B. LE RENFORCEMENT DE LA COMPÉTITIVITÉ DE TOUS LES OPÉRATEURS DE L'AUDIOVISUEL, PUBLICS ET PRIVÉS

Une politique de la communication audiovisuelle ne doit pas se réduire pas au seul secteur public.

Les enjeux d'une politique audiovisuelle dépassent largement le cadre de l'audiovisuel dans la mesure où les opérateurs privés participent directement ou indirectement à l'accomplissement de certains objectifs d'intérêt national voire de missions de service public.

Il est de l'intérêt du pays de mettre en place un secteur audiovisuel fort quel que soit le statut public ou privé des acteurs.

Une bonne partie des interventions publiques doivent donc favoriser non le seul secteur public mais tous les opérateurs nationaux qui sont tous en concurrence sur le marché mondial.

Le premier devoir des pouvoirs publics et des instances de régulation mises en place par le législateur est, de ce point de vue, d'assurer une certaine stabilité des règles du jeu.

Or, au fil des alternances, trop de lois, trop de règlements ont été édictés ces dernières années, privant les opérateurs du cadre stable dont ils ont besoin, pour se développer et pour s'adapter sereinement aux marchés mondiaux.

1. Des règles du jeu stables et claires

Dans un marché mondialisé, éminemment mouvant, tant sur le plan technologique qu'économique, les opérateurs nationaux industriels et commerciaux ont besoin d'un horizon stable pour affronter la concurrence.

La création d'une instance de régulation, dont le rôle est d'adapter à la réalité, en toute indépendance, les principes édictés par le Parlement, contribue à cette stabilité.

Dans un monde audiovisuel en mutation, la régulation, pour reprendre les formules exprimées par M. Hervé Bourges est " la forme moderne de l'intervention de l'État dans un secteur économique. C'est une intervention qui, préservant un certain nombre de principes intangibles, qui ne doivent pas pouvoir être remis en cause par les lois du marché, permet néanmoins de laisser la plus grande liberté et la plus grande autonomie aux acteurs professionnels. "

Le problème de la concurrence entre le secteur public et le secteur privé se trouve aujourd'hui relancé par les suites données par la commission de Bruxelles à une plainte déjà ancienne déposée par un certain nombre d'opérateurs privés européens..

La société TF1 avait déposé, en 1993, une plainte accusant les deux chaînes publiques, France 2 et France 3, de concurrence déloyale. C'est tout le dossier du droit des chaînes publiques à avoir recours à la publicité qui est ainsi mis en cause.

Pour justifier sa plainte, TF1 fait valoir qu'il n'est pas possible que les chaînes publiques bénéficient à la fois de crédits publics et de recettes publicitaires. La chaîne affirme " les subventions que l'État a accordées à France 2 et France 3, confèrent à ces entreprises un avantage économique sur leurs concurrents " . Elle relève également que " France 2 et France 3 se taillent une part importante du taux d'écoute et des recettes publicitaires disponibles " et note que " la possibilité, pour une entreprise, de bénéficier de fonds publics interdits à ses concurrents peut lui permettre d'offrir des prix plus compétitifs pour son espace publicitaire " .

La Commission a procédé à une première procédure informelle en 1996 sans prendre de décision. Condamnée en carence en septembre 1998 à l'occasion d'un litige opposant la télévision publique espagnole à la société privée Telecinco, la Commission a relancé la procédure contentieuse et adressé une lettre en date du 28 février 1999 à la France, à l'Espagne et à l'Italie, demandant que lui soit démontré la compatibilité du financement public avec la prohibition des aides directes prévues aux articles 92 et suivants du Traité de Rome .

Dans sa lettre, la Commission aurait estimé que le fait que l'Etat soutienne financièrement France 2 et France 3 " peut aussi empêcher des investisseurs étrangers d'investir sur le marché français de la radiodiffusion " et aurait abouti à la conclusion que : " Il en découle que les aides accordées à France 2 et à France 3 faussent la concurrence et pourraient affecter les échanges intra-communautaires au sens de l'article 92 . "

En conséquence, la Commission a demandé au gouvernement français de lui fournir la désignation officielle " de la mission de service public " confiée à France 2 et France 3.

