EXAMEN DES ARTICLES

Article premier -

Enquêtes techniques relatives aux accidents ou incidents aériens

Cet article insère un livre VII nouveau au sein de la partie législative du code de l'aviation civile, intitulé " Enquête technique relative aux accidents ou incidents ". Ce livre VII est composé de 18 articles.

TITRE PREMIER -

Dispositions générales

CHAPITRE UNIQUE -

Article L.711-1 du code de l'aviation civile -

Définition de l'enquête technique

Cet article définit les objectifs des enquêtes techniques, les rend obligatoires pour tout accident ou incident grave et précise les cas où ces enquêtes relèvent de la compétence des autorités françaises.

Le texte proposé pour l'article L.711-1 du code de l'aviation civile comporte quatre paragraphes portant respectivement sur la définition de l'enquête technique (I), la définition de l'accident et de l'incident d'aviation civile (II), les règles de compétence territoriale (III) et le principe d'obligation d'une enquête technique en cas d'accident ou d'incident grave (IV).

Le paragraphe I définit l'enquête technique comme ayant " pour seul objet " de " déterminer les circonstances et les causes certaines ou possibles de cet accident ou incident et, s'il y a lieu, d'établir des recommandations de sécurité ". Ce texte reprend les termes de la définition de l'enquête technique proposée par la directive n° 94/56/CE.

La définition proposée tend ainsi à distinguer l'enquête technique, qui a pour objet la prévention des accidents, de l'enquête judiciaire qui porte, le cas échéant, sur les responsabilités des parties concernées. Il est, dans cette perspective, précisé que l'enquête technique est menée " sans préjudice le cas échéant de l'enquête judiciaire " . Cette précision reprend dans son esprit la disposition de l'article 4 de la directive n° 94/56/CE selon laquelle les enquêtes " ne visent en aucun cas la détermination des fautes ou des responsabilités ".

La définition de l'enquête technique proposée consacre sa vocation préventive. Il est ainsi précisé qu'elle est menée " dans le but de prévenir de futurs accidents ou incidents " et que son objet est " d'établir, s'il y a lieu, des recommandations de sécurité " . Les enquêtes techniques apportent un retour d'expérience indispensable à l'évolution des aéronefs et de leur équipement ainsi qu'à l'amélioration de la formation du personnel navigant.

Si une enquête technique est obligatoire pour tous les incidents et accidents graves, il a cependant été considéré que les recommandations de sécurité ne devaient pas être systématiques. En effet, dans la mesure où certains accidents peuvent être évités par la seule application des procédures en vigueur, il n'est pas apparu nécessaire de préconiser l'émission systématique de recommandations.

Le paragraphe II du texte proposé définit l'accident et l'incident d'aviation civile et ainsi le champ d'application du Livre VII.

L'accident ou incident d'aviation civile est défini comme " un événement qui compromet ou pourrait compromettre la sécurité de l'exploitation ".

Il convient de rappeler que l'article 3 de la directive n° 94/56/CE, reprenant les définitions de l'annexe 13 de la Convention de Chicago définit l'accident d'aviation civile comme " un événement lié à l'utilisation d'un aéronef, (...) au cours duquel une personne est mortellement ou grièvement blessée (...), un aéronef subit des dommages ou une rupture structurelle (...) ou un aéronef a disparu ou est totalement inaccessible " et l'incident comme " un événement, autre qu'un accident, lié à l'utilisation d'un aéronef qui compromet ou pourrait compromettre la sécurité de l'exploitation " et l'incident grave comme " un incident dont les circonstances indiquent qu'un accident a failli se produire ".

Contrairement à l'article 3 de la directive, le texte proposé par le projet de loi ne distingue donc pas l'incident de l'accident. Il définit l'accident ou l'incident en reprenant la définition que la directive donne de l'incident. Il a été considéré qu'ainsi défini, le champ d'application du Livre VII consacrait tous les incidents et donc a fortiori les accidents, qui par définition compromettent également la sécurité de l'exploitation de l'aéronef.

Ce choix prête à confusion, d'autant plus qu'à l'alinéa suivant, le texte renvoie à la définition de l'accident et de l'incident grave donnée par la directive. Aussi il est apparu préférable à votre commission de faire, dès le paragraphe II, explicitement référence aux définitions de la directive.

Le paragraphe II prévoit, en outre, que les dispositions du Livre VII s'appliquent à tout type d'aéronef à l'exclusion toutefois de deux catégories :

- les aéronefs conçus exclusivement à usage militaire ou exploités en circulation aérienne militaire. Pour ces aéronefs, en cas d'accident, la procédure d'enquête technique relève de la compétence du ministère de la Défense ;

- les aéronefs d'Etat qui ne sont pas immatriculés au registre prévu à l'article 17 de la Convention de Chicago. Cette dernière ne s'applique, en effet, pas à ces appareils, tels ceux exploités par la douane ou ceux utilisés pour les déplacements de certains chefs d'Etat. Il est à noter que rien n'interdit à un Etat d'immatriculer comme avions civils certains des aéronefs qu'il possède. Ces appareils peuvent alors, le cas échéant, faire l'objet d'une enquête technique dans les mêmes conditions que tout autre aéronef civil.

Le paragraphe II bis du texte proposé pour l'article L.711-1 prévoit qu'une enquête technique sera obligatoire pour " tout accident ou incident grave, au sens de la directive 94/56/CE, survenu à un aéronef muni d'un certificat de navigabilité délivré en conformité avec la convention relative à l'aviation civile internationale ".

Cette disposition, qui reprend les termes de la directive 94/56/CE, introduit dans la législation française le principe d'une enquête obligatoire pour les accidents et incidents graves. Si la pratique de l'enquête technique est actuellement quasi-systématique, le dispositif actuel défini par l'article R.425-2 du code de l'aviation civile ne prévoit pas d'obligation. En outre, seuls les accidents internationaux, au sens de l'Annexe 13 de la Convention de Chicago, donnent lieu à rapport, le BEA se limitant pour les autres à l'établissement de formulaires et à la transmission de l'information aux administrations et entreprises concernées.

Votre rapporteur se félicite de l'introduction de cette obligation, car l'amélioration de la sécurité des aéronefs passe par le recours systématique aux enquêtes techniques et la diffusion des enseignements qui en sont retirés.

