C. UNE ACTION FORTE SUR LES DÉPENSES

Votre commission n'est pas hostile par principe à la dépense publique. Elle estime néanmoins que celle-ci, eu égard aux montants atteints actuellement, doit être maîtrisée, stabilisée et même réduite. Il est désormais impératif, afin que les prélèvements obligatoires soient réduits, de dépenser " moins " mais également de dépenser " mieux ".

1. Une salutaire réduction

a) La réduction des dépenses publiques : un objectif très largement partagé

La réduction des dépenses publiques est aujourd'hui un impératif.

Cette affirmation n'est pas, comme votre commission l'a souvent rappelé, un présupposé idéologique, mais une nécessité imposée par l'analyse objective de la situation budgétaire de la France et des perspectives préoccupantes d'évolution des dépenses publiques.

Il convient d'abord de rappeler que les engagements européens de la France entraînent des conséquences budgétaires pour notre pays.

En effet, conformément au Pacte de stabilité et de croissance, adopté par le Conseil de l'Union européenne en 1997, les Etats membres doivent " atteindre l'objectif à moyen terme d'un solde budgétaire proche de l'équilibre ou en excédent ".

La réduction des dépenses publiques est donc un engagement, faisant l'objet d'une surveillance multilatérale. La France ne saurait s'y soustraire sans manquer à sa parole ni sans subir les lourds inconvénients d'une perte de crédibilité.

Or, dans son rapport annuel 51( * ) , la Banque centrale européenne note : " La plupart des pays sont encore éloignés de l'objectif inscrit dans le Pacte de stabilité et de croissance...La poursuite des efforts d'assainissement a été différée ". Sur ce point, elle conclut : " les projections budgétaires devraient non seulement être conçues pour préserver les finances publiques des conséquences financières de récessions potentielles, mais devraient aussi prévoir des dispositifs permettant de faire face aux futurs engagements implicites accumulés par les administrations publiques ".

Il ne s'agit pas, en effet, de renouveler les erreurs du passé, et notamment de la période de forte croissance des années 1988 à 1990. Elle avait alors permis de réduire les déficits publics, tandis que l'Etat dépensait avec prodigalité : une fois cette période révolue, les déficits ont de nouveau augmenté, dans une proportion jamais égalée à cause des charges nouvelles que Etat s'était imposées et qu'il a dû honorer.

Or, en ce domaine, les critiques adressées au gouvernement sur son manque de volonté pour réduire les dépenses publiques proviennent également de sa propre majorité parlementaire.

En effet, lors de l'audition, par la commission des finances de l'Assemblée nationale, de MM. Strauss-Kahn et Sautter, le 15 septembre 1999, son rapporteur général, M. Didier Migaud, rappelait que : " La question est de savoir si l'on pourra compter uniquement sur la modération de la charge de la dette pour tenir les engagements en matière de croissance des dépenses de l'Etat, ou s'il faudra agir sur les dépenses de fonctionnement de l'Etat ".

On ne saurait mieux dire ! Sur ce point, votre rapporteur général partage entièrement l'analyse de son homologue de l'Assemblée nationale.

Par ailleurs, le président de l'Assemblée nationale, M. Laurent Fabius, a fait valoir, à plusieurs reprises, sa " différence " en matière de dépenses publiques. Il a, notamment, estimé que " si on veut traiter sérieusement la question des impôts et des charges sociales, il paraît essentiel de regarder sérieusement aussi du côté des dépenses. " Il ajoutait : " en matière de baisse d'impôts, c'est l'évolution des dépenses qui fait à long terme la différence ". Il préconisait même de " faire en sorte que l'argent public soit utilisé avec parcimonie ".

