EXAMEN DES ARTICLES

TITRE I ER -

DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE TERRITORIAL

CHAPITRE I ER -

Fonds communs de placement de proximité

Article 1 er -
(Article 22-2 de la loi n°88-1201 du 23 décembre 1988) -

Création de fonds communs de placement de proximité

Cet article crée une nouvelle catégorie de fonds communs de placement, dans l'optique d'organiser une collecte de l'épargne de proximité au bénéfice des entreprises en création dans les zones prioritaires de l'aménagement du territoire et de la politique de la ville.

La difficulté d'accès aux fonds propres des entreprises
est une particularité française, désormais bien connue. En dépit d'importants progrès réalisés ces dernières années, la place du marché des actions dans le financement de l'économie reste, en France, largement inférieure à celle observée dans les pays anglo-saxons : en 1998, la capitalisation boursière représente 64 % 10( * ) du PIB, contre 110 % aux Etats-Unis et 139 % au Royaume-Uni.

Même si la proportion des ménages actionnaires est en hausse depuis douze ans, l'épargnant français est traditionnellement davantage orienté vers les produits de taux ou les placements dont la rémunération est réglementée. Seuls 13,2 % 11( * ) des ménages détiennent ainsi des actions, et 10,8 % des parts d'OPCVM 12( * ) . La proportion de ménages détenant des actions non cotées est extrêmement faible (1,5 %). Ces chiffres sont à comparer aux quelque 83,7 % des ménages qui détiennent un livret d'épargne !

En effet, pour attirer des investisseurs particuliers dans leur capital, les entreprises non cotées doivent, dans les faits, " démarcher " elles-mêmes ces personnes, faute d'instrument financier canalisant les flux latents d'épargne de proximité.

Les entreprises en création restent, d'ailleurs, majoritairement tributaires des financements de proximité : comme le rappelle l'exposé des motifs de la proposition de loi, sur les 18 milliards de francs mobilisés en 1997 par les 166.000 entreprises créées, 58 % provenaient de l'épargne du créateur ou de ses proches, 22 % des banques et 20 % d'un financement public, souvent local 13( * ) .

Afin d'orienter l'épargne des ménages vers les sociétés en création dans les zones où les financements sont les plus difficiles à mobiliser, cet article prévoit d'instituer une nouvelle catégorie de fonds communs de placement à risque, les fonds communs de placement de proximité (FCPP).

Par rapport au soutien direct des proches, de la famille ou des amis, l'intervention d'un fonds commun de placement permet d'assurer une gestion professionnelle des sommes engagées et de mutualiser les risques supportés par le fonds. Soulignons, en outre, que les fonds communs de placement à risque (FCPR) doivent obtenir un agrément de la Commission des opérations de Bourse, qui apporte une garantie aux investisseurs.

D'après le dernier rapport du Conseil des Impôts 14( * ) , il existait, en 1998, 124 FCPR, pour un encours total de 13 milliards de francs. Créés par la loi du 3 janvier 1983, les fonds communs de placement à risque (FCPR) constituent le dispositif le plus ancien en faveur des placements à risques. Ils bénéficient d'un régime fiscal avantageux, puisqu'en vertu notamment de l'article 92 G et de l'article 163 quinquies B du code général des impôts, les produits distribués par les FCPR et immédiatement réinvestis dans les fonds et les plus values réalisées à l'occasion de la cession ou du rachat des fonds sont exonérés d'impôt sur le revenu.

Les fonds communs de placement de proximité dont la création est proposée par cet article présentent une double particularité :

les entreprises bénéficiant des financements du FCPP doivent être de jeunes sociétés (de moins de trois ans) de petite taille (moins de cinquante salariés), indépendantes (pas de filiales de grands groupes) ;

le FCPP organise une solidarité territoriale puisqu'il repose, dans son principe, sur la collecte de l'épargne de proximité : le fonds doit définir son périmètre d'intervention géographique, auquel doivent appartenir tant les souscripteurs de parts que les entreprises constituant son actif qui doivent, de surcroît être établies dans les zones les plus fragiles de ce périmètre (zones rurales fragiles ou quartiers de la politique de la ville, définis à l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire).

Cet article avait été introduit par le Sénat sous forme d'amendement proposé par la commission spéciale au projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, lors de sa discussion en mars dernier. L'Assemblée nationale avait toutefois décidé de le supprimer du texte qu'elle avait définitivement adopté.

L'idée de la mobilisation d'une épargne de proximité est, au demeurant, partagée par nombre d'acteurs, au-delà même de la Haute Assemblée. Ainsi, le " livre blanc de la création d'entreprise ", du Salon des entrepreneurs 1999, en faisait l'une des 12 mesures d'urgence à prendre pour la création d'entreprise, dont les auteurs de cette proposition estimaient qu'elle devait être assortie d'un avantage fiscal pour l'épargne et de l'utilisation des " structures de proximité existantes " pour administrer ces fonds et sélectionner les projets bénéficiaires. De son côté, et afin de faciliter l'émergence d'un marché de gré à gré des titres de PME, la chambre de commerce et d'industrie de Paris avait proposé 15( * ) la création de FCPR spécifiquement consacrés aux entreprises non cotées.

Votre commission, prenant acte de la création, par la loi n°99-532 du 25 juin 1999, d'un chapitre IV ter relatif au fonds communs de placement à risques bénéficiant d'une procédure allégée, insérant un article 22-2 à la loi du 23 décembre 1988, vous propose tout d'abord d'insérer le présent article sous forme de chapitre IV quater et d'article 22-3.

Elle vous propose d'harmoniser la rédaction des premier et cinquième alinéas de l'article 22-3, et en particulier de la " clause " d'indépendance en capital des entreprises concernées, avec celle issue de la loi du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche s'agissant des FCPI.

Votre commission a, en outre, supprimé le critère des " moins de 3 ans " pour les sociétés destinées à recevoir les financements des FCPP, tout en laissant celui des " moins de 50 salariés ". En effet, dans la " boîte à outils " que constitue la proposition de loi, il est apparu à votre commission que les FCPP étaient plutôt destinées au tissu des PME régionales qu'aux seules entreprises en phase de démarrage.

Consciente des difficultés pratiques de mise en oeuvre qu'il serait susceptible de poser, votre commission vous propose également de supprimer le septième alinéa de cet article, relatif à l'impératif de résidence des porteurs de parts de FCPP. Au demeurant, la philosophie de l'investissement de proximité demeure au coeur de ce dispositif puisque le fonds a un périmètre géographique d'intervention librement défini (par exemple : une région, ou un périmètre plus vaste comme l'Arc Atlantique ou le Grand Est...) et qu'il s'investit au sein des zones fragiles de ce périmètre. Il traduit bien une certaine forme de solidarité territoriale au profit des territoires les moins favorisés.

Votre commission vous demande d'adopter l'article 1 er ainsi rédigé.

Article 2 -
(Article 199 terdecies -OA du code général des impôts) -

Réduction d'impôt sur le revenu liée à la détention de parts de FCPP

Cet article vise à étendre à la détention de parts de fonds communs de placement de proximité (FCPP) l'avantage fiscal qui existe pour les parts de sociétés non cotées et de fonds communs de placement dans l'innovation (réduction d'impôt sur le revenu égale à 25 % des souscriptions, dans la limite d'un plafond).

Les fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI) ont été institués par la loi de finances initiale pour 1997. Destinés au financement des entreprises innovantes, ils se présentent fiscalement comme une dérogation au régime des FCPR mentionné ci-dessus, puisqu'ils offrent de surcroît aux titulaires de parts qui conservent celles-ci pendant cinq ans une réduction d'impôt sur le revenu égale à 25 % des souscriptions dans la limite d'un plafond annuel , fixé à l'article 199 terdecies -OA VI du code général des impôts (75.000 francs pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés et 150.000 francs pour les contribuables mariés soumis à imposition commune, soit une réduction maximale de respectivement 18.750 francs ou 37.500 francs).

Ce régime fiscal favorable, qui cumule cette réduction d'impôt sur le revenu avec l'exonération des produits et des plus-values a permis l'essor des FCPI, qui contribuent désormais pleinement au drainage des financements vers les sociétés technologiques créatrices de richesse et d'emplois. Les 18 FCPI existant aujourd'hui ont permis de lever, en trois ans à peine, près de 2,5 milliards de francs de fonds privés investis dans les fonds propres des entreprises innovantes .

C'est ce même régime fiscal que cet article de la proposition de loi propose d'étendre aux fonds communs de placement de proximité définis à l'article 1 er , dans des conditions (de plafond notamment et de dates de versement) identiques.

Par rapport au texte de la proposition de loi n° 254, votre commission a apporté, outre une coordination avec l'article premier, des précisions techniques qui renvoient, pour la réduction d'impôt, aux délais et aux plafonds de versement cités ci-dessus, qui figurent au 2 du VI de l'article 199 terdecies -OA du code général des impôts. Le Sénat avait d'ailleurs adopté dans cette rédaction l'amendement de la commission spéciale au projet de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire.

Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi rédigé.

CHAPITRE II -

Pôles d'incubation territoriaux et fonds d'amorçage locaux

Article 3 -

Participation des collectivités territoriales
aux incubateurs et aux fonds d'amorçage

Cet article insère trois nouveaux articles au code général des collectivités territoriales :

- un article permettant aux collectivités territoriales de participer à la constitution d'" incubateurs " ayant pour objet d'accompagner des créateurs d'entreprise ;

- un article permettant à ces dernières d'apporter un soutien financier aux porteurs de projets qui y sont " incubés " ;

- un article permettant aux collectivités locales de participer à des fonds d'amorçage.


Votre commission vous propose, dans ses conclusions, de renuméroter ces trois articles additionnels, compte-tenu de l'insertion, dans le code général des collectivités territoriales, d'un nouvel article L.1511-6 par la loi n° 99-533 du 25 juin 1999.

Article L.1511-6 du code général des collectivités territoriales -

Participation des collectivités territoriales aux incubateurs d'entreprise

L'accompagnement de la création d'entreprise est l'un des leviers les plus efficaces du soutien public aux PME et l'un des points faibles du système français. Aujourd'hui, seulement 10 % environ des créateurs sont en contact avec l'un ou l'autre des réseaux d'appui existants , à tel point que le récent rapport du député Eric Besson : " Pour un plan d'urgence d'aide à la création des très petites entreprises " 16( * ) parle de " sombre diagnostic " à propos du système français d'accueil du créateur. Votre rapporteur en est convaincu de longue date : dès 1997, son rapport d'information sur la " Small Business Administration " américaine 17( * ) avait mis en lumière le rôle essentiel de l'accompagnement du créateur outre-Atlantique, se traduisant par un nombre élevé de créations d'emplois. Les pouvoirs publics français prennent peu à peu conscience de l'enjeu que représente l'accompagnement de la création d'entreprise : tel a été récemment le cas dans le domaine de la recherche.

Les incubateurs technologiques issus de la loi " Allègre " : un bon début

Les " incubateurs " visent, parmi d'autres outils ou réseaux d'aide aux PME, à pallier l'insuffisance d'accompagnement du créateur d'entreprise.

Ces structures d'accompagnement, qui interviennent très en amont de la création d'entreprise, puisqu'elles accueillent des personnes physiques ayant un projet de création d'entreprise, ont notamment pour objet :

- la détection et l'évaluation de projets de création d'entreprises,

- l'hébergement et le soutien logistique des porteurs de projets d'entreprises et, pour une brève période, des entreprises nouvellement créées,

- l'accompagnement des créateurs dans l'élaboration de leur projet d'entreprise, notamment dans les domaines organisationnels, juridiques, industriels, commerciaux et pour le recrutement de l'équipe de direction,

- l'information et mise en relation entre partenaires industriels, gestionnaires, financiers et scientifiques pour la création et le financement d'entreprises,

- la formation des créateurs d'entreprises.

Bien que de création récente, les " incubateurs " d'entreprises ont vu, dans le domaine de la recherche technologique, leur existence -à défaut de leur nom- consacrée par la loi n° 92-587 du 12 juillet 1999 relative à l'innovation et à la recherche, qui a autorisé les établissements de recherche et d'enseignement supérieur à participer à de telles structures et qui a été l'occasion de lancer un vaste programme gouvernemental d'incitation à leur constitution.

Partant du constat du mauvais rendement technologique de la recherche française, dressé par le rapport de M. Henri Guillaume en 1998, ce texte a, en effet, permis de lever les freins notamment juridiques à " l'essaimage ", c'est-à-dire à la création d'entreprises à partir des laboratoires publics de recherche.

La loi dispose ainsi que : " En vue de la valorisation des résultats de la recherche dans leurs domaines d'activités , " les laboratoires " peuvent, par convention et pour une durée limitée [...] fournir à des entreprises ou à des personnes physiques des moyens de fonctionnement, notamment en mettant à leur disposition des locaux, des équipements et des matériels ".

Suivie d'un appel à projets " Incubation et capital-amorçage des entreprises technologiques ", lancé par le ministère de l'Education nationale, de la Recherche et de la Technologie et le ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie et doté de 200 millions de francs de crédits de l'Etat, cette initiative a connu en peu de temps un vif succès, de nature, sans doute, à accélérer le processus, jusqu'alors timidement engagé, de valorisation de la recherche dans notre pays.

L'encadré ci-dessous donne la liste des 18 incubateurs déjà sélectionnés dans le cadre de cet appel à projets :

Incubateurs sélectionnés au 25 novembre 1999 dans le cadre de l'appel à projets
" Incubation et capital-amorçage des entreprises technologiques "
du Gouvernement

En Alsace , l'incubateur de Strasbourg, porté par l'université Louis Pasteur en partenariat avec les autres établissements d'enseignement supérieur, le conseil régional et des structures de développement local ;

en Aquitaine , l'incubateur régional d'Aquitaine, qui fédère tous les établissements d'enseignement supérieur de la région ;

en Auvergne , " BUSI ", qui réunit l'université d'Auvergne, l'université de Clermont II et la société régionale de capital-risque (SOFIMAC) ;

en Bourgogne , l'incubateur régional de Bourgogne, qui fédère l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur et de recherche de la région ;

en Bretagne , l'incubateur de Rennes/Lannion/Lorient, porté par les trois technopoles en association avec les établissements d'enseignement supérieur et de recherche et en associant des collectivités locales dont la région Bretagne ;

en Franche-Comté, l'incubateur régional de Franche-Comté qui, lui aussi, fédère l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur et de recherche de la région ;

en Ile-de-France , quatre projets :

" Ile de France Sud " dont les fondateurs sont le CNRS, le CEA et l'université de Paris Sud-Orsay ;

" Science Pratique Incubateur " porté par la filiale de l'Ecole nationale supérieure (ENS) de Cachan en association avec les universités de Paris 7, Paris 8 et le Cemagref, l'Inrets et le Laboratoire central des ponts et chaussées (LCPC) ;

l'incubateur technologique " Paris-Centre " regroupant les universités de Paris VI et de Paris IX, l'ENS d'Ulm et Paritech (groupement des 9 écoles d'ingénieurs de Paris intra muros) et associant la ville de Paris et la région Ile-de-France ;

" Paris Biotech ", bio-incubateur dont les membres fondateurs sont l'université René Descartes (Paris V), avec le centre hospitalo-universitairede Cochin Port-Royal, l'INSERM, l'Ecole centrale de Paris et l'ESSEC ;

en Lorraine , le projet d'" Incubateur lorrain pour la création d'activités et d'entreprises ", fondé par les quatre établissements d'enseignement supérieur de Nancy et Metz, en association avec les organismes de recherche t les structures de transfert de technologie de la région ;

en Midi-Pyrénées , un incubateur qui réunit tous les établissements d'enseignement supérieur et de recherche de la région et qui associe le conseil régional, les conseils généraux et le district du grand Toulouse ;

en Nord-Pas-de-Calais , deux incubateurs :

Eurasanté, dédié aux technologies de la santé ;

un incubateur généraliste, qui réunit tous les établissements d'enseignement et de recherche de la région ;

en Pays de la Loire , le projet d'incubateur " Atlanpole ", porté par la technopole de Nantes/Saint-Nazaire et qui regroupe le district de l'agglomération nantaise, la région Pays de la Loire, la ville de Saint-Nazaire et l'université de Nantes ;

en Poitou-Charentes , le projet d'incubateur régional, porté par l'université de Poitiers, le CNRS et l'Ecole nationale supérieure de mécanique et d'aérotechnique (ENSMA), en association avec l'université de La Rochelle ;

en Rhône-Alpes , deux incubateurs partenaires d'un dispositif régional d'aide aux entreprises technologiques :

" CREALYS ", qui réunit tous les établissements de recherche et d'enseignement supérieur de Lyon, de Saint-Etienne et de l'Ain ;

" Grenoble-Alpes-Incubation ", réunissant les établissements d'enseignement supérieur et de recherche de Grenoble et de la Savoie.

Source : Ministère de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie

Votre commission estime que cette initiative, pour être opportune, n'est toutefois qu'un " bon début ".

- Des incubateurs avant tout " technologiques "

Conformément aux orientations définies dans l'appel à projets du Gouvernement, les projets retenus sont orientés vers les technologies de l'information et de la communication, le multimédia, les biotechnologies et les nouveaux matériaux .

Pour être acceptés, les dossiers doivent, en outre, impérativement comporter la participation d'établissements publics d'enseignement supérieur ou de recherche .

Même s'ils s'adressent à un public très ciblé, ces incubateurs technologiques n'en demeurent pas moins un outil très intéressant, relativement économe en deniers publics et permettant d'aboutir à une mixité public/privé de l'accompagnement du créateur.

- Une intervention publique ciblée

L'engagement de partenaires publics pour la constitution des incubateurs, si elle est décisive, n'est pas exclusive. Au contraire, dans l'appel à projets du ministère de la recherche, la présence de partenaires privés est requise pour l'octroi du soutien financier de l'Etat, qui ne peut couvrir plus de 50 % des dépenses pouvant être rattachées au soutien d'entreprises en création accueillies au sein de l'incubateur (études de faisabilité technique, industrielle ou commerciale, prestations de conseil, etc...).

Cette obligation de mixité permet d'associer des partenaires publics mais aussi privés, dont la présence est particulièrement importante pour l'avenir de l'entreprise.

En outre, les incubateurs sélectionnés dans le cadre de l'appel à projets du ministère de la recherche doivent mettre en évidence leur capacité à fonctionner durablement, la subvention de l'Etat ne portant que sur une durée de trois ans. Le texte de l'appel à projets indique que : " Les projets d'incubateurs fourniront pour cela leur propre plan de développement qui devra prévoir un objectif minimum de soutien à 15 projets de création d'entreprises au cours des trois premières années. Les projets d'incubateurs fourniront également leur plan de financement, détaillant les modes de remboursement par les entreprises créées des prestations dont elles auront bénéficié en phase d'incubation . "

Enfin, le versement de la contribution de l'Etat est échelonné et conditionné à la réalisation d'objectifs de développement des entreprises soutenues, l'incubateur devant périodiquement indiquer à l'Etat :

- outre une présentation synthétique de son activité, les comptes de la période écoulée et des recettes et dépenses de l'année en cours,

- un état précisant le nombre de projets de création examinés,

- la liste des projets sous contrat, en cours, abandonnés ou soldés, indiquant pour chacun d'entre eux le montant des dépenses effectuées et, à titre indicatif, le montant et les délais des dépenses restant à payer,

- la liste des entreprises créées, leur chiffre d'affaires et le nombre d'emplois créés.

Du fait de l'association d'autres partenaires, l'effet de levier de l'argent public consacré au financement des incubateurs n'est pas négligeable : d'après les estimations fournies par le ministère de la recherche, les 105 millions de francs de subvention de l'Etat engagés, pour les trois années à venir, pour les 18 incubateurs sélectionnés, permettraient l'éclosion de 589 projets de création d'entreprise.

L'objet de la proposition de loi : sécuriser l'intervention des collectivités locales et mettre en place des incubateurs territoriaux à vocation généraliste

- Les collectivités locales interviennent déjà dans la mise en place de certains incubateurs : leur action doit être juridiquement sécurisée.

Votre rapporteur ne s'étendra pas sur un constat, qui, pour être bien connu depuis le rapport public particulier de la Cour des comptes de novembre 1996 18( * ) , n'en demeure pas moins préoccupant : le régime légal des interventions économiques des collectivités territoriales n'est aujourd'hui plus adapté aux besoins des entreprises, aux demandes des collectivités locales, à l'épure du cadre législatif défini en 1982, non plus qu'aux contraintes du droit communautaire .

Le fossé qui s'est, en conséquence, creusé entre le droit et la pratique fragilise considérablement l'action des collectivités locales en faveur du développement local et place les élus locaux dans une position inconfortable face au contrôle de légalité et à celui des chambres régionales des comptes.

Le projet de loi précité réformant les articles concernés du code général des collectivités locales, annoncé en 1997, est, certes, toujours " en préparation ", bien qu'aucun calendrier d'examen ne soit fixé et qu'il ne soit toujours pas passé en Conseil des ministres.

L'objet de la proposition de loi n° 254 n'est bien entendu pas de préjuger d'un éventuel débat parlementaire sur ce projet de loi, ni de réformer l'ensemble des modalités légales d'intervention des collectivités locales en matière économique ! Les auteurs de la proposition de loi, déplorant le retard pris pour son examen, ont simplement voulu sécuriser l'intervention des collectivités locales dans les incubateurs d'entreprise en constitution, compte tenu du dynamisme que ces derniers peuvent apporter à la création d'entreprise sur les territoires, à partir d'une participation financière relativement modeste par rapport à d'autres types d'aides, par ailleurs, autorisées par le code général des collectivités territoriales.

Il s'agit d'une démarche qui prolonge celle de la loi précitée du 12 juillet 1999 sur l'innovation, qui a autorisé les universités et établissements publics de recherche à constituer de tels incubateurs. Votre rapporteur rappelle que le Gouvernement avait d'ailleurs, à cette occasion, reconnu comme légitime une intervention des collectivités territoriales, comme l'a indiqué le ministre de la recherche lors des débats du Sénat, sans toutefois proposer de cadre juridique adapté à cette intervention.

Notre collègue Jean-Pierre Raffarin déplorait en ces termes, lors du débat 19( * ) au Sénat sur le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, au cours duquel cet article de la proposition de loi n° 254 avait été proposé par lui et adopté par la Haute assemblée, sous forme d'amendement portant article additionnel, le vide juridique actuel auquel sont confrontées les collectivités :

" J'ai bien noté tout à l'heure qu'il se dégageait un consensus pour considérer que la création d'entreprises est une fonction majeure de l'aménagement du territoire, ce à quoi [...] Mme la ministre nous [a] répondu que nous envisagerions ultérieurement cet aspect lors de l'examen d'autres textes.

" Je connais au moins un ministre qui ne s'est pas laissé " verrouiller " et qui a eu l'audace de se lancer à temps. Je veux parler de M Allègre (...). Il s'agit de créer des incubateurs en liaison avec les universités. Tant mieux et vive l'audace, à défaut de dire : " vive Allègre ! ". "


Propos auxquels le Gouvernement répondait, par la voix de Mme Dominique Voynet :

" Vous savez que le Gouvernement prépare un projet de loi modifiant les conditions de l'intervention économique des collectivités locales (...). Dans ces conditions, il me semble prématuré d'intégrer dans le projet de loi d'orientation d'aménagement et de développement durable du territoire telle ou telle proposition formulée ici par voie d'amendement. Cela ne signifie pas que de telles dispositions ne soient pas intéressantes.