L'obligation de mener une enquête technique ainsi définie ne concerne en conséquence ni les incidents mineurs, ni les accidents ou incidents graves survenus à un aéronef démuni d'un certificat de navigabilité délivré en conformité avec la convention relative à l'aviation civile internationale. Il s'agit principalement des ultra légers motorisés, des deltaplanes et des parapentes. Pour ces appareils, l'intervention de l'Etat est réduite et la réglementation très peu contraignante. D'après les informations communiquées à votre rapporteur, l'expérience montre que les enquêtes sur les événements les concernant n'ont qu'une efficacité marginale. Pour ne pas engorger l'organisme d'enquête, il est donc proposé de maintenir la pratique actuelle, c'est-à-dire l'exécution d'enquêtes à la discrétion du BEA.

Le paragraphe III du texte proposé définit les situations où l'enquête technique relève de la compétence des autorités françaises.

Ces dispositions tirent les conséquences en droit interne des règles établies par l'article 26 de la Convention relative à l'aviation civile internationale et transposent les recommandations de l'annexe 13 de la Convention de Chicago. La formulation proposée par le projet de loi prête toutefois à confusion. Ainsi, elle assimile à tort à une caractéristique de l'accident le fait que l'Etat d'immatriculation procède ou non à une enquête technique. Votre commission vous propose en conséquence une nouvelle rédaction.

Le paragraphe III prévoit enfin les cas où les autorités françaises peuvent déléguer tout ou partie de l'enquête à un Etat étranger, ou à l'inverse accepter une délégation d'un Etat étranger pour la réalisation d'une enquête technique.

L'Assemblée nationale a adopté à cet article deux amendements d'ordre rédactionnel.

Votre commission a adopté, compte tenu des observations qui précèdent, trois amendements.

Les deux premiers prévoient une nouvelle rédaction des dispositions des paragraphes II et II bis relatives à la définition des accidents et incidents d'aviation civile.

Le troisième procède à une réécriture du paragraphe III relatif aux règles de compétence territoriale.

Article L.711-2 du code de l'aviation civile -

Statut de l'organisme chargé des enquêtes techniques

Cet article prévoit que l'organisme chargé des enquêtes techniques est un organisme permanent assisté, le cas échéant, par une commission d'enquête. Il précise que cet organisme agit en toute indépendance.

Le texte proposé pour l'article L.711-2 du code de l'aviation civile adopté par l'Assemblée nationale sans modification comporte deux alinéas.

Le premier alinéa du texte proposé transpose les dispositions de l'article 6 de la directive 94/56/CE aux termes desquelles " chaque Etat membre s'assure que les enquêtes techniques sont réalisées par un organisme ou une entité aéronautique civile permanente ou sous le contrôle d'un tel organisme " . Il prévoit, à cet effet, que l'enquête technique est effectuée par " un organisme permanent spécialisé, assisté le cas échéant, pour un incident déterminé, par une commission d'enquête " .

Le caractère permanent et spécialisé de l'organisme d'enquête a pour objet de garantir la qualité et l'indépendance des enquêtes. La complexité de l'aviation civile moderne impose, en effet, que les enquêtes soient confiées à des spécialistes de l'aéronautique comme de l'enquête technique. La professionnalisation des enquêtes supposait l'existence d'un organisme spécialisé regroupant en permanence des enquêteurs professionnels et garantissant la continuité et la qualité des enquêtes menées. Le BEA crée par arrêté ministériel, se voit ainsi doté d'un statut législatif.

Le texte proposé prévoit, en outre, que, le cas échéant, une commission d'enquête peut assister l'organisme permanent.

L'intervention d'une commission d'enquête constitue un héritage du dispositif en vigueur. L'article R.425-2 du code de l'aviation civile prévoit, en effet, que le ministre chargé de l'aviation civile peut instituer une commission d'enquête. Cette procédure a été utilisée pour les accidents les plus importants comme l'accident du Mont Saint-Odile. Le recours à une commission d'enquête a pour objectif de mobiliser des moyens humains et techniques sur un événement spécifique et d'assurer un dialogue entre les diverses composantes de l'aviation civile intéressées.

Votre rapporteur a souhaité sur ce point préciser que la décision d'instituer une commission d'enquête relève, comme c'est le cas actuellement, du ministre chargé de l'aviation civile. Il est, en effet, de la responsabilité du ministre de recourir à cette procédure lorsqu'il estime que l'ampleur de l'accident l'exige.

Le projet de loi limite, par ailleurs, le rôle de la commission d'enquête. Dans le dispositif en vigueur, l'enquête est, en effet, conduite par la seule commission d'enquête, lorsque celle-ci est créée. Aux termes de la directive, seul l'organisme permanent peut mener l'enquête technique. C'est pourquoi il est proposé que la commission d'enquête assiste l'organisme permanent.

Le deuxième alinéa du texte proposé par l'article L.711-2 du code de l'aviation civile dispose que " dans le cadre de l'enquête, l'organisme permanent et la commission agissent en toute indépendance et ne reçoivent ni ne sollicitent d'instructions d'aucune autorité ".

Cette disposition tend à transposer en droit français les dispositions de l'article 6 de la directive 94/56/CE qui prévoit que l'organisme d'enquête est " fonctionnellement indépendant, notamment des autorités nationales responsables de la navigabilité, de la certification, des opérations aériennes, de l'entretien, de la délivrance des licences, du contrôle de la navigation aérienne ou de l'exploitation des aéroports et en général, de toute autre partie dont les intérêts pourraient entrer en conflit avec la mission " qui lui a été confiée.

L'indépendance de l'organisme d'enquête vise à éviter tout conflit d'intérêts et toute implication de ses membres dans les événements qui font l'objet de l'enquête. Cette indépendance a pour objectif de garantir l'objectivité des enquêtes menées et, ce faisant, la légitimité de l'organisme d'enquête.

Il reviendra au décret d'application relatif au statut de l'organisme permanent et à celui des enquêteurs de définir les modalités concrètes de cette indépendance. D'après les informations dont dispose votre rapporteur, le statut actuel du BEA, organisme extérieur à la Direction Générale de l'Aviation civile, rattaché à l'inspection générale de l'aviation civile serait maintenu. L'indépendance des membres de l'organisme permanent devrait également être garantie par les procédures d'agrément et de commissionnement prévues à l'article suivant.