Or, le gouvernement reste sourd à ces conseils et à ces avertissements, qu'ils proviennent du Sénat, d'organisations internationales, des institutions communautaires, de la Cour des comptes ou des rangs de sa propre majorité. Il préfère s'en tenir à et entretenir l' " exception française ", dont tout indique qu'elle est une impasse, budgétaire en l'occurrence.

b) Les économies faites par le gouvernement

En présentant le projet de loi de finances pour 2000, le gouvernement a indiqué que " le réexamen au franc le franc de l'ensemble des dépenses publiques et la recherche des gains d'efficacité " avaient conduit à dégager des économies, 29 milliards de francs en 1998 et 31 milliards de francs en 1999. Ces économies s'élèveront, en 2000, à près de 34 milliards de francs.

Les gisements d'économies existent donc bel et bien même si l'effort du gouvernement est à relativiser. Il s'agit, en réalité, de redéploiements de crédits, destinés à financer les priorités du gouvernement. Les économies deviennent donc possibles dès lors qu'on veut les trouver !

Quelques exemples de redéploiements effectués par le gouvernement

Le gouvernement a ainsi réalisé des économies sur le budget de l'emploi . Il indique en effet que " les nouvelles priorités du gouvernement [les emplois jeunes et la réduction du temps de travail] ont été financées par des économies et un recentrage des dispositifs les plus anciens [le contrat initiative emploi ou les contrats emploi solidarité] ".

Votre commission rappelle que le gouvernement avait déclaré que les conséquences d'une réduction des crédits de l'emploi seraient très dommageables pour les publics concernés. Elle constate que ce n'est plus le cas. Ce qui n'était pas possible hier le devient aujourd'hui !

Par ailleurs, il convient également de remarquer que, contrairement aux affirmations du gouvernement, il est possible de diminuer les effectifs nets de la fonction publique, sans pour autant perturber le bon fonctionnement des services publics. Le ministère de l'économie en donne lui-même l'exemple, ses effectifs budgétaires allant diminuer de 3.000 postes en trois ans, grâce à des progrès de productivité.

Le gouvernement réalise donc, enfin, des économies forfaitaires, ce qui n'a en réalité, rien de surprenant.


Ainsi, dans une réponse adressée à votre commission lors de la préparation du débat d'orientation budgétaire de juin 1999, et relative aux postes d'économies budgétaires envisagés, le gouvernement a indiqué que " afin de financer ses priorités et respecter le cadrage qu'il s'est fixé, le gouvernement est conduit à dégager des économies [...] . S'agissant notamment des sections budgétaires les moins prioritaires, les dépenses de fonctionnement devront baisser de 3 % tandis que pour les dépenses d'intervention, une baisse de 10 % des moyens devra être recherchée ".

Le gouvernement valide donc a posteriori la stratégie arrêtée par votre commission. Pourtant, la position du gouvernement sur ce point n'est pas claire. Il semble même éprouver certaines difficultés à reconnaître qu'il réalise des économies budgétaires, et ses affirmations sont contradictoires.

Dans une réponse à une question de votre commission lors du débat d'orientation budgétaire, il a ainsi indiqué : " Loin de privilégier une logique d'économie aveugle et forfaitaire, le gouvernement a privilégié une budgétisation fondée sur l'analyse de l'efficacité de la dépense ".

Cependant, au cours d'une réunion de la Délégation interministérielle pour la réforme de l'Etat tenue le 13 juillet 1999 et présidée par le Premier ministre, un objectif de réduction de 15 % des chapitres budgétaires a été fixé pour la loi de finances.

Dès lors, s'agit-il d'une volte-face de la part du gouvernement ou plutôt d'une réticence à reconnaître qu'il réalise des économies forfaitaires ?

Au demeurant certaines économies affichées par le gouvernement apparaissent à votre commission éminemment contestables.

