2. Au lieu d'améliorer la politique conventionnelle du médicament et de la rendre attractive pour les entreprises, le Gouvernement, avec le concours de l'Assemblée nationale, semble pour l'instant vouloir lui ôter toute crédibilité

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale comporte plusieurs articles relatifs à la politique de régulation des prix et des dépenses pharmaceutiques.

Ses articles 24 et 25 procèdent en effet à la modification du régime de la politique conventionnelle et à l'institution d'une taxe de régulation des dépenses pharmaceutiques.

Le texte initial de ces articles, déjà, pouvait être critiqué en ce qu'il traduisait l'absence de confiance du Gouvernement dans la politique conventionnelle pour assurer dans de bonnes conditions, non seulement la fixation des prix des médicaments, mais aussi la promotion de leur bon usage et la maîtrise de l'évolution de leurs dépenses.

Mais la version des articles 24 et 25 qui résulte de l'examen du projet de loi en première lecture par l'Assemblée nationale ne peut, assurément, être acceptée.

En effet, elle est de nature à décourager les entreprises à conclure toute convention avec le Comité économique, ces entreprises pouvant être soumises à une taxation importante de l'évolution de leur chiffre d'affaires alors même qu'elles ont respecté à la lettre tous leurs engagements conventionnels ou, si elles ne les ont pas respectés, qu'elles se sont acquitté des sanctions prévues par la convention.

L'Assemblée nationale n'a, à l'évidence, pas tiré les leçons des événements qui ont entraîné le retrait par le Gouvernement de l'article 26 du projet de loi : devant la menace de la taxe qu'il instituait, les entreprises ont en effet accepté de conclure un accord avec le Gouvernement qui est ainsi assuré de " récupérer ", par la voie conventionnelle plutôt que par une taxation, le montant des économies qu'il voulait obtenir de l'industrie.

Pourquoi donc s'obstiner à définir de belles usines à gaz comptables (la description de la taxe de l'article 25 nécessite...5 pages du projet de loi) alors que le Gouvernement pourrait parvenir au résultat escompté en confiant au Comité économique du médicament le soin de négocier de bonnes conventions avec les laboratoires ? Votre commission ne le comprend pas et espère que l'Assemblée nationale acceptera, en commission mixte paritaire, de modifier sa position.

III. HÔPITAL : SILENCE ! LE PROJET DE LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE EST MUET SUR L'HÔPITAL PUBLIC, QUI CONSTITUE POURTANT L'ENJEU PRINCIPAL POUR L'AVENIR DU SYSTÈME DE SANTÉ ET DE L'ASSURANCE MALADIE

Le présent projet de loi est muet sur l'hôpital public.

Ce silence pourrait être compris comme un hommage à la perfection des dispositions de l'ordonnance du 24 avril 1996 portant réforme de l'hospitalisation publique et privée.

Il reflète malheureusement l'absence de politique hospitalière du Gouvernement et son souci, malgré l'urgence des enjeux, de mettre l'accent sur la réflexion prospective.

Mme Martine Aubry, ministre de l'emploi et de la solidarité, n'a d'ailleurs évoqué l'hôpital, dans son discours de présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le mardi 27 octobre, que pour souligner l'importance de ce " travail prospectif ".

Elle a affirmé que ce travail n'avait toutefois pas entraîné de " pause dans la recomposition de notre tissu hospitalier ", puisque la réduction des capacités excédentaires en médecine, chirurgie et obstétrique s'est poursuivie, avec 2.900 lits supprimés.

Compte tenu de l'excédent estimé de l'offre hospitalière (31.000 lits, soit 13 % de l'offre totale), il faudra cependant attendre longtemps avant qu'il soit résorbé si le rythme actuel est conservé : l'excédent augmente chaque année avec le progrès technique, et il ne sera, à ce rythme, pas supprimé dans 10 ans !

Votre commission estime, comme le conseil d'administration de la CNAMTS (avis sur l'avant-projet de loi de financement de la sécurité sociale, 29 septembre 1998) que l'ONDAM 1999 de 2,6 % " n'a de justification que si les marges qui en découlent sont orientées prioritairement vers la restructuration de l'offre de soins ambulatoire et hospitalière, afin de mieux répondre aux besoins de la population ".

Or, telle n'est malheureusement pas l'orientation retenue par le présent projet de loi.

A. MALGRÉ L'URGENCE DES ENJEUX, LE GOUVERNEMENT " FAIT DE LA PROSPECTIVE "

L'immobilisme du Gouvernement en matière hospitalière s'était traduit, dès l'an dernier, par la décision d'engager la révision des schémas régionaux d'organisation sanitaire (SROS), qui repoussait d'un an et demi les échéances de la nécessaire adaptation de l'offre de soins hospitaliers

Il n'est pas démenti cette année, le Gouvernement n'ayant décidé que de mettre en place des groupes de travail et s'étant abstenu de prendre les mesures qui s'imposent sur des dossiers, tels que celui des praticiens hospitaliers, pour lesquels la réflexion a déjà été menée.