Comme il a été indiqué, le projet de loi prend le parti de maintenir l'organisme permanent au sein du ministère en charge de l'aviation civile. La solution proposée consiste donc à garantir l'indépendance des membres de l'organisme permanent et, le cas échéant, des commissions d'enquête " qui ne peuvent recevoir d'instructions " tout en maintenant le BEA au sein du ministère des transports.

Votre commission n'a pas souhaité revenir sur ce dispositif qu'elle estime satisfaisant. Elle a néanmoins souhaité préciser que, dans le cadre de l'enquête, l'organisme permanent et les membres de la commission d'enquête ne reçoivent ni ne sollicitent aucune instruction d'aucune autorité ni -comme le précise la directive- d'aucun organisme dont les intérêts pourraient entrer en conflit avec la mission qui leur est confiée.

Cette précision n'a, en effet, pas été reprise dans le projet de loi qui prévoit qu'ils ne reçoivent ni ne sollicitent d'instruction d'aucune autorité. Or la seule référence aux autorités ne permet pas de viser les organismes privés tels que les compagnies aériennes et les constructeurs d'aéronefs. Dès lors, rien n'interdirait qu'un expert d'une de ces entreprises soit, par exemple, nommé au sein de la commission d'enquête. Il est, à l'évidence, souhaitable qu'aucune personne soumise à l'autorité hiérarchique d'une entreprise impliquée dans un accident ne soit amenée à apprécier les causes de l'accident. Il s'agit non seulement de garantir l'impartialité des personnes chargées de l'enquête, mais également de renforcer la légitimité de l'enquête technique.

Votre commission a adopté à cet article, compte tenu des observations qui précèdent, deux amendements :

- le premier tend à préciser que les commissions d'enquête sont instituées par le ministre chargé de l'aviation civile ;

- le second tend à compléter la rédaction proposée pour le deuxième alinéa de cet article en précisant que l'organisme permanent et les membres des commissions d'enquête ne reçoivent d'instructions d'aucun organisme dont les intérêts pourraient entrer en conflit avec la mission qui leur est confiée.

Article L.711-3 du code de l'aviation civile -

Statut des agents habilités à procéder aux enquêtes techniques

Cet article définit les règles relatives à la nomination des enquêteurs techniques, des enquêteurs de première information et des membres des commissions d'enquête.

Le texte proposé pour l'article L.711-3 du code de l'aviation civile, que l'Assemblée nationale a adopté sans modification, comporte trois alinéas portant respectivement sur les enquêteurs techniques, les enquêteurs de première information et sur les modalités de recrutement de ces derniers et des membres des commissions d'enquête.

Le premier alinéa de cet article dispose que seuls les agents de l'organisme permanent désignés en qualité d'enquêteurs techniques et commissionnés à cet effet pourront bénéficier des prérogatives définies aux articles L.721-1 à L.721-6.

D'après les informations transmises à votre rapporteur, il est envisagé que les enquêteurs techniques soient commissionnés par le ministre chargé de l'aviation civile sur proposition du responsable de l'organisme permanent. La lecture combinée des premier et troisième alinéas de cet article porte à confusion. Les enquêteurs techniques seraient ainsi désignés, commissionnés, recrutés et nommés, sans qu'il soit possible de comprendre l'objectif de chacune de ces procédures et leur articulation. Il apparaît souhaitable de simplifier la rédaction de cet article et de préciser que le ministre commissionne les enquêteurs techniques sur proposition du responsable de l'organisme permanent. Cette procédure constitue, en effet, un élément du statut des enquêteurs techniques qui doit garantir leur indépendance comme le prévoit l'article 6 de la directive 94/56/CE.

Le deuxième alinéa de l'article L.711-3 prévoit par dérogation aux dispositions du précédent alinéa que des agents appartenant aux corps techniques de l'aviation civile, peuvent être agréés pour effectuer, en tant qu'" enquêteurs de première information ", sous le contrôle de l'organisme permanent, les premières opérations d'enquête sur le lieu de l'accident et en particulier les opérations de nature à permettre la préservation des indices.

Le troisième et dernier alinéa prévoit que les conditions de nomination, d'habilitation et le cas échéant, de recrutement des enquêteurs techniques, des membres des commissions d'enquête et des enquêteurs de première information, seront fixées par décret en Conseil d'Etat.

Compte tenu des observations qui précèdent, votre commission a adopté à cet article un amendement qui précise la rédaction de cet article et prévoit, en particulier, que les enquêteurs techniques seront commissionnés par le ministre chargé de l'aviation civile sur proposition du responsable de l'organisme permanent.

TITRE II -

L'enquête technique

CHAPITRE PREMIER -

Pouvoirs des enquêteurs

Le texte proposé par le chapitre premier du titre II relatif à l'enquête technique comporte six articles portant sur les pouvoirs des enquêteurs. Ces articles organisent une coordination des opérations effectuées par les enquêteurs techniques et judiciaires.

Article L.721-1 du code de l'aviation civile -

Accès au lieu de l'accident ou de l'incident

Cet article définit les règles relatives à l'accès des enquêteurs techniques au lieu de l'accident et organise une procédure d'information de l'autorité judiciaire.

Le premier alinéa du texte proposé pour l'article L.721-1 habilite les enquêteurs techniques et les enquêteurs de première information à accéder immédiatement à l'aéronef ou à son épave et à son contenu pour procéder sur place à toute constatation utile. Il est, en outre, prévu que " l'autorité judiciaire devra être préalablement informée de leur intervention ", en cas d'accident.

Cette disposition qui transpose une des dispositions de l'article 5 de la directive 94/56/CE a également pour objet de coordonner l'action des enquêteurs techniques et celle des enquêteurs judiciaires.

En l'état actuel du droit, l'absence de disposition légale autorisant explicitement les enquêteurs à accéder au lieu de l'accident a pu être dans certains cas une source de difficultés : l'absence de base légale à l'intervention de l'enquêteur technique risquant d'entacher de nullité la procédure judiciaire, certains juges ont pu interdire ou retarder l'accès des enquêteurs à l'épave.

