C. INSTAURER UN RECOURS EN MATIÈRE CRIMINELLE

La principale lacune de ce projet de loi réside dans l'absence de toute allusion à la question d'un éventuel recours contre les arrêts de la cour d'assises. L'absence d'une deuxième chance dans une telle matière porte profondément atteinte aux droits des personnes mises en cause.

De multiples exemples -anciens ou récents- démontrent qu'il est insupportable que les condamnations les plus lourdes soient aussi celles qui ne sont pas susceptibles de recours hors le recours en cassation.

Le législateur peut bien renforcer les droits de la défense à l'instruction, prévoir un contrôle des gardes à vue, mieux encadrer la détention provisoire, mais tout cela est vain si notre procédure pénale demeure marquée par cette anomalie si lourde de conséquences qu'est l'absence de recours en matière criminelle.

En 1996, M. Jacques Toubon, alors garde des sceaux, a présenté un projet de loi réformant la procédure criminelle, qui prévoyait la création dans chaque département d'un tribunal d'assises appelé à statuer en première instance, la cour d'assises étant appelée à devenir une juridiction d'appel. Examiné en première lecture par l'Assemblée nationale et le Sénat, le projet n'a pu être adopté définitivement du fait de la dissolution de l'Assemblée nationale.

L'actuel gouvernement n'a pas repris à son compte ce projet de loi, le garde des sceaux faisant valoir que les moyens financiers nécessaires à cette réforme n'avaient pas été prévus.

Est-il possible pour autant de ne rien faire ? Votre commission ne le pense pas. C'est pourquoi, elle propose la mise en place d'un système de recours très simple consistant à renvoyer une affaire devant une autre cour d'assises que celle qui a statué. Cette procédure d' appel tournant est bien connue en droit canon et avait déjà été mise en oeuvre sous la Révolution. Elle était connue sous le nom d'appel circulaire.

Le recours pourrait être formé dans un délai de dix jours après l'arrêt et le choix de la cour d'assises appelée à en connaître serait effectué par le président de la chambre criminelle de la cour de cassation. Conformément au principe de l'équilibre entre les parties, le recours serait ouvert à l'accusé et au ministère public. Toutefois, ce dernier ne pourrait effectuer de recours en cas d'acquittement.

Naturellement, une telle réforme suscite de nombreuses objections bien connues, notamment parce qu'il semble à certains difficile d'admettre qu'un jury populaire puisse être démenti par un autre jury comportant le même nombre de citoyens.

Un tel débat est certes intéressant, mais face au risque d'injustices irréparables, il a paru souhaitable à votre commission de dépasser les querelles doctrinales pour mettre fin à une véritable " anomalie " dans notre procédure pénale.

La réforme proposée sera d'un coût modeste, compte tenu du taux estimé des appels. Elle offrira à tous les condamnés la deuxième chance indispensable dans tout système judiciaire d'un véritable Etat de droit.

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