Il se traduit aussi par les retards dans la mise en oeuvre des outils institués par les ordonnances et qui auraient pour ambition d'accélérer la recomposition de l'hôpital public.

1. Un an et demi après son entrée en fonctions, le Gouvernement... met en place des groupes de travail sur l'hôpital

En matière hospitalière, la préoccupation du Gouvernement semble être celle de retarder, toujours, les échéances.

Après la décision de révision des SROS, il compte en effet mettre en place des groupes de travail sur l'hôpital, afin de conduire une " réflexion et une concertation sur les principales évolutions dans le secteur hospitalier public et privé ".

Placés sous la coordination de M. Alain Bacquet, quatre groupes de travail vont ainsi être mis en place :

* Groupe 1 : Les réseaux de soins et les relations entre l'hôpital et la médecine de ville ". Placé sous la présidence de M. le Pr. François de Paillerets, Président de la Conférence nationale de santé, il aura pour objectif :

- de développer une démarche de réseaux de soins hospitaliers, afin de mettre le patient au centre du système de soins ;

- d'optimiser les moyens pour garantir une qualité, une continuité et une sécurité des soins alliant prise en charge globale et soins de proximité ;

- de prendre en compte l'évolution des techniques médicales et de communication (traitements ambulatoires, télémédecine...) ;

- de développer une culture partagée entre les établissements et les professionnels de santé hospitaliers et libéraux par des actions de coopération et de complémentarité.

* Groupe 2 : " La modernisation du fonctionnement interne de l'hôpital ". Placé sous la présidence de M. Jean-Paul Darnis, il aura pour objectif :

- d'améliorer le processus décisionnel par l'élaboration participative du projet d'établissement en favorisant la dynamique collective (sic...) ;

- d'améliorer le dialogue social ;

- de repenser l'organisation du travail ;

- de gérer les risques de manière coordonnée au sein de l'hôpital et de simplifier les relations entre l'administration, les personnels médicaux et hospitaliers.

* Groupe 3 : "  Evolution et perspective d'évolution de l'offre hospitalière privée et propositions permettant d'accroître la coopération public/privé ". Placé sous la présidence de M. Michel Durafour, il aura pour objectif :

- de mieux définir le rôle et la place du secteur public et privé dans le système de santé, en alliant les critères de sécurité de qualité, d'efficience, de proximité et de coût pour bien répondre aux besoins de santé publique et en créant les conditions nécessaires à une optimisation des coopérations inter-hospitalières publiques et privées ;

- d'élaborer une charge de coopération hospitalière fixant les droits et les obligations réciproques des partenaires publics et privés.

* Groupe 4 : " Améliorer l'évaluation de l'activité hospitalière pour affecter de manière plus équitable les ressources ". Placé sous la présidence de M. Dominique Noiré, il aura pour objectif :

- de faire en sorte que l'évaluation soit un outil d'aide à la décision de répartition équitable des ressources pour bien prendre en compte les besoins de la population et mieux valoriser certaines activités (soins palliatifs, par exemple) ;

- de définir le rôle et les missions des différents établissements de santé publics et privés :

- de préciser la place des outils de connaissance ou des informations existant dans le processus d'allocation des ressources (SROS, contrats d'objectifs et de moyens, PMSI...).

C'est ainsi l'ensemble de la politique hospitalière qui est posé comme objet de réflexion.

Votre commission, bien entendu, est favorable à tout travail de réflexion et de concertation. Elle ne peut toutefois l'encourager quand il constitue un prétexte à l'inaction ou quand ses résultats ne sont pas, ensuite, utilisés.


L'exemple du dossier des praticiens hospitaliers montre malheureusement que, même lorsque la réflexion a eu lieu, le Gouvernement ne semble pas décidé à agir.

2. Il ne met pas à profit les résultats des études qu'il a lui-même demandées : ainsi, le dossier des praticiens hospitaliers n'a fait l'objet d'aucune décision malgré une réflexion préalable de qualité

Les difficultés rencontrées par certains hôpitaux à recruter des médecins spécialistes ont conduit les pouvoirs publics à engager une réflexion et une concertation approfondies. Ainsi, le rapport Nicolas a formulé plusieurs propositions en partant d'une analyse de quatre spécialités (obstétrique, anesthésie, psychiatrie, radiologie) pour lesquelles ces difficultés sont les plus graves. Faute de décisions rapides, il est à craindre que les restructurations hospitalières se fassent, spontanément, par la pénurie de médecins spécialistes dans certains hôpitaux qui va de pair avec une situation pouvant être qualifiée d'excédentaire dans d'autres établissements.