Le texte proposé clarifie la situation en autorisant les enquêteurs à accéder au lieu de l'accident, tout en leur imposant d'informer l'autorité judiciaire.

Le second alinéa autorise les enquêteurs techniques ou à défaut les enquêteurs de première information à prendre toutes les mesures de nature à permettre la préservation des indices.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article L.721-2 du code de l'aviation civile -

Accès au contenu des enregistreurs de bord

Cet article tend à donner aux enquêteurs techniques l'accès aux enregistrements de bord et à préciser les modalités de cet accès selon qu'il y ait ou non ouverture d'une enquête ou d'une information judiciaire.

Le texte proposé pour cet article transpose en droit interne les dispositions contenues dans l'article 5 de la directive 94/56/CE qui prévoit que " conformément à la législation en vigueur dans les Etats membres et, le cas échéant, en coopération avec les autorités responsables de l'enquête judiciaire, les enquêteurs sont autorisés à (...) avoir un accès immédiat au contenu des enregistreurs de bord et de tout autre enregistrement, ainsi qu'à l'exploitation de ces éléments " .

Le premier alinéa dispose ainsi que " les enquêteurs ont accès sans retard au contenu des enregistreurs de bord et à tout autre enregistrement jugé pertinent ".

Les enregistreurs de bord ainsi visés sont les enregistreurs de paramètres et les enregistreurs phoniques, couramment surnommés " boîtes noires ". Les enregistreurs sont, dans la majorité des pays, obligatoires sur les aéronefs de transport. En France, un arrêté du 5 novembre 1987 impose pour tout aéronef d'une masse certifiée de décollage de 5700 kg ou autorisés à transporter 10 passagers, la présence d'au moins un enregistreur. Les deux types d'enregistreurs sont requis pour les aéronefs de plus de 14000 kg ou 36 passagers. L'analyse des différents paramètres caractéristiques de l'état de l'avion et des conditions du vol, des conversations, bruits et alarmes sonores au sein de l'avion, ainsi enregistrés, est essentielle pour déterminer avec précision les circonstances et les causes de l'accident.

Les autres enregistrements sont, d'une part, ceux des autres instruments d'enregistrement présents dans les avions et dont la raison d'être n'est pas le recueil d'informations aux fins de l'enquête technique, telles que les mémoires de certains équipements électroniques et, d'autre part, les enregistrements effectués au sol par les organismes en charge de la circulation aérienne.

Les deux alinéas suivants comportent deux paragraphes qui précisent les conditions d'accès des enquêteurs techniques aux enregistrements, selon qu'il y a ou non ouverture d'une enquête ou d'une information judiciaire.

Le I, vise les cas où une enquête ou une information judiciaire est ouverte. Il précise que les enregistreurs et supports d'enregistrement seront préalablement saisis par l'autorité judiciaire, selon les modalités prévues aux articles 97 et 163 du code de procédure pénale.

Contrairement à l'information judiciaire, l'enquête judiciaire concerne les cas où il n'y a pas eu désignation d'un juge d'instruction, mais où une enquête est cependant menée par la police ou la gendarmerie sous la responsabilité du procureur de la République.

Le deuxième alinéa de l'article 97 du code précité prévoit notamment que " tous les objets et documents placés sous main de justice sont immédiatement inventoriés et placés sous scellés ".

L'article 163 précise, quant à lui, que les scellés sont énumérés dans un procès-verbal, les experts devant en mentionner, dans leur rapport, toute ouverture ou réouverture.

Dans ces conditions, l'article dispose que les enregistreurs et supports d'enregistrement sont mis, à leur demande, à la disposition des enquêteurs techniques qui prennent copie sous contrôle d'un officier de police judiciaire des enregistrements qu'ils renferment.

Le II prévoit que lorsqu'il n'y a pas ouverture d'une enquête ou d'une information judiciaire, le procureur de la République sollicite un officier de police judiciaire pour constater le prélèvement des enregistrements et des supports d'enregistrement.

Ces dispositions confèrent aux enquêteurs un droit d'accès aux enregistrements qu'aucun texte, jusqu'à présent, ne leur garantissait .

Elles protègent ainsi les enquêteurs techniques, qui en procédant au prélèvement des supports d'enregistrement, pouvaient, en l'absence d'habilitation législative, être accusés de dissimulation de preuve et entrave à la justice. Ces dispositions offrent également des garanties à l'autorité judiciaire qui, dans tous les cas de figure, constate les prélèvements effectués. Elles protègent ainsi la procédure judiciaire contre les éventuels vices de forme liés à l'intervention des enquêteurs techniques.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article L.721-3 du code de l'aviation civile -

Prélèvements aux fins d'examen et d'analyse au cours d'une enquête
ou d'une information judiciaire

Cet article définit la procédure applicable aux prélèvements aux fins d'examen et d'analyse lorsque les interventions des enquêteurs techniques interfèrent avec une procédure judiciaire.

Le texte proposé par cet article comporte trois alinéas.

Le premier alinéa dispose qu'en cas d'accident ou d'incident ayant entraîné l'ouverture d'une enquête ou d'une information judiciaire, les enquêteurs techniques peuvent procéder, " avec l'accord selon le cas du procureur de la République ou du juge d'instruction, au prélèvement, aux fins d'examen ou d'analyse, de débris, fluides, pièces, organes, ensembles ou mécanismes qu'ils estiment propres à contribuer à la détermination des circonstances et des causes de l'accident ou de l'incident " .

Cet alinéa transpose en droit interne les dispositions de l'article 5 de la directive 94/56/CE qui prévoient qu' " en coopération avec les autorités responsables de l'enquête judiciaire, les enquêteurs sont autorisés à (...) effectuer un relevé immédiat des indices et un prélèvement contrôlé de débris ou d'éléments aux fins d'examen ou d'analyse " . Il subordonne néanmoins le pouvoir de l'enquêteur technique à l'accord de l'autorité judiciaire compétente.

Le deuxième alinéa prévoit qu'en l'absence d'accord, les enquêteurs techniques ont " le droit d'assister aux opérations d'expertise diligentées par l'autorité judiciaire compétente ". Cette disposition permettra en cas de refus de l'autorité judiciaire, que l'enquêteur technique puisse exploiter les constatations faites dans le cadre des opérations d'expertise judiciaire menées pour les besoins de l'enquête. Le droit d'assistance aux opérations d'expertise suppose cependant, dans la pratique, que les enquêteurs soient informés des expertises judiciaires. C'est pourquoi, il apparaît souhaitable de préciser ici que l'autorité judiciaire informe systématiquement les enquêteurs techniques des expertises judiciaires.