" En effet, le concept d'incubateur en amont de la création d'entreprises paraît tout à fait intéressant
".

Votre rapporteur estime que, pas plus aujourd'hui qu'en avril dernier, l'argument de la discussion " prochaine " d'un texte à l'objet certes voisin, mais non identique, n'est suffisant pour justifier d'un éventuel report de l'adoption de cet article, dont la pertinence ne lui paraît d'ailleurs pas avoir été contestée au fond.

Cet article vise, en effet, dans une optique de développement local et d'aménagement du territoire, à étendre la dynamique des incubateurs, au-delà de la seule sphère technologique.

- Les incubateurs peuvent devenir un puissant outil de dynamisme économique local, au-delà de la seule sphère de la recherche technologique

La philosophie qui sous-tend l'article L.1511-6 20( * ) du code général des collectivités territoriales, dont la création est proposée par le texte aujourd'hui en discussion, a été résumée en ces termes 21( * ) lors des débats précités sur l'aménagement du territoire :

" L'incubateur d'entreprises devient un processus majeur de l'aménagement du territoire.

J'ai pu assister dans mon propre département, dans des territoires ruraux, au démarrage d'entreprises de biotechnologie. Par exemple, dans une petite commune de la Vienne, Celle-Lévescault, située à une vingtaine kilomètres de Poitiers, un chercheur a créé une entreprise. Il s'est étendu à l'échelon international avec un certain nombre de partenaires. Aujourd'hui, il emploie plus d'une centaine de personnes, son entreprise est inscrite au nouveau marché, et ce grâce au processus d'incubation. Il a fallu surmonter des échecs, résoudre des difficultés avant de constituer le projet final, qui est sur le chemin de la réussite.

L'incubation d'entreprises nouvelles peut se réaliser sur n'importe quel territoire -en ce domaine, la Lozère est aussi fertile que le Bas-Rhin- à condition de permettre aux collectivités territoriales et à l'Etat de bâtir ce dispositif
".

L'objectif de cet article est d'une part de sécuriser l'intervention des collectivités locales et d'autre part de mailler l'ensemble du territoire d'incubateurs, à vocation technologique ou généraliste, tout en respectant une certaine échelle, nécessaire pour obtenir la " taille critique " estimée, pour ce type de projets, à une quinzaine " d'incubés ".

Votre commission approuve pleinement le principe de cet article, qu'elle n'a modifié que dans l'optique d'une amélioration rédactionnelle, au vu notamment de l'expérience de " mise en route " des premiers incubateurs technologiques.

Outre le changement de numérotation de cet article, il lui est en effet apparu nécessaire, dans ses conclusions, de :

- distinguer clairement le cas où la collectivité territoriale ou le groupement apportent un financement ou des moyens (locaux, etc.) à l'incubateur (1 er alinéa) de celui où la collectivité participe à la constitution même de l'incubateur (3 e alinéa) ;

- clarifier le rôle, en les identifiant plus précisément, des différents acteurs du système : la collectivité ou le groupement ; l'incubateur , qui est une personne morale, à laquelle peut participer (ou non) la collectivité et l'incubé , personne physique ;

- prévoir l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat pour l'application de cet article fixant notamment le plafond des concours financiers des collectivités et groupements, en pourcentage de leurs recettes.

Votre commission a laissé à la commission des lois, saisie pour avis, le soin de préciser, si elle le juge opportun, les modalités juridiques exactes d'intervention des collectivités et groupements lorsqu'ils constituent l'incubateur avec d'autres partenaires.

Article L.1511-7 du code général des collectivités territoriales -

Octroi d'une compensation financière aux porteurs de projets de création d'entreprise accueillis par certains incubateurs

L'article 3 de la proposition de loi propose d'insérer un nouvel article L.1511-7 au code général des collectivités territoriales, autorisant, sous certaines conditions, une collectivité locale ou un groupement à accorder au créateur d'entreprise une allocation " destinée à atténuer, le cas échéant, pour ce dernier, les conséquences financières, sur sa situation individuelle, de son projet de création d'entreprise ".

Cet article est repris sous forme d'article L.1511-8 dans les conclusions de votre commission.

Les conditions posées sont les suivantes :

- l'incubation doit avoir lieu dans un incubateur " labellisé " par le contrat de plan Etat-région (voir sur ce point le commentaire de l'article 4 de la proposition de loi) ;

- le soutien financier ne peut excéder deux ans ;

- ni l'octroi ni le montant de l'allocation ne sont systématiques, mais dépendent du changement de situation financière induit pour la personne concernée par son acte de création d'entreprise (un jeune diplômé résidant chez ses parents ou une personne déjà chargée de famille ne sont, à cet égard, pas dans des situations équivalentes) ;

Pour la rédaction de cet article, les auteurs de la proposition de loi sont partis du constat de l'existence, dans notre pays, d'importants freins psychologiques à la création d'entreprise , assimilée trop souvent, par nombre de nos concitoyens, à une aventure risquée et, dans bien des cas, pour certains salariés, quasiment vouée à l'échec avant même d'être tentée !

Le principe : la création d'entreprise est, en France, un acte dévalorisé qui doit être " sécurisé "

Le président du Sénat, M. Christian Poncelet,
a déjà à plusieurs reprises, fait part de sa préoccupation face à la mauvaise perception française de l'acte de création d'entreprise, et lancé plusieurs actions, destinées notamment à diffuser l'esprit d'entreprise dans notre pays, comme, par exemple, pour n'en citer qu'une, les rencontres sénatoriales de l'entreprise, clôturées par une journée d'échanges au Sénat le 2 février prochain.

Le président de la République faisait lui-même récemment état, dans son intervention lors des premiers " Etats généraux des jeunes entrepreneurs européens ", devant plusieurs milliers de jeunes étudiants et créateurs d'entreprises, de sa conviction quant à la nécessité " d'encourager l'initiative et la prise de risque ". Le président de la République considérait ainsi que :

" Ceux et celles qui sont prêts à relever le défi et à se lancer dans l'aventure sont de plus en plus nombreux. Mais ils ne le sont pas encore assez. Trop souvent, c'est un licenciement, une période de chômage, qui constituent le déclic.

La création d'entreprise doit désormais s'inscrire dans le cours normal d'une vie professionnelle (...).

Nous devons inciter les jeunes (...) à se lancer résolument dans la course. Aujourd'hui encore, en France, plus on est diplômé, moins on est entrepreneur. C'est une singularité à laquelle nous devons remédier
".

C'est, au fond, d'une véritable révolution culturelle face à la création d'entreprise dont notre pays a besoin.

Le livre blanc de la création d'entreprise, paru à l'occasion du Salon des entrepreneurs 1999, dressait, lui aussi, le constat de la régression continue depuis 1989 de la création d'entreprise, " dommage certain pour la création d'emplois, puisque 170 000 entreprises créées chaque année génèrent 540 000 emplois sur trois ans. Pourtant, ce ne sont pas les idées qui manquent puisqu'une étude récente de l'APCE 22( * ) chiffre à 2,5 millions les Français qui auraient l'idée d'entreprendre et à 1,2 million ceux qui ont un projet précis ".

" C'est le passage à l'acte qui ne se concrétise pas "
poursuivait-il " De toutes les propositions (...) et des nombreux rapports analysés, ressort une constante majeure : Nous manquons d'esprit d'entreprise ".

Allant dans le même sens, le rapport précité du député Eric Besson estime que le champ économique est le lieu, comme le champ social, d'une " reproduction " , jeu " partiellement fermé " qui explique que deux tiers des créateurs d'entreprises soient issus d'un milieu familial d'entrepreneurs.

La proposition de loi en examen comporte plusieurs dispositions tendant à simplifier, rendre plus accessible et " sécuriser " le statut de créateur d'entreprise, afin de lever ces freins psychologiques qui peuvent exister.

Tel est également l'objet de l'article L.1551-7 du code des collectivités territoriales proposé par cet article.

Votre commission comprend et approuve le principe de cet article , qui permet d'atténuer la prise de risque financière liée à l'acte de création, et qui pourrait s'avérer efficace pour certains publics particuliers, comme les jeunes de moins de 25 ans, qui savent ne pouvoir compter sur les minima sociaux.

Votre commission vous propose de modifier la rédaction de ce dispositif :

- en renumérotant cet article additionnel ;

- en coordonnant sa rédaction avec les changements proposés à l'article additionnel L.1511-6 (devenu L.1511-7 dans les conclusions de la commission) ;

- en réservant le bénéfice de cette allocation aux jeunes âgés de 18 à moins de 25 ans ;

- en indiquant que cette allocation prend la forme d'une bourse, terme qui figure déjà au code général des collectivités territoriales (par exemple à l'article L.3214-2 qui définit la compétence du conseil général pour l'attribution de bourses d'études) ;

- en précisant que le montant de cette allocation dépend des revenus et des charges familiales du bénéficiaire.

Article L.1511-8 du code général des collectivités territoriales -

Participation des collectivités territoriales à des fonds d'amorçage

L'article 3 de la proposition de loi propose d'insérer au code général des collectivités territoriales un nouvel article L.1511-8, autorisant ces dernières à participer à des fonds " d'amorçage ", destinés à financer les toutes premières étapes -on parle, au Québec par exemple, de phase de " prédémarrage "- de la vie de l'entreprise. Cet article est repris sous la forme d'un article L.1511-9 dans les conclusions de votre commission.

Le capital d'amorçage, principal maillon faible de la chaîne de financement en fonds propres de l'entreprise.

L'industrie du capital-investissement en France, qui apporte des fonds propres aux entreprises, a vu son volume d'investissement et sa rentabilité progresser ces dernières années. Plus particulièrement, on a assisté à un développement significatif du capital-risque stricto sensu (plutôt ciblé sur la création d'entreprise ainsi que sur les jeunes entreprises technologiques), que des études statistiques de l'AFIC 23( * ) distinguent du capital-développement ou de l'activité de capital-transmission.

L'activité de capital-investissement, rappelons-le, se caractérise 24( * ) par :

- une participation de long terme (5 à 7 ans en moyenne) ;

- une décision d'investissement en fonds propres, prise en fonction de la qualité de l'équipe dirigeante, des résultats prévus sur le long terme et des perspectives de développement de l'entreprise et non des résultats financiers immédiats (contrairement au financement bancaire) ;

- une rémunération à échéance, notamment par cession des parts sociales détenues et non par une éventuelle distribution de dividendes ;

- un taux de sinistralité moyen d'environ 20 % ;

- un rôle actif du financeur dans l'entreprise financée.

Elle a mobilisé, au total, en 1998 25( * ) , 11,7 milliards de francs , contre 8,2 milliards de francs en 1997. La progression est très sensible puisque les montants investis s'élevaient à 4,9 milliards de francs en 1995, soit un doublement en 3 ans.

Pourtant, le capital d'amorçage , c'est à dire l'apport en fonds propres le plus précoce (on parle, en langue anglaise, de " seed-capital "), alors même que l'entreprise n'a bien souvent pas encore de revenu et n'a pas même entamé réellement le développement éventuel de son produit, reste le maillon faible de cette chaîne de financement. Il s'agit du tout premier tour de table financier, particulièrement décisif.

Certains analystes 26( * ) de ce déficit français mettent en avant le fait que " les sociétés de capital-risque ont eu tendance à se tenir à l'écart du secteur de l'amorçage au cours des dernières années, non parce qu'elles le considèrent comme sans intérêt, mais parce que l'investissement en temps et en expertise nécessaire paraît démesuré par rapport à la taille des dossiers ".

Ainsi, certaines personnalités qualifiées auditionnées par votre rapporteur ont-elles relevé que, même dans les pays où les marchés de capitaux et le capital-risque sont nettement plus développés qu'en France, une intervention publique reste courante pour la phase du financement d'amorçage de la création d'entreprise, le marché ne prenant pas exclusivement en charge ce stade de développement.

De fait, les statistiques du dernier rapport annuel de l'AFIC sont claires : l'amorçage 27( * ) n'a représenté en 1998, pour les adhérents (privés) de cette association, que 15 investissements sur un total de 1500 (soit 1 %) et n'a mobilisé que 17 millions de francs sur un total de 11,7 milliards de francs, soit 0,1 %, comme le montrent les graphiques suivants :



Source : AFIC



Source : AFIC


Par ailleurs, les investisseurs providentiels (ou " Business Angels "), particuliers qui contribuent, de façon non négligeable, aux Etats-Unis, par exemple, au financement de l'amorçage des entreprises, ne sont pas non plus suffisamment nombreux dans notre pays pour répondre à l'ensemble des besoins. L'article 9 de la proposition de loi vise d'ailleurs à mettre en place une incitation fiscale au développement de leur activité.

Il apparaît donc nécessaire d'encourager la constitution de fonds d'amorçage. L'appel à projets précité du ministère de la recherche constitue, à cet égard, une première initiative intéressante, même si elle reste cantonnée au secteur des nouvelles technologies et de la recherche publique.

Les fonds d'amorçage de l'appel à projets du ministère de la recherche : un ciblage uniquement technologique

Comme l'indique expressément le texte même de l'appel à projets, le soutien financier de l'Etat est réservé à des projets exclusivement dédiés à la technologie et liés à la recherche publique.

Il est ainsi précisé :

" L'" amorçage " au sens du présent appel à projets, peut être défini comme un apport en capitaux propres à des entreprises de technologie en création , présentant un fort potentiel de croissance, et n'ayant pas encore de produit commercialisé ou n'ayant pas achevé les phases de développement ou de qualification de leur technologie.

Sera considéré comme un " fonds d'amorçage " pour le présent appel à projets tout fonds qui s'engage à effectuer plus de 75 % de ses investissements dans des entreprises liées à la recherche publique , au stade de l'amorçage, à l'occasion d'un premier tour de table ou lors d'augmentations de capital de sociétés pour lesquelles il a participé au premier tour de table. Le ratio de 75 % sera apprécié par rapport aux engagements de souscription.

De tels fonds d'amorçage pourront être soutenus par l'Etat, dans la limite d'une enveloppe de 100 MF. "


Notons que les premiers fonds d'amorçage sélectionnés sont consacrés aux hautes technologies, comme " Bio-amorçage ", par exemple, (biotechnologies).

L'encadré suivant présente les conditions de sélection de ces fonds par le comité d'engagement du ministère de la recherche :

Conditions de sélection et mode de fonctionnement
des fonds d'amorçage de l'appel à projets gouvernemental

Une thématique technologique (pour 75 % des investissements au moins) et un lien avec la recherche publique ;

Des investissements caractérisés par : une assiette totale d'au moins 25 millions de francs ; exclusivement dans des PME en création ou lors d'une augmentation de capital, mais sans accroître la part du fonds au capital. Le fonds devra céder ses participations dans les entreprises à l'occasion de l'entrée de nouveaux investisseurs dans leur capital.

Une organisation sous forme de fonds commun de placement à risque (FCPR), ou sous une autre forme juridique si elle assure l'autonomie de l'équipe de gestion ; son professionnalisme, l'information des porteurs de parts ; le respect des règles de la COB et des règles de déontologie.

Une durée de vie limitée pour permettre un remboursement de l'avance consentie par l'Etat.

Une participation du secteur privé : le capital de la société de gestion devra être majoritairement détenu par des personnes privées et les parts des investisseurs privés représenteront au moins 30 % du capital du fonds.

Une participation indirecte des établissements de recherche , via une filiale de valorisation -qui pourra être un incubateur- et limitée à 40 % des parts du fonds, qui recevra l'avance de l'Etat et la lui remboursera après au plus 12 ans, majorée de 50 % de la quote part des plus-values et produits réalisés grâce à cette avance ou minorée des éventuelles pertes.

Un soutien de l'Etat , pour une enveloppe totale de 100 millions de francs, qui prend la forme d'une avance en capital, remboursable , à la société de valorisation souhaitant souscrire au fonds, pour au plus 30 % de l'assiette des investissements.

Source : Ministère de l'Education nationale, de la recherche et de la technologie.

Notons que la forme juridique retenue préférentiellement par l'appel à projets pour les fonds d'amorçage est celle du FCPR , forme la plus courante pour l'activité de capital-investisssement, même si l'on rencontre des formes sociales (société de capital-risque, SCR, constituée en vertu de la loi n° 85-695 du 11 juillet 1985 ; société financière d'innovation, SFI, constituée en vertu de la loi précitée n° 88-1201 du 23 décembre 1988). Mais cette condition n'est pas absolument indispensable, notamment pour les fonds d'amorçage à caractère plus régional, qui se constitueraient, d'après les informations fournies à votre rapporteur, sous forme de sociétés de capital risque (SCR).

Pour une généralisation des fonds d'amorçage, via un engagement financier des collectivités territoriales

Les fonds d'amorçage apparaissent comme des outils prometteurs, de nature à combler une lacune du système français de création d'entreprise. Le groupe de travail " financement de l'entreprise " du Conseil national du crédit et du titre, présidé par M. Henri Guillaume, en recommandait d'ailleurs récemment la généralisation.

Les collectivités territoriales ne peuvent donc s'en désintéresser. Plusieurs ont d'ailleurs manifesté leur intérêt pour ce type de structures propres à impulser un nouveau souffle à la création d'entreprise. Leur cadre juridique d'intervention doit donc être défini plus clairement, mais aussi circonscrit, compte tenu de la nature de cette activité, le code général des collectivités territoriales ne prévoyant actuellement pas une telle action.

Tel est l'objet du présent article, qui dispose qu'une ou plusieurs collectivités ou groupements peuvent " participer " à un fonds d'amorçage, défini comme une structure qui apporte des fonds propres à une entreprise en création. Cette rédaction souple ne préjuge ni des différentes formes que peut prendre le fonds d'amorçage ni du mode de participation des collectivités.

Mais les collectivités ne doivent en aucun cas partir seules " à l'aventure ". Ces structures ne peuvent être gérées que par des professionnels de ce type de financement. Bien plus, la principale clé du succès réside dans la qualité et le professionnalisme de l'équipe gestionnaire , qui implique une instruction poussée des dossiers présentés. En outre, une certaine assiette financière -de l'ordre de plusieurs dizaines de millions de francs- est nécessaire, pour justifier, notamment, le recrutement des personnels qualifiés pour la gestion du fonds et pour mutualiser les risques. Par ailleurs, la participation de " financeurs " privés est très souhaitable, particulièrement s'il s'agit, comme c'est souvent le cas, d'institutionnels de la finance, pour faciliter le désengagement des collectivités publiques et entraîner une substitution du capital privé au capital public au fur et à mesure du développement de l'entreprise.

Votre commission approuve pleinement le principe de cet article. Elle vous propose, outre un changement de numérotation, quelques modifications de rédaction, inspirées par l'exemple de la constitution actuelle des premières expériences de fonds d'amorçage régionaux. Ainsi :

- il ne lui a pas paru indispensable de faire figurer dans le texte de loi le terme d'" amorçage " à partir du moment où l'objet du fonds est défini de façon suffisamment explicite pour renvoyer à une activité d'amorçage ;

- elle a jugé nécessaire de distinguer un simple octroi de subvention d'une collectivité à un fonds d'amorçage d'une participation juridique de cette dernière à ce fonds. Il est à noter que si la mention de l'éventuelle prise en charge des frais d'instruction des dossiers ne figure pas dans les conclusions de votre commission, c'est bien parce qu'un concours ayant cet objet exclusif entrerait, le cas échéant, dans la catégorie juridique de la " subvention " que la collectivité ou le groupement peut verser au fonds d'amorçage ;

- s'agissant de la mixité des sources de financement, elle a souhaité faire apparaître au premier alinéa la nécessité d'un financement privé du fonds à hauteur de 30 %, qui est la pratique actuelle pour les incubateurs " technologiques ", qui semble donner satisfaction. En conséquence, le 3 ème alinéa de l'article L.1511-9 de la proposition de loi a été supprimé.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

Article 4 -
(Article 12-1 de la loi n° 82-653 du 12 juillet 1982 modifié
portant réforme de la planification
Article 1464 G du code général des impôts) -

Labellisation des incubateurs par les contrats de plan Etat-régions

Cet article a pour objet de permettre aux contrats de plan Etat-régions d'octroyer un label à certains incubateurs, ce qui aurait pour effet, dans la rédaction initiale de la proposition de loi :

- pour l'Etat de s'engager à diriger en priorité vers ces pôles labellisés les aides qu'il accorde aux entreprises, en vertu notamment de la politique nationale de l'innovation et de soutien aux PME,

- pour les collectivités qui le souhaitent d'exonérer de taxe professionnelle pendant trois ans au plus les entreprises issues de ces pôles labellisés.


Qualification des incubateurs par les contrats de plan Etat-régions et octroi prioritaire des soutiens de l'Etat

L'article 4 de la proposition de loi propose tout d'abord d'insérer un article additionnel à la loi n° 82-653 du 29 juillet 1982 portant réforme de la planification, qui dispose que le contrat de plan Etat-région peut octroyer un " label " à certains incubateurs.

L'idée qui animait les rédacteurs de cette proposition, au premier rang desquels notre collègue Jean-Pierre Raffarin, était de qualifier, dès la génération de contrats de plans 2000-2006, environ un incubateur par département, pour parsemer le territoire de véritables catalyseurs du développement local.

Le Sénat avait d'ailleurs adopté cette disposition dès la discussion de la loi d'orientation et d'aménagement du territoire, souhaitant qu'elle soit intégrée aux mandats de négociation des Préfets pour les contrats de plan Etat-régions.

Hélas, cette disposition n'a finalement pas été retenue dans le texte de loi, l'Assemblée nationale et le Gouvernement arguant de l'intervention, assurément prochaine, faisaient-ils valoir, du projet de loi sur les interventions économiques des collectivités locales -dont l'avant-projet ne contient pourtant, à la connaissance de votre rapporteur, aucune disposition analogue- pour refuser de l'inscrire dans le texte définitivement adopté. Votre commission regrette ce choix.

L'économie du nouvel article 12-1 proposé par la proposition de loi est la suivante :

Les incubateurs répondant à la définition de l'article L.1511-7 28( * ) du code général des collectivités territoriales (voir article 3 ci-dessus) peuvent bénéficier de l'octroi d'un label de " pôle d'incubation territorial " de la part du contrat de plan.

Rappelons que l'octroi d'un " label " est un procédé qui existe déjà en droit français : l'article 2 de la loi n° 96-90 du 2 juillet 1996 relative à la " Fondation du patrimoine " autorise par exemple cette dernière à " attribuer un label au patrimoine non protégé et aux sites ", ledit label ayant, s'il est accordé sur avis favorable du service départemental de l'architecture et du patrimoine, des conséquences notamment fiscales (déduction du revenu imposable des charges foncières afférentes aux immeubles concernés, article 156 II 1 er ter du code général des impôts).

L'objectif est ici de qualifier des incubateurs au travers des contrats de plan, outils particulièrement adaptés pour l'octroi d'une telle qualification, qui ne doit pas, au sens de votre rapporteur, être unilatéralement " décrétée " depuis Paris, suivant un réflexe typiquement français. Cette démarche n'exclut d'ailleurs pas que, dans un souci de qualité 29( * ) et de partage d'expérience, des caractéristiques communes soient élaborées, auxquels devraient correspondre les pôles pour être labellisés.