Or, les restructurations doivent être décidées en fonction de l'analyse des besoins de la population. Il serait regrettable que des inadaptations de nature réglementaire concernant les praticiens hospitaliers se substituent à une telle analyse.

Malgré les propositions faites, voici un an, par le rapport Nicolas, aucune décision n'a été prise par le Gouvernement.

Depuis 1997, seuls deux décrets sont intervenus :

- le décret n° 97-623 du 31 mai 1997 a modifié le statut des praticiens hospitaliers pour prendre en compte les dispositions de l'ordonnance du 24 avril 1996 relatives à l'obligation de formation continue ; il a également procédé à l'aménagement des règles concernant la mutation des praticiens hospitaliers dont l'emploi a été transformé ou transféré dans le cadre d'une opération de restructuration ou de coopération ;

- le décret n° 97-1175 du 23 décembre 1997, instaurant un congé de fin d'exercice et un mécanisme de cessation progressive d'activité.

Ces mesures ne peuvent être considérées comme une réponse au problème posé. Les récents mouvements engagés par les urgentistes et les anesthésistes viennent, si besoin était, le rappeler.

Votre commission en vient presque à regretter que la Fédération hospitalière de France ne soit pas investie du pouvoir réglementaire...

Elle vient en effet d'élaborer un document comportant de très intéressantes propositions qui devraient être prises en compte.

Elle propose ainsi :

- d'étudier l'institution d'un engagement de servir, comparable à ce qui se pratique dans la haute fonction publique (prise en charge d'une partie des études en contrepartie d'un engagement de dix ans, par exemple) ;

- de procéder à une revalorisation statutaire des praticiens hospitaliers et de reconnaître des sujétions ou activités particulières (présidence de CME ou de commissions diverses, chefferie de service, enseignement) ;

- une reconnaissance prudente des sujétions particulières liées aux postes, la responsabilité de l'attribution de compensations étant laissée aux conseils d'administration des établissements de santé (compensations attribuées pour les disciplines comportant systématiquement des gardes ou un risque médico-légal supérieur à d'autres prises en compte de l'âge pour limiter certaines sujétions telles que les gardes) ;

- des avantages divers accordés aux femmes, tels que la retraite anticipée ;

- une couverture de la responsabilité pénale et civile des praticiens hospitaliers, avec la prise en charge de l'assurance par l'établissement ;

- une révision des procédures de nomination des praticiens hospitaliers dans le sens d'une plus grande rapidité;

- une plus grande attractivité de la collaboration des médecins libéraux au fonctionnement de l'hôpital, avec une révision du statut d'attaché ;

- le règlement de la question des médecins à diplômes étrangers.

La Fédération hospitalière de France précise, dans ce document, que " les mesures qui devront être prises pour rendre plus attractifs les postes médicaux là où les besoins sont réels impliqueront, pour les financer, une politique rigoureuse de suppression des activités et services inutiles ou redondants ".

Votre commission ne peut qu'encourager le Gouvernement a s'inspirer dans les plus brefs délais, de l'ensemble de ces propositions.

3. Les instruments créés par l'ordonnance du 24 avril 1996 ne sont utilisés qu'avec retard

Si le Gouvernement semble avoir renoncé, cette année, à des déclarations de nature à rendre inconfortable la position des directeurs d'agences régionales de l'hospitalisation, ces derniers demeurent toujours demandeurs de recommandations nationales de nature à harmoniser la politique qu'ils mettent en oeuvre sur l'ensemble du territoire.

En outre, compte tenu, de la décision de réviser les SROS, la contractualisation des établissements de santé avec les agences régionales, qui constitue un des instruments majeurs mis en place par l'ordonnance du 24 avril 1996, n'a pu être prioritaire. Selon le ministère, 17 contrats seulement auraient été signés et 38 sont actuellement en négociation.

L'accréditation est aussi en retard, et le calendrier prévu par l'ordonnance, certes ambitieux, ne pourra probablement pas être tenu.

Aux termes de l'article L. 710-5 du code de la santé publique qu'elle a institué, tous les établissements de santé devraient être engagés dans la procédure d'accréditation avant le 24 avril 2001.

Mais les retards pris pour l'installation de l'ANAES et le temps qu'elle a dû consacrer au règlement de questions purement administratives se répercutent aujourd'hui sur ses activités : ce n'est qu'à la fin de l'année que 40 hôpitaux et cliniques " expérimentateurs " entreront dans la procédure d'accréditation et testeront, en quelque sorte, le manuel d'accréditation publié à la rentrée par l'ANAES.

Votre rapporteur tient à rappeler, à cet égard, qu'il est favorable à l'accréditation, non seulement des établissements de santé, mais aussi des services qui les composent.

