10. Audition de Mme Lydie Roux, Vice-Présidente de l'Union fédérale des consommateurs (UFC)

La commission a procédé à l'audition de Mme Lydie Roux, vice-présidente de l'Union fédérale des consommateurs (UFC) et de M. Nicolas Larmagnac, chargé de mission à l'UFC.

Mme Lydie Roux, vice-présidente de l'Union fédérale des consommateurs (UFC), a tout d'abord indiqué que l'UFC était, depuis la crise de l'encéphalopathie spongiforme bovine, mieux associée aux problématiques agricoles et participait, pour la première fois, à la concertation préalable à l'adoption d'un projet de loi d'orientation agricole. Elle a exprimé les quatre objectifs que devait, selon l'UFC, se fixer l'agriculture : le respect de l'environnement, la sécurité sanitaire, la diversité et la qualité des produits alimentaires. Elle a estimé que ces préoccupations étaient, à l'issue de la première lecture du projet de loi à l'Assemblée nationale, désormais inscrites dans l'article premier du texte en discussion.

Mme Lydie Roux a ensuite abordé le titre premier du projet de loi, relatif aux contrats territoriaux d'exploitation (CTE). Elle a considéré que ces derniers devaient mieux prendre en compte la sécurité et la qualité des productions, contreparties à son sens indispensables au financement public des CTE.

Au sujet du titre III, relatif à l'organisation économique, elle a jugé que le texte du projet de loi allait dans le " bon sens ", mais qu'il ne consacrait qu'une faible participation des consommateurs. Mme Lydie Roux, vice-présidente de l'UFC, a pourtant rappelé que l'intervention des associations de consommateurs dans le domaine agricole n'était pas un facteur de blocage, mais bien au contraire un élément de résolution des conflits d'intérêts, comme l'avait montré l'instauration de la traçabilité des produits dans la filière bovine française. Elle a ainsi souhaité que l'article 33 du projet de loi permette une participation des associations représentatives de consommateurs aux interprofessions agricoles.

Abordant le titre IV du projet de loi, relatif aux signes de qualité et d'identification, Mme Lydie Roux a tout d'abord estimé que la sécurité sanitaire n'était pas un critère de qualité, mais un préalable indispensable dû aux consommateurs. Evoquant les quatre signes officiels de qualité -label, certification, appellation d'origine contrôlée (AOC), et sigle " AB " de l'agriculture biologique- et les signes européens dont l'indication géographique de provenance (IGP), elle a estimé que cette multiplication pourrait induire le consommateur en erreur.

Elle a rappelé la différence essentielle à son sens entre les labels, qui répondent à un cahier des charges précis, dont le respect est contrôlé par un tiers, et les AOC, qui ne sont qu'une reconnaissance de provenance géographique et n'emportent nullement de contrôle du produit lui-même.

Mme Lydie Roux, vice-présidente de l'Union fédérale des consommateurs (UFC), a redouté que la mise en place d'une IGP autonome ne soit le prélude à une consécration des signes de provenance géographique au détriment des signes de qualité, ce qui nuirait à son sens à la bonne information du consommateur.

Considérant que des articles nouveaux relatifs à la surveillance biologique et à la sécurité sanitaire avaient été ajoutés au projet de loi initial par l'Assemblée nationale, Mme Lydie Roux a souhaité que ces articles soient regroupés dans un nouveau titre du projet de loi, intitulé " Sécurité des produits agricoles " et que les administrations qui s'occupent conjointement du contrôle des produits alimentaires -la Direction générale de la concurrence de la consommation et de la répression des fraudes et la Direction générale de l'alimentation- y soient plus étroitement associées.

Sur le titre VI du projet de loi, relatif à la formation des personnes, Mme Lydie Roux a souhaité que les programmes d'enseignement agricole intègrent les préoccupations de qualité et de sécurité alimentaires qui sont celles des consommateurs. Elle a précisé, à ce sujet, que l'UFC était souvent sollicitée par les lycées d'enseignement agricole pour intervenir sur ces questions.

