B. LES ENJEUX DES NÉGOCIATIONS DE L'OMC

1. Les contentieux commerciaux

L'organisation mondiale du commerce, née le 1 er janvier 1995, est l'organisation responsable de la libéralisation et de la supervision du commerce international. Sa principale originalité par rapport au GATT (accord général sur le commerce et les tarifs douaniers), est son organe de règlement des différends commerciaux (ORD). Formé d'experts, il reçoit et instruit des plaintes, et peut imposer des changements de politiques commerciales et autoriser un Etat à imposer des sanctions à un autre, alors que, dans le cadre du GATT, elles étaient laissées à la discrétion des Etats.

En cas de plainte d'un Etat, des consultations sont d'abord engagées pendant au moins soixante jours. Si aucun accord n'est trouvé, le plaignant peut demander l'établissement d'un groupe spécial (panel), dans les 45 jours, formé de trois experts indépendants, qui dispose de 6 mois pour examiner des preuves, et communique son rapport aux parties impliquées. En cas d'appel, un organe d'appel permanent se saisit du litige. L'Etat désavoué doit mettre en oeuvre les recommandations des experts dans un délai raisonnable fixé par l'ORD, faute de quoi un montant de sanctions peut être fixé par les experts. Les modalités d'application des sanctions sont cependant laissées au choix de l'Etat plaignant .

Les Etats membres ont fait un large usage de l'ORD, puisque 182 demandes de consultations ont été enregistrées depuis sa création, dont 44 à l'initiative de pays en voie de développement. Pour sa part, l'Union européenne a fait 45 demandes de consultation et a fait l'objet de 41 demandes de la part de pays tiers, dont 11 visaient des pays autres que la France, tandis que 2 visaient exclusivement la France. L'Union européenne s'est également portée 37 fois partie tierce dans des consultations entre d'autres membres de l'OMC.

Les demandes de consultation impliquant l'Union européenne et la France ont donné lieu à 12 cas réglés par l'Organe de Règlement des Différends (4 perdus par l'Union européenne et 8 gagnés). Parmi les 23 cas déposés en 1995, 1996 et 1997, 17 cas ont abouti soit à une solution amiable acceptable pour l'Union européenne, soit à un règlement dans d'autres enceintes que l'OMC, soit à une procédure de panel gagnée par l'Union.

Les différends initiés par les Etats-Unis représentent plus du tiers des plaintes adressées contre l'Union européenne. La plupart de ces contentieux interviennent dans des domaines où les deux partenaires ont des intérêts concurrents sur les marchés mondiaux (dossiers agricoles, construction aéronautique, acier notamment). Ils recouvrent généralement des divergences d'appréciation sur certains principes du commerce international (protection des consommateurs, principe de précaution, protection des indications d'origine).

Le contentieux sur la banane, qui est entré dans sa phase finale au début de l'année 1999, est particulièrement intéressant, car il concerne un secteur où l'on constate une intégration forte des filières d'importation et de distribution, phénomène qui se développe pour l'approvisionnement de certaines matières premières (en particulier l'acier, qui fait également fréquemment l'objet de contentieux commerciaux), et explique l'importance accordée par les parties à ce secteur.

Le régime communautaire d'importation, de vente et de distribution de bananes a été condamné le 6 avril 1999, à l'initiative de l'Equateur, avec le soutien des Etats-Unis et de la plupart des pays producteurs d'Amérique latine. Cette décision a autorisé les Etats-Unis à mettre en place des mesures de rétorsion commerciales, sous la forme d'une majoration de 100 % de certains droits de douane, pour un montant total de 191,4 millions de dollars. La France est concernée par environ un tiers de ces mesures.

L'Union européenne doit donc réformer l'organisation commune du marché de la banane, en se conformant aux règles de l'OMC pour obtenir rapidement une levée des sanctions américaines, tout en garantissant l'écoulement de la production communautaire et des pays partenaires dans le cadre des accords Afrique Caraïbes Pacifique.

2. Un cycle de négociation difficile

Les négociations dans le cadre du cycle du millénaire concerneront davantage les politiques intérieures que les protections tarifaires, à l'exception du secteur agricole, où les protections demeurent élevées. Dès lors, les négociations porteront sur les normes, les standards et les règles collectives, ce qui pose la question du champ d'intervention de l'OMC. " L'agenda incorporé " est centré sur la révision de l'accord agricole et des accords sur la propriété intellectuelle et les services.

La France est particulièrement concernée par l'évolution de ces accords, puisque les exportations de produits à haute technologie de services et les exportations agricoles constituent des secteurs où elle dispose d'avantages comparatifs conséquents.

Les nouveaux sujets qui vont être abordés, qui concernent l'investissement, la concurrence, et la transparence des marchés publics, mais aussi la question des normes internationales dans les domaines de l'environnement, de la protection sanitaire et des normes sociales, sont des thèmes particulièrement sensibles pour les opinions publiques.

Les différends entre les Etats-Unis et l'Union européenne apparaissent quant à l'étendue des négociations : alors que l'Europe considère que l'ouverture d'un cycle large conditionne l'équilibre de la négociation, notamment vis-à-vis des pays en voie de développement, les Etats-Unis, soutenus par les pays du groupe de Cairns, souhaitent limiter la négociation à l'agriculture et aux services, ainsi qu'aux tarifs industriels. La question des services est particulièrement sensible, puisque l'Europe souhaite pouvoir défendre ses productions culturelles, tandis que les Etats-Unis veulent progressivement aligner le régime applicable aux services sur celui des biens et des marchandises, en imposant une libéralisation des marchés nationaux.

La défense des droits sociaux fondamentaux constitue un autre sujet majeur de désaccord au sein de l'OMC, cette fois entre les pays développés et les pays en voie de développement. La France a adopté une position offensive pour que l'Union européenne propose, à Seattle, l'inscription de ce sujet au programme de l'OMC.

Les pays en voie de développement sont opposés à une négociation commerciale sur les normes sociales, considérant que ce sujet est un moyen pour les pays développés d'introduire des obstacles non justifiés aux échanges. La France souhaite lever cette crainte du protectionnisme en privilégiant une approche incitative à la mise en oeuvre de sanctions commerciales. Un système de préférence généralisé pourrait être mis en oeuvre en faveur des pays qui progressent dans l'application des droits sociaux fondamentaux.

Votre rapporteur se félicite de l'attitude non dogmatique, mais ferme, adoptée par le gouvernement pour aborder ce nouveau cycle de négociations. Il considère, en particulier, que la volonté affichée par le gouvernement, d'associer la représentation nationale et la société civile à l'évolution des négociations, constitue un progrès sensible par rapport aux cycles précédents. A cet égard, la création d'un site internet spécifique consacré au cycle de négociation de l'OMC sur le site du ministère de l'économie et des finances constitue une initiative intéressante, permettant de mieux comprendre les positions des différents pays.

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