B. IL NE DONNE PAS L'IMPULSION NÉCESSAIRE À L'ADAPTATION DE L'HÔPITAL PUBLIC AUX BESOINS DE LA POPULATION

Les dispositions de l'ordonnance du 24 avril 1996 ne sauraient être comprises comme devant entraîner l'inaction des pouvoirs publics au niveau national : non seulement, en effet, l'hôpital a un statut public qui implique des décisions nationales, mais le Gouvernement devrait jouer un rôle majeur pour donner aux établissements l'impulsion, notamment budgétaire, à leur adaptation aux besoins de la population.

Trois exemples montrent que le Gouvernement ne remplit pas cette mission :

- il semble avoir " oublié " pendant plusieurs mois de publier les décrets relatifs au Fonds d'accompagnement social pour la modernisation des hôpitaux institué par la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 ;

- dans le projet de loi de finances pour 1999, il réduit, au lieu de les augmenter, les crédits du fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux ;

- l'objectif de dépenses hospitalières pour 1999 semble davantage configuré pour financer des mesures en faveur de la fonction publique que pour encourager à l'adaptation du tissu hospitalier.

1. Le Gouvernement semble avoir oublié pendant plusieurs mois de publier les décrets relatifs au fonds d'accompagnement social pour la modernisation des hôpitaux

L'article 25 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 a institué, pour une durée de cinq ans, un fonds d'accompagnement social pour la modernisation des établissements de santé (FASMO), géré par la Caisse des dépôts et consignations.

Ce fonds doit financer, par la prise en charge d'aides destinées à favoriser la mobilité et l'adaptation des personnels, l'accompagnement social des opérations de modernisation des établissements publics de santé.

L'article 25 de la loi prévoyait que les ressources du fonds seraient constituées par une contribution des régimes obligatoires d'assurance maladie, et que seraient éligibles aux aides du fonds les opérations agréées par le directeur de l'agence régionale d'hospitalisation compétent.

Lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1998, votre commission avait adhéré à la démarche conduisant à l'institution de ce fonds. Elle avait toutefois regretté le faible montant (300 millions de francs) des crédits qui lui seraient alloués.

Un an après l'examen de ce projet de loi par le Sénat, cependant, aucun crédit n'a pu être engagé, aucune aide financée ; les décrets et arrêtés nécessaires à la mise en place du fonds (décret en Conseil d'état relatif à l'organisation et au fonctionnement du fonds, décret relatif aux missions du fonds, décret instituant une indemnité de départ volontaire, arrêté fixant le montant de l'indemnité de départ volontaire) n'ont en effet pas été publiés !

Tout se passe comme si, en préparant le projet de loi de financement pour 1999, le Gouvernement s'était souvenu de la création de ce fonds : les projets de textes réglementaires correspondants n'ont ainsi été examinés par le conseil supérieur de la fonction publique hospitalière que le 27 juillet dernier. Seul, un décret relatif au financement du fonds vient d'être publié le 27 octobre : sa disposition essentielle prévoit, à titre dérogatoire, le versement des contributions des régimes au plus tard le ... 31 décembre 1998.

Pour 1999, votre commission renouvelle la critique formulée l'an dernier : les 300 nouveaux millions de francs prévus pour l'année prochaine sont insuffisants au regard de l'ampleur des enjeux de modernisation de l'hôpital public.

Elle vous proposera donc d'augmenter, à coût constant pour l'assurance maladie, les dotations du FASMO pour 1999.

2. Au lieu d'augmenter les dotations du fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux, le Gouvernement veut les réduire en 1999.

Parallèlement à la création, par la loi de financement pour 1998, du FASMO, le Gouvernement a souhaité mettre en place, en loi de finances, un fonds d'investissement pour la modernisation des hôpitaux (FIMHO), doté de 500 millions de francs en autorisations de programmes et de 150 millions de francs en crédits de paiement (imputés sur le chapitre 66-12 nouveau du budget de l'Etat).

Votre commission avait émis, à l'égard de la création de ce fonds, un jugement identique à celui concernant le FASMO : très favorable sur le principe mais réservé quant à l'ampleur des crédits inscrits.

Sur le principe, la création de ce fonds vient compenser, en effet, la décroissance continue des subventions de l'Etat à l'investissement hospitalier au profit des seules opérations de restructurations.

Article 66-1 du budget de l'Etat

(en millions de francs)

 

1993

1994

1995

1996

1997

1998
(prév.)

1999
(prév.)

AP

475,1

319,6

481

334,5

43,2

49,2

62,8

CP

485,7

407,1

475,7

344,6

251,7

132,7

108,5

Comptes de recettes d'investissements des hôpitaux publics (1996)

(en milliards de francs)

Subventions, participations

1,565

6,04 %

Emprunts et dettes assimilées

7,131

27,5 %

Autres recettes (affectations de résultats, cessions...)