Le gouvernement indique s'agissant des redéploiements réalisés sur les dépenses de fonctionnement : " A titre d'exemple, la professionnalisation des armées et la réduction du format engendrent 1 milliard de francs d'économies sur les dépenses de fonctionnement ". Or, cette affirmation n'est pas fondée. En effet, le gouvernement oublie de préciser que le décret d'avance du 2 septembre 1999 a abondé de plus de 4 milliards de francs les crédits de rémunérations du budget de la défense. Dès lors, quelle est la base de son calcul ? La loi de finances initiale de 1999 ou l'exécution budgétaire telle qu'elle peut être objectivement constatée ?

2. Le renforcement du contrôle de la dépense publique

a) L'insuffisance du contrôle à l'origine de graves dysfonctionnements

Votre commission considère que le renforcement du contrôle exercé sur les dépenses publiques permettra de mettre en évidence les dysfonctionnements qui peuvent affecter leur utilisation, tout en rendant plus " visible " et légitime leur réduction.

En effet, l'efficacité des dépenses publiques est un enjeu majeur et doit faire l'objet d'un contrôle aussi régulier que possible. Il s'agit, en effet, non seulement de dépenser " moins " mais également de dépenser " mieux ".

Or, l'utilisation des dépenses publiques est loin, aujourd'hui, d'être toujours optimale ainsi que le prouvent les lacunes de la gestion des ressources humaines dans la fonction publique.

L'Etat, mauvais employeur ?

Contrairement à n'importe quel employeur, l'Etat ne connaît pas avec précision le nombre de ses fonctionnaires, ni leur position statutaire.

Ce constat, qui a de graves conséquences en termes budgétaires en raison tant des crédits que des effectifs concernés, résulte des travaux de la Cour des comptes mais aussi de ceux du Sénat.

Dans une lettre datée du 28 juillet 1998 et adressée au ministre de l'emploi et de la solidarité, le Premier président de la Cour des comptes écrivait : " la Cour a relevé que les effectifs dont disposait le ministère étaient éloignés des prévisions et autorisations de la loi de finances initiale ". Il poursuivait : " La description des effectifs qui figure en loi de finances initiale, seule information dont dispose la représentation nationale en la matière, ne correspond pas à la réalité ". Puis il concluait : " Une amélioration de la gestion prévisionnelle des effectifs est indispensable ".

Par ailleurs, la commission d'enquête sénatoriale sur la gestion des personnels de l'éducation nationale, présidée par notre collègue Adrien Gouteyron, a mis en exergue la " mal-administration " du système éducatif.

Des surnombres évalués à 10.000 enseignants, un volant d'heures supplémentaires disproportionné, des décharges syndicales totales ou partielles mal appréhendées, des personnels détachés ou mis à disposition avec un certain arbitraire : autant de dysfonctionnements qui expliquent que des élèves puissent ne pas avoir de professeurs malgré les moyens considérables dont dispose l'éducation nationale.

Dans le même temps, l'autorisation budgétaire est vidée de son sens au cours du processus de transformation des emplois inscrits en loi de finances en emplois attribués aux établissements scolaires, tandis que le contrôle des emplois est embryonnaire, en particulier au niveau local.

Dès lors, il est légitime de s'interroger sur la validité de l'information que le ministère de la fonction publique a communiquée à votre commission sur les positions statutaires des fonctionnaires de l'Etat.

En effet, d'après une enquête réalisée en 1996 par la direction générale de l'administration et de la fonction publique, il y avait 5.123 agents titulaires mis à disposition, 32.617 en service détaché, et 39.589 placés en disponibilité. Les chiffres ne sont-ils pas trop précis eu égard aux faits mis en exergue par la Cour des comptes et par le Sénat ?

Le ministère précise d'ailleurs que cette enquête " ne permet pas de recenser nommément les organismes d'accueil dans lesquels sont placés les agents " . Il y a donc des fonctionnaires mis à disposition, en service détaché ou placés en disponibilité, mais l'administration ignore où ils se trouvent précisément !