Le troisième et dernier alinéa du texte proposé pour l'article L.721-3 dispose que les enquêteurs techniques, lorsque les autorités judiciaires ont autorisé des prélèvements, ne peuvent soumettre les débris, fluides, pièces, organes, ensembles et mécanismes à des examens ou analyses susceptibles de les modifier, les altérer ou les détruire qu'avec l'accord de l'autorité judiciaire.

Cette procédure permet, là encore, de s'assurer que l'intervention des enquêteurs techniques ne puisse nuire à la procédure judiciaire et en particulier à la préservation de l'intégrité des éléments nécessaires aux conclusions de l'enquête judiciaire.

Votre commission vous propose d'adopter à cet article un amendement qui tend, compte tenu des observations qui précèdent, à préciser que les enquêteurs sont informés des opérations d'expertise diligentées par l'autorité judiciaire compétente.

Article L.721-4 du code de l'aviation civile -

Prélèvements aux fins d'examen et d'analyse
en dehors d'une procédure judiciaire

Cet article définit, comme le précédent, la procédure applicable aux prélèvements aux fins d'examen et d'analyse, mais dans le cas où l'accident ou l'incident ne fait pas l'objet d'une procédure judiciaire.

Le texte proposé par l'article L.721-4 comporte deux alinéas.

Le premier alinéa dispose qu'en cas d'accident ou d'incident n'ayant pas entraîné l'ouverture d'une enquête ou d'une information judiciaire, " les enquêteurs techniques peuvent, en présence d'un officier de police judiciaire dont le concours est sollicité à cet effet auprès du procureur de la République, prélever, aux fins d'examen ou d'analyse, les débris, fluides, pièces, organes, ensembles et mécanismes qu'ils estiment propres à contribuer à la détermination des circonstances et des causes de l'accident ou de l'incident ". Ainsi, en dehors d'une procédure judiciaire, l'accord de l'autorité judiciaire n'est pas sollicité. La présence d'un officier de police judiciaire est néanmoins requise pour éviter toute contestation ultérieure sur l'authenticité des éléments prélevés.

Le second alinéa dispose que les éléments prélevés sont restitués par les enquêteurs techniques lorsque leur conservation n'apparaît plus nécessaire à la détermination des circonstances et causes de l'événement. Il prévoit, en outre, que la rétention, la détérioration ou la destruction des éléments prélevés, pour les besoins de l'enquête, n'entraînent pas droit à indemnité.

Cette disposition constitue une extension aux enquêtes techniques, du principe jurisprudentiel qui considère, sauf exceptions pour faute ou en cas de préjudice anormal, que tout citoyen doit se soumettre aux actes requis par une procédure judiciaire.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article L.721-5 du code de l'aviation civile -

Droit à la communication des éléments d'information nécessaires
à l'enquête technique

Cet article attribue aux enquêteurs le pouvoir d'exiger la communication de tout élément d'information nécessaire à l'enquête technique, sous réserve des règles spécifiques pour les informations à caractère médical.

Le texte proposé par cet article comporte trois alinéas.

Le premier alinéa dispose que " les enquêteurs techniques peuvent exiger, sans que puisse leur être opposé le secret professionnel, la communication des documents de toute nature relatifs aux personnes, entreprises et matériels en relation avec l'accident " .

Compte tenu de la complexité des mécanismes en oeuvre lors d'un incident ou d'un accident, il est indispensable que les enquêteurs techniques puissent disposer de toutes les informations nécessaires à la détermination des causes de l'accident. C'est pourquoi l'article 5 de la directive n° 94/56/CE prévoit que les enquêteurs sont autorisés à " avoir librement accès aux informations pertinentes détenues par le propriétaire, l'exploitant ou le constructeur de l'aéronef et par les autorités responsables de l'aviation civile ou de l'aéroport " .

Le texte proposé par l'article L.721-5 transpose cette disposition. La possibilité d'exiger la levée du secret professionnel est, par ailleurs, en droit français une attribution commune à un certain nombre de corps d'inspection et d'enquête. La rédaction proposée reprend ainsi celle utilisée pour définir, par exemple, les pouvoirs des enquêteurs de la commission des opérations en Bourse (COB).

En cas de refus de communication des documents exigés par les enquêteurs techniques, les personnes concernées seront, conformément au texte prévu pour l'article L.741-2 relatif aux entraves à l'action de l'organisme permanent, passibles d'un an d'emprisonnement et de 100.000 francs d'amende. Il convient également d'observer que les enquêteurs techniques destinataires des renseignements sont, comme le rappelle le texte proposé pour l'article L.731-1, tenus au secret professionnel dans les conditions et sous les peines prévues à l'article L.226-13 du code pénal qui punit d'un an d'emprisonnement et de 100.000 francs d'amende quiconque révèle une information à caractère secret dont il est dépositaire.

Le deuxième alinéa du texte proposé pour cet article précise que lorsque les documents exigés sont placés sous scellés par l'autorité judiciaire, il est établi une copie pour les enquêteurs techniques.

Le troisième alinéa, dont la rédaction a été précisée par l'Assemblée nationale, définit la procédure relative aux dossiers médicaux. Afin d'encadrer plus strictement la communication des documents couverts par le secret médical, le texte prévoit, d'une part, que seuls les dossiers médicaux d'aptitude relatifs aux personnes chargées de la conduite, de l'information ou du contrôle des aéronefs (c'est-à-dire en particulier les pilotes et les contrôleurs aériens) peuvent être communiqués aux enquêteurs, et d'autre part, que ces dossiers sont transmis aux seuls médecins rattachés à l'organisme permanent.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article L.721-6 du code de l'aviation civile -

Communication des résultats des examens médicaux effectués
après l'accident ou l'incident

Cet article définit la procédure applicable aux examens pratiqués après l'accident ou l'incident sur les pilotes et contrôleurs aériens.