3,631

14,01 %

Autofinancement brut

13,596

52,45 %

TOTAL

25,923

100 %

Cependant, votre commission avait regretté que le fonds ne soit pas doté de crédits plus importants.

48 dossiers ont été déclarés éligibles au titre du FIMHO en 1998. Ils se répartissent comme suit :

- 8 opérations de complémentarité entre établissements de santé publics et privés représentant 112 millions de francs, soit 22 % de l'enveloppe de 500 millions de francs ;

- 7 opérations de regroupement d'établissements de santé privés à but non lucratif représentant 130 millions de francs, soit 26 % de l'enveloppe ;

- 10 opérations de fusion ou de complémentarité entre hôpitaux publics représentant 72 millions de francs, soit 14,50 % de l'enveloppe ;

- 12 opérations d'amélioration des établissements de santé mentale représentant 50 millions de francs, soit 10 % de l'enveloppe ;

- 9 opérations de restructuration interne aux établissements publics représentant 135 millions de francs, soit 26 % de l'enveloppe.

Ayant regretté la modestie des 500 millions de francs ouverts en 1998, votre commission déplore que le Fonds ne soit doté, en 1999, que de 250 millions de francs supplémentaires en autorisations de programme.

3. L'objectif de dépenses hospitalières pour 1999 : des marges qui semblent plus destinées à financer des mesures salariales qu'à adapter l'hôpital

Les propositions gouvernementales de répartition de l'ONDAM 1999 (+ 2,6 %), présentées le 20 octobre pour avis, à la CNAMTS fixent à 2,5 % le taux d'évolution des dépenses hospitalières l'an prochain. Compte tenu de la progression du nombre de malades remboursés à 100 % par l'assurance maladie, ce taux devrait correspondre à une progression réelle de 2,39 % des budgets hospitaliers.

Il devrait en fait permettre le financement de l'accord salarial dans la fonction publique et, peut-être aussi, l'application des 35 heures à l'hôpital public, pourtant non prévue par la loi.

Votre rapporteur a interrogé le Gouvernement sur ce point : la réponse fournie ne donne pas beaucoup de précisions, ni sur le calendrier, ni sur le coût d'une telle mesure :

" Le relevé de conclusions sur le dispositif salarial applicable dans la fonction publique jusqu'au 31 décembre 1999, signé le 10 février 1988 avec cinq organisations syndicales représentatives des fonctionnaires, indique que la situation des trois fonctions publiques (de l'Etat, territoriale et hospitalière) au regard du temps de travail, présente des spécificités, en raison notamment de la grande diversité de la réglementation et des pratiques ainsi que des contraintes du service public. Il précise que la réflexion qui s'engagera sur la durée du travail dans les administrations devra tenir compte de ces particularités et de l'exigence de qualité des services rendus aux usagers.

" Il convient donc, pour pouvoir mesurer les conséquences, dans chacune des trois fonctions publiques, de la perspective d'une durée hebdomadaire du travail de 35 heures, de réaliser tout d'abord un état des lieux exhaustif de la réglementation et des pratiques au regard du temps de travail effectif.

" Le Gouvernement a confié cette mission à M. Jacques Roche, ancien membre de la Cour des comptes. Pour ce qui concerne la fonction publique hospitalière, un inspecteur général de l'inspection générale des affaires sociales a été chargé de procéder, sur le terrain, aux investigations nécessaires.

" Parallèlement, la direction des hôpitaux au ministère de l'emploi et de la solidarité a pris l'initiative de constituer un groupe de travail sur le thème " organisation et aménagement du temps de travail " ; il convient en effet d'organiser une discussion d'ensemble suffisamment approfondie pour aboutir à un cadre juridique rigoureux s'imposant à tous, même s'il doit laisser des marges de manoeuvre au plan local, et tenir compte des spécificités et des contraintes propres au service public hospitalier, lequel doit fonctionner 24 heures sur 24, dans des conditions d'efficacité et de sécurité irréprochables.
".

Le taux d'évolution des dépenses de l'hospitalisation publique permettra donc une reconduction des moyens globale au niveau national, sans donner d'incitation particulière aux établissements pour accélérer leur adaptation.

Votre commission estime qu'il eût été préférable de prévoir une progression inférieure des dépenses hospitalières encadrées, et de doter parallèlement le FASMO et le FIMHO de crédits bien plus élevés que ne le prévoit le Gouvernement.

Les opérations de restructuration, en effet, coûtent cher, tant en investissements qu'en mesures en faveur des personnels : pourquoi, dans ces conditions, les négliger en assurant, d'année en année, la quasi-reconduction des moyens ?