Par ailleurs, le rapport Roché sur le temps de travail dans les trois fonctions publiques a bien montré que les durées de travail moyennes hebdomadaires sont très variables. Pour les seuls agents à temps plein de la fonction publique, elles varient de 29 à 40 heures. Et le rapport conclut : " L'aménagement et la réduction du temps de travail doit être une formidable occasion d'une remise à plat de l'organisation actuelle du temps de travail dans les fonctions publiques ".

Où en est le gouvernement sur ce point ? Quelles sont ses véritables intentions s'agissant de l'application des " 35 heures " à la fonction publique ?

b) La prise en considération des contrôles réalisés

En créant, au début de cette année, une mission d'évaluation afin de mieux contrôler l'utilisation et l'efficacité de la dépense publique, la commission des finances de l'Assemblée nationale s'est ainsi ralliée, implicitement, aux préconisations faites depuis des années déjà, par son homologue du Sénat.

La mission d'évaluation et de contrôle (MEC)

En février 1999, le groupe de travail sur l'efficacité de la dépense publique et le contrôle parlementaire, constitué par l'Assemblée nationale et présidé par M. Laurent Fabius, a rendu ses conclusions, parmi lesquelles était affirmée la nécessité de mettre en place des outils adaptés au sein de l'Assemblée nationale : il s'agit de la mission d'évaluation et de contrôle (MEC), rattachée à la commission des finances.

La MEC tend à pallier l'absence d'évaluation de la dépense publique au sein du Parlement, en raison, notamment, d'une procédure budgétaire qui incite à privilégier " une logique de dépenses, au détriment d'une logique de résultats ".

La MEC s'inscrit clairement dans une logique de maîtrise des finances publiques .

Le rapport d'information présentant le bilan de la mission indique : " cette politique d'assainissement de nos finances publiques doit être poursuivie, afin, notamment, de retrouver des marges de manoeuvre budgétaire de soutien à la conjoncture et de réduire l'impact, sur la croissance, du niveau élevé de la dette publique et des prélèvements obligatoires ". Il s'agit, pour la MEC, de " rompre avec la logique actuelle du " toujours plus de dépenses " ". A cet égard, votre commission des finances ne peut que souscrire au principe de la mission : " Contrôler réellement, pour dépenser mieux et prélever moins ".

En 1999, la MEC a étudié quatre politiques publiques : la politique autoroutière, la gestion des effectifs et des moyens de la police nationale, les aides à l'emploi, et l'usage des fonds de la formation professionnelle. Elle a bénéficié du concours régulier de la Cour des comptes.

Il conviendra d'être attentif aux suites données, par le gouvernement, aux évaluations et contrôles de la MEC, le rapport d'information précité précisant qu' " il conviendrait, qu'à l'avenir, les travaux de la MEC aient des traductions lors de l'examen du projet de loi de finances ".

On ne peut donc que se féliciter d'une telle initiative. Il est cependant indispensable que le gouvernement prenne en considération, dans les projets de loi qu'il présente, les conclusions auxquelles les contrôles parlementaires sont parvenus.

Or, il semble que cette exigence ne soit que très partiellement remplie. Parfois même, les propositions du gouvernement vont exactement à l'encontre des conclusions formulées par la mission de l'Assemblée nationale. C'est le cas en ce qui concerne la politique autoroutière. De même, s'agissant de la gestion des effectifs et des moyens de la police nationale, le rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale estime que la MEC " avait fait le pari que ses propositions pouvaient être mises en oeuvre à budget constant, en les gageant, pour l'essentiel, sur les crédits de personnel, les prévisions de départs massifs en retraite constituant une opportunité exceptionnelle pour ce faire. Or, le projet de budget pour 2000 montre que le ministère de l'intérieur et de la décentralisation conditionne encore la mise en oeuvre de ces mesures à l'obtention de crédits supplémentaires ".