Le texte proposé pour cet article dispose que les résultats des examens médicaux effectués sur les personnes chargées de la conduite, de l'information et du contrôle de l'aéronef après l'accident ou l'incident, ainsi que les rapports d'expertise médico-légale concernant les victimes sont communiqués aux enquêteurs.

Dans la mesure où ces rapports d'expertise sont donnés dans le cadre d'une procédure judiciaire, ils ne sont pas couverts par le secret médical. Il convenait donc de distinguer ces informations des dossiers médicaux visés à l'article précédent et de prévoir en conséquence un dispositif plus souple.

L'Assemblée nationale a adopté à cet article un amendement précisant que ces examens ou prélèvements visent des personnes en relation avec l'accident ou l'incident.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

CHAPITRE II -

Préservation des éléments de l'enquête

Article L.722-1 du code de l'aviation civile -

Préservation de l'état des lieux et des documents

Cet article tend à prévenir toute altération des éléments de l'enquête.

Cet article comporte deux alinéas portant respectivement sur les lieux de l'accident et sur les documents et enregistrements pouvant être utiles à l'enquête.

Le premier alinéa interdit à toute personne d'altérer les lieux où s'est produit l'accident, de manipuler ou de déplacer l'aéronef ou son épave sauf dans deux cas : premièrement, lorsque les opérations sont commandées par la nécessité de porter secours aux victimes, deuxièmement, lorsqu'elles ont été autorisées par l'autorité judiciaire, après avis de l'enquêteur technique ou, à défaut de l'enquêteur de première information.

Cette interdiction s'adresse aux personnes étrangères à l'enquête technique ou judiciaire. Elle établit un compromis entre la nécessité de préserver les éléments de l'enquête et celle de déplacer et de manipuler l'épave si le secours des victimes l'exige ou si des exigences de sécurité liées, par exemple, au lieu où est survenu l'accident, qui peut être une propriété habitée ou une voie publique, l'imposent.

Le texte proposé reprend sur ce point des dispositions de l'annexe 13 de la Convention de Chicago, ainsi que la rédaction de l'article 55 du code de procédure pénale qui dispose que " dans les lieux où un crime est commis, il est interdit, à toute personne non habilitée, de modifier avant les premières opérations de l'enquête judiciaire l'état des lieux et d'y effectuer des prélèvements quelconques. Toutefois, exception est faite lorsque ces modifications ou ces prélèvements sont commandés par les exigences de la sécurité ou de la salubrité publique, ou par les soins à donner aux victimes. "

Le second alinéa complète ce dispositif en imposant aux personnes en possession de documents, matériels et enregistrements pouvant être utiles à l'enquête, de prendre toutes dispositions de nature à les préserver.

Comme il a été indiqué, tous les avions de transport de plus de 5,7 tonnes sont obligatoirement munis d'enregistreurs de vol. Ces instruments enregistrent sur une bande magnétique ou sur des mémoires statiques les divers paramètres caractéristiques du vol pour les enregistreurs de type FDR (Flight Data Recorders), les bruits, conversations et alarmes pour les enregistreurs de type CVR (Cockpit Voices Recorders). La plupart de ces enregistreurs ont un fonctionnement en boucle entraînant un effacement des premières données après quelques heures. C'est pourquoi le texte proposé précise que des mesures doivent être prises pour " éviter l'effacement après le vol, de l'enregistrement des conversations et alarmes sonores. "

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article L.722-2 du code de l'aviation civile -

Immunités disciplinaires et administratives

Cet article accorde une immunité disciplinaire et administrative aux personnes qui spontanément signalent un incident dans lequel ils sont impliqués.

Si les autorités en charge de l'aviation civile ont nécessairement connaissance d'un accident aérien, il n'en va pas de même pour les incidents. Dans la plupart des cas, seules les personnes impliquées dans un incident en ont connaissance. Dès lors, si ces personnes ne le signalent pas, les incidents sont ignorés et ne peuvent faire l'objet d'une enquête technique. Or les incidents permettent de tirer des enseignements utiles pour l'amélioration de la sécurité des aéronefs et de prévenir ainsi des accidents. Alors que dans le cas d'un accident, il est parfois, compte tenu de l'état de l'épave, très difficile de déterminer l'enchaînement des causes qui ont conduit à l'accident, lors d'un incident tous les éléments sont préservés et permettent une analyse plus exhaustive.

Dans ces conditions, il apparaît nécessaire d'inciter les personnes impliquées dans un incident, qu'elles soient chargées de la conduite, de l'information, du contrôle ou de l'entretien de l'aéronef, à signaler les incidents. La peur d'une sanction disciplinaire ou administrative constituait, à ce propos, un des principaux obstacles aux signalements spontanés des incidents. C'est donc pour rassurer les pilotes, les mécaniciens d'entretien, ou les contrôleurs aériens et les encourager à signaler un incident, que cet article L.722-2 propose que ces personnes ne puissent faire l'objet d'une sanction disciplinaire ou administrative pour l'action qu'elles ont commise, si elles ont informé spontanément et sans délai de cet événement.

Afin de ne pas tomber dans le travers d'autres Etats, où cette procédure, répétée à chaque incident, conduit parfois à exonérer de toute sanction des personnes irresponsables ou au comportement professionnel dangereux, le dispositif proposé ne s'appliquera pas en cas de manquement délibéré ou répété aux règles de sécurité. En outre, cette exemption ne s'appliquera pas en matière pénale et ne pourra donc notamment pas concerner les personnes ayant mis en péril la vie d'autrui.

Votre rapporteur a approuvé dans son principe ce dispositif. Il a cependant souhaité en modifier la rédaction afin, d'une part, de viser toutes les personnes qui, de par leurs fonctions, sont impliquées dans un incident, et non les seules personnes chargées de la conduite de l'information, du contrôle ou de l'entretien et, d'autre part, de prévoir que ces incidents seront signalés à l'organisme permanent et aux entreprises concernées.

Compte tenu des observations qui précèdent, votre commission a adopté à cet article un amendement proposant une nouvelle rédaction de cet article.

CHAPITRE III

Procès-verbaux de constat

Ce chapitre comprend un article consacré aux procès-verbaux.

Article L.723-1 du code de l'aviation civile -

Procès-verbaux

Cet article impose aux enquêteurs techniques d'établir des procès verbaux lors de leurs investigations.