Toute la question est de savoir dans quelle mesure le protocole d'Amsterdam du 17 juin 1997 consacré à l'audiovisuel, protège les secteurs audiovisuels publics des menaces que constitue une application rigoureuse des règles de la concurrence et notamment de celles relatives aux aides d'État et dans quelle mesure l'exercice de missions de service public peut-il bénéficier de l'exception de service public contenue de l'article 90.2 . En effet, l'article 90.2 exempte, sous certaines conditions, les entreprises chargées d'un service d'intérêt économique général des règles de concurrence.

Certes, en faisant référence à la " mission de service public telle qu'elle a été conférée, définie et organisée par chaque Etat membre ", le protocole d'Amsterdam réaffirme le droit de chaque Etat membre de définir et d'organiser librement cette mission de service public en déterminant les obligations soit générales, soit particulières, relevant de cette mission. C'est ce que fait la loi française sur l'audiovisuel du 30 septembre 1986 et les cahiers des charges qui en découlent en disposant, à titre d'exemple, des missions de respect du pluralisme, de promotion de la langue française, d'adaptation des diffusions aux malentendants, de service minimum, et de diffusion des communications du gouvernement, de l'expression du Parlement, et d'émissions à caractère religieux et d'informations spécialisées, éducatives ou sociales.

Mais, il faut enfin rappeler que le protocole d'Amsterdam assortit cette reconnaissance d'une condition que " le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l'intérêt de la Communauté " . Cette règle interprétée strictement n'interdit pas aux autorités de Bruxelles de faire jouer le droit de la concurrence et, de ce point de vue , le secteur public n'est pas à l'abri d'une remise en cause de son mode de financement voire de son mode de fonctionnement . Le changement de titulaire des compétences en matière de concurrence au sein de la commission de Bruxelles peut toutefois laisser espérer une certaine souplesse dans la gestion de ce contentieux.

Une autre polémique est née en août dernier, lorsque TF1 décide de déprogrammer un film pour lui substituer de programmes plus populaires, pour contrer le Destin des Steenfort, le grand feuilleton de rentrée de France 2. Les deux soirs, TF1, avec plus de 35% de parts de marché a devancé France 2 crédité respectivement de 22% et 25%.

En matière de déprogrammation , il existe pourtant depuis 1988 un accord entre les chaînes hertziennes en application duquel chaque chaîne dépose auprès du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), et sous enveloppe cachetée, sa programmation d'une semaine complète 21 jours en aval, ce qui semblerait ne pas avoir été le cas en l'espèce. En fait, les deux parties ne semblent pas avoir la même interprétation du texte : pour TF1, il s'agit d'un simple code de bonne conduite, tandis que, pour France 2, il s'agit d'un accord interchaîne ayant une portée contraignante.

Au delà de cette affaire de déprogrammation à caractère plutôt anecdotique mais révélatrice d'un climat, il faut souligner que le premier sujet est d'importance dans la limite où il pourrait à terme compliquer au nom d'impératifs de concurrence, le financement des développements commerciaux du secteur public non seulement sur des crédits budgétaires mais sur les ressources de redevance.

2. Le décollage du satellite et le retour du câble

Après s'être fourvoyée avec le plan câble et les satellites de télédiffusion directe, la France apparaît à l'avant-garde en matière de numérique. Même le câble semble, avec l'amorce de la convergence entre télécommunication et télévision, retrouver une nouvelle vigueur.

a) La France à la pointe du numérique par satellite

La France est le premier pays équipé pour la réception par satellite de télévision numérique, avec 2,14 millions de foyers, soit 39 % des abonnés européens à ce mode de réception, selon une étude récente de Démoscopie pour la Société Européenne des Satellites (SES).

Selon une autre enquête réalisée pour l'organisation européenne de télécommunications, Eutelsat, c'est 6,2 millions de foyers français qui reçoivent désormais une offre élargie de programmes télévisés par câble et par satellite. Les nouveaux modes de réception de la télévision concernaient donc au mois de juin 1999 pas moins de 27 % des foyers.

Au regard des pays du nord de l'Europe où, comme en Allemagne ou Belgique, la pénétration du câble peut atteindre respectivement 70 % et 90% de la population, ce chiffre peut paraître encore modeste.

Mais la progression en France est spectaculaire, sous le double effet de l'ouverture du marché du numérique et de la concurrence entre les bouquets de chaînes Canal Satellite et TPS : tandis que ce dernier - diffusé par Eutelsat - pouvait faire état de 720 000 abonnés fin août 1999, le premier - porté par le satellite Astra - 1,248 millions d'abonnés.

