Section 7
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Mesures relatives à la trésorerie


Art. 34
Ratification du relèvement du plafond des ressources non permanentes applicables au régime général

Objet : Cet article autorise la ratification du décret du 26 août 1998, ayant porté de 20 à 31 milliards de francs le plafond d'avances de trésorerie du régime général.

I - Le dispositif proposé


La loi organique du 22 juillet 1996 a défini, dans le contenu " obligatoire " des lois de financement, la fixation du montant des plafonds d'avances de trésorerie aux régimes de base de plus de vingt mille cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres ou aux organismes ayant pour mission de concourir à leur financement (5° du I de l'article L.O. 111-3). L'article L.O. 111-5 prévoit qu'en " cas d'urgence, les limites de ces plafonds peuvent être relevées par décret pris en conseil des ministres après avis du Conseil d'Etat. La ratification de ces décrets est demandée au Parlement dans le plus prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale ".

L'article 32 de la loi de financement pour 1998 avait fixé le plafond d'avances de trésorerie du régime général à 20 milliards de francs. Ce plafond étant apparu insuffisant, le décret n°98-753 du 26 août 1998 l'a relevé de 20 à 31 milliards de francs.

Le présent article tend à ratifier, conformément à l'article L.O. 111-5 du code de la sécurité sociale, le décret pris par le Gouvernement le 26 août 1998.

II - La position de votre commission

Votre rapporteur tient tout d'abord à souligner qu'il n'existe aucune obligation juridique, pour le Parlement, de ratifier un décret pris en vertu de l'article L.O. 111-5 du code de la sécurité sociale. Il s'agit d'une " demande " adressée au Parlement, qui est ainsi libre de contester les conditions d'application par le Gouvernement de l'article L.O. 111-5 du code de la sécurité sociale.

Il émet en outre une réserve quant au caractère d'urgence de ce décret et son intervention au mois d'août : le point de trésorerie le plus bas de l'année n'était prévu que le 12 octobre 1998.

Enfin, le relèvement par décret du plafond des avances de trésorerie au régime général, pour la deuxième année consécutive, pose le problème des charges de trésorerie que doit supporter la sécurité sociale au bénéfice de l'Etat 22( * ) .

Trois raisons sont avancées par le Gouvernement, dans le rapport adressé au Parlement en vertu de l'article 8 de la loi de financement pour 1997, pour justifier le relèvement du plafond :

- la majoration de l'allocation rentrée scolaire ;

- le dérapage des dépenses d'assurance maladie ;

- les effets de trésorerie de la CSG sur patrimoine et sur placements, ainsi que de la contribution unique de 2 % répartie entre la CNAF et la CNAVTS.

Le dérapage des dépenses d'assurance maladie est de la responsabilité du Gouvernement : il s'explique par ses atermoiements à définir une politique en matière d'assurance maladie.

Les effets de trésorerie de la CSG sur les revenus du patrimoine et sur les revenus de placement avaient été signalés par votre rapporteur lors du débat du projet de loi de financement pour 1998. Le Gouvernement n'en a pas tenu compte ; il n'a pas révisé la convention de 1994. Des engagements peu contraignants ont été pris, dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion liant l'Etat et l'ACOSS entre 1998 et 2001.

La majoration de l'allocation rentrée scolaire (6,3 milliards de francs) constitue une prestation versée par la sécurité sociale pour le compte de l'Etat. Elle ne fait pas partie du champ de la convention de trésorerie signée en 1994 par l'ACOSS et l'Etat.

Elle présente la particularité d'être décidée en cours d'année et n'est remboursée à la sécurité sociale qu'à l'issue du vote des crédits nécessaires, c'est-à-dire de la promulgation de la loi de finances rectificative de fin d'année, c'est-à-dire bien souvent au début de l'année suivante.

Dès lors que le Gouvernement choisit d'opérer " dans l'urgence ", il lui appartient, en application de l'ordonnance organique relative aux lois de finances de prendre un décret d'avance dont il demandera la ratification dans la plus prochaine loi de finances. De telle sorte que les fonds puissent être effectivement mise à la disposition de la sécurité sociale pour le versement de la majoration de l'allocation de rentrée scolaire.

Plutôt que d'adopter cette démarche, le Gouvernement choisit de faire porter l'urgence sur la sécurité sociale en procédant à une majoration de son plafond de recours à l'emprunt et en laissant à sa charge pendant plusieurs mois le financement en trésorerie de cette mesure.

