EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est invité à examiner en deuxième lecture le projet de loi renforçant l'efficacité de la procédure pénale.

La principale innovation prévue par ce texte est la composition pénale, qui permettra au procureur de proposer à l'auteur de certains délits ou contraventions reconnaissant les faits, une ou plusieurs mesures de réparation. Les mesures proposées devront être validées par un magistrat du siège pour tenir compte des observations formulées par le Conseil constitutionnel lorsqu'un dispositif similaire avait été adopté en 1995. Le législateur a en effet déjà adopté, à l'initiative de M. Pierre Méhaignerie, alors garde des sceaux, un dispositif proche de celui aujourd'hui en discussion, l'injonction pénale, qui a été déclaré contraire à la Constitution.

Accueilli favorablement par le Sénat comme par l'Assemblée nationale, le dispositif proposé a été amélioré lors de la première lecture dans chacune des assemblées. Compte tenu des articles additionnels adoptés par le Sénat et l'Assemblée nationale, vingt-et-un articles demeurent en discussion à l'issue de la première lecture.

Avant de présenter les modifications apportées au projet de loi par l'Assemblée nationale, votre rapporteur rappellera brièvement le contenu du projet initial et les principales améliorations apportées par le Sénat en première lecture.

I. LE PROJET DE LOI ISSU DES TRAVAUX DU SÉNAT

Examinant ce projet de loi en première lecture les 17 et 18 juin 1998, le Sénat, saisi en premier lieu, s'est déclaré favorable à la mise en place de la procédure de " compensation judiciaire " proposée par le Gouvernement et a souhaité lui apporter des améliorations. Il a ainsi décidé de qualifier cette mesure de composition pénale plutôt que de compensation judiciaire comme le prévoyait le texte initial du Gouvernement, de donner au procureur la faculté de proposer une composition pénale directement ou par l'intermédiaire d'un officier ou agent de police judiciaire ou d'une personne habilitée, de porter le montant maximal de l'amende de composition de 10.000 à 50.000 F afin de laisser une marge d'appréciation au procureur, enfin de fixer un délai maximum de six mois pour la réparation des dommages.

Par ailleurs, le Sénat a jugé inutile d'inscrire dans la loi certaines pratiques auxquelles recourt le procureur de la République, telles que le rappel à la loi ou l'orientation vers une structure sanitaire et sociale.

Le projet de loi contient par ailleurs un grand nombre de dispositions, auxquelles le Sénat a souhaité apporter certaines améliorations.

- L'article 3 prévoyait, dans sa rédaction initiale, que le juge unique ne pourrait être compétent en cas de délit commis par une personne se trouvant en état de récidive légale. Le Sénat a souhaité ne prévoir la compétence du juge collégial que lorsque la peine encourue, compte tenu de l'état de récidive de la personne poursuivie, serait supérieure à cinq ans d'emprisonnement. Le Sénat s'est en outre opposé à la possibilité offerte par le projet de loi au juge unique de renvoyer une affaire au juge collégial lorsque sa complexité le justifie. Il a en effet estimé qu'un tel pouvoir d'appréciation laissé au juge unique portait atteinte au principe d'égalité devant la justice.

- L'article 11 du projet tendait à modifier l'article 191 du code de procédure pénale, afin de limiter les compétences devant la chambre d'accusation en matière de demandes de mise en liberté. Le Sénat a supprimé cette disposition, considérant que quelques abus ne sauraient justifier une limitation du droit pour une personne détenue de comparaître dans la chambre d'accusation.

- L'article 12 tendait à permettre aux parties de soutenir devant le tribunal correctionnel les nullités de la procédure lorsqu'une ordonnance de renvoi a été rendue sans que l'avis permettant précisément aux parties de soulever les nullités leur ait été adressé. Le Sénat a complété cet article afin que les nullités puissent être également soulevées devant le tribunal correctionnel lorsque le délai prévu pour soulever les nullités avant l'ordonnance de renvoi n'a pas été respecté.

- L'article 19 du projet initial avait pour objet de permettre au premier président d'une cour d'appel d'ordonner le renvoi d'une affaire devant une juridiction limitrophe située dans le ressort de cette cour lorsque la juridiction compétente ne peut être composée en raison des incompatibilités prévues par la loi. Le Sénat a décidé de supprimer cette disposition, estimant contestable de donner au premier président de la cour d'appel le pouvoir de décider, sans recours possible, quelle juridiction du ressort de la cour se verra confier une affaire.

