F. DE SÉRIEUX RISQUES DE DÉRIVE BUDGÉTAIRE POUR L'AVENIR

1. Une montée en charge fortement progressive des projets prioritaires du gouvernement

Les projets prioritaires du gouvernement se caractérisent, au plan budgétaire, par une montée en charge rapide qui jouera pleinement lors de l'élaboration des prochains budgets :

a) la loi contre les exclusions : 9,4 milliards de francs en 2000

Son coût est en 1998 de 5,4 milliards de francs.

Il augmentera de 4 milliards de francs d'ici l'année prochaine. Cela représente un coût en année pleine de 10 milliards de francs ainsi que votre commission l'avait démontré lors de l'examen de ce projet de loi.



Le financement du projet de loi d'orientation
relatif à la lutte contre les exclusions.

Dans l'avis n°478 (1997-1998) présenté au nom de la Commission des finances, notre collègue Jacques Oudin a rappelé qu'en dépit du consensus existant sur la nécessité d'agir plus efficacement contre les exclusions, la contrainte financière s'imposait dans ce domaine comme ailleurs.

A ce titre il a tenu à procéder à un chiffrage précis et détaillé de ce texte : son coût budgétaire est de 15,9 milliards de francs sur trois ans pour l'Etat et se caractérise par une montée en charge fortement progressive : 1,1 milliard en 1998, 5,4 milliards en 1999 et 9,4 milliards en 2000 ; soit un coût en année pleine de prés de 10 milliards de francs.

Il a également relevé les incertitudes tenant à son mode de financement
qui doit en principe, d'après le ministre de l'emploi et de la solidarité, s'effectuer dans le cadre d'un redéploiement général sur l'ensemble du budget de l'Etat. Compte tenu cependant, du coût en année pleine de ce texte, ainsi que du caractère potentiellement inflationniste d'un certains nombre de ses dispositions, il a été conduit à douter sérieusement de la réalité ainsi que du caractère effectif de ces redéploiements : " ce raisonnement repose sur un pari dont on ne peut que souhaiter le succès mais qui reste à nos yeux assez audacieux ".

b) le plan " emplois-jeunes " : 32 milliards de francs à compter du 1er janvier 2001

Ce coût est calculé sur la base d'un objectif fixé par le gouvernement de 350.000 emplois crées, d'un coût unitaire à la charge du budget de l'emploi de 92 000 FF par an.

A ce titre, votre commission tient à relever que le coût de ce projet pour 1999 est d'ores et déjà minoré par le gouvernement. Les crédits figurant au budget de l'emploi pour 1999, soit 13 ,8 milliards de francs (hors 380 millions de francs transférés vers le budget de l'outre-mer) ne permettent de financer que le " stock " qui existera au 1 er janvier 1999 21( * ) .

L'enveloppe budgétaire actuelle telle qu'elle figure dans le projet de loi de finances ne permettra pas de financer à compter du 1 er janvier prochain le recrutement des 100.000 nouveaux emplois-jeunes qui correspondent à l'objectif que s'est fixé le gouvernement pour 1999.

Il y a en effet pour 1999 une sous-évaluation du coût de ce dispositif que l'on peut estimer à près de 4,5 milliards de francs
sur la base d'une montée en charge linéaire et progressive de ces 100.000 nouveaux emplois-jeunes.

Coût budgétaire des emplois-jeunes dans le
projet de loi de finances pour 1999

(en millions de francs)

Budget

Montant (en millions de francs)

Observations

Emploi (chapitre 44-01)

13.795

Crédits de rémunération

 

125

Mesures d'accompagnement

 

13.920

 

Enseignement scolaire

 
 

Chapitre 36-71

976,5

Financement de 56.600 emplois-jeunes (moyens nouveaux)

Chapitre 36-10

8

Formation des emplois-jeunes (CNED)(moyens nouveaux)

Chapitre 43-02

78,6

Financement de 3.000 emplois-jeunes (moyens nouveaux)

 

1.063,1

 