Le premier alinéa du texte proposé par cet article prévoit que les enquêteurs techniques " établissent des procès-verbaux à l'occasion des prélèvements opérés et des vérifications effectuées dans l'exercice de leur droit de communication ".

Le second alinéa définit les mentions qui doivent figurer au procès-verbal.

Le troisième alinéa indique qu'une copie de ces procès-verbaux est adressée à l'autorité judiciaire lorsqu'une procédure judiciaire est ouverte. Le destinataire sera soit le procureur de la République, soit le juge d'instruction, selon qu'il s'agira d'une enquête ou d'une information judiciaire.

Ces dispositions introduisent dans les enquêtes techniques des éléments de procédure proches de ceux en vigueur dans l'enquête judiciaire, afin d'éviter toute contestation ultérieure sur les investigations effectuées.

Il convient toutefois d'observer que la rédaction adoptée comporte une ambiguïté relative au champ des opérations qui doivent faire l'objet de procès-verbaux. D'une part, il est fait mention des opérations effectuées en application du droit de communication qui semble faire référence au droit des enquêteurs à la communication des documents utiles à l'enquête, prévu à l'article L.721-5. D'autre part, l'article mentionne les prélèvements opérés, les pièces retenues, ce qui renvoie à l'ensemble des opérations d'investigation effectuées en application des articles L.721-1 à L.721-6.

L'Assemblée nationale a adopté à ce chapitre un amendement modifiant l'intitulé de ce chapitre.

Votre commission vous propose d'adopter, compte tenu des observations qui précèdent, un amendement qui précise la rédaction du premier alinéa du texte proposé pour cet article, en renvoyant explicitement aux opérations effectuées en application de l'article L.721-5.

TITRE III

Diffusion des informations et des rapports d'enquête

CHAPITRE UNIQUE

Article L.731-1 du code de l'aviation civile

Diffusion d'informations relatives à l'enquête et secret professionnel

Cet article fixe les conditions dans lesquelles il peut être dérogé au principe du secret professionnel, auquel sont tenus les agents de l'organisme permanent, et les personnes rattachées à l'enquête technique.

Le texte proposé pour cet article comporte deux paragraphes :

Le paragraphe I rappelle que : " les personnels de l'organisme permanent, les enquêteurs de première information, les membres des commissions d'enquête et les experts auxquels ils font appel sont tenus au secret professionnel dans les conditions et sous les peines prévues à l'article 226-13 du code pénal ". Cet article, comme il a été indiqué, punit d'un an d'emprisonnement et de 100.000 francs d'amende quiconque révèle une information à caractère secret dont il est dépositaire, soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire.

Le paragraphe II de cet article définit les conditions dans lesquelles il peut être dérogé à ce principe.

Le premier alinéa du II de l'article permet au responsable de l'organisme permanent de déroger à l'obligation de secret professionnel pour transmettre des informations résultant de l'enquête technique aux autorités administratives chargées de la sécurité de l'aviation civile, aux dirigeants des entreprises de construction ou d'entretien des aéronefs ainsi qu'aux personnes chargées de l'exploitation des aéronefs ou de la formation des personnels. Cette habilitation ne lui permet cependant d'intervenir que s'il estime que l'information, relevant normalement d'une donnée incluse dans le rapport d'enquête, " est de nature à prévenir un accident ou un incident grave ".

Le second alinéa prévoit que le responsable de l'organisme permanent et, le cas échéant, les présidents de commission d'enquête pourront dans le cadre de leur mission " rendre publiques des informations sur les constatations faites par les enquêteurs techniques et éventuellement leurs conclusions provisoires ".

Cette disposition a pour objet de permettre aux responsables de l'enquête de démentir certaines hypothèses que l'état d'avancement de l'enquête a déjà écartées. Dans certains accidents très médiatisés, il peut être utile que le responsable de l'organisme permanent ou les présidents de commission puissent, pour poursuivre leur enquête dans la sérénité, démentir certaines rumeurs. Il est également nécessaire d'offrir aux responsables de l'enquête la possibilité de communiquer aux proches d'éventuelles victimes des informations sur les circonstances de l'accident.

Il convient d'observer que ces dispositions prévoient non seulement une dérogation au secret professionnel mais également, lorsqu'il y a instruction judiciaire, une dérogation au secret de l'instruction. Les informations susceptibles d'être rendues publiques en application de cet article peuvent être, en effet, dans certains cas également couvertes par le secret de l'instruction. Cette dérogation est justifiée soit pour des motifs de sécurité, soit pour assurer la sérénité de l'enquête. Les responsables de l'enquête technique devront veiller à ne pas sortir de ce cadre et à ne pas interférer, pour des raisons étrangères à ces motifs, dans le déroulement de la procédure judiciaire.

L'Assemblée nationale a adopté à cet article un amendement supprimant la précision selon laquelle le responsable de l'organisme permanent ou les présidents de commission peuvent rendre publiques les informations précitées " sous réserve de ne porter atteinte ni à la vie privée des personnes, ni au secret industriel, commercial ou médical, ni à la sûreté de l'Etat et à la sécurité publique, ni au secret de la défense nationale et de la politique extérieure ", estimant que ce rappel était inutile.

Votre Commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article L.731-1-1 du code l'aviation civile

Publication en cours d'enquête de recommandations de sécurité

Cet article autorise l'organisme permanent à émettre des recommandations de sécurité en cours d'enquête.

Aux termes des articles L.711-1, L.711-2 et L.731-2, l'organisme permanent a pour mission d'établir, à l'issue de l'enquête technique , un rapport public contenant, le cas échéant, des recommandations de sécurité. L'article L.731-1-1 prévoit que " s'il estime que leur mise en oeuvre dans des délais brefs est de nature à prévenir un accident ou un incident grave ", l'organisme permanent peut, avant la fin de l'enquête , émettre des recommandations de sécurité.

Ce nouvel article est issu d'un amendement adopté par l'Assemblée nationale tendant à insérer ici des dispositions contenues initialement dans le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article L.731-2.

Votre Commission a adopté cet article sans modification.

Article L.731-2 du code de l'aviation civile

Publication du rapport d'enquête technique

Cet article prévoit que toute enquête technique fait l'objet d'un rapport public.