La labellisation pourrait s'accompagner d'une priorité pour l'obtention des aides de l'Etat aux entreprises et à l'innovation .

Cet article propose que le label s'accompagne d'une priorité -facultative dans la rédaction de la proposition de loi- d'octroi des diverses aides de l'Etat aux entreprises incubées. Il s'agit de doter les incubateurs territoriaux du maximum d'outils et d'éviter l'éparpillement des interventions de l'Etat -et d'autres partenaires de la création d'entreprises- en les coordonnant autour des incubateurs.

Cette mesure répond au souci d'efficacité et de lisibilité de l'action publique en faveur de l'entreprise, qui est une préoccupation constante de votre rapporteur. Elle devrait permettre une plus grande synergie entre les différents acteurs de terrain de l'aide aux entreprises et une meilleure accessibilité des soutiens publics aux entreprises de petite taille, qui sont parfois paradoxalement désavantagées par rapport à leurs consoeurs de plus grande envergure pour l'octroi des aides et financements publics.

L'article 12-1 prévoit, en outre, l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat pour la définition de ses conditions d'application.

Votre commission approuve pleinement cette proposition, cohérente avec son souhait d'une rationalisation des soutiens publics et d'une réorientation de ces derniers vers les petites entreprises. S'agissant de la rédaction elle-même, elle vous propose deux modifications tendant à :

- coordonner la rédaction avec celle proposée à l'article L.1511-7 ci-dessus s'agissant de la définition des incubateurs ;

- lever une ambiguïté sur les bénéficiaires prioritaires des aides de l'Etat (de type ANVAR, SOFARIS, etc ...) : il s'agit, au sens de votre commission, des entreprises incubées et non de l'incubateur lui-même ;

- rendre automatique l'engagement de l'Etat d'accorder prioritairement ses aides aux entreprises des pôles labellisés, à partir du moment où ce dernier décide, avec les partenaires régionaux et locaux, de l'octroi du label.

Exonération de taxe professionnelle pendant trois ans au plus des entreprises issues des pôles d'incubation territoriaux

L'article 4 de la proposition de loi propose également d'insérer un nouvel article 1464 G au code général des impôts, autorisant les collectivités territoriales et leurs groupements dotés d'une fiscalité propre à exonérer, par une délibération de portée générale, de taxe professionnelle, totalement ou partiellement, pendant au plus 3 ans, les entreprises issues des incubateurs labellisés. Cette exonération ferait l'objet d'une compensation annuelle par l'Etat .

Plusieurs exonérations de taxe professionnelle sont prévues dans le droit actuel, qu'il s'agisse d'exonérations s'appliquant aux personnes (publiques par exemple) ou à certaines professions, ou d'exonérations liées à certaines zones (ainsi en est-il en matière d'aménagement du territoire 30( * ) et de politique de la ville) ou à certains redevables dans certaines zones (comme les entreprises nouvelles, dans des zones fragiles, pour les établissements créés ou repris, pour 2 années 31( * ) ). Certaines de ces dispositions zonées ont une date d'échéance, dont on trouvera un résumé dans le rapport 32( * ) très complet de notre collègue Roger Besse, rapporteur spécial du budget de l'aménagement du territoire au nom de la commission des finances, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2000.

L'article 1464 G du code général des impôts que propose la proposition de loi s'adresse quant à lui plus particulièrement aux entreprises issues des incubateurs labellisés.

Votre commission n'a finalement pas retenu cette disposition dans ses conclusions. Elle a en effet considéré que sa mise en oeuvre, malgré les avantages qu'elle présente, n'apparaissait pas prioritaire dans le contexte actuel de développement du régime fiscal de la taxe professionnelle unique. Elle a estimé qu'il convenait aujourd'hui de réduire les écarts de taux de taxe professionnelle au sein d'espaces économiques cohérents, de manière à atténuer les phénomènes de " concurrence fiscale ".

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

CHAPITRE III -

Incitation à la mise en réseau des entreprises au sein d'un territoire

Article 5 -

Inclusion de la constitution de réseaux d'entreprises dans les missions du fonds national de développement des entreprises

Cet article vise à inclure, au nombre des missions du fonds national de développement des entreprises (FNDE) le soutien des " grappes " d'entreprises, organisées en réseau.

Le FNDE : un instrument d'aménagement du territoire .

Institué par l'article 43 de la loi précitée d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire de 1995, le FNDE a pour objet de développer l'emploi et de favoriser le maintien et la création des petites entreprises dans les zones d'aménagement du territoire, les zones de redynamisation urbaine (ZRU) et les territoires ruraux de développement prioritaire (TRDP). Son objectif est d'accroître les fonds propres disponibles pour les entreprises par la mobilisation de l'épargne de proximité et l'amélioration de l'accès au crédit .

LE RÔLE DU FNDE D'APRÈS LA LOI DU 4 FÉVRIER 1995

Le FNDE intervient :

- en accordant des prêts aux personnes qui créent, reprennent ou développent une entreprise, dans la limite d'un montant équivalent à leur apport en fonds propres ;

- en garantissant directement ou indirectement, des emprunts et engagements de crédit bail immobilier dans la limite de 50 % de leur montant ;

- en garantissant des engagements pris par les sociétés de caution, les sociétés de développement régional, les fonds communs de placement à risque ou les fonds de garantie créés par les collectivités locales.

Il s'agissait, pour les Parlementaires qui ont largement porté cet instrument financier sur les fonts baptismaux, et notamment pour MM. Jean François-Poncet, président de la Commission spéciale du Sénat chargée d'examiner ce texte, Gérard Larcher, Claude Belot et Jean-Marie Girault, rapporteurs, d'une mesure phare du projet de loi, destinée au développement économique des zones déshéritées.

Mais, faute de décret d'application et de volonté gouvernementale, le FNDE n'est aujourd'hui, comme votre commission le déplore depuis maintenant 5 ans, que le pâle reflet de la disposition votée par le législateur, malgré les bonnes intentions parfois affichées par les gouvernements successifs.

Le comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) du 10 avril 1997 avait certes, prévu la dotation de ce fonds, à hauteur d'un milliard de francs sur deux ans, à partir des recettes de privatisation. Cette annonce n'a pas été suivie d'effet. Celui du 15 décembre 1997 a annoncé la dotation de ce fonds, pour un montant de 200 millions de francs, qui a, quant à elle, donné lieu à un début d'exécution. Il s'agit bien sûr d'un progrès, même si le FNDE n'a toujours pas d'existence budgétaire propre et n'est en réalité qu'un conglomérat d'actions diverses de l'Etat pour l'aménagement du territoire, ayant principalement trois objets :

- un soutien au développement des plate-formes d'initiative locale ;

- un remboursement des frais d'instruction de dossiers de petites sociétés par les sociétés de capital-risque ;

- le financement d'un fonds de garantie de prêts dans certaines zones.

Bien qu'il se révèle assez éloigné des intentions premières du législateur, le FNDE est toutefois l'un des rares outils dont dispose l'Etat -pour ne pas dire le seul- spécifiquement destiné au développement économique des zones fragiles. La loi du 25 juin 1999 d'aménagement du territoire ne l'a d'ailleurs pas remis en cause.

La solidarité territoriale : une force pour les PME

Alors que la concurrence est désormais mondiale, la solidarité locale devient de plus en plus nécessaire pour les PME. L'efficacité économique des districts industriels italiens , composés de petites entreprises aux liens très étroits, engagés ensemble dans l'innovation, la recherche et l'exportation montre que l'union fait souvent la force.

Ce modèle italien a d'ailleurs fait école de par le monde.

Le Danemark
, dont l'économie est depuis longtemps constituée d'une constellation de PME, a lancé un programme de promotion des réseaux d'entreprises. Au Québec , un programme public aide les projets de coopération et les actions interentreprises lancées dans le cadre de systèmes productifs locaux identifiés : les " clusters ". Au pays de Galles , la Welsh Development Agency (WDA) chargée depuis 1976 d'accompagner les restructurations lourdes du charbon et de l'acier, encourage les PME locales à s'organiser en réseaux pour constituer une offre de sous-traitance qualifiée.

En matière de recherche, de formation, d'innovation, d'exportation, la constitution de partenariats sur un territoire donné doit être encouragée , particulièrement dans les zones économiquement les plus fragiles. Nos PME doivent avoir un réflexe de mise en réseau si elles veulent être armées face à la concurrence mondiale. Il s'agit pour elles d'un facteur supplémentaire de réussite.

En France, plusieurs " districts " sont identifiés par la DATAR, sur la base d'une logique de spécialisation territoriale, différente de celle de la proposition de loi, parmi lesquels le Choletais (Maine-et-Loire) pour la chaussure, Thiers (Puy de Dôme) pour la coutellerie, Oyonnax (Ain) pour la plasturgie, la Vallée de l'Arve (Haute-Savoie) pour le décolletage et la mécanique de précision. Ces grappes d'entreprises sont le plus souvent constituées autour de villes petites à moyennes. Elles sont un véritable poumon qui oxygène les territoires où elles sont implantées.

La proposition de loi tend à inscrire, au nombre des missions du fonds national de développement des entreprises, le soutien des entreprises qui auront constitué un réseau, sur les territoires privilégiés d'aménagement du territoire.

Il ne s'agit pas forcément de promouvoir une spécialisation géographique, qui pourrait fragiliser certains territoires et les rendre plus sensibles aux chocs sectoriels, mais bien d'inciter les entreprises à une plus grande solidarité locale et de rendre les services de l'Etat sensibles à cette problématique territoriale.

Votre commission
est favorable à cette proposition, que le Sénat avait d'ailleurs adoptée l'an dernier, lors des débats sur l'aménagement du territoire, lorsqu'elle lui avait été présentée, sous forme d'amendement portant article additionnel, par sa commission spéciale.

Votre rapporteur note, au passage, que le Gouvernement avait, au Sénat, émis un avis favorable à l'adoption de cet amendement puis, quelques jours après, pratiquant la palinodie sans scrupule excessif, approuvé l'amendement de suppression du rapporteur de l'Assemblée nationale !

Votre commission vous propose d'adopter cet article dans le texte de la proposition de loi.

CHAPITRE IV -

Soutien des collectivités territoriales aux organismes
distribuant des avances remboursables


Article 6 -

Subventions des collectivités territoriales
aux organismes distribuant des avances remboursables

Cet article autorise les collectivités territoriales à subventionner des organismes d'aide à la création d'entreprise distribuant des avances remboursables.

Le texte proposé tend à insérer, dans le Titre 1 consacré aux entreprises du Livre V sur les dispositions économiques de la partie législative du code général des collectivités territoriales, après l'article L.1511-2 consacré aux aides directes, un nouvel article L.1511-2-1 autorisant les collectivités territoriales et leurs groupements à financer des organismes ayant pour objet exclusif de participer, par le versement d'une aide remboursable, à la création ou à la reprise d'entreprises et à ceux visés au 1°) de l'article 11 de la loi n°84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit qui participent à la création ou à la reprise d'entreprises.

Ce dispositif a pour objectif de doter cette catégorie d'intervention économique des collectivités territoriales d'un fondement législatif indiscutable.

Actuellement, les subventions des collectivités territoriales aux organismes d'aide à la création d'entreprise distribuant des prêts d'honneur sont, en effet, dans certains cas, susceptibles de faire l'objet de recours contentieux.

Comme l'avait souligné la Cour des Comptes dans son rapport de 1996 sur les interventions économiques des collectivités territoriales 33( * ) , lorsqu'à partir de subventions qui leur sont globalement versées ces organismes ne font qu'exécuter des décisions individuelles qui demeurent prises par la collectivité, ces subventions peuvent être considérées comme participant d'une gestion occulte des deniers publics et entraîner la mise en oeuvre de la procédure de gestion de fait.

Il faut noter, en outre, que dans ce cas la qualification des concours apportés par la collectivité locale à l'organisme en question est également une source de difficulté si la subvention octroyée à l'organisme apparaît en quelque sorte comme " réutilisée " sous forme de prêt d'honneur à taux nul. L'organisme bénéficiaire peut s'analyser, dans ce cas, comme un relais et les prêts, dès lors, comme des aides directes accordées par la collectivité à des entreprises. De telles aides peuvent être illégales à un double titre. Dans certains cas, elles ne respectent, en effet, ni le principe d'intervention préalable de la région, ni le taux fixé par l'arrêté du 23 janvier 1996 en application du décret n°82-808 du 22 septembre 1982 relatif aux conditions d'attribution de prêts, d'avances et de bonifications d'intérêt par les régions.

Cette situation a ainsi conduit la DATAR, dans une circulaire du 31 octobre 1996, à mettre en garde les pouvoirs publics afin que toutes les " précautions permettant de garantir l'indépendance des associations concernées à l'égard des collectivités, soient systématiquement prises pour éviter, d'une part, toute qualification d'association transparente, d'autre part, toute qualification d'aide directe ".

De telles pratiques demeurent cependant irrégulières dans l'hypothèse où l'organisme bénéficiaire de subventions dispose d'une réelle autonomie dans la définition des régimes d'aides aux entreprises et la décision d'attribution. La jurisprudence administrative a en effet rappelé que les textes n'autorisent pas les assemblées délibérantes à déléguer à des tiers la définition ou l'exécution d'une politique d'intervention économique.

Cette insécurité juridique est d'autant plus préoccupante que les réseaux d'organismes distribuant des avances remboursables effectuent un travail remarquable en faveur de la création d'entreprise.

Parmi ces réseaux, on peut notamment citer France Initiative Réseau et les plates-formes d'initiative locale, l'Association pour le droit à l'initiative économique (ADIE) et le " réseau Entreprendre "

France Initiative Réseau est une fédération de réseaux associatifs dont l'objectif est d'organiser une collaboration entre les collectivités, les opérateurs institutionnels et les entreprises pour créer un environnement favorable au développement de l'initiative économique.

Son réseau est constitué de 152 plates-formes d'initiative locale (PFIL) -80 plates-formes étant en cours de constitution- dont le rôle est la mobilisation de fonds pour financer, sous forme de prêts d'honneur, la création d'entreprises, ainsi que la mobilisation de compétences économiques locales pour le parrainage des créateurs et l'accompagnement de l'entreprise en création.

Associations régies par la loi de 1901, les PFIL prennent appui sur des institutions déjà existantes qui les hébergent. En 1998, elles ont aidé 2.000 créateurs à l'aide de prêts d'honneur dont le montant moyen s'élève à 47.000 francs.

Le positionnement de ces prêts d'honneur par rapport à la palette des financements disponibles, tel qu'illustré par le graphique ci-après, montre que ces organismes jouent un rôle indispensable dans le financement des petits projets :



L'ADIE, créée en 1989, a pour objectif de donner à chacun le droit à l'initiative économique en lui ouvrant l'accès au capital et en lui apportant un soutien professionnel.

Son action repose ainsi sur une assistance au montage de projet, l'octroi d'une aide financière (un prêt d'un montant maximal de 30.000 francs qui peut être complété, dans certains cas, par des prêts de matériels ou des prêts d'honneur) et un suivi des entreprises financées.

L'ADIE reçoit près de 10.000 demandes de prêts par an et couvre 69 départements. En 1998, le nombre de prêts accordés s'est élevé à 1.629, ce qui porte à près de 6.000 le nombre de prêts accordés par l'ADIE depuis sa création, pour un montant total de 120 millions de francs.

Le " Réseau Entreprendre " est une fédération d'associations de chefs d'entreprises qui a pour objectif de venir en aide aux " petits projets à potentiel ". Son mode d'intervention repose sur une évaluation des projets de création, l'octroi, en cas de validation, d'un prêt d'honneur sans intérêt, une intégration dans les réseaux économiques locaux et un accompagnement sur une durée de deux ans.

L'importance de ces organismes tient d'une part à ce qu'ils répondent à un besoin de financement qui n'est pas pris en charge par le système bancaire et, d'autre part, à ce qu'ils assurent un accompagnement qui s'avère décisif pour la pérennité des entreprises crées.

Comme le souligne le rapport du Conseil national du crédit et du titre sur le financement de l'entreprise 34( * ) , ces réseaux sont, en outre, susceptibles de faciliter l'accès au crédit d'entreprises naissantes par deux canaux : " les aides financières, et notamment les prêts d'honneur, ainsi que le cautionnement parfois apporté par les entrepreneurs " parrains " renforcent la capacité de la jeune firme à mobiliser des concours bancaires ; surtout, les réseaux se livrent à une présélection des projets qui bénéficieront de leur soutien, présélection dont la pertinence des critères au regard de la réalité économique locale conduit souvent à accroître significativement les taux de survie des entreprises éligibles ".

Dans ce contexte, le texte proposé par le premier alinéa de cet article tend à légaliser les subventions aux organismes distribuant des avances remboursables et à les encadrer afin de renforcer la sécurité juridique des interventions économiques des collectivités territoriales. Il autorise, en effet, les collectivités territoriales à subventionner deux catégories d'organisme :

- les organismes ayant pour objet exclusif de participer, par le versement d'une aide remboursable, à la création ou à la reprise d'entreprise ;

- les organismes visés au 1°) de l'article 11 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit qui participent à la création ou à la reprise d'entreprises.

La première catégorie d'organismes recouvre l'essentiel des associations et sociétés locales ou nationales spécialisées dans le soutien et le conseil à la création ou à la reprise d'entreprise. Elle comprend l'ensemble des organismes visés par le 6 de l'article 238 bis du code général des impôts relatif aux organismes agréés accordant des aides financières à la création d'entreprise et bénéficiant de dons défiscalisés, mais également des organismes qui ne bénéficient pas de l'agrément prévu par cet article tel que les organismes spécialisés dans l'aide à la reprise d'entreprise.

La seconde catégorie comprend les établissements non bancaires autorisés en vertu de la loi du 24 juillet 1964 à exercer une activité de crédit à vocation sociale telle que l'ADIE, l'Association pour le Droit à l'Initiative économique.

Dans les deux cas, il est prévu que ces organismes seront contrôlés par un commissaire aux comptes , tel que défini par les articles 218 et suivants de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales. Dans la mesure où ces organismes se verront déléguer la gestion de deniers publics, il était, en effet, nécessaire de s'assurer que cette gestion fasse l'objet d'un contrôle.

Votre rapporteur observe que les organismes visés sont identiques à ceux prévus par le décret n° 98-1228 du 29 décembre 1998 pris par l'application de l'article L.351-24 du code du travail qui a institué le dispositif d'Encouragement au Développement d'Entreprises nouvelles (EDEN). Il s'agit, en conséquence, d'un dispositif éprouvé qui pourrait être rapidement mis en place. La circulaire DGEFP n° 99-18 relatif à la création ou à la reprise d'entreprise qui prévoit les modalités de mise en oeuvre de suivi de la délégation des avances remboursables à des organismes de soutien à la création d'entreprises pourrait, à cet égard, utilement inspirer les textes d'application du présent article.

Le deuxième et troisième alinéas du texte proposé par l'article 6 prévoient qu'aucune collectivité ni groupement ne peut apporter plus de 30 % des fonds distribués par chaque organisme, l'ensemble des concours publics à chaque organisme ne pouvant excéder 60 % du total des fonds distribués.

Ce cadre est destiné à limiter dans un souci de rigueur budgétaire l'engagement des collectivités territoriales, à asseoir l'autonomie des organismes subventionnés à l'égard des collectivités qui les subventionne, et à prévenir les risques que les organismes subventionnés puissent être qualifiés d'association transparente.

Pour tenir compte de spécificité des zones prioritaires d'aménagement du territoire où les financements privés risquent d'être plus rare, il est cependant prévu que, dans ces zones, les territoires ruraux de développement prioritaire et les zones de redynamisation urbaine mentionnés à l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, cette proportion est de 70 % que votre commission vous propose de relever à 80 %.

Le quatrième alinéa prévoit qu'une convention conclue avec l'organisme bénéficiaire de la subvention fixe les obligations de ce dernier et, notamment, les conditions de reversement des avances pour création d'entreprise.


Cette convention a vocation à fixer le cadre dans lequel l'organisme subventionné exercer sa fonction de suivi et de soutien à la création d'entreprise. Elle devra non seulement déterminer les conditions d'octroi et de reversement des avances, mais également le rôle des organismes en matière de diagnostic et d'accompagnement des projets de création d'entreprise.

Votre rapporteur s'est interrogé sur la nécessité de prévoir dans la convention la restitution de la subvention des collectivités en cas de cessation de l'activité de l'organisme. Il a souhaité laisser à la Commission des lois, si elle le juge opportun, le soin d'examiner les modalités et les conditions de cette restitution.

Le dernier alinéa prévoit enfin l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat afin de définir les modalités de mise en oeuvre du présent article et en particulier le montant maximal des subventions susceptibles d'être accordées dans le cadre de ce dispositif.

Votre commission vous propose de préciser sur ce point que le décret fixera un plafond des concours financiers des collectivités et groupement en pourcentage de leurs recettes réelles de fonctionnement.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

CHAPITRE V -

Réduction des droits sur les donations
dans les zones d'aménagement du territoire

Votre commission vous propose tout d'abord, dans ses conclusions, un intitulé du chapitre V plus conforme avec le contenu qu'elle souhaite lui donner (" réduction des droits sur les donations d'entreprises dans les zones d'aménagement du territoire ").

Article 7 -
(Article 790 du code général des impôts) -

Réduction de droits pour les donations anticipées d'entreprises dans les zones économiquement fragiles

Cet article vise à favoriser les transmissions anticipées d'entreprises en augmentant, dans certaines zones d'aménagement du territoire, les réductions de droits sur les donations, selon l'âge du donateur.

Les transmissions d'entreprises : un facteur de risque indéniable pour le maintien du tissu économique

La réussite des transmissions d'entreprises est un enjeu majeur du maintien des activités économiques, notamment en milieu rural. Pour les seules PME de plus de 9 salariés 35( * ) , 5.000 environ changent de détenteur chaque année, mettant en jeu directement près de 200.000 emplois . Or, le risque de mortalité est élevé puisqu' une transmission sur trois aboutit à un échec.

Un récent article de la revue d'économie financière 36( * ) , basé sur dix ans d'expérience de SOFARIS et de la BDPME en matière d'aide à la transmission (fonds de garantie et financement), indique que, malgré l'action de ces organismes, le risque " transmission " reste élevé : près de 30 % des opérations échouent dans les 7 ans suivant la transmission et plus de 20 % dans les cinq premières années.

Les auteurs de cette étude indiquent : " le taux de défaillance reflète un taux de sinistre moyen mesuré sur dix ans (...) plus de deux fois supérieur au taux constaté pour les entreprises en développement ".

Ces organismes sont intervenus pour faciliter la transmission de 22.000 entreprises depuis 1984, et, pour la BDPME sur la seule année 1997, auprès de 3.400 PME, pour un montant de 6,2 milliards de francs de financement.

D'après les chiffres de l'INSEE, la majorité des transmissions concerne des entreprises de très petite taille. Celles pour lesquelles intervient la BDPME ont, pour 70 % d'entre elles, un chiffre d'affaire compris entre 5 et 49 millions de francs ; 27 % environ sont de très petites entreprises.

Notons qu'une majorité de transmissions (58%) sont liées à un départ à la retraite des dirigeants, chiffre qui augmente tendantiellement depuis 1993, et que 9 % sont liées à la maladie ou au décès du cédant.