C'est pourquoi votre commission vous proposera de diminuer d'un milliard de francs le montant de l'ONDAM 1999 fixé par le projet de loi, et de consacrer cette somme à l'abondement supplémentaire du FASMO, seulement attributaire en 1999 de 300 millions de francs hors ONDAM selon les annonces gouvernementales.

*

* *

Sous réserve des amendements qu'elle propose dans le tome IV du présent rapport, votre commission vous demande d'adopter le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 pour ses dispositions relatives aux équilibres financiers généraux et à l'assurance maladie.

ANNEXE
-
ASSURANCE MALADIE
LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
PAR LE RAPPORTEUR

Auditions du mercredi 30 septembre 1998

- M. Jean GRAS, Président de la Fédération des médecins de France et MM. Jean-François BAUDRY, Bernard POMMEY et Bernard BIGNOT

- M. Philippe SOPENA, Président de MG-France

- M. Dinorino CABRERA, Président du Syndicat des médecins libéraux (SML)

- M. Gilles JOHANET, Directeur de la CNAM

- M. Claude MAFFIOLI, Président de la Confédération des syndicats des médecins de France (CSMF)

- M. Alain COULOMB, Délégué général de l'Union hospitalière privée (UHP)

- M. Patrice BARBEROUSSE, Président du syndicat national des cadres hospitaliers (SNCH), MM. Emmanuel GODDAT, Délégué national, Jean-Rémy BITAUD, Secrétaire national du SNCH

- M. Louis SERFATY, Président de la Fédération française intersyndicale des établissements d'hospitalisation privée (FIEHP)

Auditions du mercredi 7 octobre 1998

- M. Jean-François BÉNARD, Président du Comité économique du médicament

- M. Claude-François DEGOS, Président du Syndicat national des médecins, chirurgiens, spécialistes et biologistes des hôpitaux publics (SNAM-HP) et M. Etienne WEIL

- M. Gérard VINCENT, Délégué général de la Fédération hospitalière de France

- M. Daniel LAURENT, Conseiller scientifique de M. Claude BEBEAR-AXA

- M. Bernard CAPDEVILLE, Président de la Fédération des syndicats pharmaceutiques de France

- M. François DELAFOSSE, Président et M. Georges RIFFARD, Directeur général, de la Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés (FEHAP)

- M. François AUBART, Président de la Coordination médicale hospitalière, Mme de BEAUREPERE, M. Nicolas SIMON

Auditions du mardi 13 octobre 1998

- M. Dominique COUDREAU, Directeur de l'Agence régionale de l'hospitalisation d'Ile-de-France

- M. Bernard WINISDOERFFER, Président de l'Union collégiale des chirurgiens et spécialistes français (UCCSF) et MM. Christian DUMONTIER, Bernard MALHERBE et Raymond GATELMAND

- M. Jacques REIGNAULT, Président de la Confédération nationale des syndicats dentaires (CNSD)

- M. Yves MATILLON, Directeur de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (ANAES)

- M. Francis PEIGNE, Président de l'Intersyndicale nationale des praticiens hospitaliers

Auditions du mercredi 14 octobre 1998

- M. Guy VERGNE, Directeur général du CHU de Montpellier, Président de la Conférence des directeurs généraux de CHU

- M. Alexis DUSSOL, Président de la Conférence nationale des directeurs de centres hospitaliers non universitaires, MM. Jean-Pierre MARIANI et Bernard GRANDJEAN

- M. Jean-Pierre DAVANT, Président de la Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF)

- M. Jacques ROLAND, Président de la Conférence des doyens des facultés de médecine et des présidents des universités médecins

- M. Stanislas JOHANET, rédacteur en chef de la Lettre des décideurs hospitaliers

- MM. Gilles BRUCKER et Etienne CANIARD, Secrétaires du Comité d'orientation des Etats Généraux de la Santé

Auditions du jeudi 22 octobre 1998

- M. Jean-François MAZOYER, Président de la Fédération nationale des médecins, des radiologues (FNMR)

- M. François MAIGNIEN, Président de la Fédération française des masseurs-kinésithérapeutes rééducateurs

- M. Patrick BREZAC, Président de la Confédération nationale des Unions régionales de médecins libéraux

- M. Pierre BERAS, Président de l'Union nationale des pharmacies de France

- M. Bernard MESURE, Président, et M. Bernard LEMOINE, Directeur général, du Syndicat national de l'industrie pharmaceutique (SNIP)

Auditions du mercredi 28 octobre 1998

- M. Edouard COUTY, Directeur des hôpitaux

- M. Bernard DELAS, Directeur général de GROUPAMA, M. Philippe ESPINASSE, Directeur général de GROUPAMA assurances France, Mme Nadine FILICOTEAUX, Directeur du marché des particuliers et M. Jean-Paul LABORDE, attaché parlementaire

Audition du mardi 3 novembre 1998

- M. Olivier JOYEUX, Président de la Conférence des commissions médicales d'établissements des centres hospitaliers généraux



1 Selon l'expression de M. Philippe Nasse, secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale, lors de son audition par la commission des affaires sociales le 24 juin 1998.