Enseignement supérieur (chapitre 36-11


6,9

Rémunération de 400 emplois jeunes-docteurs (moyens nouveaux)

Outre-Mer (chapitre 44-03)

445

dont 380 millions de francs en provenance du budget de l'emploi

Intérieur

 
 

Chapitre 31-96

275,8

8.250 adjoints de sécurité
en PLF 1998

Chapitre 34-41

221,8

et 7.600 en PLF 1999

 

497,6

 

TOTAL

15.932,6

 
c) les 35 heures : coût brut budgétaire de 7 milliards de francs en 1999

Ce coût brut a été déterminé par le gouvernement sans que celui-ci n'en fournisse les éléments de calcul.

Par ailleurs, la moitié de cette dépense a été mise à la charge des régimes de Sécurité sociale de façon arbitraire et sans aucun fondement légal, puisque tout allégement de charges sociales doit, conformément à la loi du 25 juillet 1994, être intégralement compensé par l'Etat. En l'espèce, cela n'est pas le cas.

De même, on peut continuer à s'interroger sur les conditions de financement de ce dispositif en loi de finances pour 1998 : la provision prévue pour un montant de 3 milliards de francs avait alors été prélevée, ainsi que l'avait dénoncé votre commission, sur les crédits consacrés au financement de la " ristourne dégressive fusionnée " qui avaient alors été manifestement sous-évaluées. De ce fait, nonobstant les déclarations contraires du gouvernement à l'époque, il lui appartiendra de pallier cette sous-estimation volontaire, et cela lors du prochain collectif budgétaire de 1998. En effet, le gouvernement prévoit, au titre du financement de cette ristourne, des dépenses à hauteur de 41,5 milliards de francs alors que seulement 38,77 milliards de francs de crédits avaient été prévus dans le projet de loi de finances initiale 22( * ) .

Par ailleurs, votre rapporteur tient à rappeler que la Commission des affaires sociales avait estimé le coût brut des 35 heures à 13,5 milliards en première année et à 36 milliards en deuxième année et cela sur la base de 450.000 emplois crées 23( * ) .

d) l'accord salarial dans la fonction publique : 23,3 milliards de francs en 2000

Le coût annuel total de l'accord salarial dans la fonction publique sera pour l'Etat de 23,3 milliards de francs en 2000, en progression de 8,5 milliards de francs par rapport à 1998.

Il aura par ailleurs des effets induits sur la fonction publique territoriale et hospitalière estimés à 7,7 milliards de francs en 1999.

Le coût de l'accord salarial du 10 février 1998

(En milliards de francs)

 

Coûts annuels supplémentaires par rapport à l'année précédente

Coûts annuels totaux

 

en 1998

en 1999

en 2000

en 1998

en 1999

en 2000

I - Fonction publique de l'Etat

 
 
 
 
 
 

Revalorisation du point

4,3

6,7

5,8

4,3

11

16,8

Mesures d'accompagnement (dont points uniformes et points différenciés)

1,0

(0,4)

2,8

(1,8)

2,7

(2,0)

1,0

(0,4)

3,8

(2,2)

6,5

(4,2)

Total

5,3

9,5

8,5

5,3

14,8

23,3

II - Fonction publique territoriale

Total

2,2

4,3

3,5

2,2

6,5

10,0

III - Fonction publique hospitalière

Total

1,8

3,4

2,8

1,8

5,2

8,0

Total trois fonctions publiques

9,3

17,2

14,8

9,3

26,5

41,3

Source : Rapport sur les rémunérations publiques - PLF 1999

Cet accord se traduit en effet par un accroissement du pouvoir d'achat des fonctionnaires qui vient ainsi conforter une tendance lourde de ces dernières années ainsi que le relève d'ailleurs lui-même le gouvernement : " Entre 1990 et 1998 , la rémunération moyenne 24( * ) des fonctionnaires de l'Etat a progressé en moyenne de 5,0 % par an, soit, compte tenu de l'inflation hors tabac, 3,2 % de gains de pouvoir d'achat en moyenne par an, soit plus de 28 % de gain cumulé sur huit ans. Pour 1998, la progression prévue est de 4,2 %, soit une augmentation de 3,4 % en francs constants ".

e) Le plan social étudiant : 7,2 milliards de francs sur quatre ans

Ce plan consiste en 1999 à abonder les crédits du budget de l'enseignement supérieur de 833,27 millions de francs principalement au titre de la revalorisation des bourses.