Or, l'étude précitée a permis d'établir un lien entre le contexte de la transmission et ses chances de réussite : " les transmissions mal, voire pas du tout préparées, consécutives par exemple à la disparition du dirigeant, sont 1,5 fois plus risquées que celles faisant suite à son départ en retraite ".

Tous ces chiffres témoignent de l'importance d'inciter à une préparation de la transmission de l'entreprise par le dirigeant.


De la loi de finances pour 1996 à la loi de finances pour 2000 : la " longue marche " vers l'allégement de la fiscalité des transmissions d'entreprises

- l'article 9 de la loi de finances pour 1996

La fiscalité des mutations à titre gratuit joue un rôle essentiel lors de la transmission familiale des entreprises. En effet, si elle pèse trop lourdement, surtout dans les cas où l'entreprise constitue l'essentiel du patrimoine transmis, les droits d'enregistrement ne peuvent être acquittés par les bénéficiaires que par prélèvement sur les actifs, ce qui peut compromettre la poursuite de l'exploitation.

Partant de ce raisonnement, le Gouvernement avait, en 1995, souhaité privilégier les transmissions anticipées d'entreprises à caractère familial par l'instauration d'un abattement sur la valeur des biens professionnels, lorsqu'ils sont transmis à titre gratuit.

Comme le rappelle notre collègue Philippe Marini, Rapporteur général, dans son rapport 37( * ) sur le projet de loi de finances pour 2000, l'article 9 de la loi de finances pour 1996 tendait ainsi à exonérer de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 50 % de leur valeur et dans la limite de 100 millions de francs pour chacun des donataires, les biens considérés comme des biens professionnels au sens de l'impôt de solidarité sur la fortune , lorsque ces biens étaient transmis dans un même acte, par un ou plusieurs donateurs tous âgés de moins de 65 ans , qui eux-mêmes, soit exerçaient leur activité dans l'entreprise, soit étaient détenteurs des titres transmis, depuis cinq ans au moins.

En contrepartie, les donataires devaient s'engager à conserver pendant cinq ans les biens ainsi transmis , soit directement, soit par l'intermédiaire d'une société qu'ils contrôlent. Il n'était toutefois pas exigé que l'un d'entre eux exerce une fonction dirigeante au sein de l'entreprise transmise, afin de laisser la possibilité de faire appel à un gestionnaire extérieur, dans le cas où ce dernier aurait été plus expérimenté que les héritiers.

Cette exonération était également applicable aux donations consenties par des personnes âgées de plus de 65 ans en vertu d'actes passés entre le 1 er janvier 1996 et le 31 décembre 1997 et aux transmissions par décès accidentel d'une personne âgée de moins de 65 ans.

Enfin, la rupture de l'engagement de conservation des titres était lourdement sanctionnée puisqu'au-delà des droits éludés, le donataire était tenu d'acquitter une pénalité représentant la moitié de la réduction d'impôt précédemment consentie.

L'opposition parlementaire d'alors avait refusé de voter un tel allégement, M. Augustin Bonrepaux, aujourd'hui président de la commission des finances de l'Assemblée nationale déclarant au cours de la 3 ème séance du Jeudi 19 octobre 1995 : " Nous ne pouvons imaginer qu'on puisse accorder en une seule soirée et à un si petit nombre de privilégiés, un allégement fiscal de cette taille " et M. Didier Migaud, aujourd'hui rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, surenchérissant : " L'article 6 établit (...) un avantage tout à fait inadmissible au bénéfice d'une catégorie de nos concitoyens, et cela pour une efficacité fort douteuse. (...). Il s'agit d'un avantage exorbitant qui peut aller jusqu'à un allégement par donataire de 100 millions de francs ".

Mais cette disposition n'est pas entrée en vigueur, le Conseil Constitutionnel 38( * ) l'ayant invalidée, estimant notamment qu'en ne prévoyant pas que les donataires exercent eux-mêmes de fonction dirigeante au sein de l'entreprise, elle entraînait une rupture de l'égalité entre les contribuables.

- l'article 36 de la loi de finances pour 1999

Après cette censure, et souvent à l'initiative du Sénat, ont été adoptées plusieurs dispositions -dont on trouvera un excellent résumé dans le rapport précité de notre collègue Philippe Marini- afin d'alléger les droits de mutation pesant sur les donations, dans un sens favorable à la transmission d'entreprises.

L'article 36 de la loi de finances pour 1999 -dont le bénéfice a été étendu, à l'initiative du Sénat, aux donateurs âgés de plus de 75 ans- a ainsi modifié l'article 790 du code général des impôts et prévu, pour l'ensemble des donations , qu'elles concernent ou non des biens professionnels, des réductions des droits à acquitter, suivant l'âge du donateur.

Ainsi, comme l'indiquait notre rapporteur général 39( * ) lors de la préparation de la discussion du projet de loi de finances pour 2000 : " Même si la législation ne reconnaît jusqu'à présent aucune spécificité particulière à l'entreprise, au regard des droits de mutation, il est possible aujourd'hui de bénéficier d'une réduction de droits de mutation de 50 % en cas de transmission des titres d'une société ou des biens d'une entreprise lorsque le donateur est âgé de moins de 65 ans (article 790 du code général des impôts), ou de 35 % lorsque le donateur a 65 ans révolus et moins de 75 ans, et après abattement de 300.000 francs sur la valeur des biens et titres transmis lorsque les héritiers sont des descendants directs ".

- l'article 7 de la proposition de loi n° 254

C'est dans ce contexte que les auteurs de la proposition de loi ont proposé, en mars dernier, d'augmenter, dans les zones d'aménagement du territoire, les territoires ruraux de développement prioritaire et les zones de redynamisation urbaine, la réduction prévue à l'article 790 du code général des impôts, considérant que dans ces zones, la difficulté du renouvellement du tissu économique justifie une attention accrue de l'Etat en faveur des transmissions d'entreprise et, partant, une incitation fiscale particulière pour les donations entre vifs.

Il est ainsi proposé de porter la réduction des droits de 50 % à 70 % lorsque le donateur est âgé de moins de 65 ans, de 30 % à 50 % lorsque le donateur a entre 65 et 75 ans, et de l'établir à 30 % pour les donateurs âgés de 75 ans et plus.

Dans la rédaction de la proposition de loi, ce dispositif concerne tous les biens, quelle que soit leur nature, professionnelle ou non, susceptibles d'être transmis par donation.

- l'amendement n° 102 de la commission spéciale du Sénat lors de la discussion du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire

S'inspirant très largement de l'article 7 de la proposition de loi, le Sénat avait adopté, à l'initiative de sa commission spéciale, un article additionnel au projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, rédigé en ces termes :

AMENDEMENT N° 102 ADOPTÉ PAR LE SÉNAT LORS DES DÉBATS SUR L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

A- L'article 790 du code général des impôts est complété in fine par un II ainsi rédigé :

" II.-1) Pour les établissements situés dans les zones d'aménagement du territoire, dans les territoires ruraux de développement prioritaire et dans les zones de redynamisation urbaine, mentionnés à l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, cette réduction s'élève, pour les biens considérés comme des biens professionnels au sens des articles 885 N à 885 O quinquies et 885 R, à 70% lorsque le donateur est âgé de moins de soixante-cinq ans, à 50 % lorsque le donateur a soixante-cinq ans révolus et moins de soixante-quinze ans et à 30 % lorsque le donateur a soixante-quinze ans révolus ou plus, si les conditions suivantes sont réunies :

" a) Depuis au moins 5 ans, le donateur exerce l'activité de l'entreprise individuelle ou détient directement ou par l'intermédiaire d'une société qu'il contrôle, les parts ou actions transmises ;

" b) La donation porte :

" - sur la pleine propriété de plus de 50 % de l'ensemble des biens affectés à l'exploitation de l'entreprise individuelle ;

" - sur des parts ou des actions dont la détention confère de façon irrévocable au donataire, directement ou indirectement par l'intermédiaire d'une société qu'il contrôle, la majorité des droits de vote attachés aux parts ou actions émises par la société dans toutes les assemblées générales.

" Pour l'appréciation du seuil de transmission, il est tenu compte des biens de l'entreprise, parts ou actions de la société reçus antérieurement à titre gratuit par le donataire et qui lui appartiennent au jour de la donation ;

" c) Le donataire prend l'engagement, dans l'acte de donation, d'exercer personnellement et continûment une fonction dirigeante au sens du 1° de l'article 885 O bis du code général des impôts au sein de l'entreprise individuelle ou de la société, pendant 5 ans au moins.

" 2) Lorsqu'une entreprise individuelle possède plusieurs établissements qui ne sont pas tous situés dans les zones mentionnées au 1), la majoration du taux de réduction des droits de mutation ne s'applique qu'à la valeur de l'entreprise affectée du rapport entre, d'une part la somme des éléments d'imposition à la taxe professionnelle définis à l'article 1467, à l'exception de la valeur locative des moyens de transport, afférents à l'activité exercée dans les zones mentionnées au 1) et relatifs à la période d'imposition des bénéfices, et d'autre part la somme des éléments d'imposition à la taxe professionnelle définis au même article pour ladite période.

" 3) La réduction prévue au 1) est limitée à 10 millions de francs. Dans le cas où la donation porte sur des droits attachés à des parts ou actions, ce montant s'applique à la valeur des titres en pleine propriété. Pour l'appréciation de cette limite, il est tenu compte de l'ensemble des mutations à titre gratuit portant sur une même entreprise ou société ou de celles consenties par la même personne au profit d'un même bénéficiaire, y compris celles passées depuis plus de dix ans lorsque les mutations en cause ont bénéficié du régime de faveur prévu au 1).

" 4) Un décret fixe les modalités d'application du présent article. "

B. - En conséquence, l'article790 du code général des impôts est précédé de la mention :

" I.-

C. - Après l'article 1840 G octies, il est inséré, dans le code général des impôts, un article 1840 G nonies ainsi rédigé :

" Art. 1840 G nonies. - En cas de manquement à l'engagement pris par un donataire dans les conditions prévues au c) du 1) du II de l'article 790, celui-ci est tenu d'acquitter le complément des droits de donation ainsi qu'un droit supplémentaire égal à la moitié de la réduction consentie.

" L'article L.80 D du livre des procédures fiscales est applicable au droit supplémentaire prévu à l'alinéa précédent. "

D. - Les dispositions du présent article sont applicables aux donations consenties à compter du 1er janvier 2000. "

Par rapport à la rédaction de la proposition de loi, cet amendement :

- restreignait la réduction de droits au seul patrimoine professionnel ;

- exigeait un engagement du donataire d'exercer pendant au moins 5 ans une fonction dirigeante au sein de l'entreprise transmise et sanctionnait le non-respect de cet engagement ;

- prévoyait le cas d'une entreprise à établissements multiples ;

- plafonnait le montant de la réduction à 10 millions de francs .

L'Assemblée nationale avait toutefois supprimé cette disposition -de même que toutes celles touchant au développement économique- du texte finalement adopté.

- l'article 11 de la loi de finances initiale pour 2000

Outre une prorogation de 2 ans du régime instaurant une réduction de 30 % sur les donations, sans limite d'âge, la loi de finances initiale pour 2000 comporte une disposition favorable à la transmission par décès d'entreprises : il s'agit de son article 11, introduit à l'initiative de la commission des finances de l'Assemblée nationale et de son rapporteur général, M. Didier Migaud, au terme d'une évolution -on serait même tenté de parler de revirement, par rapport aux débats de 1995 qu'on vient d'évoquer !- dont on ne peut manquer de saluer l'importance.

Cet article insère trois articles nouveaux dans le code général des impôts :

- le premier (article 789 A) accorde un abattement de 50 % au regard des droits de mutation sur la valeur des parts ou actions d'une société industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmise par décès, qui remplit certaines conditions ;

- le deuxième (article 789 B) accorde le même avantage aux biens transmis par décès qui sont affectés à l'exploitation d'une entreprise individuelle (meubles et immeubles, biens corporels ou incorporels) et qui remplissent les conditions prescrites ;

- enfin, le troisième (article 1840 G nonies) détermine les pénalités dues en cas de non-respect par les héritiers, donataires ou légataires de leurs engagements.

Les conditions d'octroi de cette exonération sont très rigoureuses, en termes notamment d'obligation de conservation des titres et du patrimoine professionnel transmis.

Comme l'a fait remarquer, dans son rapport précité, votre Commission des Finances : " l'allégement d'impôt proposé par le présent article est le même que celui qu'obtiendrait pour ses donataires un chef d'entreprise qui transmettrait son entreprise avant 65 ans et sans conditions particulières, en application de l'article 790 du CGI. Toutefois, le présent article présente l'avantage de permettre audit chef d'entreprise de rester à la tête de sa société jusqu'à son décès, tout en aménageant sa succession, ce qui est appréciable pour des entrepreneurs qui ne souhaitent pas se déposséder de leur principale source de revenus " .

Notons, en outre, que cet avantage n'est, contrairement à l'article 9 de la loi de finances pour 1996 et à l'amendement de la commission spéciale du Sénat, pas plafonné .

En dépit des améliorations récentes du droit fiscal, votre Commission considère qu'une incitation particulière à la donation anticipée de l'entreprise reste nécessaire dans les zones d'aménagement du territoire . Les entreprises transmises par décès ont, comme l'indiquent les chiffres rappelés ci-dessus, une chance de survie moindre que celles ayant fait l'objet d'une transmission anticipée dans le cadre d'une donation. Il convient donc, au sens de votre commission, d'encourager plus particulièrement les donations anticipées dans les zones où le renouvellement spontané du tissu économique ne suffit pas toujours à maintenir l'activité.

Elle vous propose donc d'adopter, pour cet article, sous réserve de l'appréciation que pourrait avoir de ce dispositif votre Commission des Finances, saisie pour avis, une rédaction proche de celle adoptée par le Sénat lors du projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, qui n'en diffère que sur des points mineurs :

- la formulation du 2) du A, afin d'adopter une rédaction plus claire et mieux harmonisée avec celle de l'article 44 octies du code général des impôts ;

- la formulation du C, par coordination avec l'adoption, intervenue depuis, d'un article 1840 nonies du code général des impôts ;

- la date d'entrée en vigueur (1 er juin 2000).

La simulation de l'encadré suivant permet de visualiser les effets que cette disposition pourrait avoir pour les donataires, par rapport au droit existant :

SIMULATION SUR LES EFFETS DE L'ARTICLE 7 DE LA PROPOSITION DE LOI PAR RAPPORT AU DROIT EXISTANT

Soit une entreprise individuelle d'une valeur de 15 millions de francs transmise par une personne de moins de 65 ans.

1 er cas : cas général d'une donation anticipée quel que soit le patrimoine (droit actuel, article 36 de la loi de finances pour 1999)

Valeur  15.000.000 francs

Base taxable  14.700.000 francs

Droits après application du barème  4.688.750 francs

Réduction des droits 50 % (art. 790 CGI)  2.344.375 francs

Droits à acquitter 2.344.375 francs

Taux d'imposition effectif  15,62 %

2 ème cas : transmission par décès d'une entreprise avec engagement préalable de conservation du patrimoine (droit actuel, amendement " Migaud ")


Valeur  15.000.000 francs

Abattement 50 % (article 11 du projet de loi de finances 2000) 7.500.000 francs

Base taxable  7.200.000 francs

Droits à acquitter  1.888.750 francs

Taux d'imposition effectif  12,59  %

3 ème cas : donation anticipée d'une entreprise dans une zone d'aménagement du territoire (proposition de loi)


Valeur  15.000.000 francs

Base taxable  14.700.000 francs

Droits après application du barème  4.688.750 francs

Réduction des droits (70 % art. 7 proposition de loi)  3.282.125 francs

Droits à acquitter 1.406.625 francs

Taux d'imposition effectif  9,37 %

Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi rédigé.

TITRE II -

FINANCEMENT DE LA CREATION
ET DU DEVELOPPEMENT D'ENTREPRISE


CHAPITRE Ier -

Avance remboursable aux créateurs d'entreprises

Article 8 -

Avance remboursable pour création d'entreprise

Cet article tend à instituer une avance remboursable destinée aux créateurs d'entreprises.

Cet article tend à instituer au niveau national une avance remboursable pour aider les créateurs d'entreprises à financer leur projet. L'accès au bénéfice de cette avance remboursable en cinq ans en cas de succès peut-être subordonné à un accompagnement personnalisé afin de renforcer les chances de succès des projets financés.

Le texte proposé par cet article constitue une reprise et une généralisation du dispositif d'Encouragement au Développement d'Entreprises Nouvelles (EDEN) prévu par l'article L.351-24 du code du travail tel qu'il résulte de la loi n° 97-940 relative au développement d'activités pour l'emploi des jeunes et de la loi n° 98-657 relative à la lutte contre les exclusions. La rédaction de cet article s'inspire de fait très largement de l'article L.351-24 du code du travail et du décret n° 98-1228 pris pour son application.

Le dispositif EDEN est destiné à financer la création ou la reprise d'une entreprise quel que soit son secteur d'activité ou quelle que soit sa forme. L'attribution de l'avance remboursable prévue par l'article L.351-24 est également subordonnée à l'obtention d'un financement complémentaire par un organisme ou un établissement bancaire. Enfin, l'octroi de l'aide peut être subordonnée à l'engagement du bénéficiaire de suivre une formation à la création ou à la gestion d'une entreprise.

La principale différence entre les deux dispositifs est la restriction du dispositif EDEN à une catégorie particulière de public :

- les jeunes remplissant les critères pour bénéficier du contrat emploi-jeunes ; il s'agit des jeunes âgés de 18 à moins de 26 ans, y compris ceux titulaires d'un contrat emploi solidarité ou d'un contrat emploi consolidé ainsi que les personnes de moins de 30 ans, non susceptibles de percevoir le chômage ou reconnues handicapées ;

- les bénéficiaires de revenu de solidarité, RMI (revenu minimum d'insertion), ASS (allocation de solidarité spécifique), API (allocation de parent isolé) ;

- les salariés repreneurs de leur entreprise en difficulté.

Le dispositif EDEN s'inscrit en conséquence essentiellement dans le cadre d'une politique sociale, alors que l'article 8 de la proposition de loi, sans exclure les personnes en difficulté, s'adresse à tous les publics.

Les auteurs de la proposition de loi ont estimé que le dispositif EDEN était tout à fait pertinent dans la mesure où il responsabilisait le créateur en soumettant cette aide à des critères contractuels et à l'engagement d'un remboursement, mais qu'il convenait de l'inscrire dans une politique globale en faveur de la création d'entreprises en se gardant de créer une distorsion de concurrence entre des catégories de personnes susceptibles d'en bénéficier ou pas.

Le présent article tend, dans cette perspective, à instituer, à travers l'avance remboursable, un droit à la création d'entreprise, de sorte que tout porteur de projet puisse avoir les moyens de concrétiser son projet d'entreprise.

Votre commission souscrit pleinement à cet objectif. Comme elle l'a souligné lors de l'examen de l'article 6 de la présente proposition de loi, les avances remboursables répondent à l'absence de financements privés des petits projets qui constituent la très grande majorité des projets de création d'entreprise. Il faut, en effet, rappeler que plus de 80 % des créations d'entreprise sont réalisés avec un apport initial du créateur de moins de 36.000 francs.

Le caractère remboursable de ces avances, l'exigence de financement complémentaire et l'accompagnement auquel elles sont subordonnées, sont en outre, de nature à responsabiliser les bénéficiaires du dispositif, évitant ainsi les effets pervers liés aux subventions, et à améliorer la pérennité des entreprises crées. Les avantages d'un tel dispositif sont d'ailleurs largement soulignés par les récents rapports sur la création d'entreprise. Le livre blanc sur la création d'entreprise 40( * ) , le rapport du Commissariat au Plan sur les aides à la création d'entreprise 41( * ) et le récent rapport du député Eric Besson sur la création de très petites entreprises 42( * ) , pour ne citer qu'eux, ont, en effet, invité le Gouvernement à proposer des dispositifs semblables.

Le premier alinéa du texte proposé par cet article prévoit que l'avance remboursable est destinée à toutes les personnes physiques qui créent ou reprennent une entreprise individuelle, commerciale, artisanale ou agricole, soit à titre individuel, soit la forme d'une société à condition d'en exercer effectivement le contrôle, dans les trois premières années d'activité de l'entreprise créée ou reprise.

Ce dispositif concerne ainsi l'ensemble des salariés souhaitant créer ou reprendre une entreprise, quel que soit son secteur d'activité et quelle que soit sa forme juridique, entreprise individuelle ou société, à l'exception des associations, des groupements d'intérêt économique et des groupements d'employeurs.

L'avance peut être allouée dans les trois premières années d'activité de l'entreprise créée ou reprise. Il s'agit ainsi de promouvoir non seulement la création de l'entreprise mais également son développement pendant les trois premières années, c'est à dire pendant les années les plus difficiles où la mortalité des jeunes entreprises est la plus élevée.

La notion de contrôle effectif doit s'entendre au sens de l'article R.351-43 du code du travail qui prévoit qu'est considérée comme remplissant la condition de contrôle effectif de l'entreprise créée ou reprise :

- une personne qui détient, personnellement ou avec son conjoint, ses ascendants et descendants, plus de la moitié du capital de la société, sans que sa part personnelle puisse être inférieure à 35 % de celui-ci ;

- une personne qui a la qualité de dirigeant de la société et qui détient, personnellement ou avec son conjoint, ses ascendants et descendants, au moins un tiers du capital de celle-ci sans que sa part personnelle puisse être inférieure à 25 % et sous réserve qu'un autre actionnaire ou porteur de parts ne détienne pas directement ou indirectement plus de la moitié du capital.

L'avance remboursable est définie comme : " un prêt sans intérêts, financé par l'Etat et remboursable dans un délai de cinq ans ".

L'aide consentie sur le fondement de ce dispositif est remboursable sur cinq ans et se distingue ainsi d'une subvention. Il s'agit, d'une part de responsabiliser le bénéficiaire et, d'autre part, de limiter le coût du dispositif.

Dans l'esprit des auteurs de la proposition de loi, l'avance est remboursable en cas de succès du projet. Votre commission vous propose, pour lever toute ambiguïté, de prévoir en conséquence qu'en cas de cessation de l'activité créée ou reprise, ou de cession de l'entreprise dans le cadre d'une procédure judiciaire, le remboursement de l'avance peut ne pas être exigé .

Le remboursement de l'avance devrait cependant rester la règle. En cas de difficulté à rembourser les échéances, le gestionnaire de l'avance devrait pouvoir accorder son rééchelonnement, en s'efforçant de respecter le délai maximum de cinq ans. Le financement par l'Etat devrait donc couvrir in fine que les avances non remboursées au terme du délai de cinq ans, ainsi que les frais liés à l'examen des dossiers et à l'accompagnement des projets.

Il est apparu également nécessaire à votre commission de préciser que le montant de l'avance remboursable varie selon les caractéristiques financières du projet et le nombre de personnes physiques bénéficiaires de l'aide au titre de ce projet.

Il reviendra en revanche aux mesures d'application de cet article de fixer le montant des avances consenties. L'objectif de la proposition de loi est ici de viser l'amorçage de petits projets grâce à des avances d'environ 30.000 à 100.000 francs, de sorte qu'avec les financement complémentaires, des projets d'entreprises exigeant 60 000 à 200 000 francs puissent être aidés. C'est en effet ce niveau de financement qui, n'étant pas rentable pour le réseau bancaire ou pour les capitaux risqueurs, fait, en effet, le plus cruellement défaut.

