III. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS

A. LES ARTICLES ENTRANT DANS LE CADRE DU PROJET DE LOI

a) Améliorer la cohérence du projet de loi avec le droit existant pour ne pas surcharger la loi.

Votre commission des Lois vous propose de maintenir la suppression de l'article 2 du projet de loi, relatif à l'accès simple aux règles de droit, considérant que la rédaction proposée par l'Assemblée nationale ne purge pas cet article des défauts soulignés en première lecture par le Sénat et ne lui confère toujours pas valeur législative.

A l' article 3 , relatif à la codification des textes législatifs, votre commission vous proposera de mettre en cohérence cet article avec les dispositions du projet de loi portant habilitation du Gouvernement à codifier par ordonnances, qu'elle vous propose par ailleurs d'adopter sous réserve des modifications présentées dans le rapport de M. Patrice Gélard.

Aux articles 24 à 26 , votre commission des Lois vous proposera de regrouper dans la même loi les dispositions concernant les maisons des services publics. Il ne paraît pas souhaitable de maintenir deux textes concurrents, alors que l'essentiel du régime juridique des maisons des services publics figure déjà dans la loi du 4 février 1995 relative à l'aménagement et au développement durable du territoire, modifiée par la loi du 25 juin 1999.

Votre rapporteur regrette que la méthode adoptée par le Gouvernement n'ait pas permis de regrouper ces dispositions dans un seul des deux projets de loi en cours de navette, l'urgence ayant été déclarée sur le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.

b) Inclure en tant que de besoin dans le champ d'application de la loi les services publics industriels et commerciaux

A l' article 4 , organisant la personnalisation des relations entre les agents des services publics et les citoyens, votre commission vous propose, conformément à la position du Sénat en première lecture, d' imposer la levée de l'anonymat aux services publics industriels et commerciaux .

Votre rapporteur souligne à cet égard que tous les services publics industriels et commerciaux ne sont pas soumis aux règles de la concurrence et n'appliquent pas d'eux-mêmes la levée de l'anonymat préconisée par le projet de loi.

A l' article 10 , relatif à la mise à disposition des comptes des autorités administratives et des organismes subventionnés, votre commission des Lois vous proposera d'appliquer aux établissements publics industriels et commerciaux les mêmes obligations de transparence financière qu'aux services publics administratifs.

c) Concilier le droit à la transparence et l'exigence de bon fonctionnement des services publics.

A l' article 8 , modifiant la loi relative à l'accès aux documents administratifs, votre commission des Lois vous proposera de ne pas généraliser l'obligation pour une autorité administrative qui détient un document, sans en être l'auteur, de le communiquer aux demandeurs .

Cette disposition risquerait de s'exercer au détriment du bon fonctionnement du service public, l'administration détentrice du document n'étant pas toujours à même de déterminer si la communication de celui-ci ne porte pas atteinte à un secret protégé par la loi.

De plus, elle vous proposera de simplifier la liste des documents dont la communication peut être demandée à la Commission d'accès aux documents administratifs, l'intervention de la CADA étant un préalable indispensable avant tout recours contentieux.

A l' article 14 , concernant les modalités de transmission d'une demande à l'administration, votre commission des Lois vous proposera d' exclure l'application de cet article aux procédures régies par le code des marchés publics .

Il ne lui paraît pas souhaitable que les entreprises présentant des offres puissent s'acquitter de leurs obligations en envoyant leur demande par la poste le jour même de la date limite qui leur est impartie, le cachet de la poste faisant foi. Il est préférable de conserver le droit existant, permettant de rejeter pour tardiveté les offres non réceptionnées le jour de la date limite.

En effet, cette mesure placerait la personne responsable du marché dans une situation d'insécurité juridique , dans la mesure où elle supporterait les conséquences d'un acheminement postal défectueux, au risque de voir les opérations d'appel d'offres annulées par le juge administratif.

A l' article 22 bis , permettant à un assuré social de faire valoir ses observations avant de reverser les sommes qui lui auraient été indûment versées par un organisme de sécurité sociale, votre commission des Lois vous proposera de rendre la procédure contradictoire postérieure à la notification à l'intéressé de l'ordre de reversement des sommes indûment perçues . Sans préjuger de l'issue, il ne paraît pas indiqué de laisser croire que ces sommes constituent un droit pour l'assuré.

d) Lutter contre les recours abusifs

Votre commission des Lois vous proposera de rétablir l' article 5 bis, organisant la consignation d'une somme d'argent avant tout recours contre une autorisation d'urbanisme déposé par une association de sauvegarde de l'environnement, tout en en étendant le champ d'application afin de viser l'ensemble des associations.

Cette solution permet de lutter contre les recours abusifs, sans pour autant créer d'inégalités entre les associations requérantes ni limiter l'accès des particuliers à la justice.

e) Concilier la sécurité juridique et les droits des tiers.