2 Rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 1998, p. 208.

3 Selon l'expression de votre commission des Affaires sociales (communiqué de presse du 12 juin 1998).

4 Comme l'explique la Cour des comptes dans son Rapport 1996, p. 16.

5 Rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 1998, p. 6.

6 Rapport 1997 de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, p. 12.

7 Dans le cadre des réponses adressées par le Ministère de l'Emploi et de la Solidarité au questionnaire établi en application de l'article 2 de la loi n°96-1160 du 27 décembre 1996.

8 Rapport 1997 de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, p. 43-45.

9 Principalement la page 28 et la page 96 de l'annexe C.

10 Rapport 1997 de la Cour des comptes sur la sécurité sociale, p. 38.

11 Sur la question du BAPSA, se reporter au f) ci-après.

12 Annoncée par M. Dominique Strauss-Kahn lors de son audition par la commission des Finances du Sénat le 9 septembre 1998.

13 Débats Sénat, séance du 25 juin 1998, p. 3505.

14 Il est à noter que Force Ouvrière a repris l'idée d'un débat d'orientation dans ses quarante propositions sur la sécurité sociale annoncées le 15 septembre 1998.

15 Débats Sénat, séance du 25 juin 1998, p. 3540.

16 Cour des comptes, rapport sur la sécurité sociale de septembre 1997, p. 51.

17 Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 1998, p. 12 à 16.

18 Dénommé groupe Delaporte, puis groupe Déniel, du nom de son animateur.

19 Ce colloque, organisé par Espace Social Européen et la Commission des Affaires sociales du Sénat s'est tenu le 15 mai 1997 et avait pour titre : " Modernisation du financement et de la comptabilité de la sécurité sociale : Enjeux techniques ou enjeu politique ? " (Espace Social Européen, Documents et synthèses, n°26).

20 p. 56 à 61.

21 Rapport de MM. Bonnet et Nasse, Regards sur l'actualité n° 233, La Documentation française, juillet 1997, p. 35.

22 Rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale, mai 1998, p. 7.

23 Comme l'explique le rapport 1996 de la Cour des comptes sur la sécurité sociale.

24 En raison de " nombreux problèmes techniques, notamment dans le cas des agents non titulaires de l'Etat ", Rapport de la Cour des comptes sur l'exécution des lois de finances pour l'année 1996, juillet 1997, p. 325.

25 Audition du 1 er octobre 1997 de M. Pierre Joxe, Premier président de la Cour des comptes et Mme Marie-Anne Boutin, rapporteur général par la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale (Rapport n°385 1997-1998, p. 65).

26 Hors les 3,5 milliards de francs au titre de la réduction du temps de travail prévus par le projet de loi de finances.

27 Rapport 1997 de la Cour des comptes, p. 75.

28 Selon la réponse du ministre de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, Rapport 1997 de la Cour des comptes, p. 411.

29 Arrêté du 26 août 1998, paru au Journal Officiel du 8 septembre 1998, p. 13689.

30 Journal Officiel du 28 août 1998, p. 13216.

31 Rapport de la Cour des comptes sur l'exécution des lois de finances 1997, juillet 1997, p. 331.

32 Source : Commission des comptes de la sécurité sociale et annexes du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999
.

33 Question écrite de M. Michel Charasse du 25 septembre 1997, réponse publiée au Journal Officiel Questions Sénat, 16 avril 1998, p. 1248.

34 Journal Officiel du 30 décembre 1997, p. 19204.

35 Bulletin officiel des services du Premier ministre, n° 98-1 du 10 avril 1998, p. 11.

36 Selon les termes de la réponse apportée à la question du 5 mars 1998 de M. Alain Vasselle, publiée dans le Journal Officiel Questions Sénat du 23 avril 1998, p. 1329.

37 Pour les salariés, la CSG porte sur 95 % de l'assiette salariale.

38 Question du 8 juin 1998 de M. Alain Néri, parue au Journal Officiel du 31 août 1998, p. 4810 et 4811.

39 Question du 6 juillet 1998 de M. Jean Rigaud, parue au Journal Officiel du 31 août 1998, p. 4813.

40 Ces droits sont prévus à l'article 403 du code général des impôts, d'où l'expression " droits 403 ". Ce sont les articles 18 et 28 de la loi n°96-1160 du 27 décembre 1996 de financement de la sécurité sociale pour 1997 qui ont fixé la répartition de ces droits.