Le deuxième alinéa du texte proposé prévoit que l'accès au bénéfice de l'avance remboursable est subordonné à des conditions définies par décret en Conseil d'Etat relatives à la viabilité économique des projets concernés et notamment à :

- l'engagement du ou des bénéficiaires d'intégrer cette avance remboursable au capital de la société créée ou reprise, ou le cas échéant à l'utiliser pour le fonctionnement de l'entreprise individuelle créée ou reprise ;

- l'obtention d'un financement complémentaire ;

- l'engagement du ou des bénéficiaires à suivre une formation à la création ou à la gestion d'une entreprise ou d'accepter un accompagnement personnalisé, financé, le cas échéant, par l'Etat.

Aux termes de cet article, l'octroi de l'avance remboursable a tout d'abord pour contrepartie l'engagement d'utiliser ces fonds dans le but pour lequel ils ont été créées.

Le bénéfice de l'avance devrait en conséquence être retiré s'il est établi que l'avance n'a pas été intégrée au capital de la société créée ou reprise ou utilisée pour le fonctionnement de l'entreprise individuelle créée ou reprise. Elle devrait également être retirée lorsqu'il est établi qu'elle a été obtenue à la suite de fausses déclarations ou si les conditions de contrôle effectif de la société créée ou reprise cessent d'être remplies avant un certain délai.

L'octroi de cette avance remboursable est ensuite subordonné à l'obtention d'un financement complémentaire qui pourrait être assuré par un établissement de crédit ou par un organisme délégataire.

Il reviendra aux mesures d'application du présent article de fixer le montant de ce financement complémentaire qui pourrait s'élever à la moitié du montant de l'avance. Cette disposition a pour objet d'assurer un effet de levier financier à l'avance remboursable ; il convient à cet égard de souligner qu'un rapport de 50 % entre le montant du financement complémentaire et celui de l'avance est un minimum, des effets de levier très supérieurs pouvant être obtenus. Ce dispositif vise également à s'assurer qu'une analyse du risque, motivée par des soucis de remboursement effectif de fonds prêtés par des opérateurs privés, a bien été effectuée.

Enfin, l'octroi de l'avance est subordonné à une formation ou à un accompagnement personnalisé afin de renforcer la pérennité des entreprises créées.

S'inspirant du dispositif prévu par l'article L.351-24 du code du travail, votre commission a souhaité préciser la rédaction des modalités d'octroi des avances sur plusieurs points .

Elle a tout d'abord souhaité préciser que l'attribution de l'avance remboursable était soumise à une expertise du projet de création ou de reprise d'entreprise.

Elle a ensuite souhaité ouvrir la possibilité de déléguer les décisions d'attribution et la gestion de l'avance sur recettes à des organismes de soutien à la création d'entreprises,
comme c'est le cas dans le cadre du dispositif EDEN. L'article L.351-24 du code du travail prévoit ce type de délégation. La gestion de l'avance remboursable doit, en effet, être confiée à des organismes disposant d'un réel savoir faire en matière d'accueil ou de conseil des créateurs d'entreprises ainsi qu'une compétence reconnue en matière financière, tels que, par exemple, les plates-formes d'initiatives locales ou les association du réseau " France entreprendre ". La délégation, lorsqu'elle se justifie par le nombre de projets, apparaît ici comme une garantie de souplesse et d'efficacité.

Elle vous propose en conséquence de viser comme à l'article 6 de la proposition de loi :

- les organismes ayant pour objet exclusif de participer, par le versement d'une aide remboursable, à la création ou à la reprise d'entreprise ;

- les organismes visés au 1°) de l'article 11 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit qui participent à la création ou à la reprise d'entreprises.

Il a semblé également souhaitable de prévoir que l'engagement du ou des bénéficiaires de suivre une formation à la création ou à la gestion d'une entreprise, ou d'accepter un accompagnement personnalisé, ne soit pas systématique mais fasse l'objet d'une décision au cas par cas.

Le dernier alinéa de cet article dispose que les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent contribuer à la mise en oeuvre et au financement de l'avance remboursable. Dans ce cas, une convention conclue entre l'Etat et les collectivités territoriales concernée fixe les modalités d'attribution de l'aide et le montant des engagements financiers de chacune des parties.

Cette disposition permet un cofinancement entre les collectivités territoriales et l'Etat du dispositif proposé en cohérence avec l'article 6 de la proposition de loi qui autorise les collectivités territoriales à subventionner des organismes distribuant des prêts d'honneur.

Votre commission vous propose enfin de prévoir l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat pour déterminer les mesures d'application du présent article.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

CHAPITRE II -

Participation des personnes physiques au capital des entreprises
en création


Article 9 -
(Article 239 bis AB du code général des impôts) -

Incitation fiscale à l'apport en fonds propres des particuliers aux entreprises en création

Cet article instaure pour les personnes physiques la possibilité de déduire de leur revenu imposable les déficits de certaines entreprises dans lesquelles ils ont investi en fonds propres, afin d'encourager le développement des " investisseurs providentiels " dans notre pays.

Les " Business Angels " : un développement encore embryonnaire


Dans notre pays, contrairement à une réalité observée de longue date en Grande-Bretagne comme aux Etats-Unis, par exemple, les " investisseurs providentiels " ne sont que marginalement présents au capital des entreprises en création. Ces investisseurs pourraient pourtant amener aux TPE une valeur ajoutée d'expertise et de conseil liée à leur connaissance intime du " métier " d'entrepreneur, ou du secteur d'activité concerné.

Leur faible développement explique d'ailleurs en partie la relative rareté du capital d'amorçage dans notre pays. A contrario, les " Business Angels " américains, seraient, d'après les estimations de la réserve fédérale de Dallas, au nombre de 250.000, investis à hauteur de 70 milliards de dollars dans 110.000 entreprises, pour un apport annuel de fonds d'environ 20 milliards de dollars dans 30.000 entreprises. L'apport moyen serait de 80.000 dollars par investisseur et de 660.000 dollars par entreprise 43( * ) .

Par comparaison, l'avantage " Madelin " pour l'apport de capital à une PME, dispositif qui a montré toute sa pertinence, aurait permis de mobiliser, dans notre pays, pour l'année 1996, une somme de 2,9 milliards de francs 44( * ) .

On retrouve souvent, dans les pays où ces types de financements sont développés, une incitation fiscale : ainsi, au Canada 45( * ) , le code des impôts autorise-t-il une imputation à d'autres revenus de 75 % des pertes occasionnées par les placements des particuliers dans les PME. Au Royaume-Uni, l'Enterprise Investment Scheme est un mécanisme de déduction fiscale des sommes investies par les particuliers dans des entreprises non cotées (l'avantage étant plafonné à 100.000 livres par an et par personne).

Le droit français a d'ailleurs lui aussi déjà en partie intégré cette préoccupation, par essentiellement trois dispositions (déduction des pertes en capital subies par les créateurs d'entreprises à l'article 163 octodecies A du code général des impôts, dans la limite de 100.000 francs en cas de liquidation ; réduction précitée d'impôt de 25 % au titre de l'ensemble de souscriptions en numéraire au capital des sociétés non côtées à l'article 199 terdecies O A du même code ; report d'imposition des plus-values de cessions de droits sociaux en cas de réemploi dans les PME nouvelles, article 92 B decies du même code).

Votre commission estime nécessaire de poursuivre dans cette voie.

Le développement des " Business Angels " via une exonération fiscale appropriée est d'ailleurs un objectif de plus en plus partagé. Outre les propositions -très intéressantes- formulées par votre commission des finances -et retenues par le Sénat- dans le cadre, notamment, du projet de loi sur l'innovation et la recherche, la commission des finances de l'Assemblée nationale a récemment publié un rapport d'information 46( * ) dont est extraite la proposition suivante, proche de celle de la commission des finances de votre Haute assemblée :

" Lors de son déplacement aux Etats-Unis, votre rapporteur a été frappé par l'importance des fonds mobilisés pour la création d'entreprises, en provenance des investisseurs individuels. Cette forte contribution s'explique, en partie, par une fiscalité avantageuse , le " Research Development Limited Partnership ", qui permet à l'investisseur de déduire de ses revenus imposables la quasi-totalité de son investissement.

" Cette situation conduit à réfléchir sur les moyens de sensibiliser les personnes disposant d'un patrimoine important à la création d'entreprise et de les inciter à investir dans ce domaine. Une telle incitation pourrait passer par un aménagement de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF).

" Cet aménagement prendrait la forme d'une exonération du montant de l'investissement réalisé en faveur d'une entreprise en création , à hauteur d'un certain plafond, sur le modèle de celle applicable aux biens professionnels, qui ne sont pas pris en compte dans l'assiette de l'ISF.
".

Votre commission laisse à votre commission des finances, saisie pour avis, le soin de faire, si elle le juge opportun, des propositions complémentaires, dans une matière qu'elle a souvent contribué à faire avancer de façon tout à fait décisive.

La proposition de loi : attirer les " Business Angels " dans les petites sociétés en permettant une remontée des pertes de ces dernières sur le revenu de l'investisseur

Dans le système " Madelin ", pour l'actionnaire d'une société non côtée, outre la réduction plafonnée d'impôt de 25 %, l'imputation des pertes est autorisée, mais seulement en cas de liquidation de l'entreprise, dans le plafond de 100.000 francs.

L'article 9 de la proposition de loi compléterait ce système puisqu'il vise globalement la période de début de vie de l'entreprise , au cours de laquelle cette dernière est susceptible de réaliser des pertes d'exploitation liées au démarrage et non plus la seule hypothèse de la liquidation de l'entreprise.

Le système proposé est le suivant :

- la cible : la société doit être une SARL, en début de vie (trois premières années de sa création) et indépendante (capital majoritairement détenu par des personnes physiques ou des personnes morales détenues par des personnes physiques) ;

- le mécanisme : la SARL opte -avec l'accord de tous les associés- pour le régime fiscal des sociétés de personnes , comme c'est déjà possible pour les SARL à caractère familial 47( * ) , ce qui implique que les associés sont personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. Il est prévu, au paragraphe III de cet article de la proposition de loi, que les pertes éventuelles puissent être imputées sur le revenu global soumis à imposition, à condition que les actionnaires conservent pendant au moins cinq ans leurs droits dans la société.

Ce dernier point appelle un développement particulier. Rappelons qu'en principe, l'impôt sur le revenu dû au titre d'une année est assis, en vertu de l'article 156 du code général des impôts, sur le revenu net global du foyer fiscal, c'est-à-dire sur la somme algébrique des différents revenus catégoriels dont disposent les contribuables .

Au sein de ces différentes catégories, les bénéficies industriels et commerciaux (BIC) recouvrent les résultats retirés par les personnes physiques ou les sociétés de personnes non soumises à l'impôt sur les sociétés du fait de l'exercice d'une activité commerciale, industrielle ou artisanale. Compte tenu de la forme juridique des entreprises auxquelles il s'applique, ce régime s'accompagne donc, en tout état de cause, d'une responsabilité personnelle et indéfinie des exploitants ou associés pour les risques pris au titre de l'activité exercée .

L'application stricte de cette règle devrait normalement se traduire par la possibilité d'imputer, sans limitation, les déficits constatés au titre d'une catégorie sur les revenus obtenus dans les autres domaines. Toutefois, sa portée réelle est fortement atténuée par des dispositions spécifiques.

Le législateur a en effet estimé que l'imputation du déficit catégoriel sur le revenu global est, dans son principe, légitime lorsqu'elle trouve sa contrepartie dans un risque réellement assumé par le contribuable au titre d'une activité de nature professionnelle, mais qu'en revanche, cette imputation devient contestable lorsque le déficit provient de l'utilisation de règles fiscales dérogatoires, dans le seul cadre d'une opération d'optimisation fiscale ayant l'apparence d'une activité BIC. Or, l'avantage fiscal peut être significatif, son importance étant directement fonction du taux marginal d'imposition de l'investisseur.

Dans de très nombreuses situations, la loi a donc rendu impossible la prise en compte du déficit catégoriel dans le revenu global, la législation se contentant de prévoir une imputation sur d'éventuels bénéfices de même nature dégagés au cours de l'année considérée ou des cinq années suivantes. Cette forme d'encadrement correspond à ce qu'il est convenu d'appeler la " tunnelisation " des déficits catégoriels .

Ainsi, la loi de finances initiale pour 1996 a-t-elle, par exemple, restreint les possibilités d'imputation, sur le revenu global, d'un déficit issu d'une activité relevant de la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, lorsque cette activité ne constitue pas pour le contribuable une véritable profession.

Toutefois, comme le faisait remarquer votre Commission des finances 48( * ) à l'époque de la discussion de cet article, la " tunnelisation " opérée a constitué une " réponse sans véritable nuance " à certains abus -bien réels -, car le dispositif adopté, " s'il préserve les entrepreneurs " actifs ", traite toutefois de façon indifférenciée les personnes participant à des opérations contestables et celles qui assument un risque d'entreprise sans intervenir directement dans la gestion de cette dernière. Il ignore ainsi tout un plan de la réalité économique " .

La Commission des finances distinguait, en effet, dans le même rapport, 3 " profils " de titulaires de BIC :

Les exploitants individuels ou associés de sociétés de personnes exerçant eux-mêmes l'activité de l'entreprise . C'est à cette catégorie de personnes que la loi de finances initiale pour 1996 a réservé la possibilité d'imputation des déficits issus de leurs BIC sur le revenu global. Plus précisément, l'activité est qualifiée de professionnelle lorsqu'elle comporte " la participation personnelle, continue et directe de l'un des membres du foyer fiscal à l'accomplissement des actes nécessaires à l'activité ".

Seuls les déficits suscités par les activités correspondant à ce critère gardent la possibilité d'être imputés sur le revenu global.

Toutes les activités relevant des BIC mais pour lesquelles le contribuable ne satisfait pas aux conditions précédentes sont considérées comme réalisées à titre non professionnel. Les déficits qu'elles suscitent peuvent uniquement être utilisés pour " apurer " les bénéfices tirés d'activités de même nature exercées, dans les mêmes conditions, perçus la même année ou au cours des cinq années suivantes.

Les opérateurs qui, par le truchement d'une activité relevant des BIC, réalisent en fait un simple placement financier, sans intérêt réel pour l'activité dans laquelle ils ont investi, dans le cadre d'un montage assorti de risques réduits, et ayant clairement un but d'optimisation fiscale, au moyen de la combinaison de plusieurs règles fiscales.

Le " dopage " fiscal auquel la loi tendait à remédier, réside en fait dans le recours simultané à un autre régime dérogatoire (en 1995, il s'agissait par exemple du régime d'amortissement dégressif ou des dispositions relatives aux investissements dans les départements d'Outre-mer -"loi Pons "-). La Commission des finances indiquait dans le rapport général précité : " Organisés par un établissement financier, et généralement assortis d'une clause de rachat à prix garanti, ces montages contestables sont ainsi à l'origine du fort développement du secteur de l'hôtellerie économique, mais expliquent aussi une partie du regain d'activité enregistré dans la construction des bateaux de plaisance. Dans ces situations, l'intérêt de l'opération réside uniquement dans son cadre structurellement déficitaire, les règles fiscales utilisées permettant alors de constater des charges qui n'ont plus aucun rapport avec la réalité économique de l'opération. De tels schémas permettent de contourner le taux marginal du barème de l'impôt sur le revenu tout en réalisant un placement en principe dépourvu de risque ".

Ces pratiques sont, sans nul doute, contestables.

Mais une troisième catégorie de titulaires de BIC était identifiée par la Commission des finances, pour lesquels la contrainte de la tunnelisation paraît moins pertinente.

Les intervenants que l'on peut qualifier de " passifs ", qui restent indéfiniment responsables des risques pris par l'entreprise sans pour autant participer à sa gestion . Tel est le cas des associés de sociétés de personnes n'intervenant pas dans l'exploitation. Ce statut un peu particulier a notamment été utilisé pour mobiliser des investisseurs en vue de participer au financement d'activités économiquement saines, mais caractérisées par un manque de rentabilité durant les premières années d'exploitation.

La Commission des Finances considérait donc que " la " frontière " entre BIC professionnel et non professionnel est quelque peu arbitraire. Elle n'intègre pas la notion de risque d'entreprise accepté par le contribuable, alors que cet élément reste fondamental pour justifier l'imputation du déficit sur le revenu global ".

De ce fait, la Commission des Finances, bien que soucieuse de mettre fin à des montages fiscaux contestables, exprimait certaines réserves sur la rédaction de cet article du projet de loi de finances pour 1996 et suggérait plusieurs améliorations. Votre commission souscrit pleinement à cette analyse, qui s'applique à son sens particulièrement à la troisième catégorie de titulaires de BIC, celle des actionnaires impliqués dans l'entreprise bien que ne participant pas directement à sa gestion.

L'article 9 de la proposition de loi propose d'ailleurs, en vue d'encourager les investisseurs providentiels, de lever, dans certaines conditions, l'encadrement instauré en 1996. Il s'adresse aux actionnaires des SARL indépendantes (à qui il donne la possibilité d'opter pour le régime fiscal des sociétés de personnes pendant les trois premières années de leur création), qui prennent l'engagement de conserver leurs parts pendant cinq ans.

Votre commission estime que cet article fiscal peut s'avérer utile pour le développement des investisseurs providentiels dans notre pays et l'accroissement de l'apport en fonds propres à de jeunes sociétés en création. Elle adhère donc pleinement à son principe.

Elle est toutefois soucieuse d'éviter qu'une telle disposition ne puisse constituer une brèche dans le code général des impôts et un appel d'air pour la mise en place de montages destinés à la seule optimisation fiscale d'investisseurs peu préoccupés du devenir de l'entreprise.

Votre commission a souhaité, en particulier, examiner de façon particulièrement attentive :

- les garanties tenant à la qualité de l'engagement de l'investisseur en termes notamment de durée de conservation des parts ;

- le plafonnement de l'avantage fiscal consenti, qui semble, en toute équité, nécessaire. Votre Commission vous propose donc de limiter la possibilité d'imputation des déficits sur le revenu global à 100.000 francs par foyer fiscal ;

- l'équilibre des régimes fiscaux entre les actionnaires suivant les différentes formes sociales de l'entreprise et en particulier entre associés de sociétés de personnes (aux déficits et bénéfices tunnelisés), qui sont, en outre, indéfiniment responsables du passif et associés des SARL ayant opté, en vertu de cet article, pour l'impôt sur le revenu, (aux déficits et bénéfices détunnélisés et à responsabilité limitée) ;

- le ciblage du mécanisme : votre commission s'est interrogée sur l'opportunité de circonscrire cet avantage fiscal aux actionnaires de sociétés implantées dans des zones prioritaires d'aménagement du territoire et de politique de la ville. Compte tenu de sa complexité, elle ne s'est finalement pas engagée dans cette voie.

Votre commission se montrera, au demeurant, particulièrement attentive aux suggestions que pourrait être amenée à formuler, sur ces points, votre commission des finances, saisie pour avis.

Par ailleurs, votre commission a apporté une modification rédactionnelle au II de cet article.

Votre Commission vous demande d'adopter cet article ainsi rédigé.

CHAPITRE III -

Prêts des personnes physiques aux entreprises individuelles en création

Article 10 -
(Article 199 terdecies - OA du code général des impôts) -

Extension de " l'avantage Madelin " aux prêts des personnes physiques aux entreprises individuelles en création

Cet article tend à étendre la réduction sur le revenu au titre des souscriptions au capital de sociétés non cotées aux prêts de personnes physiques aux entreprises individuelles.

Le texte proposé par cet article tend à modifier l'article 199 terdecies OA du code général des impôts relatif aux réductions d'impôt au titre des souscriptions en numéraire au capital des sociétés non cotées.

La loi " Madelin " du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle a institué un dispositif d'aide à la mobilisation de l'épargne de proximité en faveur des petites et moyennes entreprises.

Le premier volet de ce dispositif, codifié à l'article 199 terdecies OA du code général des impôts, prévoit une réduction d'impôt sur le revenu au profit des contribuables souscrivant au capital initial ou aux augmentations en capital de sociétés non cotées.

Les sociétés concernées doivent satisfaire à quatre conditions :

- relever de l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ;

- exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale ;

- en cas d'augmentation du capital, réaliser un chiffre d'affaires hors taxes inférieur à 260 millions de francs ou présenter un total de bilan inférieur à 175 millions de francs ;

- disposer d'un capital majoritairement détenu par des personnes physiques ou des " holdings " familiaux 49( * ) .

Dans ce cas, la réduction d'impôt est alors égale à 25 % du montant des versements effectués au titre d'une année, dans la limité d'un plafond de 37.500 francs pour les contribuables célibataires, veufs ou divorcés et de 75.000 francs pour les contribuables mariés.

Toutefois, le bénéfice de cette réduction d'impôt est définitivement acquis si le contribuable conserve ses titres durant cinq ans. A défaut, il est pratiqué au titre de l'année de cession, une reprise des réductions dans la limite du prix de cession.

Le bénéfice de la réduction d'impôt ne peut se cumuler avec d'autres avantages fiscaux et les actions ou parts qui ont ouvert droit à la réduction d'impôt ne peuvent figurer dans un plan d'épargne en actions.

Ce dispositif, qui devait en principe prendre fin le 31 décembre 1998 a été prorogé par la loi de finances pour 1999 jusqu'en 2001.

Selon le fascicule budgétaire " voies et moyens " annexé au projet de loi de finances pour 2000, la dépense fiscale résultant pour l'Etat d'une telle réduction d'impôt est estimée à 360 millions de francs pour 1997 et évaluée à 380 millions de francs pour 1998.

Le texte proposé par l'article 10 de la proposition de loi tend à faire bénéficier de la réduction d'impôt prévue par l'article 199 terdecies OA du code général des impôts les prêts des personnes physiques aux créateurs d'entreprises individuelles.

Le dispositif de la loi " Madelin " ne concerne, en effet, que les personnes morales. Or, les auteurs de la proposition de loi constatent que 56 % des entreprises créées ces dernières années sont des entreprises individuelles et que 58 % des fonds propres mobilisés par la création d'entreprise proviennent de l'épargne du créateur ou de ses proches.

CRÉATIONS OU REPRISES D'ENTREPRISES EN 1998
SELON LA NATURE JURIDIQUE DE L'ENTREPRISE CRÉÉE

 

Nombre

Pourcentage

Taux de survie en 1997

Entreprise individuelle dont (1)

49 240

56

42

Personne morale dont

37 988

44

59

TOTAL

87 228

100

49,6

Source : rapport annuel de l'APCE

Ainsi, afin de favoriser le financement de la création d'entreprise par des proches et d'accroître la portée du dispositif de la loi " Madelin ", le présent article propose de l'étendre aux entreprises individuelles . Comme, par définition, il ne pouvait s'agir de souscription de capital d'entreprises individuelles, ces entreprises étant dépourvues de personnalité morale, la proposition étend le dispositif prévu par l'article 199 terdecies OA du code général des impôts aux prêts consentis pour la création d'une entreprise individuelle.

Cet article institue ainsi une réduction d'impôt au titres des prêts des personnes physiques aux entreprises individuelles en création.