Il doit être mis en place pour une durée de quatre ans, et son coût total est évalué à plus de 7 milliards de francs.

2. Des projets annoncés mais non financés par le projet de loi de finances pour 1999

On peut en outre s'interroger sur la mise en place et, partant, l'impact budgétaire de la création du fonds exceptionnel d'aménagement des lycées qui prévoit d'accorder sur 4 ans une somme de 4 milliards de francs de prêts à taux zéro aux régions. Par ailleurs il est également envisagé de recruter 14.000 adultes supplémentaires dans ces établissements selon des modalités encore inconnues.

De même le ministère de la santé a annoncé la mise en place au cours de l'année 1999 du projet de loi instaurant une couverture médicale universelle (CMU ). Or son coût était estimé par le gouvernement à 5 milliards de francs par an : à défaut de figurer dans le présent projet de loi de finances, il devra donc être nécessairement financé par un collectif budgétaire en 1999.

3. L'explosion programmée des retraites de la fonction publique

Cette réflexion a déjà été entamée à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 1998, au cours duquel votre rapporteur général avait souligné que " les charges de pension sont amenées à progresser, au cours des années à venir, dans des proportions considérables " . De même lors du Débat d'orientation budgétaire de juin 1998 votre commission avait tenu à ce que soient prises " rapidement les mesures nécessaires pour faire face au choc démographique des années à venir, c'est à dire réformer les régimes de retraite, en particulier les régimes publics. "

Il est en effet urgent que le gouvernement agisse en ce domaine. Plus l'action à entreprendre sera réalisée tôt, plus elle sera efficace et moins elle sera douloureuse.

Dans cette perspective les réflexions actuellement menées en ce domaine par le Commissariat Général au Plan devraient contribuer à la clarification du débat, notamment en ce qui concerne l'intérêt pour les régimes publics d'un allongement de la durée de cotisation ainsi que son utilité pour les consolider financièrement.

a) La situation démographique du régime de retraite de la fonction publique d'État

Dès 2000, et surtout à compter de 2005 la situation démographique du régime de retraite de la fonction publique se dégrade fortement.

Evolution du rapport démographique

Années

1995

2000

2005

2010

2015

Taux de croissance

Retraités de droit direct

828.308

956.711

1.126.718

1.318.503

1.491.840

+ 80,1 %

Cotisants 1

2.081.689

2.081.689

2.081.689

2.081.689

2.081.689

 

Rapport démographique

2,51

2,18

1,85

1,58

1,40

- 44,6 %

Régime général

1,75

1,69

1,72

1,57

1,37

- 21,7 %

1. Par convention la population active est considérée comme stable sur la période considérée,

Source : Direction du budget

b) les perspectives d'évolution financière

Les différents constats existant en la matière insistent tous sur la question de la soutenabilité budgétaire de ces évolutions et, partant, sur leurs implications en terme d'équité et de solidarité intra-générationnelle.

(1) D'après les chiffres du Commissariat général au Plan (rapport Briet de 1995), la croissance serait "rapide et cumulative".

 

1995

2005

2015

Montant des prestations retraite (en milliards, à francs constants)

108

153

226

Hausse des taux de cotisation nécessaire pour maintenir l'équilibre du régime des fonctionnaires

+ 1,3

+ 10,7

+ 20,6

Hausse nécessaire pour équilibrer le régime général

+ 0,6

+ 0,9

+ 4

(2) Pour la Direction du Budget (chiffrage de 1997) :

Le surcoût est estimé en 2010 à 79 milliards de francs, en francs constants, et serait financé à moins de 10 % par la croissance des cotisations. Le reliquat soit près de 90 % serait à la charge de l'Etat .

