III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

A. L'ANALYSE DE LA PROPOSITION DE LA COMMISSION EUROPEENNE

Votre rapporteur se félicite que la Commission ait présenté une proposition de réforme de l'OCM viti-vinicole, fondamentalement différente de celle de 1994 . La Commission propose ainsi un instrument dont la philosophie devrait permettre à toute la filière de mener les politiques qu'elle ambitionne et de valoriser un secteur clé de l'économie et de la culture européenne, ainsi que d'offrir aux consommateurs des produits de qualité, présentant toutes les garanties indispensables.

Comme le souligne M. James Bordas dans son rapport n° 196, " les orientations générales de la proposition E 1134 paraissent satisfaisantes sur plusieurs points : l'idée d'un " équilibre dynamique de marché ", la volonté d'éliminer la production n'ayant pour débouché que l'intervention, la poursuite de l'effort de restructuration des vignobles pour améliorer la compétitivité européenne, le principe d'une reconnaissance des interprofessions... ".

Cependant, votre rapporteur souligne certaines contradictions entre les objectifs énoncés et les instruments proposés pour les atteindre.

Un manque de flexibilité du potentiel de production

- Votre rapporteur souligne, à l'instar des organisations professionnelles, les fortes incohérences entre, d'une part, les objectifs affichés par la Commission européenne (permettre aux producteurs d'exploiter des marchés en expansion et permettre au secteur de devenir durablement plus compétitif) et l'interdiction de plantation nouvelle jusqu'au 31 juillet 2010, d'autre part.

La croissance envisagée dans le projet est donc largement inférieure aux capacités de développement de certains vignobles.

Votre rapporteur considère que des critères économiques sont plus adaptés qu'une simple référence à la superficie pour préjuger du potentiel réel de développement.

- De plus, la durée de vie des droits de plantation du producteur fixée à 5 ans par le texte est insuffisante pour assurer le repos sanitaire du sol entre l'arrachage et la replantation. Une telle mesure pourrait conduire à un recours accru à la désinfection chimique.

Une capacité d'intervention en cas de crise relativement faible

Votre rapporteur estime intéressante l'instauration d'un mécanisme de distillation de crise. Néanmoins, comme le souligne à juste titre M. Philippe Martin dans son rapport 3( * ) , la définition de cette procédure paraît quelque peu floue et sa mise en oeuvre relativement incertaine. En effet, aucune définition du terme de " crise " n'est donnée ; on ne sait pas, de plus, quelle est l'autorité qui appréciera la réalité ou non de la crise et comment ce mécanisme sera mis en oeuvre. Ainsi, en cas de réel excédent conjoncturel dû à des aléas climatiques, cette disposition de distillation facultative et générale sera-t-elle suffisante pour assainir le marché ? Ne faut-il pas cibler cette mesure ?

Une organisation de la filière insuffisamment autonome

Votre rapporteur prend acte de la volonté de la Commission européenne d'établir un cadre juridique reconnaissant les structures professionnelles.

Néanmoins, comme l'ont rappelé la plupart des organisations professionnelles à votre rapporteur, la rédaction proposée par la Commission ne correspond pas aux réalités du secteur dans les différents pays de l'Union .

Votre rapporteur regrette aussi la confusion qu'opère la Commission dans les compétences entre groupements de producteurs, organisations interprofessionnelles et autres modes d'organisation comme les syndicats de producteurs en France. Ce manque de clarté risque de fragiliser l'équilibre du secteur viti-vinicole.

Par ailleurs, le statut interprofessionnel proposé renforce le contrôle administratif communautaire sans régler la reconnaissance juridique des politiques régionales d'adaptation des marchés.

Une approche inadaptée en ce qui concerne les pratiques et traitements oenologiques et les spécifications des produits

Si la proposition de la Commission prévoit, pour l'essentiel, la reconduction de la situation réglementaire actuelle, il est, en revanche, prévu qu'une grande partie des règles techniques sera déterminée par la Commission.

Votre rapporteur considère, à l'instar de M. Philippe Martin, que la suppression du principe de la liste positive en vigueur depuis 1970 est une proposition dangereuse : en effet, une telle disposition constitue une brèche dans notre législation communautaire dans un secteur aussi sensible que celui des vins.

Une protection affaiblie pour les Vins de Qualité Produits dans une Région Déterminée (VQPRD)

La proposition de la commission tend à ne plus protéger les VQPRD : en effet, le Titre VI de la proposition communautaire ne contient pas de définition précise de ces produits.

Or, il est impératif que les autorités communautaires protègent nos désignations géographiques européennes tant au niveau de l'OMC qu'au niveau des accords internationaux qu'elles développent avec des pays tiers.

Le problème de la levée de l'interdiction d'importer des moûts de raisin à des fins de vinification

Le projet de la Commission permet l'importation de moûts en provenance de pays tiers destinés à être unifiés. Votre rapporteur considère qu'une telle autorisation, outre le fait qu'elle ne constitue en aucune façon une demande de l'OMC, pose trois difficultés majeures :

- elle risque de déstabiliser le marché européen en fragilisant la production européenne de vins de table ;

- elle amoindrit la confiance du consommateur ;

- elle fait financer par des fonds communautaires ces moûts en provenance de pays tiers qui sont utilisés pour distiller des vins européens. Comme le rappelle M. James Bordas : " la réglementation viti-vinicole de la Communauté est loin de constituer une entorse criante aux normes de l'OMC : le marché communautaire est largement ouvert aux vins étrangers, qui acquittent des droits faibles ; les restitutions à l'exportation sont très réduites (moins de 50 millions d'euros par an).