De juin 1997 à juin 1998, la pénétration du câble est de 13 % : un an plus tard, en juin 1999, elle a progressé de 17 % avec 2,8 millions de foyers. En revanche, la réception par satellite qui avait augmenté de 17 % entre 1997 et 1998, a cru l'année suivante de 69 %, pour concerner désormais 3,5 millions de foyers : pour la première fois en France, la parabole supplante donc le câble dans le mode de réception.

b) Le pari sur l'interactivité

Les groupes privés pionniers du numérique mettent maintenant le cap sur l'interactivité, considérée comme le vecteur du développement du marché.

Ainsi, le groupe de Pierre Lescure entend-il, avec ses 1,3 millions d'abonnés numériques à la chaîne Canal+ et à Canal Satellite, faire de l'interactivité, à la télévision et sur l'internet, un nouveau "centre de profit".

Pour Canal+, la stratégie est simple : grâce au numérique, qui permet l'interactivité, le groupe peut fournir à l'abonné captif une foule de services payants complémentaires : paiement à la séance pour le sport et le cinéma, banque à domicile, jeux en réseau, pari à domicile, etc.. Il s'agit pour Canal+ de "rentrer dans une relation transactionnelle" avec l'abonné.

Pour affirmer ses ambitions, Canal+ s'est risqué devant des analystes financiers, à faire des projections financières. Avec 2 millions d'abonnés numériques à Canal+ et à Canal Satellite d'ici deux ans, l'entreprise mise "sur 120 millions de francs (18,29 millions d'euros) de marge par an", avec une hypothèse de dépense de "5 F par mois et par abonné". "l'interactivité représentera 20% des profits de Canal Satellite", qui vient de dégager pour la première fois un profit de 5 millions d'euros au premier semestre 1999.

Concrétisant le processus de convergence, M. Jean-Marie Messier, PDG de Vivendi, a annoncé aux actionnaires du groupe la création d'une équipe commune Vivendi-Canal+, provisoirement baptisée "Vivendi +", dont l'objectif est, notamment de "mutualiser les contenus" pour être présent sur tous les supports - télévision, PC et téléphone portable...

De son côté, TPS ne reste pas inerte en matière de services interactifs. C'est ainsi qu'il doit lancer avant la fin de l'année, " en avant première européenne " TPS Mail, premier service E-Mail à la télévision. Par ailleurs, il a annoncé le lancement prochain d'internet à la télévision avec le groupe Sagem SA ainsi que, pour l'an 2000, avec Thomsom Multimédia et OpenTV, une nouvelle génération de terminaux numériques qui permettront aux téléspectateurs une programmation à la carte "en s'affranchissant complètement du temps".

La voie est ainsi ouverte à deux révolutions : l'intégration des services à la manière d'Internet et la constitution de chaînes personnalisées

c) Le renouveau du câble

C'est le Conseil supérieur de l'audiovisuel qui, à l'été 1998, a attiré l'attention sur la montée des capitaux américains dans le câble et donc indirectement leur enjeu stratégique que sont devenus les réseaux câblés par suite de l'anticipation par les opérateurs privés du processus de convergence entre la téléphonie, Internet et la télévision.

Les acquisitions récentes des réseaux français de Time Warner, de Vidéopole et de réseaux câblés de France par UPC ( 280 000 abonnés ), de cinq réseaux de France télécom câble par NTL (76 000 abonnés), les objectifs ambitieux affichés par la holding Intercomm déjà actionnaire de Cable Service de France.

Ces entreprises anticipent le mouvement de dérégulation amorcé en Grande-Bretagne en 1991 permettant aux câblo-opérateurs de proposer des services de télécommunication. C'est cette même logique qui a conduit France Télécom à s'associer en Grande-Bretagne avec NTL (1,6 million d'abonnés).

En fait à l'origine de ce renouveau du câble, se trouve également l'ambition d'ATT et des câblo-opérateurs américains soutenus par Micrososft de faire du câble aux Etats-Unis le principal accès à Internet et par voie de conséquence au commerce électronique.

En dépit des progrès des transmissions filaires avec le début de la commercialisation de la technologie ADSL qui commence à être commercialisée dans les arrondissements centraux de Paris, le câble se présente actuellement comme une voie plus sûre, plus rapide et de meilleure qualité que les modems reliés à des lignes téléphoniques.