(3) Pour la Cour des Comptes qui le souligne régulièrement dans ses rapports notamment sur l'exécution des budgets, " l'évolution des charges de pension constitue une hypothèque sérieuse pour les budgets futurs .
c) un effort de clarification est indispensable

Il est indispensable avant de procéder à toute réforme en ce domaine de disposer d'un " état des lieux " précis et incontestable faisant notamment apparaître pour mieux les distinguer les versements de l'Etat en sa qualité d'employeur ainsi que la subvention d'équilibre que, de fait, celui-ci verse en tant que garant de l'équilibre financier du système et, partant, de sa pérennité.

Il serait opportun, dans le respect des dispositions organiques applicables en ce domaine, de pouvoir disposer au sein du budget de l'Etat d'un compte spécifique des pensions. Une première étape semble avoir été franchie avec la présentation dans le rapport sur les rémunérations publiques joint au projet de loi de finances pour 1999 d'un compte simplifié des pensions en 1997.

Ce compte simplifié contribue à faire ressortir deux éléments, d'une part que " les recettes sont principalement composées de contributions venant des employeurs qui assurent 84,23 % de l'ensemble des recettes, dont prés de 71 % à la charge du seul budget de l'Etat ".

Et d'autre part, il met en évidence " l'effort budgétaire de l'Etat. On peut calculer un taux de cotisation patronale implicite en rapportant cet effort budgétaire net à la masse salariale indiciaire. En 1997, ce taux s'établit à 39,01 % pour les fonctionnaires civils et à 101,71 % pour les militaires, soit 47,15 % pour l'ensemble des ressortissants du code des pensions civiles et militaires de retraite de l'Etat. Il devrait atteindre, dès 1998, 47,62 % et s'établirait à 51,2 % à l'horizon 2002 ".

Compte simplifié 1997

 

En millions de francs

Evolution par rapport à 1996

I. Emplois

 
 

Pensions

164.494

+ 3,48 %

-dont civils hors PTT

97.621

+ 4,37 %

- dont La Poste

13.626

+ 3,58 %

- dont France Télécom

8.356

+ 3,85 %

- dont militaires

44.891

+ 1,46 %

Transferts

22.030

+ 0,43 %

- dont compensation généralisée

12.848

+ 5,34 %

- dont compensation spécifique

8.752

- 6,30 %

- dont titulaires sans droits

430

- 9,31 %

Total emplois

186.524

+ 3,12 %

II. Ressources

 
 

Cotisations salariales (retenues pour pension)

29.416

+ 1,83 %

Contributions employeurs (hors Etat)

25.549

+ 2,20 %

- dont contribution établissements publics

4.520

- 3,98 %

- dont remboursement La Poste

12.883

+ 1,30 %

- dont contributions au titre des pensionnés de France Télécom

8.146

+ 6,89 %

Sous-total (hors contribution Etat)

54.965

+ 2,02 %

Solde : charge nette pour l'Etat

131.559

+ 3,60 %

Total ressources

186.524

+ 3,12 %

La reconstitution des ressources et des emplois du régime des fonctionnaires civils de l'Etat et des militaires permet de mettre en évidence l'effort budgétaire net de l'Etat . On peut calculer un taux de cotisation patronale implicite en rapportant cet effort budgétaire net à la masse salariale indiciaire. En 1997, ce taux s'établit à 39,01 % pour les fonctionnaires civils et à 101,71 % pour les militaires, soit 47,15 % pour l'ensemble des ressortissants du code des pensions civiles et militaires de retraite de l'Etat.

Il devrait atteindre, dès 1998, 47,62 % (39,78 % pour les fonctionnaires civils et 98,90 % pour les militaires) et s'établirait à 51,2 % à l'horizon 2002, soit 44,5 % pour les seuls fonctionnaires civils et 92,1 % pour les militaires.

(source : rapport sur les rémunérations publiques-PLF 1999)

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