3. Dépenser moins, dépenser mieux

a) Une position exprimée lors du débat d'orientation budgétaire

Lors du débat d'orientation budgétaire, votre commission avait déjà attiré l'attention sur le fait que l'amélioration des comptes publics français résultait de la conjonction d'un niveau élevé de prélèvements et d'une bonne conjoncture économique.

Votre commission est donc favorable à une réelle réduction des dépenses publiques, des dépenses de fonctionnement notamment. Une action forte doit être entreprise sur le " train de vie " de l'Etat, ainsi que sur les dépenses de la fonction publique.

En 2012, la moitié des fonctionnaires aujourd'hui en activité devraient être partis à la retraite. Il faut saisir cette occasion pour réduire le format et les missions de l'Etat. Les dépenses de personnel sont devenues les plus lourdes, et sont les plus rigides. Quant aux charges résultant des pensions, elles deviendront très rapidement insoutenables. Le gouvernement lui-même en convient, puisque questionné sur ce point par votre commission des finances, il a estimé que " en raison du poids qu'elles représentent dans le budget de l'Etat, les dépenses de personnel constituent un enjeu majeur dans la maîtrise des finances publiques dans les années à venir ".

Les intentions ne se sont toujours pas traduits en faits. Les économies mises en avant par le gouvernement sont en réalité des économies de constatation, mais aucune décision n'a été engagée ni même prise afin de dégager de véritables marges de manoeuvre sur ces postes de dépenses.

Il apparaît donc que le gouvernement a décidé de ne rien faire, et, à ce titre, il porte une lourde responsabilité face aux générations futures qui devront assumer les conséquences financières de son manque de courage.

Peut-on réduire le nombre des fonctionnaires ?

Il est possible de réduire le nombre de fonctionnaires sans porter atteinte néanmoins à la qualité du service public ni remettre en cause la valeur de ceux qui ont choisi de s'y consacrer. Dans son rapport publié à l'occasion du débat d'orientation budgétaire, votre rapporteur général écrivait ainsi : " Il importe d'ancrer dans la durée la politique de réduction des effectifs de la fonction publique préconisée par votre commission ". Concrètement, il était proposé de ne pas remplacer 5 % des départs à la retraite des fonctionnaires, ce qui permettrait de diminuer les effectifs de 4.250 emplois par an, soit une diminution annuelle de moins de 0,3 % des effectifs totaux actuels.

Cette démarche est pleinement opératoire puisque, en réponse à une question de votre rapporteur général, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie précise que " le non remplacement total des départs en retraite en 2000 générerait une économie de l'ordre de 9,3 milliards de francs en 2000, pour une réduction d'effectifs d'environ 44.900 fonctionnaires civils. En 2005, cette économie, estimée à 12,1 milliards de francs pour le flux des départs de l'année (58.400 départs non remplacés), permettrait d'obtenir une économie annuelle cumulée de 63,9 milliards de francs ".

b) Des intentions aux faits

Cette position est constante et votre commission l'a déjà défendue et appuyée lors des deux derniers exercices budgétaires. Elle regrette à ce titre que les dépenses ne diminuent pas en 2000 puisque le retour de la croissance et le maintien à un niveau élevé des prélèvements obligatoires permettent au gouvernement de financer ses priorités.

Elle souhaite donc que les dépenses de fonctionnement, notamment celles liées à la fonction publique, soient, de façon claire et continue, orientées à la baisse.

Elle n'a cependant jamais opté en faveur d'une baisse systématique de l'ensemble des dépenses publiques. Elle a ainsi toujours souhaité préserver les budgets régaliens mais également les dépenses qui préparent l'avenir et notamment celles des titres V et VI, alors que la régulation budgétaire opérée par le gouvernement a souvent réduit ce type de dépenses.

Par ailleurs, votre commission n'ignore pas que certains départements ministériels pourraient bénéficier de crédits plus importants, tandis que des économies pourraient être réalisées sur d'autres. L'ordonnance organique de 1959 lui interdit cependant de procéder à de telles réaffectations, bien souvent indispensables.