M. Michel Souplet, rapporteur, a estimé que, si les lois d'orientation agricoles de 1960 et 1962 avaient fixé un objectif essentiellement économique à l'agriculture, la qualité n'en était pas pour autant absente. Cette préoccupation devenait, a-t-il poursuivi, une obligation accrue pour l'agriculture d'aujourd'hui.

Le rapporteur a rappelé que le projet de loi, qui comportait une soixantaine d'articles dans sa version initiale, avait été modifié par l'Assemblée nationale et qu'il comptait désormais 106 articles, avant même que le Sénat n'y apporte ses propres améliorations.

Relevant l'importance des sujets soulevés par les intervenants de l'UFC, M. Michel Souplet, rapporteur, est revenu sur la structuration des interprofessions agricoles, et sur la question de la représentation de l'agriculture de montagne et de l'agriculture biologique en leur sein. Il a interrogé les intervenants sur la question des IGP.

M. Nicolas Larmagnac, chargé de mission à l'UFC, a estimé que la question de la structuration des interprofessions était interne au monde agricole, mais que l'UFC souhaitait toutefois que tous les " maillons " de la chaîne alimentaire, du producteur au consommateur, y soient représentés.

Mme Lydie Roux a considéré que l'appellation " montagne " ne devait pas être entendue comme un signe de qualité, mais uniquement comme une appellation géographique.

M. Michel Souplet, rapporteur, a corroboré l'analyse de l'UFC sur la surabondance des signes et appellations, estimant que l'intervention de l'IGP à titre autonome n'allait pas dans le sens de la pourtant nécessaire clarification pour les consommateurs.

Mme Lydie Roux, vice-présidente de l'Union fédérale des consommateurs (UFC), a jugé que la mise en place d'une IGP autonome comme signe d'identification ne simplifiait pas la situation et qu'il convenait plutôt de privilégier les signes de qualité sur les appellations géographiques.

M. Nicolas Larmagnac a indiqué que la législation française comportait déjà des appellations d'origine et que ces nouveaux signes ne faisaient que s'ajouter au corpus existant, risquant même de le remettre en cause.

M. Jean-Pierre Raffarin, président, a précisé que la qualité et l'origine des produits étaient deux informations distinctes mais toutes deux nécessaires à l'information du consommateur.

M. Michel Souplet, rapporteur, s'est inquiété du risque de banalisation des différents labels et appellations, consécutif à leur multiplication.

Mme Lydie Roux a ajouté que des appellations professionnelles avaient en outre vu le jour, en dehors de toute réglementation.

M. Jean-Pierre Raffarin, président, a estimé que les territoires avaient toutefois besoin des appellations géographiques, qui leur permettaient d'engager une démarche de qualité pour leurs productions.

M. Bernard Piras, après avoir demandé des précisions sur l'appréciation que faisait l'UFC du contrat territorial d'exploitation, a considéré que le débat entre les signes d'identification était complexe, les deux objectifs de préservation de l'information des consommateurs et de la valorisation des territoires devant être conciliés.

M. Nicolas Larmagnac, chargé de mission à l'UFC, a précisé que l'UFC s'était opposée à la rédaction initiale de l'article 2 du projet de loi, relatif au CTE, qui ne prenait pas en compte les nécessités de qualité et de diversité des produits agricoles, ni de respect de l'environnement, qui lui paraissaient pourtant des contreparties légitimes au financement public de ce contrat.

Revenant sur la question des labels et appellations, s'il a jugé utile que les consommateurs connaissent la provenance des produits alimentaires, il a souhaité que l'accent soit davantage mis sur les signes certifiant la qualité de ces produits, à son sens plus significatifs, estimant regrettable qu'actuellement le " jambon de Bayonne " soit produit par 22 départements français.

M. Nicolas Larmagnac, chargé de mission à l'UFC, a en outre considéré que le projet de loi n'amorçait pas la réflexion, pourtant nécessaire, sur l'encadrement des signes élaborés par les professionnels, tels que : " produit certifié ", ou " filière qualité ", qui brouillaient parfois le message adressé aux consommateurs.