En quelques mois, ATT a acquis pour 100 milliards de dollars deux des plus importants cablo-opérateurs : le n°1 TCI et le n°4 Médias One , tout en passant avec Comcast le n°3 une accord de rationalisation des réseaux. Compte tenu des autres opérations de concentration impliquant des opérateurs moins importants, il n'est pas étonnant que les cours des actions des câblo-opérateurs aient quadruplé à la bourse de New-York.

L'enjeu du câble apparaît encore plus nettement avec l'entrée de Miocrosoft dans le processus d'alliances . Déjà actionnaire de Comcast, Microsoft a investit 5 milliards de dollars dans ATT en échange de 3% du capital et avec la perspective de mettre les systèmes d'accès d'ATT sous Windows. Dans ce domaine, Microsoft est encore distancé par les décodeurs d'Open TV ( Sun ) et Médiagard de Canal+.

Microsoft tisse sa toile en Europe. Avec 4 milliards de dollars d'investissements, la firme de Seattle possède notamment 30% de Telwest et 5% de NTL en Grande-Bretagne, ainsi que près de 8% d'UPC aux Pays-Bas.

On assiste à la course vers le client final, qui justifie tous les investissements et toutes les surenchères : en un an, le prix de valorisation de la prise aux Etats-Unis a presque doublé pour atteindre près de 5000 dollars l'abonné. En France aussi, les prix explosent : Vidéopole vendu par EDF sur la base de 1300 francs l'abonné a été revendu quelques mois plus tard par l'acquéreur à UPC sur la base de mille dollars par abonné , qui correspond au prix du marché actuellement.

Finalement, toute cette ébullition subite autour du câble montre qu'avec la convergence, la câble a sa place aux côté du satellite et, le cas échéant du numérique terrestre dans la mesure où en l'état actuel des techniques, il semble le vecteur d'interactivité les plus immédiatement opérationnel et celui offrant un accès particulièrement sûr au client final.

Est-ce à dire que l'on peut traiter le câble de la manière aussi libérale que le satellite ? certains le soutiennent mais d'autres aussi peuvent faire valoir que, eu égard à leur monopole, et à la possibilité qu'ils auront d'arbitrer entre éditeurs de chaînes - et les controverses auxquelles a donné lieu l'éviction récente de certaines chaînes thématiques en portent témoignage - il convient de les soumettre à des obligations spécifiques.

3. La nécessité d'encourager toutes les formes de télévision de proximité

L'arrivée des technologies numérique fait baisser les coûts : coût de diffusion bien sûr, mais également coût de production, innovations qui ne peuvent que favoriser toutes les initiatives en matières de télévision de proximité, à commencer par celles des collectivités territoriales.

a) Le rapport Francaix Vistel

En novembre 1998, MM. Michel Françaix, député, et Jacques Vistel, conseiller d'État, ont remis à Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication, leur rapport sur les télévisions locales.

Les auteurs du rapport ont d'abord rappelé la diversité des formes de télévision locale et donc des cadres juridiques (décrochages locaux de chaînes nationales comme ceux de France 3 et de M6, télévisions locales de plein exercice diffusées par voie hertzienne terrestre comme TLM à Lyon ou Télé-Bleue à Nimes, ou sur le câble, enfin, télévisions temporaires).

Au regard des exemples étrangers et des attentes du public, MM. Francaix et Vistel estiment que "notre pays marque aujourd'hui un certain retard par rapport aux autres pays développés" et que le bilan mitigé des télévisions locales françaises "appelle incontestablement, si l'on souhaite aller au-devant des goûts du public, des réformes importantes".

Estimant que le principal obstacle au développement de télévisions locales en France est d'ordre financier, les auteurs se sont employés à "examiner comment pourraient être réunies les conditions permettant à des opérateurs de s'engager dans la création de nouvelles télévisions locales dans un nombre significatif de villes françaises ".

A cet égard, deux voies leur semblent pouvoir être privilégiées : l'accès de ces télévisions à la publicité en faveur de la distribution et la possibilité, pour les collectivités territoriales, de leur accorder des subventions limitées, dans des conditions garantissant le pluralisme.

S'agissant des programmes, les auteurs préconisent une syndication encadrée des télévisions locales et l'orientation vers des programmes à dominante d'informations locales, diffusés en boucle.