A l' article 20 , relatif aux décisions implicites d'acceptation, votre commission des Lois vous proposera de rétablir l'interdiction pour le pouvoir réglementaire de créer des régimes de décisions implicites d'acceptation ayant des incidences financières, tout en ménageant une exception dans le domaine de la sécurité sociale.

A l' article 21 , concernant le retrait pour illégalité des décisions implicites d'acceptation, votre commission des Lois vous proposera une solution de conciliation entre les deux assemblées, dans le cas des décisions n'ayant fait l'objet d'aucune mesure de publicité à l'égard des tiers.

L'Assemblée nationale avait considéré que l'administration ne pouvait retirer cette décision illégale que dans le délai de deux mois à compter de la date d'intervention de la décision. Cette mesure est très défavorable aux tiers susceptibles d'être lésés par la décision. Le Sénat proposait à l'inverse le retrait sans condition de délai, à la demande d'un tiers lésé.

En deuxième lecture, il vous est proposé de permettre le retrait pour illégalité, à la demande d'un tiers y ayant intérêt, dans un délai de quatre mois à compter de la date d'intervention de la décision.

B. LES ARTICLES RELATIFS A LA FONCTION PUBLIQUE.

a) Les mesures améliorant la situation des fonctionnaires.

L' article 26 bis , prévoyant le changement de dénomination des secrétaires généraux de mairie en directeurs généraux des services, peut être adopté avec une simple modification d'ordre technique.

L' article 26 ter , qui améliore la situation des fonctionnaires bénéficiaires de pensions de retraite pour invalidité, peut être accepté sans modification.

Cependant, comme il ne s'applique qu'aux seuls fonctionnaires des services de l'Etat, votre commission des Lois souhaite interroger le Gouvernement sur les mesures réglementaires qu'il envisage d'adopter afin de les appliquer dans la fonction publique territoriale, et sur leur impact budgétaire pour ces collectivités.

L' article 27 A , relatif à la situation des médecins qui exercent des missions de médecine professionnelle et préventive dans les collectivités territoriales sans détenir la qualification requise, peut être accepté sans modification.

b) La jurisprudence " Berkani " du Tribunal des conflits.

Par les articles 26 quater et 26 quinquies , le Gouvernement propose d'inscrire dans la loi la jurisprudence récente du Tribunal des conflits unifiant les critères de définition des agents publics.

Cet arrêt de principe, à la lumière des arrêts suivants qui sont venus en préciser la portée, indique que les personnels non titulaires travaillant pour le compte d'un service public à caractère administratif sont des agents contractuels de droit public quel que soit leur emploi. Il privilégie donc un critère organique , sans considération pour le critère matériel jusqu'à présent utilisé par la jurisprudence, tenant à la participation directe des agents à l'exécution du service public administratif.

Il est permis de s'interroger sur l'innovation juridique majeure que constitue la notion de contrat de droit public à durée indéterminée , d'autant plus que celle-ci ne résulte pas de la jurisprudence du Tribunal des conflits.

Votre commission des Lois souhaite obtenir de la part du Gouvernement des précisions sur les conditions dans lesquelles les employeurs territoriaux pourront licencier les personnels qui bénéficieront de ces contrats de droit public à durée indéterminée. En particulier, elle souhaite savoir si la rupture du contrat à l'initiative de l'employeur s'accompagnera d'une indemnisation de l'agent ou du versement de dommages-intérêts.

Force est de constater que la notion de contrat de droit public à durée indéterminée ne favorise pas la souplesse nécessaire à une bonne gestion des ressources humaines dans les collectivités territoriales .

Pour ces raisons, votre commission des Lois vous proposera de supprimer les articles 26 quater (fonction publique de l'Etat) et 26 quinquies (fonction publique territoriale).

c) Les validations législatives.

Les articles 26 sexies et septies tendent à valider des mesures réglementaires annulées par la jurisprudence administrative (validation rétroactive) et à valider des décisions susceptibles de faire l'objet d'une annulation contentieuse (validation préventive).

Les validations législatives sont admises par le Conseil constitutionnel à deux conditions, répondre à un intérêt général et respecter les décisions de justice passées en force de chose jugée 1( * ) . Malgré cette seconde condition, les validations législatives portent une atteinte au principe de séparation des pouvoirs.

Votre commission des Lois souligne que les deux validations proposées répondent bien à un intérêt général constitutionnellement défini, dans la mesure où elles garantissent la continuité des services publics. Elle vous proposera donc de les accepter, afin de conforter la sécurité juridique des fonctionnaires concernés.

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Sous réserve de ces observations et des modifications qu'elle vous soumet, votre commission des Lois vous propose d'adopter en deuxième lecture le projet de loi relatif aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations.

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