Le texte proposé prévoit que le prêt est consenti " pour la création d'une entreprise individuelle et pendant les trois années suivant le début de son activité ". Le prêt doit donc être effectué au profit d'une personne ayant créé son entreprise depuis moins de trois ans. Il s'agit comme dans la majorité des articles de cette proposition de loi de promouvoir non seulement la création de l'entreprise mais également son développement pendant les trois premières années, c'est à dire pendant les années les plus difficiles ou la mortalité des jeunes entreprises est la plus élevée.

Le bénéfice de cette disposition devra donc être subordonné à la production par l'entreprise bénéficiaire d'une déclaration attestant de sa création depuis moins de trois ans et d'un contrat de prêt reconnaissant l'existence du prêt.

La proposition de loi soumet le bénéfice de cette réduction d'impôt au respect de trois séries de conditions :

1°. L'entreprise individuelle concernée doit être nouvelle au sens de l'article 44 sexies du code général des impôts. Au regard de la doctrine administrative élaborée par les services fiscaux sur cet article, les entreprises qui entrent dans le champ d'application de l'article 44 sexies doivent exercer une activité réellement nouvelle, ce qui exclut les entreprises constituées pour la reprise d'une activité préexistante. Par ailleurs, la date de création de l'entreprise au sens de l'article 44 sexies est celle du début de l'activité de l'entreprise telle que mentionnée sur la déclaration d'existence que l'entreprise doit souscrire, en application de l'article 286 du code général des impôts. Dès lors, le délai des trois premières années d'activité de l'entreprise précitée court à partir de cette date ;

2°. L'entreprise individuelle doit être soumise à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux visés par l'article 34 du code général des impôts, des bénéfices agricoles visés par l'article 63 ou des bénéfices des professions non commerciales au sens du 1° de l'article 92 du code général des impôts ;

3°. Le prêt doit être consenti pour une durée minimum de cinq ans, il est gratuit ou assorti d'un taux d'intérêt ne dépassant pas celui de l'intérêt légal ; il ne fait l'objet d'aucune prise de garantie et il est assorti d'une clause de créance de dernier rang en cas de procédure collective . En contrepartie de l'avantage fiscal consenti, les personnes qui concèdent le prêt pour création d'entreprise acceptent ainsi une prise de risque liée à l'absence de garantie et à l'existence d'une clause de créance de dernier rang en cas de procédure collective. Cette prise de risque et l'immobilisation des sommes pendant une durée relativement longue ne sont pas ou peu rémunérées, le taux d'intérêt étant nul ou inférieur au taux d'intérêt légal.

Ce dispositif permet en conséquence aux créateurs d'entreprises de bénéficier d'un prêt à taux nul ou réduit, remboursable dans un délai supérieur à cinq ans. Le choix d'une période de cinq ans correspond à la phase de développement de l'entreprise et reprend les délais généralement retenus dans les dispositifs d'aide à la création d'entreprise. C'est déjà le cas de " l'avantage Madelin ", c'est également le cas des fonds communs de placement dans l'innovation, qui n'ouvrent droit à réduction d'impôt que si les personnes physiques concernées s'engagent à conserver les parts de fonds pendant cinq ans au moins à compter de leur souscription.

Le texte proposé par cet article s'insérant dans le texte de l'article 199 terdecies -0 A, les dispositions de ce dernier renvoyant au décret " La fixation des modalités d'application du présent article et notamment les obligations déclaratives incombant aux contribuables " s'appliquent également au dispositif proposé.

Il conviendra, dans les mesures d'application du présent article, de veiller à prévoir des formalités qui permettent de vérifier la réalité du prêt, éventuellement par le biais d'un enregistrement des déclarations des contrats de prêts tel que prévu dans le cadre de l'application de l'article 242 ter du code général des impôts, la réalité de la création de l'entreprise à travers une déclaration d'existence, telle que, par exemple, celle prévue par l'article 206 du même code et de l'affectation de prêt à la création et au développement de l'entreprise, par le biais, le cas échéant, de justificatifs a posteriori des dépenses.

Votre commission vous propose d'adopter cet article dans le texte de la proposition de loi.

CHAPITRE IV -

Réserve d'investissement pour les petites et moyennes entreprises

Article 11 et article 12 -
(Article 219 du code général des impôts paragraphe I g) nouveau et
article 39 novodecies nouveau du même code) -

Taxation à taux réduit (19 %) des résultats des PME incorporés
à un compte de réserve spéciale d'investissement

Ces deux articles proposent, respectivement pour les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés (IS) et les entreprises soumises à l'impôt sur le revenu (IR), d'instituer une taxation au taux réduit de 19 % des bénéfices incorporés à un compte de réserve spéciale d'investissement. En vue d'encourager l'investissement des PME indépendantes, ce bénéfice leur serait réservé.

L'article 11 de la proposition de loi propose d'insérer un g) nouveau au paragraphe I de l'article 219 du code général des impôts, créant, pour les sociétés soumise à l'IS, la faculté de n'être taxées qu'au taux réduit de 19 % pour la fraction de leurs bénéfices incorporés à un compte de réserve spéciale, en vue d'un investissement au cours de l'exercice suivant celui de la réalisation dudit bénéfice. Faute de l'investissement programmé, l'entreprise acquitterait le différentiel d'impôt par rapport au taux normal, majoré d'un intérêt de retard.

Cette faculté serait réservée aux PME indépendantes (majoritairement détenues par des personnes physiques ou des personnes morales détenues par des personnes physiques) ayant réalisé au cours de l'exercice écoulé moins de 50 millions de francs de chiffre d'affaires .

L'article 12 ouvre la même possibilité d'une taxation à 19 % aux PME qui répondent aux mêmes critères de taille de chiffre d'affaires et d'indépendance, mais qui sont soumises à l'impôt sur le revenu.

Votre commission ne peut qu'être particulièrement attentive à un dispositif qui vise à stimuler l'investissement de nos PME. Mais sa responsabilité est aussi d'envisager, le plus complètement possible, les différents effets prévisibles de la rédaction soumise à son examen, au plan macro-économique au regard de la neutralité en matière d'allocation des facteurs de production, comme sur le plan de sa mise en oeuvre pratique par nos petites entreprises.

Au plan macro-économique, l'effet potentiellement incitatif à l'investissement des PME pourrait être amenuisé d'une part par l'effet d'aubaine de l'application de ce dispositif à des entreprises qui auraient, de toutes façons, investi, et d'autre part par un effet de calendrier -négatif pour l'économie en général-, les entreprises " décalant " dans le temps leur investissement dans la seule optique de pouvoir bénéficier du taux réduit d'imposition.

De plus, alors que votre commission propose, par ailleurs, plusieurs dispositions incitatives à la participation en fonds propres des PME, elle ne peut, par cohérence, qu'être attentive aux tenants de la neutralité fiscale entre la distribution des bénéfices en vue de la rémunération des actionnaires et leur incorporation, fût-ce en vue d'un investissement.

Votre commission est également consciente du très vaste champ potentiel d'application de ces deux articles et des problèmes que pose, plus particulièrement, l'article 12 au regard de la progressivité du barème de l'impôt sur le revenu et de l'équilibre de la taxation entre les différentes catégories de revenus soumises à l'imposition.

La complexité probable de mise en oeuvre de ce dispositif amène en outre votre commission à s'interroger, surtout s'agissant d'un public de PME. En effet, l'application qui a été faite du dispositif de taxation à taux réduit des bénéfices incorporés aux fonds propres des entreprises réalisant moins de 50 millions de francs de chiffre d'affaires, mesure votée en loi de finances pour 1996, à la philosophie proche de celle des articles 11 et 12 de la proposition de loi, s'avère édifiante, comme en témoigne une question écrite posée par notre collègue Jean-Jacques Hyest :

COMPLEXITÉ DU CALCUL RELATIF AU TAUX RÉDUIT DE L'IMPÔT SUR LES SOCIÉTÉS POUR LES BÉNÉFICES INCORPORÉS AU CAPITAL DES SOCIÉTÉS.

Question écrite n° 04252 du 13 novembre 1997.

M. Jean-Jacques Hyest attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le nouveau dispositif concernant le taux réduit de l'impôt sur les sociétés. La formule qui permet de déterminer la fraction maximale du résultat comptable pouvant être incorporée au capital ou inscrite en réserve pour bénéficier du taux réduit à 19 %, et que les petites entreprises doivent appliquer, est extrêmement complexe. " Soit PVLT r Soit Y r fraction maximale du résultat comptable pouvant être incorporée au capital ou inscrite en réserve pour bénéficier du taux réduit à 19 %. RCP r, résultat comptable avant participation et avant impôt. C r capitaux propres (1). S r salaires (1). Va r valeur ajoutée (1). PI r provision pour investissement. PVLT r plus-value nette à long terme. RI r résultat imposable. CI r crédits d'impôt. AF r avoirs fiscaux comptabilisés en produits (2). 6 RCP p 0,15 S C - 2 (S p 1,1) RI - 1,254 PVLT - 3 S PI p 3 2 - S) (CI p AF) Va Va Va Va Y r 23,054 p 0,43 S Va (1) Selon la définition retenue pour le calcul de la réserve spéciale de participation. (2) Si les avoirs fiscaux ne sont pas comptabilisés, et donc non pris en compte dans le résultat, il convient de retenir : 2 (2 - S) avoirs fiscaux > au lieu de 3 (2 - S) avoirs fiscaux dans la Va Va formule de calcul. Toutefois, ce calcul retient une imputation de l'avoir fiscal à hauteur de 66 2/3 % de son montant, ce qui suppose un impôt de 33 1/3 % . L'entreprise bénéficiant, sur une partie de son résultat, d'un impôt à 19 %, le montant de l'avoir fiscal imputable devrait logiquement être augmenté, ce qui modifierait alors la formule de calcul. On attendra donc la position de l'administration sur ce point " Sources : Revue fiduciaire et comptable, mai 1997.

Donc, au lieu de procéder à une simplification, ce texte complique au contraire la vie des chefs d'entreprise. De plus, la portée de cette mesure se limite à une diminution d'impôts relativement modérée (30.000 francs maximum). Dans ces conditions, la question se pose de savoir si on ne pourrait pas envisager d'autres moyens pour appliquer une mesure qui vise à alléger la fiscalité des PME.

NB : la réponse du ministère de l'économie est publiée dans le JO Sénat du 16 avril 1998, page 1231.

Encore une preuve de plus, s'il en fallait, que les modalités d'application d'une disposition législative peuvent contribuer à atténuer considérablement son efficacité !

D'ailleurs, certaines personnalités entendues par votre rapporteur lors de la préparation du présent rapport lui ont indiqué que le bénéfice du taux réduit d'imposition en vue d'un investissement pourrait lui aussi se trouver, après coup, remis en cause par sa complexité probable de calcul, sans parler des coûts inhérents, pour la collectivité comme pour les PME, à la gestion et au contrôle, par l'administration fiscale, d'un tel dispositif.

Enfin et surtout, votre commission estime que, dans la conjoncture actuelle, qui n'est ni celle de fin 1995, date de l'adoption du taux d'imposition réduit pour les bénéfices incorporés, ni celle de mars 1999, date du dépôt de la proposition de loi, des mesures à la fois plus simples et plus radicales sont devenues envisageables pour alléger la fiscalité pesant sur les entreprises -on pense, pourquoi pas, avec les recettes supplémentaires attendues en matière notamment d'IS, à une suppression de la " surtaxe " d'impôt sur les sociétés-. Cette proposition dépasse toutefois largement l'objet de la proposition de loi soumise à l'examen de votre commission.

Votre commission laisse en la matière à votre commission des finances, saisie pour avis, l'initiative de proposer, si elle le juge utile, lors de l'examen de cette proposition de loi ou à une autre occasion qu'elle jugerait plus appropriée, un dispositif adapté pour alléger la fiscalité des entreprises et, partant, favoriser l'investissement.

Votre commission n'a, en conséquence, pas repris, dans ses conclusions, les articles 11 et 12 de la proposition de loi.

CHAPITRE V -

Taxation des plus-values des options sur actions

Article 13 -
(Article 200A du code général des impôts) -

Allégement de la taxation des plus values des options sur actions

Cet article vise à supprimer la taxation au taux de 30 % de l'avantage correspondant à la différence entre la valeur réelle de l'action à la date de levée d'une option et le prix de souscription ou d'achat de cette action, pour revenir au taux d'imposition de droit commun (16 %).

Assises de l'innovation en mai 1998, débats budgétaires, débat sur le projet de loi relatif à l'innovation et à la recherche, élaboration d'un projet de loi gouvernemental sur l'épargne salariale : les occasions n'ont pas manqué au Gouvernement de s'engager à proposer une réforme d'ensemble des stock-options . Jusqu'à présent, sans résultat tangible, au-delà de la création de bons de souscription de parts de créateurs d'entreprises -heureusement progressivement élargis- et la commande d'un rapport abordant notamment le sujet des stocks-options. Il apparaît, en effet, de plus en plus nécessaire d'en alléger la taxation, d'en élargir l'attribution et d'en clarifier le mode de fonctionnement.

Mais le sujet est-il si consensuel au sein de la majorité plurielle ? Le retrait in extremis d'articles consacrés à ce thème dans le projet de loi relatif à l'innovation et à la recherche n'est pas fait pour accréditer cette idée.

Le Sénat n'a, quant à lui, pas attendu pour exprimer une position claire et cohérente pour réformer et démocratiser cet outil de motivation des salariés et de rémunération de la prise de risque.

Les stock-options, un outil de rémunération de la prise de risque et de motivation des salariés.


Directement inspiré du " stock-options plan " anglo-saxon, le plan d'options sur actions a été introduit en droit français par une loi du 31 décembre1970, qui a complété la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales par les articles 208-1 à 208-8 relatifs aux options de souscription ou d'achat d'actions.

Dans son rapport général sur le projet de loi de finances pour 1999 50( * ) votre commission des finances a remarquablement décrit ce mécanisme. Votre rapporteur s'est inspiré, pour les développements qui suivent, de cette analyse particulièrement claire.

Il s'agit d'une forme mixte d'intéressement et de participation au capital, dans laquelle l'entreprise consent à son personnel le droit d'acquérir ses propres actions à des conditions privilégiées, lui offrant ainsi l'opportunité de réaliser une plus-value spécifique.

Comme l'indique le rapport précité, " son principe est simple. Le mécanisme s'inscrit dans le temps pour se décomposer en trois étapes bien distinctes ".

1. L'attribution : la société attribue au bénéficiaire le droit, pendant une période donnée, de se porter acquéreur d'un certain nombre de titres à un prix déterminé. Ce prix, éventuellement inférieur au prix du marché, reste fixe pendant toute la période durant laquelle le droit, ou " option ", est ouvert au bénéficiaire.

2. La levée : le bénéficiaire choisit de " lever " l'option qui lui a été attribuée, c'est-à-dire d'exercer son droit d'acquisition. Bien entendu, il n'a intérêt à le faire que si le cours, pour les actions cotées, ou la valeur, pour les actions non cotées, se sont maintenus ou ont progressé au-delà du prix invariable initialement fixé lors de l'attribution de l'option : il réalise alors une plus value dite d'acquisition . Cette étape implique pour lui une sortie de fonds, puisqu'il doit payer au prix convenu les actions sur lesquelles portait son option..

3. La cession : le bénéficiaire revend les actions qu'il a acquises sur option. Ce n'est qu'à ce stade qu'il rentre dans ses fonds et que la plus-value d'acquisition, jusque là virtuelle, se concrétise. Il peut par ailleurs réaliser une plus-value supplémentaire, dite de cession , si la valeur des actions a continué de s'apprécier depuis la levée de l'option.

Cette troisième et dernière étape constitue le fait générateur de l'impôt pour l'ensemble du processus.

Votre rapporteur général poursuivait, dans le même rapport :

" Ainsi, le gain retiré d'un plan d'options sur actions est différé, aléatoire et lié à la contribution des bénéficiaires à la prospérité de l'entreprise. Ces trois caractéristiques font du plan d'options sur actions un instrument remarquablement efficace de motivation et de fidélisation des cadres supérieurs et dirigeants des sociétés ".

Ce mécanisme se révèle particulièrement attractif, comme l'indique une récente enquête d'opinion 51( * ) réalisée auprès des salariés du secteur privé. Deux salariés sur trois (67 %) se déclarent intéressés par la détention de stock-options, le niveau d'intérêt étant majoritaire pour l'ensemble des catégories étudiées.

Une majorité absolue des salariés interrogés (56 %) déclarent ne pas disposer aujourd'hui dans leur entreprise d'éléments de rémunération liés aux résultats de l'entreprise (primes, intéressement, participation) suffisamment motivants (contre 42 %). L'absence d'éléments de rémunération suffisamment motivants est en particulier soulignée par les femmes (64 %), les employés (70 %) et les foyers à bas revenus (67 %).

Ce jugement négatif à l'égard des systèmes de rémunérations actuels contribue au succès des stock-options. Ainsi, les stock-options sont jugés efficaces pour renforcer la motivation et l'implication des salariés qui en bénéficient par plus des trois quarts des interviewés (76 %), pour renforcer le sentiment d'appartenance à son entreprise (72 %) ou encore pour fidéliser les salariés (72 %).

Globalement, neuf salariés sur dix (90 %) déclarent qu'il serait souhaitable que, dans les années qui viennent, les stock-options soient de plus en plus proposées à un plus grand nombre de salariés . Ce souhait se révèle particulièrement fort : près de la moitié des interviewés (48 %) souhaite un accès plus large de manière importante.

Enfin, les attentes en matière d'imposition à l'égard des stock-options s'orientent vers un niveau d'imposition avantageux pour rendre les stock-options attractives (71 % de citations), contre 20 % les jugeant déjà suffisamment intéressantes financièrement.

On ne peut ainsi que se féliciter qu'une grande entreprise française ait annoncé récemment qu'elle proposerait à 120.000 de ses salariés de souscrire à un plan d'options sur actions.

Un régime fiscal et social progressivement durci.

Comme l'indiquait votre commission des finances lors de la discussion du projet de loi sur l'innovation et la recherche 52( * ) : " Comme les autres mécanismes d'intéressement et de participation, le plan d'options sur actions bénéficie d'un régime fiscal et social avantageux. Ou plutôt, bénéficiait d'un régime avantageux jusqu'en 1995. Car l'évolution récente de la législation a beaucoup réduit l'intérêt d'un dispositif qui reste délicat à gérer pour les sociétés, et aléatoire pour les intéressés ".

Un régime initialement avantageux.

Le mécanisme des plans sur options a été conçu pour être avantageux à la fois pour la société qui attribue les options et pour le bénéficiaire de ces options.

- Pour la société

Indépendamment de son pouvoir de motivation du personnel, le plan d'options sur actions était conçu pour être intéressante pour l'entreprise au regard de l'impôt et des cotisations sociales.

Tout d'abord, l'avantage représenté par la plus-value d'acquisition (différence entre le prix de souscription ou d'achat et la valeur réelle de l'action à la date de la levée de l'option) était exonérée des cotisations patronales de sécurité sociale ainsi que de toutes taxes assises sur les salaires .

Toutefois, cette exonération ne suffirait pas à rendre les plans d'option plus avantageux pour la société que les formes classiques de rémunération si les coûts correspondants n'étaient pas fiscalement considérés comme des charges déductibles du résultat imposable. Tel n'était pas le cas dans le régime initial des plans d'options sur actions, et cette possibilité fondamentale de déduction a été introduite par la loi du 9 juillet 1984 sur le développement de l'initiative économique. Ainsi, l'article 217 quinquies du code général des impôts, tel qu'il résulte de cette loi, dispose que " pour la détermination de leurs résultats fiscaux, les sociétés peuvent déduire les charges exposées du fait de la levée des options de souscription ou d'achat d'actions consenties à leurs salariés ". C'est-à-dire :

- les frais de rachat des titres destinés à être remis au personnel, lorsqu'il s'agit d'options d'achat ;

- les frais d'augmentation de capital, lorsqu'il s'agit d'options de souscription ;

- les frais de gestion des actions rachetées ou émises jusqu'à la date de levée de l'option ;

- et surtout, les moins-values résultant pour la société de la différence entre le prix d'achat et la valeur réelle des actions.

Le coût des plans d'options sur actions se trouve ainsi fiscalement neutralisé pour la société qui recours à cet instrument.

- Pour le bénéficiaire


En principe, la plus-value d'acquisition réalisée par le bénéficiaire d'une option est considérée comme un complément de salaire et soumise comme tel à l'impôt sur le revenu (article 80 bis I du code général des impôts). La taxation de cet avantage n'a pas lieu lors de la levée de l'option, mais lors de la cession des actions. Il est alors fait application d'un système de quotient destiné à atténuer les effets de la progressivité de l'impôt, qui prend en compte le nombre d'années entières écoulées entre la date d'attribution de l'option et la date de cession des titres (article 163 bis C II du code général des impôts).

Toutefois, l'avantage peut être soumis à un régime d'imposition plus favorable, sous réserve de deux conditions (article 163 bis C I du code général des impôts) :

- les actions acquises doivent revêtir la forme nominative ;

- elles doivent demeurer indisponibles pendant une période de cinq années à compter de la date d'attribution de l'option (et non de sa levée).

Si ces deux conditions sont remplies, la plus-value d'acquisition était taxée, antérieurement à 1996, toujours lors de la cession des titres, selon le régime des plus-values mobilières, au taux de 16 %.

Il est prévu par ailleurs un certain nombre de cas de force majeure où le possesseur d'actions acquises sur options peut exceptionnellement disposer de ses titres avant l'expiration du délai d'indisponibilité de cinq ans, sans perdre pour autant le bénéficie de ce régime d'imposition conditionné : licenciement du titulaire, mise à la retraite du titulaire, invalidité du titulaire, décès du titulaire (au profit de ses héritiers).

Enfin, l'avantage résultant de la levée d'options était exonéré, antérieurement à 1997, de toute cotisation salariale de sécurité sociale. Il est en revanche soumis à la CSG et à la CRDS, au titre des revenus salariaux ou au titre des revenus du patrimoine, selon les cas.

Un durcissement progressif mais continu.

Toutes les modifications de ce régime fiscal et social depuis son instauration par la loi n° 70-1322 du 31 décembre 1970 ont progressivement réduit les avantages qui lui sont attachés, à l'exception notable, en sens inverse, de l'article 39 de la première loi de finances rectificative pour 1993, qui a supprimé le délai de portage d'un an entre la levée de l'option et la cession des titres, que devait respecter le bénéficiaire pour avoir droit au traitement fiscal le plus avantageux.

Mais, depuis ce dernier assouplissement, toutes les évolutions de la législation fiscale et sociale applicable aux options de souscription ou d'achat d'actions se sont faites dans un sens moins favorable :

- l'article 49 de la loi portant diverses dispositions d'ordre social du 4 février 1995 a soumis aux cotisations sociales la part excédant 5 % du rabais consenti sur le prix de l'option par rapport au prix du marché ;

- l'article 70 de la loi de finances initiale pour 1996 a porté à 30 % le taux d'imposition applicable à la plus-value d'acquisition réalisée lors de la levée d'option ;

- l'article 11 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997 a soumis aux cotisations sociales la plus-value d'acquisition lorsque le délai fiscal d'indisponibilité de cinq ans entre l'attribution de l'option et la cession des titres n'est pas respecté ;

- la loi de financement de la sécurité sociale pour 1998 a entraîné un accroissement massif des prélèvements sociaux sur l'épargne, avec une forte hausse de la CSG et l'extension des deux prélèvements de 1 % sur les revenus du patrimoine affectés respectivement à la CNAVTS et à la CNAF. Ceux-ci atteignent désormais un taux cumulé de 10 % (7,5 % de CSG + 0,5 % de CRDS + 2 % de prélèvement spécifique).