Parmi les partenaires privilégiés des télévisions locales, les auteurs mentionnent en premier lieu la presse. Ils estiment que " la meilleure voie d'entrée de la presse quotidienne régionale dans l'audiovisuel est constituée par les télévisions locales " et jugent souhaitable que le CSA examine avec une attention toute particulière les projets de télévisions locales qui associeront la presse quotidienne régionale, dans le respect du pluralisme. Pour eux, les investissements de la presse dans les télévisions locales pourraient être éligibles au fonds de modernisation de la presse.

b) La multiplication des candidatures

Au-delà de la question du financement, MM. Francaix et Vistel soulèvent le problème du manque de fréquences hertziennes disponibles et se demandent dans quelle mesure il serait possible d'obtenir la cession par les armes de certaines fréquences qui leur sont attribuées.

La question de la redistribution par le Conseil a rebondi à la suite d'un arrêt du Conseil d'État. Dans son arrêt du 29 juillet 1998, Sarl JL Electronique, la haute juridiction a annulé la décision du CSA de refus du lancement d'un appel aux candidatures au motif que les raisons invoquées par le CSA ne figuraient pas au nombre des limitations prévues à l'article ler de la loi de 1986 : " que ces motifs, de caractère général, ne trouvent pas leur fondement sur des considérations et caractéristiques techniques qui rendraient impossible l'utilisation de la fréquence sur l'une des limites précisées explicitement par l'article ler de la loi du 30 septembre 1986 modifiée ". Cette jurisprudence réaffirme ainsi clairement que seul un motif tiré de l'article l er de la loi peut permettre de restreindre la communication audiovisuelle.

Il en est résulté un afflux de demandes et une reprise par le CSA de l'attribution des fréquences. Depuis l'été 1998, le CSA a ainsi été saisi de 35 demandes de lancement d'appels aux candidatures . Prenant acte de cette jurisprudence, il a depuis lors lancé huit appels à candidatures en vue de l'autorisation de chaînes de télévision d'expression locale.

Le tableau dans le rapport fait le point des demandes d'attribution de fréquences en instance.

c) Créer les conditions d'une floraison d'initiatives locales

Pour votre rapporteur spécial, il est évident que les télévisions locales au sens le plus large ne connaissent pas en France le développement que permet la technologie .

Une des caractéristiques des évolutions technologiques en cours - satellite, câble numérique terrestre - est que celles-ci autorisent les initiatives les plus variées des acteurs qu'ils soient privés ou publics.

Pourquoi alors cette atrophie des télévisions d'initiative locale en France ?

Sans doute cela tient-il effectivement à des problèmes " d'économie ", car il n'est pas facile de trouver les recettes publicitaires en un montant suffisant pour assurer la rentabilité de la station.

Mais, ainsi qu'en témoigne le projet de syndication publicitaire imaginé autour de la Presse quotidienne régionale, on peut trouver des solutions.

Si cela ne suffira sans doute pas à débloquer la situation et à offrir dans la plupart des communes le cadre permettant l'éclosion de télévisions communautaires comme on en connaît par exemple au Canada, cela tient à l'existence d'autres obstacles économiques ou juridiques.

Au moment où se répandent des caméras numériques permettant à un minimum de personnes de réaliser des émissions au moindre coût, il est anormal que n'apparaissent pas plus de télévisions locales.

Sans donner à cette remarque un caractère trop général, votre rapporteur spécial a tendance à penser que le prix demandé par TDF pour les émissions n'est pas étranger au petit nombre d'initiatives viables .

La conviction de votre rapporteur spécial est que demain, le satellite comme le numérique terrestre constituent l'occasion de développer des programmes locaux ; qu'il s'agisse du satellite pour lequel les coûts de diffusion bien qu'élevés, ne sont pas hors de portée - en partenariat - d'une collectivité territoriale, région département voire agglomération ; qu'il s'agisse du numérique terrestre qui apparaît encore plus sûrement offrir à des opérateurs locaux publics ou privés des moyens peu coûteux de toucher une population locale.

4. Donner la priorité à la création et à l'innovation pour faire face aux besoins issus du numérique

L'explosion du nombre de chaînes résultant de l'utilisation croissante des technologies numériques ne peut que susciter une demande croissante de programmes.

Il faut que l'Europe et la France soient bien préparées pour faire face à ce qui pourrait bien se révéler sinon une explosion du moins une très forte croissance de la demande.

Si l'on ne veut pas que cette expansion du marché profite surtout aux produits américains, dont l'excédent commercial vis-à-vis de l'Europe est passé de 2 milliards de dollars en 1988 à 6,5 milliards de dollars en 1998 il est indispensable de développer encore les aides en faveur des contenus.