Cette proposition est enfin en totale contradiction avec les propositions de la Commission d'interdire le développement du potentiel viticole de l'Union européenne 4( * ) .

Un risque de manque de transparence dans la nouvelle architecture de la réglementation

Votre rapporteur se félicite du souhait de la Commission de consolider en un seul règlement cadre du Conseil les actuels 23 règlements sectoriels, la législation " vins " étant devenue extrêmement complexe.

Toutefois actuellement, la proposition de la Commission lui confère toutes les compétences législatives en lui laissant le soin d'adopter, par chapitre, après avis du seul comité de gestion, toutes les mesures d'application. Ce projet, comme l'indique M. James Bordas, " porte atteinte dans des proportions excessives aux pouvoirs du Conseil . " La préparation des futures négociations à l'OMC devrait pourtant conduire à maintenir au Conseil certaines prérogatives sur un secteur clé de notre économie, par exemple en matière d'étiquetage.

B. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

A l'aune de cette analyse, votre commission considère, tout d'abord, essentiel d'obtenir, dans cette proposition de réforme, " un droit à la croissance basé sur le marché " et une flexibilisation de la gestion des droits de plantation et de replantation.

Il faut, en outre, que le règlement encourage l'adaptation de l'offre à la demande, ainsi qu'une accélération du rythme de renouvellement des vignobles. En effet, le faible taux de renouvellement du vignoble pourrait entraîner un déficit qualitatif et de compétitivité dans un marché de plus en plus ouvert et soumis à une concurrence croissante.

Pour y parvenir, il faudrait que l'accroissement de 1 % de la superficie du vignoble, tel que proposé actuellement dans le projet, soit complété par :

- l'obligation faite à la Commission de présenter régulièrement des propositions de plantations nouvelles pour adapter la production à l'évolution des marchés ;

- le maintien d'une enveloppe supplémentaire pour les jeunes agriculteurs, afin d'encourager leur installation et l'adaptation structurelle de leur exploitation ;

- l'allongement de la durée des droits de replantation de 5 ans à 8 ans afin de concilier repos sanitaire des sols et rotation suffisamment rapide des droits.

Votre rapporteur estime, par ailleurs, nécessaire qu'un filet de sécurité minimal soit instauré afin de faire face de manière efficace à des risques de crise conjoncturelle liée aux aléas climatiques.

Ainsi, en cas de crise, le mécanisme de distillation retenu doit pouvoir être obligatoire dans certaines régions et pour des produits particuliers.

En ce qui concerne l'organisation de la filière, les professionnels se montrent favorables à ce qu'une large délégation de pouvoirs soit donnée aux Etats membres, afin qu'ils règlent eux-mêmes la reconnaissance juridique des structures professionnelles représentatives dans les différents Etats membres .

Il paraît également souhaitable à votre commission que le règlement retienne en toute clarté le principe du maintien en vigueur des normes concernant les traitements et les pratiques oenologiques , rien ne justifiant une modification des équilibres actuels.

La reprise dans la proposition de réforme de l'OCM viti-vinicole de l'intégralité de l'article 15 du règlement 823/87 définissant les types de vins et les noms des désignations géographiques utilisés traditionnellement par les Etats membres paraît indispensable à votre rapporteur afin d'assurer une réelle protection aux VQPRD d'une concurrence déloyale.

De plus, comme le souligne M. James Bordas, il convient de s'opposer à la levée de l'interdiction d'importer des moûts de raisin à des fins de vinification , afin de ne pas affaiblir la position européenne avant le début des nouvelles négociations sur l'OCM. Il est impératif de rappeler que le principe, pour déterminer l'origine d'un produit, est et doit rester , que les raisins doivent être produits à un endroit identique à celui s'effectue la transformation. Pour le cas où ces deux opérations auraient lieu en des endroits différents, il faut prévoir un étiquetage spécifique.

En outre, la proposition de règlement du Conseil, législation " cadre ", conférant à la Commission toutes les compétences législatives en lui laissant le soin d'adopter, par chapitre, après avis du seul Comité de Gestion, toutes les mesures d'application, ne satisfait pas votre commission qui souhaite en revenir au statu quo. Il est, au minimum, indispensable que le règlement du Conseil pose plus clairement les principes de mise en oeuvre de ces mesures de transferts.

Enfin, votre commission souhaite que le budget communautaire consacré au secteur vitivinicole soit en adéquation avec l'importance de cette filière en terme d'emploi, d'aménagement du territoire et d'exportation.

*

* *

Telles sont, Mesdames et Messieurs, les raisons qui justifient la proposition de résolution que vous soumet votre commission des affaires économiques dans la rédaction qu'elle a adoptée lors de sa réunion du mardi 9 février 1999.

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