Le taux d'imposition total des gains sur options de souscription ou d'achat d'action est ainsi de 40 %, hors cotisations sociales éventuelles.

Le Sénat : une position claire.


Votre Haute assemblée a, récemment encore, clairement pris position pour un allégement du régime social et fiscal des stock-options, accompagné d'un renforcement de la transparence du mécanisme. Les occasions les plus marquantes ont notamment été : la discussion du projet de loi de finances pour 1999 où la commission des finances 53( * ) avait proposé un amendement identique à celui de l'article 13 de la proposition de loi en examen ; la discussion du projet de loi précité sur l'innovation et la recherche ; la discussion, en décembre dernier des conclusions de la commission des affaires sociales 54( * ) sur les propositions de loi n° 52 tendant à favoriser le développement de l'actionnariat salarié et n° 87 relative au développement du partenariat social, aboutissant à l'adoption d'une proposition de loi (n° 53), tendant à favoriser le partenariat social par le développement de l'actionnariat salarié.

Un bref rappel des positions de la commission des finances en la matière, extrait du rapport précité de notre collègue René Trégouët sur le projet de loi innovation et recherche, suffira à montrer la cohérence de sa doctrine, par exemple.

RAPPEL DES POSITIONS CONSTANTES DE LA COMMISSION DES FINANCES
EN MATIÈRE DE STOCK-OPTIONS

" En matière de stock-options, la commission des finances peut se prévaloir d'une constance sans faille dans ses positions. Toutefois, cette constance ne peut apparaître avec suffisamment de clarté qu'aux observateurs attentifs des débats parlementaires. Un bref rappel historique n'est sans doute pas inutile.

1. Dans le cadre du débat sur le projet de loi de finances pour 1995, la commission des finances proposait de rétablir le délai de portage d'un an supprimé en 1994, afin de prévenir certains abus qui avaient été portés à sa connaissance. La commission, après avoir finalement renoncé à cette proposition d'amendement, décidait alors de créer un groupe de travail sur les plan d'options.

2. Le rapport d'information du groupe de travail de la commission, présenté au printemps 1995 par MM. Arthuis, Loridant et Marini, comportait une triple conclusion :

- les abus du système des plans d'options sur actions sont réels, même si rien ne permet de dire qu'ils constituent la pratique majoritaire ;

- les avantages du régime des plans d'options sur actions sont parfaitement justifiés , compte tenu à la fois de leur intérêt pour les entreprises et du contexte de forte pression fiscale et sociale propre à la France ;

- il est nécessaire et urgent d'introduire une plus grande transparence dans le système des stock-options, pour prévenir les abus qui risquent de le discréditer.

4. En septembre 1995, M. Philippe Marini déposait une proposition de loi tendant à améliorer l'information des actionnaires et à prévenir les délits d'initiés en matière d'options de souscription ou d'achat d'actions.

5. Dans le cadre de la loi de finances pour 1996, le Gouvernement instaurait un taux de prélèvement libératoire spécifique de 30 % pour les plus-values d'acquisition sur options, avec l'avis favorable de la commission des finances.

6. Dans le cadre du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier du printemps 1996, la commission des finances proposait d'instaurer, d'une part, une obligation de consolidation de l'information des actionnaires au sein des groupes de sociétés, et d'autre part, une interdiction d'attribuer des options pendant certaines périodes sensibles au regard du délit d'initié. Ces dispositions ont été votées et figurent désormais dans la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales.

7. Dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997, le Sénat, sans que sa commission des finances ait à se prononcer, décidait d'assujettir les gains sur options aux cotisations sociales lorsque le délai d'indisponibilité fiscale de cinq ans n'est pas respecté.

8. Dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 1996, la commission des finances réparait une erreur rédactionnelle de la disposition récemment votée dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997, qui aboutissait à exonérer de CSG et de CRDS les gains sur options lorsque le délai d'indisponibilité fiscale est respecté.

9. Dans le cadre de la loi de finances pour 1998 , le Gouvernement proposait la création des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise pour certaines sociétés de moins de sept ans. La commission des finances, M. Alain Lambert étant rapporteur général, se déclarait favorable à la mesure tout en regrettant son caractère restrictif et proposait par ailleurs au Sénat de revenir au taux d'imposition de droit commun de 16 % pour les plans d'options.

10
. Dans le cadre de la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier du printemps 1998, la commission des finances de l'Assemblée nationale proposait de revenir sur le caractère économiquement rétroactif de l'assujettissement aux cotisations sociales pour les seules sociétés de moins de quinze ans. Pour sa part, la commission des finances du Sénat a défendu l'extension de cette mesure de bon sens à toutes les sociétés, indépendamment de leur âge.

11. Dans le cadre de la loi de finances pour 1999, le Gouvernement proposait d'étendre des bons de souscription de parts de créateur d'entreprise aux sociétés de moins de quinze ans. La commission des finances, M. Philippe Marini étant rapporteur général, proposait de nouveau au Sénat de revenir au taux d'imposition de droit commun de 16 % pour les plans d'options.

Ce rappel historique montre la parfaite continuité des positions de la commission des finances du Sénat en matière de stock-options, indépendamment des initiatives parfois malencontreuses de la précédente majorité sur le sujet.

Il est d'ailleurs permis de penser que, si les recommandations de plus grande transparence formulées dès 1995 par la commission des finances avait été écoutées en leur temps, le régime fiscal et social des stock-options n'aurait vraisemblablement pas connu les déboires récents qui doivent être aujourd'hui corrigés ".

Source : Rapport n° 210 de M. René Trégouët, Sénat, 1998-1999


Votre commission considère quant à elle que les arguments en faveur du mécanisme des stocks-options restent toujours valables :

- il s'agit d'un instrument taillé sur mesure pour les sociétés qui se créent ou innovent , dont le succès repose tout entier sur la motivation de leur personnel et qui recèlent un potentiel de valorisation considérable tout en ne pouvant pas offrir dans l'immédiat des rémunérations consistantes ;

- il s'agit d'un instrument particulièrement astucieux et efficace de fidélisation et de motivation des cadres d'une société, pour qui les systèmes classiques d'intéressement et de participation ne sont pas suffisamment incitatifs.

D'ailleurs, seules certaines dérives -bien réelles- du mécanisme des stock options expliquent l'érosion récente des avantages fiscaux et sociaux qui lui sont attachés, érosion qui est, sans doute, allée trop loin, d'autant qu'elle ne s'est pas accompagnée d'un renforcement corrélatif de la transparence du système.

Aussi, votre commission souscrit-elle pleinement aux dispositions récemment adoptées par le Sénat dans sa proposition de loi n° 53 précitée, qui lui paraissent équilibrées en termes d'avantages et de contraintes.

Sans revenir trop longuement sur ces débats récents, rappelons seulement que les articles 21 bis à 21 octies de cette proposition de loi ont, sur le fondement d'amendements déjà adoptés par le Sénat lors de la discussion du projet de loi relatif à l'innovation et la recherche :

- supprimé les rabais sur les prix d'attribution des titres, autorisés par les articles 208-1 et 208-3 de la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales et introduit une mesure sur la prévention des délits d'initiés ;

- abrogé le II de l'article 80 bis du code général des impôts relatif à l'imposition des rabais, qui seraient interdits ;

- introduit un dispositif de transparence nominative de façon à ce que l'assemblée générale soit informée, chaque année, des attributions nominatives d'options consenties aux dirigeants, gérants administrateurs de la société ainsi qu'aux dix salariés les plus avantagés ;

- instauré un délai de portage d'un an entre l'acquisition et la cession des titres. Ce délai de portage d'un an est inclus dans le délai d'indisponibilité fiscale, raccourci de cinq à trois ans à dater de l'attribution. La distinction entre plus values de cession et plus values d'acquisition subsiste donc, le taux spécifique de 30 %, relatif à ces dernières, s'appliquant si le délai de portage n'est pas respecté.

Mais, si les délais proposés d'indisponibilité et de portage étaient respectés, il y aurait, au total, un allégement par rapport au régime fiscal actuel, l'ensemble de la plus-value réalisée entre l'attribution et la cession étant taxée au taux de 16 % ;

- enfin, exonéré de cotisations sociales les plus values sur options de souscriptions ou d'achat d'actions, comme avant la promulgation de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1997.

Compte tenu des dispositions équilibrées récemment adoptées par le Sénat en matière tant de transparence que d'allégement des prélèvements sur les stock-options, l'article 13 de la proposition de loi ne figure pas dans les conclusions de votre commission.

TITRE III -

ENVIRONNEMENT JURIDIQUE DE LA CREATION D'ENTREPRISE

Votre commission vous propose tout d'abord, dans ses conclusions, un intitulé du titre III plus conforme au contenu qu'elle souhaite lui donner : " Statut du créateur d'entreprise ".

CHAPITRE I er -

Distinction des patrimoines professionnel et personnel
de l'entrepreneur individuel


Article 14 -

Affectation des biens à une activité économique

Cet article tend à insérer dans le code civil la possibilité pour une personne physique d'affecter tout ou partie de son bien à une activité économique, commerciale ou non.

Le texte proposé par cet article vise à permettre aux entrepreneurs individuels de distinguer leur patrimoine personnel d'un patrimoine professionnel affecté à une activité économique.

Ce dispositif tend à répondre aux difficultés que suscite depuis de nombreuses années le statut juridique et fiscal de l'entrepreneur individuel.

La diminution du nombre de création d'entreprises et le faible taux de pérennité des entreprises individuelles -le taux de survie après trois ans et demi d'activité des entreprises individuelles est de 42,5 % contre 59,1 % pour les entreprises constituées sous la forme d'une personne morale- ont, en effet, suscité de nombreuses réflexions sur la nécessité d'une révision du statut de l'entrepreneur individuel. Ces réflexions se sont dans l'ensemble orientées vers des solutions tendant à assurer :

- une meilleure sécurisation de la situation personnelle de l'entrepreneur individuel en particulier en cas d'échec de l'entreprise ;

- un plus grand dynamisme et une plus grande pérennité de l'entreprise individuelle grâce à une meilleure identification des fonds propres de celle-ci.

Poursuivant ces mêmes objectifs, le texte proposé par cet article s'inspire des travaux qui, depuis vingt ans, ont porté sur l'opportunité d'introduire en droit français la création d'un patrimoine d'affectation.

- Une question débattue :

La mise en place d'un statut du patrimoine professionnel affecté a, en effet, fait l'objet de nombreux rapports depuis 1978 ; on citera les principaux présentés depuis cette date :

- le rapport de la " Commission Champaud " (février 1978), établi par un groupe de travail interministériel mis en place à cet effet 55( * ) ;

- l'étude sur " L'entreprise personnelle - Critique et prospective ", établie en 1981 par le Professeur Sayag, sous l'égide du CREDA 56( * ) ;

- le rapport de Maître Jean-Denis Bredin (février 1984) remis au ministre du commerce, de l'artisanat et du commerce ;

- le rapport de la commission juridique de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Paris (octobre 1984) intitulé " un statut pour l'entreprise individuelle " 57( * ) ;

- les travaux du Congrès des Notaires de France de mai 1987 consacré au Patrimoine professionnel de l'Entrepreneur 58( * ) ;

- le rapport de Maître Barthélémy au Conseil économique et social d'avril 1993 59( * ) ;

- les Travaux de l'ACE 1996 (rapports de Maître Peyramaure et de Maître Barthélémy) 60( * ) .

Parmi les derniers éléments de réflexion en date, le rapport de notre collègue Philippe Marini au Premier Ministre déposé le 10 septembre 1996, portant sur la modernisation du droit des sociétés, consacre à son tour des développements à la question du patrimoine d'affectation 61( * ) .

Tout récemment enfin, le " Livre blanc de la Création d'entreprise " d'octobre 1998, place la réalisation de la " Distinction du patrimoine de l'entreprise de celui de l'entrepreneur " parmi les douze mesures d'urgence pour favoriser la création d'entreprise et la création d'emploi.

- Une réforme longtemps écartée au profit de dispositifs qui n'ont pas pleinement atteint leur objectif :

Avant d'en examiner les dispositions, il convient de rappeler que l'article 14 de la proposition de loi préconise une réforme qui, jusqu'à présent, avait été écartée au profit de l'introduction de l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL), par la loi du 11 juillet 1985 et plus récemment, au profit d'un dispositif de protection du patrimoine individuel, institué par l'article 47 de la loi du 11 février 1994, dite loi " Madelin ".

Ces dispositions, pour utiles qu'elles soient, n'ont pas pleinement atteint leur objectif.

Quinze ans après son introduction dans le droit positif, l'EURL n'a, auprès des entrepreneurs, qu'un succès limité. Il n'y aurait, en effet, qu'environ 30.000 EURL créées contre environ 1,6 million d'entreprises individuelles. Les causes de cet échec sont sans doute multiples. Les frais et le formalisme de constitution des EURL, leur modalité de fonctionnement ont, notamment, pu paraître dissuasives à beaucoup d'entrepreneurs. En outre, le régime fiscal et social du gérant d'EURL ne semble pas être jugé suffisamment attrayant. Quant au bénéfice de la limitation de la responsabilité engendré par la constitution d'une personne morale, il semble réduit, d'une part, par les dispositions relatives aux procédures collectives et, d'autre part, par le fait qu'en cas de crédit, les banques ont presque systématiquement recours à une caution personnelle.

De même, les dispositions de l'article 47 de la loi Madelin du 11 février 1994 se limitent à instituer un dispositif de priorité sur les biens pouvant être pris en sûreté ou saisis par certains créanciers professionnels. L'entrepreneur individuel reste tenu de ses dettes professionnelles sur l'ensemble de son patrimoine et les créanciers personnels peuvent toujours, quant à eux, mettre en oeuvre des voies d'exécution sur les actifs professionnels sans que les créanciers professionnels ne se voient reconnaître une priorité de principe sur eux.

Les réformes opérées en 1985 et 1994 ne semblent donc pas entièrement répondre aux questions soulevées par le statut de l'entrepreneur individuel ni rendre inutile l'introduction du patrimoine d'affectation. Dans ce contexte, les auteurs de la proposition de loi ont souhaité proposer à travers cet article les fondements d'une distinction entre le patrimoine personnel et professionnel des entrepreneurs.

- Le texte de la proposition de loi :

Le texte proposé par cet article tend à introduire dans le code civil un titre X bis relatif à l'affectation de biens à une activité économique, composé de quatre articles.

Le premier d'entre eux, l'article n° 1914-1, dispose que les personnes physiques ont la possibilité d'affecter tout ou partie de leurs biens à une activité économique, commerciale ou non.

Cet article ouvre ainsi une faculté aux entrepreneurs individuels qui le choisissent d'affecter une partie de leur patrimoine à leur activité professionnelle, ceux-ci restant libres d'avoir recours à toute autre forme juridique d'exploitation qui leur paraîtrait préférable.

Les biens concernés peuvent être des biens corporels ou incorporels. Il pourra s'agir en priorité des biens affectés initialement à la constitution de l'entreprise, à savoir les apports en numéraire requis pour l'acquisition des actifs nécessaires à l'exploitation ou des biens en nature. Il pourra également s'agir des biens acquis par l'entreprise au cours de son existence. Le développement du patrimoine affecté pourrait ainsi se réaliser soit grâce aux résultats non distribués de l'entreprise, lui permettant un autofinancement, ou, le cas échéant, grâce à des compléments d'affectation réalisés par l'entrepreneur.

Le deuxième article, qu'il est proposé d'insérer dans le code civil, l'article 1914-2, prévoit que l'affectation de biens résulte d'une déclaration annuelle effectuée, selon l'activité exercée, au registre du commerce et des sociétés , au répertoire des métiers ou au greffe du tribunal de grande instance , dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, cette déclaration portant sur tous les éléments actifs et passifs de l'exploitation.

Ces dispositions tendent à assurer la nécessaire publicité de l'existence et de la consistance du patrimoine affecté afin de garantir les droits des tiers sur les biens affectés. Cette déclaration devrait être accompagnée d'un état des sommes et des biens affectés à l'entreprise indiquant pour ces derniers leur valorisation. La déclaration devrait identifier de façon précise l'actif mais aussi le passif professionnel rattaché à l'entreprise. Une comptabilité appropriée devrait sur ce point permettre de bien distinguer les dettes rattachées à l'activité professionnelle des dettes personnelles. Il est, en outre, indiqué que cette déclaration serait annuelle afin d'assurer une publicité permanente du patrimoine tout au long de la vie de l'entreprise et d'enregistrer ainsi les variations de l'actif et du passif du patrimoine affecté.

Le troisième article n° 1914-3 prévoit un engagement de l'entrepreneur de maintenir le niveau des capitaux propres de l'exploitation, et un dispositif de sanction en cas de non respect de cet engagement.

Le premier alinéa de cet article dispose que les biens ainsi affectés répondent prioritairement au passif de l'exploitation, nonobstant toute mesure conservatoire.
Cette disposition pose le principe de la séparation des patrimoines professionnel et personnel puisqu'au passif de l'exploitation correspondent les biens affectés et non l'ensemble du patrimoine de l'entrepreneur. Il faut toutefois noter que la séparation entre patrimoine professionnel et personnel n'est pas strictement étanche, puisqu'il est prévu que les biens affectés répondent prioritairement au passif de l'exploitation, ce qui n'exclut pas la responsabilité sur les biens personnels. Le recours des créanciers sur les biens personnels de l'entrepreneur demeure donc possible, mais de manière subsidiaire.

Le dispositif proposé n'atteint donc pas pleinement l'objectif de limitation de la responsabilité de l'entrepreneur individuel sur son patrimoine personnel qu'il semblait viser.

Force est de reconnaître que la nécessaire préservation des droits des tiers restreignait, en effet, le champ des possibles. Il faut rappeler que les règles relatives aux procédures collectives permettent, d'une manière ou d'une autre, de mettre à la charge du dirigeant d'une société défaillante, tout ou partie du passif de celle-ci, malgré la limitation de responsabilité conférée par la forme de la société. Il en est ainsi notamment de l'action en comblement de passif prévue par l'article 180 de la loi de 1985 en cas de faute de gestion des dirigeants.

Ces diverses dispositions, applicables aux dirigeants de sociétés de capitaux ne pourraient qu'être transposées à l'exploitant d'une entreprise individuelle de patrimoine affecté. On ne conçoit pas, en effet, que l'entrepreneur individuel puisse se trouver mieux traité que le dirigeant d'une EURL.

Un tel dispositif ne pouvait, en outre, avoir pour objectif d'interdire aux créanciers professionnels d'exiger des garanties personnelles dans la mesure où il est illusoire de prétendre imposer aux banques de prêter sans les garanties qu'elles estimeraient suffisantes.

Votre rapporteur constate qu'en définitive, la préservation des droits des tiers ne pouvait conduire à un cloisonnement total des patrimoines sinon en mettant en place des contraintes de formation et de contrôle qui entraîneraient des lourdeurs comparables à celles du droit des sociétés.

Le deuxième alinéa de cet article prévoit que cette affectation emporte un engagement de maintenir le niveau des capitaux propres de l'exploitation. Ces capitaux sont constitués par les résultats annuels laissés à l'exploitation en-deçà d'un délai fixé par décret, par la dotation initiale de l'exploitant et, le cas échéant, par les dotations complémentaires, le non respect de cet engagement privant l'exploitant du bénéfice des dispositions précitées.

La contrepartie de la limitation relative de la responsabilité de l'entrepreneur est l'engagement de maintenir le niveau des capitaux propres de l'exploitation au niveau fixé lors de sa constitution. Aucun seuil n'est cependant fixé concernant le montant de ces fonds propres.

Le quatrième article, n° 1914-4, prévu par le texte proposé prévoit que l'affectation de biens communs ne peut être réalisée par un époux sans que son conjoint n'y ait consenti expressément. Dans la mesure ou l'affectation concerne le patrimoine des époux, il convient, en effet de prévoir un consentement exprès du conjoint.

Le dispositif proposé semble donc dans son ensemble assurer un équilibre satisfaisant entre le souci de permettre l'identification de l'entreprise tant dans son existence propre que dans ses éléments composants, le nécessaire respect des droits des tiers et la volonté de proposer un régime d'organisation du patrimoine suffisamment simple dans son fonctionnement pour être attrayante pour les entrepreneurs susceptibles d'y avoir recours.

Ce dispositif mérite cependant d'être complété sur plusieurs points.


- Des questions qui demeurent en suspens :

Tout d'abord, si l'on s'en tient à l'examen du seul dispositif proposé, plusieurs questions demeurent en suspens. Parmi ces questions, trois méritent ici d'être évoquées.

La première question est de savoir si un montant minimal de la valeur du patrimoine affecté doit être exigé. Le texte proposé par cet article n'en prévoit pas.

Il faut rappeler que le capital minimum de la SARL et de l'EURL est fixé à 50.000 francs. Périodiquement des propositions sont faites tendant à relever ce montant, jugé insuffisant au regard notamment d'une bonne politique de prévention des défaillances d'entreprise.

Il semblerait de ce point de vue raisonnable de préconiser un alignement sur ces règles dans la mesure où l'absence d'un minimum de fonds propres constituant un gage pour les créanciers, l'entreprise risque de se voir priver de crédits.

A l'inverse, pour les plus petites micro-entreprises, notamment du type libéral, dans lesquelles l'entrepreneur prestataire de services travaille seul sans besoins significatifs d'investissements en matériel ou en locaux, l'exigence de versement immédiat d'une somme telle que celle mentionnée ci-dessus peut constituer un frein à la création de l'entreprise.

La deuxième question concerne l'évaluation du patrimoine professionnel de l'entrepreneur. Si l'affectation du patrimoine doit conférer à l'entrepreneur individuel le bénéfice d'une quelconque limitation de responsabilité, il ne semble pas possible de se contenter d'une évaluation affirmée unilatéralement par le seul entrepreneur.

Une telle évaluation faite sous la seule responsabilité de l'entrepreneur n'offrirait, en effet, aucune garantie aux tiers, non plus qu'ultérieurement à l'entrepreneur, dès lors qu'elle viendrait à être contestée par la suite. C'est pourquoi, il apparaît qu'un contrôle de l'évaluation lors de la réalisation de l'affectation s'impose de manière pratique. Le texte proposé reste cependant muet sur cette question.

Dans le cas de l'apport en nature à une EURL, le contrôle de l'évaluation des biens apportés est réalisé par un commissaire aux apports désigné par l'associé unique, sauf si aucun apport en nature n'a une valeur supérieure à 50.0000 francs et si, en outre, la valeur totale de l'ensemble de ses apports en nature n'excède pas la moitié du capital social.

Il serait envisageable de s'inspirer de ces dispositions. Le recours à un commissaire aux comptes risque néanmoins d'être perçu à juste titre comme coûteux pour de petites entreprises.

La troisième question est celle de la possibilité pour l'associé en nom collectif de recourir à la technique du patrimoine d'affectation.

