CONCLUSION

Faut-il se réjouir de la forte augmentation de ce budget, quand on est, aussi attaché que votre rapporteur, à la cause de la protection de l'environnement ?

Il ne le semble pas :

- pour des raisons économiques générales,

- pour des raisons de principes relatives aux deux principales mesures prévues pour 1999,

- pour des raisons techniques, enfin.

Raisons économiques générales : votre commission des finances estime que la réduction du déficit budgétaire prévue pour l'an prochain est insuffisante pour stabiliser, comme il conviendrait, la part de la dette publique dans le PIB. Cette réduction ne repose pas, du reste, sur les efforts de l'Etat, dont les dépenses réelles doivent augmenter, mais sur un excédent des autres administrations publiques. Elle dépendra, en toute état de cause, de la croissance économique dont les hypothèses retenues pour élaborer la loi de finances peuvent paraître optimistes.

L'effort de maîtrise des dépenses publiques de l'Etat est donc insuffisant. Il devrait être accru. Il n'y a pas de raison particulière pour que le ministère de l'environnement échappe à cette contrainte.

Mais, comme le déficit budgétaire ne peut plus être creusé, toute augmentation des dépenses dont le rythme dépasse celui de la croissance risque de contribuer à alourdir les prélèvements obligatoires.

Une telle évolution des finances publiques faisant peser sur les collectivités locales la charge de la réduction de la dette et risquant d'accroître in fine la pression fiscale globale n'est pas sans risque pour le financement de la politique de l'environnement.

Celle-ci repose en effet sur les investissements des collectivités et des entreprises et sur les contributions des ménages.

Trop d'impôt tue l'impôt. Trop de fiscalité écologique nuit à l'écologie.

Raisons économiques générales donc, mais aussi opposition de principe à la TGAP et réserves quant à l'opportunité de la relance des économies d'énergie et des énergies renouvelables.

- S'agissant, tout d'abord, de la TGAP votre commission, comme la majorité du Sénat, refuse cette nouvelle imposition pour les motifs suivants :

- Tout d'abord son instauration s'accompagne d'une forte majoration du taux de la plupart des taxes regroupées. La mesure n'est donc pas neutre fiscalement, comme il a été prétendu, et la machine à taxer est en route ;

- Il risque, ensuite, d'en résulter une perte d'autonomie des établissements déconcentrés qui, comme l'ADEME aujourd'hui et les agences de l'eau demain, verront leurs ressources dépendre des arbitrages budgétaires gouvernementaux. A ce risque est associée la menace d'une recentralisation des politiques environnementales concernées et d'une diminution de la concertation entre tous les partenaires ;

- Une désaffectation de recettes, déjà illustrée par le financement par la taxe sur les déchets de mesures concernant l'énergie, peut également être redoutée :


désaffectation conduisant à modifier la répartition du produit des taxes en fonction des priorités environnementales du Gouvernement ;


désaffectation, en vertu du "deuxième dividende" ;


désaffectation, enfin, profitant à de toutes autres dépenses, au gré de la conjoncture ou des changements de politique.

Cette déconnexion entre la dépense et son fait générateur risque aussi, surtout si elle s'accompagne d'un trop fort alourdissement de la fiscalité écologique, de conduire les assujettis à s'impliquer moins qu'auparavant dans la protection de l'environnement et à réduire le montant de leurs investissements au strict minimum.

- Ensuite, il semble que la relance des économies d'énergie ne s'imposait pas, dans le contexte actuel, et que celle des énergies renouvelables ne résoudra pas, à elle seule, les problèmes qui se posent à la France dans ce domaine. 500 millions de francs, c'est justement la somme qui manque au commissariat à l'énergie atomique pour couvrir ses besoins d'investissement. L'avenir énergétique de la France ne dépend-il pas beaucoup plus du nucléaire que du solaire ou des éoliennes ?

Ne faudrait-il pas, d'abord, débattre au Parlement de façon approfondie, de l'avenir de cette source d'énergie ?

A ces raisons de principe de s'opposer à la forte augmentation de ce budget liées à la contestation de ses deux principales nouveautés, s'ajoute le souhait de votre rapporteur de voir le ministère de l'environnement demeurer une administration de mission.

La politique de l'environnement demeurera, en tout état de cause, interministérielle, déconcentrée et décentralisée. L'efficacité du ministère ne se mesure pas à l'aune de ses effectifs ou de ses crédits propres. Elle repose sur son pouvoir de persuasion, ses moyens d'incitation et de coordination et la concertation avec les partenaires intéressés.

C'est en définitive des entreprises, des collectivités locales et des établissements déconcentrés que dépend le succès des actions environnementales. "Ministère de l'impossible", disposant de peu de moyens, le ministère de l'environnement n'en a pas moins connu de grands succès. C'est tout à son honneur. La conjoncture économique et budgétaire lui impose de continuer dans cette voie, du moins tant que les finances publiques n'auront pas durablement et suffisamment été assainies.

En outre, et c'est là la dernière raison, celle-là à caractère technique, de l'opposition de votre rapporteur à la forte augmentation de ce budget : on peut douter de sa capacité à maîtriser, en une seule année, un accroissement aussi massif de ses moyens. Surtout quand on connaît les problèmes de consommation de certaines dotations rencontrés les années précédentes.

L'environnement sera vraiment adulte, non pas lorsque les crédits du ministère auront atteint un certain pourcentage du budget de l'Etat mais lorsque les technologies propres deviendront un des principaux enjeux de la compétition économique internationale ou quand diverses associations cesseront de s'opposer systématiquement à certains types de projets pourtant compatibles avec un développement durable.

Enfin, la politique de l'environnement, pour importante qu'elle soit, ne peut pas prétendre résoudre à elle seule tous les problèmes de la société et notamment l'emploi ou les inégalités sociales. Elle a suffisamment à faire dans son propre domaine.

Votre commission vous propose d'adopter les crédits de l'environnement, modifiés par quatre amendements tendant aux titres III, IV, V et VI :

- à annuler les créations d'emplois prévues et leurs mesures d'accompagnement,

- à supprimer les mesures nouvelles en faveur des associations,

- à tirer les conséquences de la suppression par le Sénat de la TGAP (Taxe générale sur les activités polluantes).

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