Le texte proposé pour cet article dispose que " l'organisme rend public, au terme de l'enquête technique, un rapport sous une forme appropriée au type et à la gravité de l'événement ". Cet article transpose les principales dispositions des articles 7 et 8 de la directive 94/56/CE.

Actuellement, seuls les accidents internationaux et ceux pour lesquels il est estimé qu'un rapport apportera une valeur ajoutée, font l'objet d'un rapport. Celui-ci est transmis aux services et entreprises concernées, mais n'est rendu public qu'avec l'autorisation du ministre des transports. Le projet de loi rend le rapport d'enquête systématique pour tout accident ou incident grave et impose sa publication.

Le texte proposé pour le premier alinéa ne reprend pas la distinction opérée par la directive entre " les rapports d'incidents " dont elle précise qu'ils " préservent l'anonymat des personnes impliquées dans l'accident " et " les rapports d'accidents " . Il prévoit que les rapports de l'organisme permanent " n'indiquent pas le nom des personnes ".

La directive s'applique, en effet, à des dispositifs nationaux où enquêtes judiciaires et enquêtes techniques sont parfois étroitement imbriquées. Le dispositif français prévoit, quant à lui, une séparation stricte entre la procédure judiciaire, qui tend éventuellement à dégager les responsabilités individuelles, et les procédures techniques qui visent à établir des recommandations de sécurité. Il apparaît donc justifié, dans ce cadre, de préserver l'anonymat pour l'ensemble des rapports techniques qui, comme le prévoit l'article 4 de la directive, " ne visent en aucun cas la détermination des fautes ou des responsabilités ".

Il convient cependant d'observer que dans la pratique la préservation de l'anonymat concernant des accidents connus est en partie illusoire. Ce type d'accidents, aux conséquences souvent tragiques, fait l'objet d'une large publicité, de sorte qu'il est aisé d'identifier les personnes impliquées dans l'accident.

Le deuxième alinéa précise qu'avant la remise du rapport, l'organisme permanent peut recueillir les observations des autorités, entreprises et personnels intéressés. Cette disposition organise la nécessaire consultation des parties intéressées. Il est précisé que celles-ci sont tenues au secret professionnel en ce qui concerne les éléments de cette consultation.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

TITRE IV

Dispositions pénales

CHAPITRE UNIQUE

Article L.741-1 du code de l'aviation civile -

Manquement à l'obligation de signaler un accident ou un incident

Cet article introduit dans le code de l'aviation civile des sanctions pénales à l'encontre des personnes qui ne portent pas à la connaissance des autorités administratives un incident ou un accident.

Le texte proposé par cet article prévoit des sanctions d'un an d'emprisonnement et de 100.000 francs d'amende pour les personnes qui, de par leur fonction, sont appelées à connaître d'un accident ou d'un incident au sens de l'article L.711-1 et ne le signalent pas.

Dans la pratique, les accidents aériens passent à l'évidence rarement inaperçus des autorités administratives. Ce n'est pas le cas des incidents, qui lorsqu'ils n'ont pas de conséquences notables, ne sont connus que des personnes impliquées dans l'incident.

Selon les informations dont dispose votre rapporteur, sont ainsi visées par ces dispositions les personnes chargées de l'exploitation, de la conduite, de l'information et du contrôle des aéronefs.

Cet article vient compléter les dispositions incitatives prévues par l'article L.722-2 visant à encourager les personnes à signaler les incidents dans lesquels elles sont impliquées.

Votre commission a adopté à cet article un amendement de coordination avec les modifications proposées à l'article L.711-1.

Article L.741-2 du code de l'aviation civile -

Entraves à l'enquête technique

Cet article introduit dans le code de l'aviation civile des sanctions pour entrave à l'action de l'organisme permanent.

Le texte proposé par cet article prévoit que les personnes qui s'opposent à l'exercice des missions dont sont chargés les enquêteurs techniques ou refusent de leur communiquer les enregistrements, les matériels, les renseignements et les documents utiles en les dissimulant, en les altérant ou en les faisant disparaître, sont passibles d'un an d'emprisonnement et de 100.000 francs d'amende. Ce dispositif complète ainsi les dispositions des chapitres du titre II relatifs aux pouvoirs des enquêteurs et à la préservation des éléments de l'enquête.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article L.741-3 du code de l'aviation civile

Sanctions pénales applicables aux personnes morales

Cet article prévoit que les personnes morales peuvent également être pénalement responsables des infractions définies au présent titre.

Le texte proposé par cet article prévoit que les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables, dans les conditions prévues par l'article 121-2 du code pénal, des infractions de manquement à l'obligation de signaler un accident ou un incident ou pour entrave à l'enquête technique.

Les peines prévues pour les personnes morales pour le compte desquelles ces infractions ont été commises sont l'amende prévue à l'article 131-38 du code pénal et les peines mentionnées à l'article 131-39 du même code.

L'amende prévue à l'article 131-38 du code pénal, dont le taux maximum est égal au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par la loi qui réprime l'infraction, s'élève à 500.000 francs.

L'article 131-39, prévoit différentes catégories de peines qui peuvent être notamment la dissolution, l'interdiction définitive ou temporaire d'exercer une ou plusieurs activités, le placement pour cinq ans sous surveillance judiciaire, la fermeture, définitive ou temporaire, d'un ou plusieurs établissements, l'exclusion des marchés publics, l'interdiction de faire appel publiquement à l'épargne, l'affichage ou la diffusion par presse écrite ou audiovisuelle de la décision prononcée.

Le dernier alinéa de l'article L.741-3 précise que la peine d'interdiction, à titre définitif ou pour une durée de cinq ans au plus, d'exercer directement une ou plusieurs activités professionnelles ou sociale porte sur l'activité dans l'exercice, ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 2 -

Décret en Conseil d'Etat et application aux territoires d'outre-mer

Cet article prévoit qu'un décret en Conseil d'Etat fixera les modalités d'application de la présente loi. Il précise également que la loi sera applicable dans les territoires d'outre-mer et dans la collectivité territoriale de Mayotte. Ces territoires étant soumis à un régime de spécialité, il convenait, en effet, pour que la loi y soit applicable, d'insérer une mention explicite.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

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Sous réserve des amendements proposés, votre commission demande au Sénat d'adopter le projet de loi.

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