En dépit d'une certaine tendance à l'amélioration, la domination américaine est très nette sur le petit écran, où près de la moitié des oeuvres de fiction télévisuelles diffusées sur les chaînes nationales viennent d'outre Atlantique.

Certes, TV France International peut faire état d'une nette progression, puisque le montant des exportations atteint 583 millions de francs en 1997 et 716 millions de francs en 1998.

On peut souligner qu'a côté des points forts que constitue l'animation (40% des exportations)et le documentaire ( 20% des exportations) - ce dernier genre étant favorisé par le développement des chaînes thématiques - notre point faible reste les oeuvres de fiction qui représentent à peine 30% de nos exportation.

Il faut cependant signaler les très bonnes performances des émissions de flux comme " Fort Boyard ", qui constitue un des plus grands succès français à l'exportation ; tourné en France, devenu en dix ans le programme français de télévision le plus exporté, il est vendu dans 48 pays.

Les réalisations d'Expand, leader mondial des jeux d'aventure, est un bon exemple des performances d'une industrie française de l'audiovisuel résolument tournée vers le marché international, au point d'exporter tous types de programmes et de recettes confondues pour près de 1,8 milliards de francs en 1998, faisant jeu égal avec le cinéma.

Plus jeune que l'industrie cinématographique, la production de télévision est sensible aux demandes du marché. C'est une pléiade de petites sociétés indépendantes animées par des producteurs entreprenants, axés sur le marketing et rompus aux techniques de doublage et de synchronisation de langues pour s'imposer à l'exportation.

La meilleure défense étant l'attaque, il convient d'inciter les producteurs à se porter sur les marchés étrangers et ne pas compter sur la protection illusoire et temporaire des quotas.

Maintenant, surtout à un moment où la notion d'exception culturelle peut être remise en cause dans le cadre des négociations de l'Organisation Mondiale du Commerce, il ne faut sans doute pas aller trop vite, comme peuvent le laisser craindre les propos du nouveau commissaire européen à l'audiovisuel et à la culture Viviane Reding, qui a récemment déclaré : " Il ne faut pas nécessairement défendre les quotas. Il y a une autre façon de faire la même politique, c'est de subventionner, d'aider à la création européenne, de former les jeunes pour qu'ils soient capables de créer et leur donner un coup de pouce pour qu'ils puissent faire des oeuvres intéressantes et à ce moment les quotas seront remplis. " Prise à la lettre une telle déclaration pourrait signifier la fin de la " directive télévision sans frontières ".

L'exemple canadien est là pour démontrer que la seule solution durable consiste à favoriser l'apparition d'une forte industrie française de programmes audiovisuels adaptés aux standards internationaux.

Cela peut être fait au moyen des obligations de production. En ce qui concerne les oeuvres en clair, on peut rappeler qu'en application du décret du 17 janvier 1990, les services de télévision diffusées en clair doivent à la fois consacrer 15% de leur chiffres d'affaires à la commande d'oeuvres d'expression originale française et un volume minimum de cent vingt heures d'oeuvres audiovisuelles européennes ou d'expression originale française diffusées en début de soirée. Par convention avec le CSA ou en vertu de leur cahier des charges pour les sociétés de l'audiovisuel public, une augmentation du pourcentage de chiffre d'affaires investi dans la production peut être compensée par une diminution de l'obligation de diffusion.



Mais l'autre piller de la politique d'encouragement à la création audiovisuelle est l'aide de l'État. Celle-ci passe à la fois par le Compte de soutien à l'industrie de programme - COSIP - et des avantages fiscaux conférés aux sociétés anonymes de financement d'oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles - SOFICA.

Sans entrer dans le détail de mécanismes qui mettent en jeu des sommes importantes - 1,16 milliard de francs pour le COSIP 120 millions de dépenses fiscales pour les SOFICA , votre rapporteur considère en ce qui concerne la masse la plus importante, c'est à dire le compte de soutien, que, si des progrès peuvent sans doute être encore faits dans l'adaptation des procédures aux besoins, le problème est moins une question de montant que de mobilisation sur le terrain pour faire connaître aux producteurs intéressés la marche à suivre et les accompagner dans leurs efforts à l'exportation.

Ce qui est certain, c'est qu'il faut changer les mentalités en amenant les opérateurs à concevoir, dès le départ, leurs produits pour les marchés extérieurs et non plus faire de l'exportation ce petit bonus qui vient de façon aléatoire en sus de l'exploitation sur le marché français.

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