De telle sorte que depuis l'origine, il est vrai récente, des lois de financement, le Gouvernement n'a pas fait d'exception à la pratique consistant à modifier par voie réglementaire l'une des dispositions les plus normatives de cette catégorie de loi : la fixation d'un plafond d'avance de trésorerie.

C'est cette jurisprudence fâcheuse que votre commission souhaite interrompre. Refusant d'être mise pour la deuxième année consécutive devant le fait accompli, votre commission vous propose en conséquence un amendement de suppression de cet article.

Art. 35
Remise à l'équilibre de la trésorerie des différentes branches du régime général dans le cadre de la reprise de dette de ce régime

Objet : Cet article vise à remettre à l'équilibre la trésorerie des différentes branches du régime général en utilisant les encaissements/décaissements en lieu et place des droits constatés.

I - Le dispositif proposé


Le présent article vise à modifier les modalités de remise à l'équilibre de la trésorerie des différentes branches du régime général prévues lors de la reprise de dette par la CADES intervenue par l'article 31 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 : 75 milliards de francs au titre des exercices 1996 et 1997 et 12 milliards de francs de déficit prévisionnel pour 1998.

Le passage à la comptabilité en droits constatés a pour effet de modifier la signification de l'arrêté des comptes du 31 décembre 1997. Pour l'année 1997, les comptes en droits constatés ne sont pas du tout identiques à ceux établis en encaissements/décaissements. L'application de l'article 10 de l'ordonnance n°96-50 du 24 janvier 1996 modifiée aurait pour effet, en raison de l'application des droits constatés, des conséquences en termes de charges financières pour la branche maladie. Cet article s'appuie, en effet, sur les bilans arrêtés au 31 décembre 1997.

Le Gouvernement propose un dispositif permettant de ramener au moins à zéro le besoin de trésorerie de chacune des branches, en s'appuyant sur le solde du compte courant négatif de chaque branche auprès de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale.

II - La position de votre commission

Cet article montre les conséquences financières non négligeables d'une réforme technique. Son adoption permettra néanmoins de respecter la volonté émise par le législateur en 1997 et évitera de pénaliser la branche maladie.

Votre commission vous propose l'adoption sans modification de cet article.

Art. 35 bis
Gestion des excédents de trésorerie

Objet : Cet article, introduit par l'Assemblée nationale sur proposition conjointe de sa commission des affaires culturelles, familiales et sociales et sa commission des finances, tend à concilier le principe de l'unité de trésorerie et de séparation comptable des branches.

A l'initiative conjointe de ses commissions des Finances et des Affaires culturelles, familiales et sociales, l'Assemblée nationale a adopté un article additionnel supprimant la possibilité pour une branche du régime général de placer ses " excédents durables de trésorerie " sur les marchés financiers (paragraphe I) 23( * ) .

Cet article additionnel prend acte d'une remarque de la Cour des comptes dans son rapport 1998.

Votre commission ne serait pas défavorable à cette disposition sous deux conditions.

1°) La première est prévue au paragraphe II : des intérêts créditeurs seraient comptés aux branches excédentaires, qui se trouveraient dans la situation de " prêteuses " par rapport aux branches déficitaires. La séparation comptable des branches serait ainsi conciliée avec le principe d'unité de trésorerie.

2°) La seconde condition n'est pas véritablement assurée par cet article : la garantie que cette modification -ou plutôt cette unification- des règles concernant les excédents de trésorerie n'ait aucune incidence sur l'affectation des excédents comptables des branches.

En clair, il faudrait assurer la possibilité pour une branche de bénéficier, à tout moment, de ses excédents comptables.

Dans l'attente d'explications complémentaires fournies par le Gouvernement, votre commission vous propose l'adoption d'un amendement de suppression de cet article.

Art. 36
Plafonnement des ressources non permanentes

Objet : Cet article fixe les limites dans lesquelles certains régimes obligatoires de base comptait plus de 20.000 cotisants, actifs ou retraités, titulaires de droits propres, pouvant recourir à des ressources non permanentes pour couvrir leurs besoins de trésorerie.

I - Le dispositif proposé


Parmi les " régimes obligatoires de base comptant plus de vingt mille cotisants actifs ou retraités titulaires de droits propres et des organismes ayant pour mission de concourir à leur financement ", le Gouvernement propose de donner des autorisations d'emprunts au régime général, au régime des exploitants agricoles, à la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), à la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines et au Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat.

Ce montant des plafonds d'emprunts est calculé à partir des prévisions de trésorerie figurant à l'annexe C du projet de loi.

Cet article n'a pas été modifié par l'Assemblée nationale.