- L'article 20 tendait à prévoit la possibilité que l'ensemble des notifications aux avocats, pour lesquelles une lettre recommandée ou une lettre recommandée avec demande d'avis de réception est actuellement prévue, puissent se faire également par télécopie avec récépissé. Le Sénat, en première lecture, a observé que le récépissé délivré par le télécopieur ne permettait pas de garantir qu'une télécopie avait été remise à la personne à laquelle elle était destinée. Il a donc décidé de prévoir que la notification par télécopie devrait être accompagnée d'un avis de réception du destinataire.

Par ailleurs, le Sénat a complété le projet de loi par trois dispositions nouvelles. Il a souhaité que le procureur général ne puisse faire appel des jugements de police que dans les mêmes conditions que les autres parties. Il a en outre adopté un article additionnel prévoyant que l'indemnité à laquelle peut prétendre un condamné innocenté peut être allouée par la décision qui établit son innocence, alors qu'il est aujourd'hui nécessaire de saisir la commission d'indemnisation en matière de détention provisoire. Enfin, le Sénat, à l'initiative de M. Michel Dreyfus-Schmidt, a adopté un amendement modifiant les conditions d'indemnisation des personnes ayant fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée par une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenue définitive.

II. LES TRAVAUX DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale a adopté le présent projet de loi le 6 avril 1999. Elle s'est déclarée en accord avec les principales orientations du texte, auquel elle a néanmoins apporté un certain nombre de modifications.

• L'Assemblée nationale a tout d'abord modifié l'intitulé du projet de loi en supprimant la référence aux alternatives aux poursuites. De fait, les mesures proposées constitueront également des mesures alternatives aux classements. Elle a en outre décidé de rétablir l'inscription dans la loi des mesures alternatives aux poursuites d'ores et déjà utilisées par le procureur de la République, telles que le rappel à la loi ou l'orientation vers une structure sanitaire ou sociale.

• A propos de la composition pénale, l'Assemblée nationale a accepté la nouvelle dénomination de cette mesure proposée par le Sénat. La commission des Lois s'est en revanche montrée réservée à l'égard de la possibilité pour le procureur de proposer une composition par l'intermédiaire d'un officier ou d'un agent de police judiciaire. L'Assemblée nationale s'est finalement ralliée à un amendement du gouvernement permettant que la composition soit proposée par l'intermédiaire d'un officier de police judiciaire, mais non par l'intermédiaire d'un agent. Le texte adopté prévoit que les propositions du procureur devront figurer dans une décision écrite et que la composition ne pourra être proposée pendant la garde à vue de l'auteur des faits. L'Assemblée nationale a en outre souhaité encadrer cette nouvelle procédure de garanties supplémentaires, prévoyant notamment que l'auteur des faits et la victime devront être informés de la validation ou du rejet de la composition pénale par le magistrat du siège.

En ce qui concerne le champ d'application de la composition pénale, l'Assemblée nationale a décidé de l'étendre au délit de rébellion ainsi qu'à celui d'usage de stupéfiants . Un débat a également eu lieu sur l'opportunité de permettre le recours à la composition pénale en matière de conduite sous l'empire d'un état alcoolique, mais cette proposition a finalement été rejetée.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a estimé que le montant de l'amende de composition prévu par le Sénat (50.000 F) était trop élevé et l'a ramené à 10.000 F tout en portant de six mois à un an le délai maximum pour verser cette amende.

Enfin, l'Assemblée nationale a souhaité étendre l'aide juridique à la composition pénale et a donc modifié en ce sens la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991.

• Sur les autres dispositions du projet de loi, l'Assemblée nationale a adopté neuf articles sans modification, acceptant quelques propositions du Sénat, en particulier les dispositions relatives à l'appel des jugements de police (article 5 bis) et celles relatives à l'indemnisation des personnes condamnées à tort (article 19 A). L'Assemblée nationale s'est également ralliée aux modifications apportées au texte par le Sénat en ce qui concerne le transport du juge d'instruction sur les lieux d'un crime ou d'un délit flagrant (article 8) et la limitation des comparutions devant la chambre d'accusation en matière de demandes de mise en liberté (article 11).

En revanche, l'Assemblée nationale s'est opposée à plusieurs décisions prises par le Sénat. Elle a ainsi décidé de :

- rétablir la possibilité pour le juge unique de renvoyer une affaire à la collégialité, d'office ou à la demande des parties, lorsque la complexité de l'affaire le justifie (article 3) ;

- supprimer les dispositions introduites par le Sénat, relatives aux indemnisations en raison d'une détention provisoire, estimant que ces mesures relevaient du projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes (article 19 B) ;

- rétablir la possibilité de renvoi d'une affaire d'une juridiction à une autre à l'initiative du premier président de la cour d'appel (article 19) ;

- rétablir la possibilité de notifications aux avocats par télécopie avec récépissé (article 20).