M. Jean-Pierre Raffarin, président, a estimé que la puissance financière de certains groupes, et notamment de la grande distribution, pouvait soudainement faire exister, au moyen de campagnes publicitaires de grande ampleur, des signes de qualité " privés ", qui pourraient, à tort, être perçus par le consommateur comme des labels et appellations d'intérêt général.

M. Michel Souplet, rapporteur, a ensuite estimé que le fonds de communication pour l'agriculture, que le projet de loi tendait à mettre en place, pourrait expliciter la vocation de l'agriculture française, notamment auprès des pays en voie de développement.

M. Nicolas Larmagnac a jugé que l'éloignement actuel entre les consommateurs et l'agriculture résultait de la non-participation, longtemps de mise, des consommateurs aux débats agricoles jusqu'à la crise, majeure, qu'avait connue l'Europe avec l'encéphalopathie spongiforme bovine.

M. Jean-Pierre Raffarin, président, a déclaré qu'une loi d'orientation avait pour vocation de proposer des schémas nouveaux pour l'agriculture de demain. Il a estimé que l'agriculture française avait une vocation mondiale.

M. Michel Souplet, rapporteur, a considéré que l'agriculture européenne était soumise à des contraintes d'environnement et d'aménagement du territoire qui ne s'imposaient pas toujours aux cinq autres grands pays exportateurs qui étaient : la Nouvelle-Zélande, les Etats-Unis, l'Australie, le Canada et l'Argentine. Il a souhaité la définition d'un modèle agricole français et européen centré sur la notion de qualité, rémunéré sur une base plus large que celle des seuls cours agricoles mondiaux.

Rappelant que la France était l'une des principales puissances agricoles mondiales, M. Nicolas Larmagnac, chargé de mission à l'UFC, a estimé que les contraintes environnementales s'imposaient à un nombre croissant de pays. Il a à cet égard rappelé que l'agriculture biologique américaine s'interdisait l'utilisation de produits génétiquement modifiés. Il a indiqué que l'UFC proposait que les organismes génétiquement modifiés soient exclus de la composition des produits alimentaires labellisés.

M. Jean-Pierre Raffarin, président, a estimé que l'appellation " bio " n'était pas, à l'heure actuelle, une réelle garantie de la qualité des produits concernés.

M. Jean Bizet a considéré qu'en matière de sécurité sanitaire, l'exigence était plus forte pour les produits issus de l'agriculture traditionnelle que pour ceux de l'agriculture biologique. Il a redouté des déconvenues futures, en la matière, soit pour les consommateurs, soit pour les producteurs.

Mme Lydie Roux, vice-présidente de l'Union fédérale des consommateurs (UFC), a rappelé que l'UFC, si elle ne prônait pas " à tout crin " l'agriculture biologique, considérait cependant que cette méthode productive avait un intérêt essentiellement environnemental, les résultats étant moins probants en matière de qualité des produits.

M. Nicolas Larmagnac, chargé de mission à l'UFC, a rappelé que la France était actuellement importatrice de produits biologiques, mais que les grands groupes français de l'industrie alimentaire investissaient désormais dans ce secteur.

Il a estimé que l'apposition du signe " AB " emportait une obligation de moyens, mais non de résultats. Il a précisé toutefois que des analyses comparatives récentes, menées sur des salades, avaient montré que les résidus de pesticides étaient plus nombreux dans les salades produites traditionnellement que dans celles issues de l'agriculture biologique. Il a considéré que les règles européennes en cours d'élaboration sur les produits biologiques seraient moins contraignantes que la réglementation française actuelle.

Un échange de vues s'est ensuite instauré entre M. Jean-Pierre Raffarin, président, et M. Nicolas Larmagnac, chargé de mission à l'UFC, sur les modalités de participation des associations de consommateurs à l'évaluation des contrats territoriaux d'exploitation.

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