II - La position de votre commission

Deux régimes, deux caisses, un fonds spécial : la définition des " régimes obligatoires de base " et " des organismes ayant pour mission de concourir à leur financement " apparaît bien extensible. La Cour des comptes relève dans son rapport 1998 l'importance de mieux définir ce qu'est un régime de sécurité sociale, un fonds, une caisse.

En fait, cette disposition est interprétée comme devant concerner tout organisme de sécurité sociale de plus de vingt mille cotisants qui fait l'objet d'une trésorerie autonome.

Plafonds d'avances de trésorerie 1997 - 1999

en milliards de francs

LFSS 1997

LFSS 1998

PLFSS 1999

Régime général

66,0

20,0

24,0

Régime des exploitants agricoles

8,5

8,5

10,5

CNRACL

 

2,5

2,5

Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines

2,3

2,3

2,3

Fonds spécial des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'Etat

0,8

0,5

0,5

Le rapport 1998 de la Cour des comptes consacre un long développement à " l'ambiguïté " et aux " limites " de la notion de plafonds d'avance 24( * ) . L'article de la loi organique de juillet 1996 était un moyen pour le Parlement d'exercer un contrôle sur les comptes du régime général, d'inciter à la maîtrise des dépenses, " l'objectif étant de contenir le déficit qui ne doit pas dépasser a priori celui inscrit dans les comptes du régime général annexés à la loi de financement " 25( * ) .

Pourtant, les besoins de trésorerie des régimes, et principalement du régime général, reflètent de moins en moins le solde des recettes et des dépenses du régime, en raison des charges de trésorerie qui pèsent sur la sécurité sociale, et de la substitution CSG/cotisations maladie.

C'est d'ailleurs pour cette raison que, malgré un équilibre global prévu du régime général en 1999, le plafond des avances de trésorerie est fixé à 24 milliards de francs, alors qu'il était de 20 milliards de francs en 1998, pour un déficit global prévu de 12 milliards de francs. De plus, les branches du régime général avaient commencé l'année 1998 de manière très positive, en raison de la reprise de dette effectuée par la CADES.

L'estimation de 24 milliards de francs ne prend pas en compte la majoration fortement probable de l'allocation de rentrée scolaire. Elle risque d'être insuffisante ; le Gouvernement prendra donc -une nouvelle fois- un décret portant relèvement de ce plafond. Faut-il pour autant que le Parlement relève de lui-même ce plafond ?

Votre commission estime que le Gouvernement doit veiller à la complète neutralité en trésorerie des opérations financières entre l'Etat et la Sécurité Sociale. Elle ne demandera pas, en conséquence, le relèvement de ce plafond, estimant que c'est au Gouvernement de prendre ses responsabilités pour que cette limite fixée par le Parlement reste réellement une limite, et non un chiffre sans signification, modifiable à volonté par un décret en Conseil d'Etat.

Un raisonnement similaire peut être tenu à propos de la CNRACL. L'année dernière, votre rapporteur avait publié des extraits d'une lettre adressée par le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations à Mme la ministre de l'emploi et de la solidarité expliquant ses réticences sur l'opportunité de prévoir une telle disposition d'emprunt, alors que la CNRACL venait d'enregistrer le versement des réserves du Fonds de l'allocation temporaire d'invalidité des agents des collectivités locales (FATIACL).

La disposition de la loi de financement pour 1998 concernant le CNRACL n'a finalement pas été nécessaire.

Votre commission rappelle que la CNRACL est structurellement excédentaire. Affectée par la " surcompensation " 26( * ) , il n'est pas normal que cette caisse doive recourir à l'emprunt pour s'acquitter des échéances liées à la compensation. La CNRACL devrait être ainsi déficitaire de 1,5 milliard de francs en 1998 et de près de 2 milliards de francs en 1999. Dans le même temps, elle devrait verser au titre des différentes compensations 18,9 milliards de francs en 1998 et 19 milliards de francs en 1999.

Votre commission -sans remettre, bien entendu, en cause le principe de départ de la compensation- insiste sur la nécessité de mettre à plat et de revoir les règles arbitraires des différents systèmes élaborés au fil du temps. Ces règles ont été une nouvelle fois dénoncées par la Cour des comptes 27( * ) .

Votre commission, en conséquence, ne peut pas à nouveau accepter qu'une ligne concerne la CNRACL à l'article de la loi de financement prévoyant les plafonds d'avances de trésorerie.

Sous réserve de la suppression de cette possibilité donnée à la CNRACL de recourir à l'emprunt, elle vous propose l'adoption de cet article ainsi modifié.

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