En réalité, votre commission souhaiterait pouvoir réaliser des redéploiements ou des réaffectations de crédits, eu égard aux besoins budgétaires qui se manifesteraient, ou de manière à tirer les conséquences de dysfonctionnements, voire de gaspillages, éventuellement mis en évidence par les missions de contrôle qu'elle entreprend sur l'utilisation et l'efficacité de la dépense publique.

Comment " activer " les dépenses passives de l'emploi :
l'exemple du revenu minimum d'activité (RMA)

Cette initiative prise par votre rapporteur général part d'un constat : il faut mettre fin à cette spirale de l'inactivité mise en place par le RMI et développer grâce au RMA un cercle vertueux de l'activité.

En effet, le niveau élevé de certaines prestations sociales en font souvent un frein puissant à la reprise du travail et à la réinsertion sociale. Par exemple, le bénéficiaire du RMI hésite à accepter un poste relativement précaire qui le conduirait à abandonner son allocation et les exonérations diverses qui y sont associées. Ceci nourrit l'exclusion sociale et a un coût élevé pour l'Etat : même le Conseil d'analyse économique (CAE) placé auprès du Premier ministre, l'a récemment admis.

Aussi, afin de lutter contre le chômage et l'exclusion sociale, le RMA a pour buts principaux :

de favoriser la reprise d'activité des bénéficiaires du RMI et des chômeurs de longue durée, s'agissant des personnels les moins qualifiés ;

d'augmenter le niveau de l'emploi et de réduire l'exclusion sociale.

Il s'agit également d'une prestation sociale résolument tournée vers l'activité

Le niveau des prestations délivrées aux titulaires du RMI et aux chômeurs en fin de droit contraste avec leur faible retour à l'activité : les prestations ne servent plus qu'à l'assistance. On peut dès lors se demander si le RMI n'est pas désormais " un revenu minimum d'inactivité ". Il est au demeurant frappant de rappeler que la charge du RMI pour l'Etat a augmenté de 30 % depuis 1996, lorsque nous connaissions une période de vive croissance de l'économie.

Par ailleurs, de nombreux gisements d'emplois existent mais ne sont pas occupés pour deux raisons : trop coûteux pour les entreprises, trop faiblement rémunérateurs pour les bénéficiaires de prestations d'assistance et notamment du RMI.

Le RMA veut donc renverser ces effets pervers en proposant une solution servant les intérêts des exclus comme des entreprises par une réorientation totale des aides publiques.

Son mécanisme est simple. Le bénéficiaire du RMI ou le chômeur indemnisé de longue durée devenant salarié perçoit un RMA. Celui-ci correspond d'une part au salaire qui est versé par l'entreprise, et d'autre part à un complément de ressources payé par l'Etat. Cela doit lui assurer un gain net de revenu par rapport à sa prestation d'origine et aux avantages associés. Il y a un intérêt objectif pour le bénéficiaire à travailler.

Ceci se fait dans le cadre d'un contrat de longue durée (cinq ans) qui assure au salarié une stabilité de ses revenus et qui définit les engagements auxquels souscrit l'entreprise vis-à-vis de l'Etat. Bien entendu, un tel mécanisme s'applique aux chômeurs et bénéficiaires de RMI les moins qualifiés ; il ne peut concerner les personnes reconnues officiellement employables du fait de handicaps physiques ou moraux ; il est conçu de manière à éviter les effets d'aubaine. Sur la base de tels principes, votre commission approfondira son analyse et la consignera dans une prochaine proposition de loi.

Dès lors, cette année, votre commission , regrettant la faiblesse des marges de manoeuvre offertes par l'ordonnance de 1959 vous proposera de rejeter les budgets dont les orientations ne sont pas admissibles pour elle et non conformes aux préconisations qu'elle a déjà émises depuis deux exercices budgétaires.

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