Par ailleurs, l'Assemblée nationale a apporté plusieurs autres modifications au texte. Elle a souhaité fixer à deux mois, au lieu de quarante-cinq jours, le délai dont disposera une personne, à compter d'une mise en demeure, pour réclamer un objet saisi dont la restitution aura été décidée (article 16). Elle a également complété les dispositions relatives aux examens techniques et scientifiques (article 7), ainsi que les articles relatifs à l'entraide judiciaire internationale (article 21).

Enfin, l'Assemblée nationale a adopté deux articles additionnels importants :

- le premier tend à habiliter certains douaniers à remplir des missions de police judiciaire, afin de mieux lutter contre la fraude. Les douaniers concernés recevraient une habilitation personnelle, délivrée après avis d'une commission composée notamment de magistrats. Leur compétence serait limitée aux infractions au code des douanes, aux infractions relatives aux contributions indirectes et aux contrefaçons. Ces agents seraient placés sous la direction administrative d'un magistrat de l'ordre judiciaire (article 20 bis) ;

- le second, adopté sur proposition du Gouvernement, concerne la création d'emplois-jeunes . Il prévoit, " pour développer des activités répondant à des besoins non satisfaits ", le recrutement d'agents de 18 à 26 ans en qualité de contractuels pour une période maximale de cinq ans non renouvelable, afin d'exercer les missions d'agents de justice auprès des magistrats et fonctionnaires du ministère de la justice. Le principal objet de cette disposition est en fait de permettre le financement à 100% par le budget de l'Etat des emplois-jeunes du ministère de la justice, alors qu'actuellement ce financement n'est prévu qu'à hauteur de 80% du SMIC (article 20 ter).

III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : CONFORTER LA COMPOSITION PÉNALE

La nouvelle mesure de composition pénale, prévue dans le présent projet de loi, est susceptible d'avoir des effets très positifs sur le fonctionnement de notre justice. Elle permettra en effet de donner une réponse pénale à un grand nombre d'infractions qui ne sont actuellement pas poursuivies. Elle peut également contribuer à alléger le rôle de certains tribunaux correctionnels sans pour autant que cette évolution puisse être qualifiée de laxiste. Elle peut enfin contribuer à réduire le nombre de mises en détention provisoire.

La composition pénale est une mesure intéressante parce qu'elle repose sur la reconnaissance des faits par leur auteur. Elle permettra d'éviter dans certains cas des procédures inutiles et constitue l'une des voies susceptibles de remédier à l'engorgement de notre justice pénale. Il faut donc souhaiter que cette mesure entre rapidement en vigueur.

Dans un souci de conciliation, votre commission accepte l'inscription dans le code de procédure pénale des mesures alternatives aux poursuites telles que le rappel à la loi ou l'orientation vers une structure sanitaire ou sociale. Elle vous propose d'accepter la plupart des modifications apportées au régime de la composition pénale par l'Assemblée nationale. Elle est en particulier favorable aux mesures destinées à garantir les droits de l'auteur des faits et de la victime.

Compte tenu des précautions prises pour que cette mesure respecte pleinement les principes de la procédure pénale, votre commission estime possible d'étendre le champ d'application de la composition pénale. D'ores et déjà, l'Assemblée nationale a décidé de l'étendre à la rébellion et à l'usage de stupéfiants. L'intégration de l'usage de stupéfiants parmi les délits susceptibles de donner lieu à composition pénale mérite d'être approuvée. En effet, l'usage de stupéfiants, lorsqu'il est seul en cause, est une infraction peu poursuivie (1.375 condamnations en 1995, 2.979 en 1996, 3.368 en 1997) et il est possible que la composition pénale permette d'apporter plus fréquemment une réponse pénale à cette infraction.

Votre commission vous propose d'étendre le champ d'application de la composition pénale au délit de conduite sous l'empire d'un état alcoolique.

Cette infraction représente actuellement la moitié des affaires traitées par certains tribunaux correctionnels. La possibilité de recourir à la composition pénale n'a en aucun cas pour vocation d'affaiblir la répression, mais de permettre une modulation de celle-ci tout en déchargeant les tribunaux correctionnels d'une partie de ce contentieux. Le procureur conservera naturellement la possibilité de renvoyer ces affaires devant le tribunal correctionnel. Il appartiendra au garde des sceaux, par une circulaire, d'apporter de préciser les situations susceptibles de justifier le recours à la composition pénale. En outre, votre commission vous propose de prévoir que le recours à la composition pénale pourra entraîner le retrait de points du permis de conduire de la même manière que le passage devant le tribunal correctionnel. Certes, aucune peine de prison n'est possible en cas de composition pénale, mais il est extrêmement rare que des peines de prison ferme soient prononcées pour cette infraction. En outre, dans les cas les plus graves, le procureur décidera naturellement d'engager des poursuites contre l'auteur des faits.