41 Rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, p. 39.

42 La loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 a déclassé la CANAM de l'affectation prioritaire, qui est désormais réservée à la seule CNAMTS.

43 Rapport 1998 sur la sécurité sociale, p. 80.

44 Cet " effet croissance  " semble décelable pour les droits sur les tabacs et l'harmonisation de l'assiette du " prélèvement social ", affecté à la CNAF et à la CNAVTS, sur l'assiette de la CSG.

45 Discours de Mme Martine Aubry le mardi 22 septembre 1998 devant la Commission des comptes de la sécurité sociale, p. 1.

46 Annexe C, p. 9.

47 Voir la partie du tome consacré à l'assurance maladie.

48 Les échanges avec la Russie représentent aux alentours de 1 % du commerce extérieur français.


49 Il s'agit ici de la masse salariale du secteur privé (entreprises non financières non agricoles hors grandes entreprises nationales, hors mesures jeunes)

50 Déclarations parues dans la revue américaine Leaders , volume 21, n°3.

51 Rapport économique, social et financier, p. 119.

52 Voir le Rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 1998 (tome I), p. 133.

53 INSEE Informations rapides, 25 octobre 1998.

54 Le dollar était à 5,60 francs le 11 septembre 1998, alors que la prévision du Gouvernement -rendue deux jours auparavant- le situe à 6,00 francs.

55 Cité par La Tribune du 10 septembre 1998.

56 Eric Chaney, Morgan Stanley, cité par La Tribune du 8 octobre 1998.

57 Selon le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale de juin 1996.

58 Lors de son audition par votre commission des finances, bulletin des commissions, session ordinaire 1997-1998, n° 2 , p. 143.

59 Voir la partie de ce tome relative à l'assurance maladie.

60 Pour un détail de ces mesures, voir le rapport de M. Alain Vasselle, rapporteur pour l'assurance vieillesse (tome III).

61 Pour un détail de ces mesures, voir le rapport de M. Jacques Machet, rapporteur pour la famille (tome II).

62
p. 27 .

63 Une nouvelle complication, après la majoration en cours d'année de l'ARS, dans l'intelligibilité des comparaisons entre exercices.

64 Annexe D du projet de loi, p. 10.

65 Le régime général ne représente qu'environ 45 % des prestations vieillesse (CNAVTS), contre plus de 80 % pour les prestations maladie (CNAMTS) et 100 % des prestations famille (CNAF).

66 Exposé des motifs du projet de loi n° 512 AN (11 ème législature) - 10 décembre 1997.

67 Etude d'impact jointe au projet de loi n° 512 AN.

68 Rapport n° 306 (1997-1998), p. 112-115.

69 La Tribune, 16 octobre 1998.

70 Rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 1998, tome I, p. 133.

71 JO Débats Assemblée nationale, 2ème séance du 30 octobre 1998, p. 7766.

72 Rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale, p. 29.

73 Erreur matérielle ou volonté de réécrire l'histoire ? Il faut lire " 1997 ", l'Assemblée nationale a heureusement corrigé cette " coquille ", en supprimant toute référence historique.

74 Cf. " Réformer l'assiette des cotisations patronales : un débat ancien toujours d'actualité " d'Alain Gubian - (Travail et Emploi ; DARES n°72, 3/97).

75 Statistiques des recettes publiques 1965-1997, OCDE 26 août 1998.

76 Comment mesurer l'effort social de l'Etat - L'observateur de l'OCDE n° 211, avril-mai 1998.

77 Conseil d'analyse économique, 1998, n°4.

78 Rapport Malinvaud, p. 14.

79 Rapport Malinvaud, p. 24.

80 Rapport n°500, 1997-1998.

81 Aucun document écrit n'a été remis aux partenaires sociaux.

82 Rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 1998, p. 15.

83 Sociétés par actions simplifiées, sociétés en nom collectif, groupements d'intérêt économique, groupements européens d'intérêt économique, certaines institutions financières, certaines entreprises publiques, coopératives.

84 Sur toutes ces questions, se reporter au rapport de M. Alain Vasselle, rapporteur pour la branche vieillesse.

85 Cette mission a été effectuée par Mme Hespel et M. Thierry, d'où le nom de rapport " Hespel-Thierry ".

86 JO Débats, AN, 20 mai 1998, p. 4148.

87 Rapport sur la sécurité sociale, p. 152.

88 Proposition de loi n 540 (1997-98).

89 Bulletin des commissions de l'Assemblée nationale 1998 - n°22, p. 2754.

90 Cette proposition semble avoir été envisagée par le ministère de l'Economie et des Finances. Elle a été reprise par Force Ouvrière.

91 Les médicaments antirétroviraux sont à exclure du champ de l'objectif et doivent faire l'objet d'un suivi spécifique.



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