Ainsi, l'application de la composition pénale au délit de conduite sous l'empire d'un état alcoolique peut permettre d'améliorer l'efficacité de notre justice pénale sans affaiblir d'aucune manière la répression de cette infraction.

Par ailleurs, votre commission persiste à estimer que le montant maximal de 10.000 F prévu pour l'amende de composition n'offre pas une marge d'appréciation suffisante au procureur de la République. L'Assemblée nationale ayant considéré qu'un montant de 50.000 F était excessif, votre commission vous propose de fixer celui-ci à 25.000 F. Ce montant correspond à la plus faible peine d'amende prévue en matière correctionnelle.

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En ce qui concerne les autres dispositions du projet de loi, votre commission ne s'oppose pas à la plupart des modifications apportées au texte par l'Assemblée nationale, en particulier en ce qui concerne l'entraide judiciaire internationale et la restitution des objets saisis.

Votre commission vous propose d'accepter la rédaction proposée par l'Assemblée nationale en ce qui concerne les notifications aux avocats par télécopie. L'obligation pour le destinataire d'envoyer un avis de réception pourrait en effet faire perdre tout effet utile à cette disposition. Il reviendra aux cabinets d'avocats de prendre les mesures d'organisation nécessaires pour faire en sorte que les télécopies soient toujours remises à leurs destinataires.

En revanche, en ce qui concerne les emplois-jeunes , votre commission souhaite rappeler les observations qu'elle avait formulées dans son rapport pour avis sur le projet de budget du ministère de la justice pour 1998 : " Ces emplois seront financés à hauteur de 80% du SMIC plus les charges sociales par le budget du ministère de l'emploi et de la solidarité (...) Le financement des 20% restant (...) demeure incertain " 1( * ) . Il semble que le financement complémentaire n'ait pu être trouvé, de sorte que le Gouvernement se trouve contraint de légiférer pour prévoir la possibilité d'un financement à 100% de ces emplois par l'Etat. De manière plus générale, votre commission s'était interrogée en ces termes : " en l'état des moyens de la justice est-il plus judicieux de dépenser les 400 millions de francs annuels correspondant aux 3.500 emplois-jeunes (320 millions issus à coup sûr du budget de l'Etat, 80 millions provenant de sources encore mal identifiées) pour développer des activités encore périphériques aux missions essentielles de la justice mais desquelles peuvent germer des solutions d'avenir pour éviter le tout-judiciaire ou bien ne devrait-on pas donner la priorité aux moyens de traitement traditionnels du contentieux aujourd'hui asphyxiés? ". Cette interrogation conserve toute sa pertinence aujourd'hui et votre rapporteur considère qu'il serait préférable de renforcer les effectifs en magistrats ou en greffiers, afin d'améliorer le fonctionnement quotidien de notre justice .

En ce qui concerne l'article 3, relatif au renvoi par le juge unique d'une affaire devant le juge collégial, votre commission, consciente de l'intérêt qu'une telle disposition peut avoir pour le bon fonctionnement de la justice, vous propose d'accepter que le juge unique puisse renvoyer une affaire à la collégialité lorsque sa complexité le justifie.

L'article 19 du projet de loi, qui tend à permettre au premier président d'une cour d'appel de décider du renvoi d'une affaire d'une juridiction à une autre lorsque la juridiction compétente ne peut être imposée, continue à susciter les réserves de votre commission.

Il ne paraît pas souhaitable de permettre au premier président de choisir, sans recours possible, la juridiction appelée à connaître d'une affaire. En première lecture, deux amendements de suppression de cet article avaient été déposés, d'une part, par votre commission, d'autre part par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste. Votre commission vous propose à nouveau la suppression de cette disposition et appelle de ses voeux une révision rapide de la carte judiciaire , afin de mettre fin aux situations dans lesquelles les juridictions ne peuvent être composées.

Enfin, en ce qui concerne l'attribution aux douaniers de pouvoirs de police judiciaire pour certaines infractions précises, votre commission souscrit pleinement au texte adopté par l'Assemblée nationale, presque identique à celui qu'avait proposé M. Jacques Toubon, alors garde des Sceaux, dans un projet de loi portant diverses dispositions relatives à la justice, qui n'a pu être discuté par le Parlement. Dans un souci de clarté, elle vous propose d'intégrer cet article dans le code de procédure pénale, au sein de la section consacrée aux " fonctionnaires et agents chargés de certaines fonctions de police judiciaire ".

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