L'utilisation du patrimoine d'affectation par l'associé d'une société en nom collectif, en vue de limiter sa responsabilité pour les dettes de ladite société semble a priori, en l'absence de dispositions contraires, autorisée par le texte proposé. Or, il semble difficile d'admettre la légitimité d'une telle utilisation dans la mesure où le recours à la technique du patrimoine d'affectation doit être envisagé pour permettre à l'entrepreneur individuel de limiter sa responsabilité pour les dettes professionnelles, sans avoir pour ce faire, à constituer une société à cet effet. Dès lors que dans le cas envisagé, l'entreprise n'est pas une entreprise individuelle, mais une entreprise déjà exploitée par une société, la combinaison des deux formes ne paraît pas opportune et logique.

D'autres questions mériteraient également un examen. Comment s'articule, par exemple, les droits des créanciers personnels et des créanciers professionnels d'un entrepreneur ayant affecté une partie de son patrimoine ? Quelles sont, en matière de liquidation judiciaire, les conséquences de l'affectation ?

La liste de ces questions est loin d'être exhaustive et leur nombre laisse penser qu'un tel dispositif mérite une réflexion approfondie.

Votre rapporteur observe de plus qu'au-delà des réponses à apporter à ces questions, la réforme proposée pose les fondements d'une affectation du patrimoine sans en tirer pleinement les conséquences au regard du droit fiscal, du droit des régimes matrimoniaux ou en matière de droit social.

Or, il convient naturellement d'assurer la cohérence entre le dispositif proposé et les différents régimes juridiques précités. Il apparaît, par exemple, indispensable d'assurer la conciliation entre l'affectation du patrimoine et les différents régimes matrimoniaux.

Au-delà d'un légitime souci de cohérence, il semble en outre que, l'intérêt du patrimoine affecté en matière de limitation de la responsabilité de l'entrepreneur étant relatif, le principal intérêt économique du dispositif réside dans ses conséquences fiscales et sociales. On ne saurait donc proposer l'introduction du patrimoine d'affectation sans l'accompagner d'un volet fiscal.

En matière de taxation des résultats, comme le souligne le rapport de notre collègue Philippe Marini " le patrimoine fiscal d'affectation ayant pour but [...] d'encourager l'autofinancement et de favoriser le développement d'entreprises viables, une distinction serait faite entre les bénéfices consommés par l'exploitant et ceux laissés à la disposition de l'entreprise. L'impôt sur le revenu et les charges sociales ne seraient calculés que sur la fraction des résultats prélevés par le professionnel, sauf requalification en cas d'abus de droit " 62( * ) . Il est également dans cette perspective envisageable d'ouvrir au entrepreneur individuel ayant affecté une partie de son patrimoine à son activité la possibilité d'opter pour l'impôt sur les sociétés.

En matière de transmission de l'entreprise, l'introduction du patrimoine affecté devrait logiquement s'accompagner d'un alignement des droits de mutation perçus à l'occasion de la cession de l'entreprise sur ceux applicables aux transmissions de droits sociaux, en vue d'assurer une meilleure neutralité des règles fiscales.

Ces modifications de notre législation constituent des réformes importantes, qui mériteraient, à elles seules, une proposition de loi. Aussi devant l'ampleur des questions soulevées par le texte proposé, votre rapporteur s'est interrogé sur l'opportunité de conserver ce dispositif en l'état, souhaitant plutôt proposer ultérieurement une réflexion d'ensemble sur les modifications complémentaires à envisager pour l'introduction en droit positif du patrimoine d'affectation.

Il est apparu à la réflexion plus opportun de prendre le temps de bien mesurer les conséquences juridiques de cette réforme. Aussi, votre rapporteur, en plein accord avec les rapporteurs pour avis des commission des lois et des finances, respectivement MM. Paul Girod et Joseph Ostermann, vous propose-t-il de disjoindre cet article de la proposition de loi.

Compte tenu des observations qui précèdent, votre commission n'a pas repris cet article dans ses conclusions.

Article 15 -

Procédures civiles d'exécution

Cet article tire les conséquences dans le droit des procédures civiles d'exécution de l'introduction par l'article 14 dans le code civil du patrimoine d'affectation

Le texte proposé par cet article insère un article additionnel 22-2 dans la loi du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution.


Il convient de rappeler que l'article 22-1 issu de la loi du 9 juillet 1991 sur les voies d'exécution prévoit que lorsque le titulaire d'une créance contractuelle ayant sa cause dans l'activité professionnelle d'un entrepreneur individuel entend poursuivre l'exécution forcée d'un titre exécutoire sur les biens de cet entrepreneur, celui-ci peut, s'il établit que les biens nécessaires à l'exploitation de l'entreprise sont d'une valeur suffisante pour garantir le paiement de la créance, demander au créancier que l'exécution soit en priorité poursuivie sur ces derniers.

Poursuivant la même logique mais prenant acte de la faculté offerte par l'article précédent de la proposition de loi de distinguer le patrimoine personnel du patrimoine professionnel, ce nouvel article dispose ainsi que lorsqu'une personne physique a affecté des biens à une entreprise individuelle et a procédé aux formalités de publicité visées à l'article 1914-2 du code civil, ces biens répondent prioritairement au passif d'exploitation, nonobstant toute mesure conservatoire et sous condition du respect de l'engagement visé au deuxième alinéa de l'article 1914-3 du code civil, c'est à dire du maintien de niveau du patrimoine affecté :

Compte tenu de la position adoptée sur l'article précédent, votre commission n'a pas repris cet article dans ses conclusions.

CHAPITRE II -

Temps partiel pour création d'entreprise

Article 16 -
(Articles L.122-32-12 à L.122-32-21 du code du travail)

Droit à une activité à temps partiel pour création d'entreprise

Cet article tend à instituer un droit à une activité à temps partiel pour création d'entreprise.

Le texte proposé par cet article modifie les articles L.122-32-12 à L.122-32-21 du code du travail relatif aux congés pour création d'entreprise.

Dans leur rédaction actuelle, ces articles prévoient que les salariés de toutes les entreprises peuvent, sous certaines conditions, bénéficier d'un congé pour création d'entreprise et interrompre pendant plusieurs mois leur activité professionnelle afin de créer ou reprendre une entreprise. Pendant cette période, le salarié n'est plus payé par son entreprise, il s'agit en conséquence d'un droit d'absence non rémunérée.

L'article L.122-32-12 relatif aux conditions d'octroi du congé prévoit qu'un salarié qui justifie d'une ancienneté dans l'entreprise d'au moins 36 mois, consécutifs ou non, a droit au congé pour création d'entreprise s'il se propose de créer ou de reprendre une entreprise et d'en exercer effectivement le contrôle.

La durée du congé est fixée à un an, renouvelable une fois. Ce délai ne peut, sauf accord, être réduit.

L'article L.122-32-14 prévoit que le salarié doit informer son employeur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au moins trois mois à l'avance, de la date de départ de congé qu'il a choisie, ainsi que de la durée envisagée de ce congé. Il doit précisé l'activité de l'entreprise qu'il doit prévoir de créer ou de reprendre. S'il souhaite renouveler son congé, il doit en informer son employeur dans les mêmes formes, trois mois avant le terme de la première année de congé.

L'employeur peut accepter, différer la date de départ du salarié, ou refuser le congé. Il doit informer le salarié de sa réponse par lettre remise en main propre contre décharge ou par lettre recommandée avec avis de réception, dans un délai de trente jours à compter de la présentation de la lettre de demande du salarié. A défaut de réponse dans ce délai, son accord est réputé acquis.

L'employeur doit communiquer semestriellement au comité d'entreprise, ou à défaut, aux délégués du personnel, la liste des demandes de congé pour création d'entreprise et de congé sabbatique avec indication de la suite qui y a été donnée.

L'employeur peut reporter le départ en congé du salarié :

- soit de manière discrétionnaire, dans la limite de six mois courant à compter de la présentation de la lettre recommandée de demande du congé ;

- soit pour limiter le nombre d'absences simultanées dans l'entreprise au titre des congés pour création d'entreprise et sabbatique.

Ce quota d'absences simultanées est calculé différemment selon l'effectif de l'entreprise :

- dans les entreprises de 200 salariés et plus au sens de l'article L.412-5 du code du travail, le départ en congé peut être différé si le pourcentage des salariés simultanément absents de l'entreprise au titre des congés pour création d'entreprise et sabbatique dépasse 2 % de l'effectif jusqu'à la date à laquelle ce taux n'est plus atteint. ;

- dans les entreprises employant moins de 200 salariés, le départ en congé peut être différé par l'employeur de telle sorte que le nombre de jours d'absence prévu au titre des congés ne dépasse pas 2 % du nombre total des jours de travail effectués dans les douze mois précédant le départ en congé. Pour permettre le départ en congé d'un salarié, cette période de douze mois est prolongée dans la limite de quarante-huit mois.

Dans les entreprises de moins de 200 salariés, l'employeur peut, en outre, s'opposer au départ d'un salarié en congé pour création d'entreprise s'il estime, après avis du comité d'entreprise ou, s'il n'en existe pas, des délégués du personnel, que ce congé aura des conséquences préjudiciables pour l'entreprise.

A l'issue du congé, le salarié retrouve son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d'une rémunération au moins équivalente ; il peut aussi décider de rompre son contrat de travail. Dans tous les cas, il doit informer l'employeur de ses intentions par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, au moins trois mois avant la fin de son congé.

Le texte de la proposition de loi modifie ces articles de façon à prévoir la possibilité pour tout salarié ayant 24 mois d'ancienneté chez son employeur et souhaitant créer ou reprendre une entreprise :

- soit d'obtenir un congé création d'entreprise répondant aux critères actuellement définis, sauf pour le critère d'ancienneté qui est ramené de 36 à 24 mois ;

- soit de bénéficier d'une réduction de la durée de travail d'au moins un cinquième de celle applicable à l'établissement.

Dans ce dernier cas, l'employeur serait, si son entreprise emploie plus de 200 salariés, tenu de faire droit à la demande du salarié si celle-ci remplit des conditions de délai et de procédure.

Dans les entreprises de moins de 200 salariés, l'employeur pourrait refuser le passage au temps partiel s'il peut démontrer que le changement demandé aurait des conséquences préjudiciables à la production et à la bonne marche de l'entreprise, comme c'est actuellement le cas pour les congés pour création d'entreprise.


Dans tous les cas, le chef d'entreprise aurait le droit de différer de six mois le début de l'activité à temps partiel.

Votre rapporteur estime que ce dispositif est de nature à faciliter le passage du statut de salarié à celui d'entrepreneur . Il permettra de limiter les risques encourus par les salariés souhaitant créer leur entreprise en leur permettant de conserver une partie de leur rémunération ainsi que leur protection sociale.

L'équilibre entre les droits du candidat à la création de son entreprise et ceux de son employeur semble, par ailleurs, satisfaisant. Il apparaît, en effet, difficilement envisageable d'attribuer aux salariés un droit au temps partiel pour création d'entreprise sans préserver les intérêts des employeurs, en particulier, des chefs de petites entreprises. C'est pourquoi, la possibilité de refuser le passage au temps partiel est maintenue dans les entreprises de moins de deux cents salariés quand le chef d'entreprise peut démontrer que le production et la bonne marche de son entreprise est en cause.

Par ailleurs, il convient de souligner que le salarié bénéficiant du temps partiel pour création d'entreprise reste tenu par une obligation de loyauté et de non concurrence que son contrat de travail contienne ou non une clause de non concurrence. L'exercice d'une concurrence déloyale, c'est-à-dire, selon la jurisprudence, entraînant " la désorganisation de l'entreprise ", " un trouble commercial " ou " une confusion créée dans l'esprit de la clientèle " peut, en effet, faire l'objet devant le Conseil des Prud'hommes, d'une action en concurrence déloyale sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil et cela même en l'absence de clause de non concurrence dans le contrat de travail.

Votre rapporteur observe que le texte proposé s'inscrit dans la même perspective que la réforme des règles relatives au travail à temps partiel opérée par le projet de loi relatif aux trente-cinq heures dont un des objectifs était de faciliter pour les salariés le passage à un temps partiel " choisi ".

La nouvelle rédaction de l'article L.212-4-9 qui en résulte prévoit, en effet, qu'en l'absence d'accord ou de convention collectifs sur les conditions de mise en place d'horaires à temps partiel à la demande des salariés plus favorable, une telle demande " ne peut être refusée que si le chef d'entreprise justifie de l'absence d'emploi disponible ressortissant de la catégorie professionnelle du salarié ou de l'absence d'emploi équivalent ou s'il peut démontrer que le changement d'emploi demandé aurait des conséquences préjudiciables à la production et à la bonne marche de l'entreprise. ". Il convient de souligner qu'aux termes de ces dispositions, la charge de la preuve du préjudice à la bonne marche de l'entreprise encourt à l'employeur.

Le texte de la proposition de loi, qui s'applique spécifiquement aux salariés souhaitant créer ou reprendre une entreprise, va cependant plus loin puisqu'il prévoit que le temps partiel pour création d'entreprise ne peut être refusé dans les entreprises de plus de 200 salariés. Dans un souci de cohérence juridique, votre commission vous propose de reprendre, dans le texte proposé, la rédaction de l'article L.212-4-9 de façon à prévoir les mêmes motifs pouvant justifier le refus d'une demande de passage à un temps partiel dans le cas d'un temps partiel pour création d'entreprise que dans le cas prévu par l'article L.212-9.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

CHAPITRE III -

Allocation chômage des salariés qui démissionnent
pour créer leur entreprise


Article 17 -

Maintien des allocations d'assurance chômage par les salariés qui démissionnent pour créer leur entreprise

Cet article tend à accorder le bénéfice de l'allocation chômage aux salariés qui démissionnent pour créer leur entreprise.

Le texte proposé par cet article tend à insérer dans le code du travail le principe selon lequel la démission d'un emploi salarié en vue de la création d'une entreprise constitue un cas de démission légitime ouvrant droit aux allocations chômage.

Dans leur rédaction actuelle, les articles L.351-1 et suivants du code du travail prévoient que les anciens salariés ne peuvent bénéficier des allocations chômage que s'ils peuvent :

- justifier d'une condition d'activité antérieure dénommée " période d'affiliation " ;

- être inscrits comme demandeurs d'emploi ;

- n'avoir pas quitté volontairement leur dernière activité professionnelle ;

- être à la recherche d'un emploi ;

- ne pas dépasser un certain âge ;

- être physiquement aptes à l'exercice d'un emploi.

La condition liée à la privation involontaire de l'emploi implique que la cessation du contrat de travail doit résulter :

- d'un licenciement ;

- d'une fin de contrat de travail à durée déterminée ;

- d'une rupture de contrat de travail résultant d'une cause économique.

Ainsi, la démission pour créer une entreprise, pour n'être pas une privation involontaire d'emploi est naturellement exclue du bénéfice des allocations chômage.

Il convient cependant de noter que certains cas de démission ouvrent droit au maintien des allocations chômage
. Les cas de démissions considérées comme légitimes sont énumérés limitativement par les délibérations n°s 10, 10 bis et 40 de l'Unedic. Il s'agit de :

- changement de résidence du conjoint, en vue d'occuper un nouvel emploi (notamment à la suite d'une mutation, d'une démission ou parce qu'il est privé d'emploi) ; démission du salarié dont le départ s'explique par un prochain mariage entraînant un changement de son lieu de résidence ;

- départ volontaire d'un titulaire de contrat emploi-solidarité ou contrat d'orientation motivé par une reprise d'emploi ou une entrée en formation ;

- non-paiement des salaires pour des périodes de travail effectuées, à condition que l'intéressé justifie d'une ordonnance de référé lui allouant une provision de sommes correspondant à des arriérés de salaires ;

- démission à la suite d'un acte susceptible d'être délictueux dont le salarié déclare avoir été victime à l'occasion de l'exécution de contrat de travail ;

- démission au cours d'une période d'essai d'une durée maximale de 91 jours, d'un emploi repris après un licenciement ou une fin de contrat à durée déterminée sans inscription comme demandeur d'emploi ;

- démission du salarié en vue de reprendre un emploi salarié à durée indéterminée, avec embauche effective puis rupture de la période d'essai par l'employeur avant 91 jours ;

- cessation du contrat de travail du salarié titulaire d'un contrat " de couple ou indivisible " comportant une clause de résiliation automatique ;

- démission du journaliste faisant jouer la clause de conscience, à condition qu'il y ait eu versement de l'indemnité de licenciement ;

- démission pour effectuer une ou plusieurs missions de volontariat pour la solidarité internationale d'une durée minimum d'un an, même si la mission a été interrompue avant l'expiration de cette durée pour cas de force majeure ou fait du prince.

La démission pour création d'entreprise ne figure pas parmi les cas de démission légitime.

Un salarié souhaitant démissionner pour créer une entreprise perd donc son emploi de salarié et tous ses droits aux allocations chômage, qu'il ait cotisé aux régimes de l'Unedic pendant plusieurs années ou non. La perte de ces droits intervient, en outre, dans la perspective d'une opération dont on sait qu'elle comporte un risque non négligeable d'échec. Il faut souligner que dans ce cas, le salarié démissionnaire ne pourra, une fois son projet échoué ou son entreprise liquidée, percevoir aucune allocation chômage. Force est donc de constater que le salarié démissionnaire n'a, dans ces conditions, guère le droit à l'erreur.

Ces dispositions expliquent que la plupart des salariés porteurs de projets de création d'entreprise hésitent à concrétiser leur projet ou négocient avec leur employeur un licenciement déguisé.

La situation des demandeurs d'emploi indemnisés suite à un licenciement est, en effet, nettement plus favorable
.

Dans la phase antérieure à l'immatriculation de sa nouvelle entreprise, le créateur d'emploi bénéficiant du statut de demandeur d'emploi indemnisé continue à percevoir ses allocations, la jurisprudence des commission paritaires des ASSEDIC considérant que les démarches accomplies en vue de la création d'en entreprise, constituent des actes positifs de recherche d'emploi. Il peut également prétendre à l'aide aux demandeurs d'emploi créant ou reprenant une entreprise (ACCRE) qui consiste en une exonération de cotisations sociales pendant un an et aux chéquiers-conseil. Il a enfin la qualité d'assuré social.

Dans la phase postérieure à l'immatriculation de l'entreprise créée, le versement des allocations de chômage cesse en principe à la date de création de l'entreprise. Toutefois, les commissions paritaires des ASSEDIC se prononcent, au cas par cas, sur les demandes de cumul qui lui sont présentées en fonction de l'importance de l'activité indépendante et de la disponibilité de l'intéressé pour la recherche d'un emploi.

Enfin, en cas d'échec, le demandeur d'emploi indemnisé peut se réinscrire au chômage pendant une période démarrant à la date d'ouverture de ses droits et égale à la durée des droits ouverts augmentée de trois ans. Il retrouve alors le solde de ses droits dans le délai de déchéance prévu par l'article 35 § 2 du règlement annexé à la convention d'assurance chômage.

Conscient que cette inégalité de traitement conduit soit à l'abandon du projet de création d'entreprise, soit à un licenciement de complaisance, certaines ASSEDIC ont, au cas par cas, concédé une indemnisation aux salariés qui démissionne pour créer leur entreprise.

Dans cette perspective, il est dans la pratique conseillé au salarié démissionnaire de s'inscrire à l'ANPE et de déposer une demande d'allocation chômage, qui lui sera vraisemblablement refusée pour cause de chômage volontaire. Cette démarche lui permettra, au bout de quatre mois, de demander à la commission paritaire une révision de sa situation, s'il peut prouver qu'il a recherché activement un emploi. Les démarches en vue de la création d'une entreprise étant aujourd'hui reconnues comme des démarches de recherche d'emploi, certaines commissions paritaires accordent l'indemnisation.

Dans ce contexte, il apparaît tout d'abord que l'indemnisation des salariés démissionnaires pour création d'entreprise peut être considéré comme tout aussi justifié que les cas de démission légitime ouvrant droit aux indemnisations précitées. Il semble ensuite que les ASSEDIC ne soient pas défavorables au principe du maintien des allocations chômage aux salariés démissionnaires pour création d'entreprise et le mettent en pratique, mais qu'à défaut d'un fondement juridique incontestable, elles imposent aux créateurs d'entreprise un parcours administratif pour le moins complexe.

Il faut enfin observer que dans la mesure où, d'une part, ce type d'indemnisation est déjà pratiqué et, d'autre part, la majorité des projets de création d'entreprise par des salariés débouchent sur des licenciements déguisés entraînant des allocations chômage, le coût d'une création d'une nouvelle catégorie de démission légitime destinée aux créateurs d'entreprise sera réduit. Ce coût devrait être d'autant plus limité qu'il devrait être compensé par les cotisations liées aux emplois générés par les créations d'entreprises induites.

D'un coût modeste, l'indemnisation des salariés démissionnaires pour création d'entreprise devrait permettre de conforter la situation du créateur d'entreprise qui disposerait ainsi d'un filet de sécurité. Une telle mesure s'inscrit, en outre, dans l'effort d'activation des dépenses d'indemnisation que les pouvoirs publics prônent depuis de nombreuses années.

Pour ces raisons, le texte proposé par cet article prévoit, pour donner un fondement juridique incontestable au versement des allocations chômage aux salariés qui démissionnent pour créer une entreprise, que par dérogation aux dispositions de l'article L.351-1, les salariés qui démissionnent pour créer ou reprendre une entreprise industrielle, commerciale, artisanale ou agricole, soit à titre individuel, soit sous forme d'une société, à condition d'en exercer effectivement le contrôle, ou qui entreprennent l'exercice d'une autre profession non salariée, ont droit aux allocations prévues aux articles L.351-3 et L.351-10 dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

Les articles L.351-3 et L.351-10 du code du travail renvoient respectivement aux allocations chômage d'assurance et de solidarité.

Ce dispositif concernerait ainsi l'ensemble des salariés souhaitant créer ou reprendre une entreprise, quel que soit son secteur d'activité et qu'elle que soit sa forme juridique, entreprise individuelle ou société, à l'exception des associations, des groupements d'intérêt économique et des groupements d'employeurs.

Comme pour l'application de l'article L.351-24 du même code, qui institue le dispositif EDEN d'avance remboursable pour création ou reprise d'entreprise, la notion de contrôle effectif doit s'entendre au sens de l'article R 351-43 du même code aux termes duquel est considérée comme remplissant la condition de contrôle effectif de l'entreprise créée ou reprise :

- une personne qui détient, personnellement ou avec son conjoint, ses ascendants et descendants, plus de la moitié du capital de la société, sans que sa part personnelle puisse être inférieure à 35 % de celui-ci ;

- une personne qui a la qualité de dirigeant de la société et qui détient, personnellement ou avec son conjoint, ses ascendants et descendants, au moins un tiers du capital de celle-ci, sans que sa part personnelle puisse être inférieure à 25 % et sous réserve qu'un autre actionnaire ou porteur de parts ne détienne pas directement ou indirectement plus de la moitié du capital.

Le principe du droit à l'allocation chômage pour les salariés qui démissionnent pour créer leur entreprise ainsi posé, votre rapporteur s'est interrogé sur l'opportunité d'inscrire dans le code du travail les mesures d'application et de contrôle de ce principe.

Il va de soi que le bénéfice de ces allocations doit, dans ce cadre, être subordonné à la réalité du projet de création ou de reprise d'entreprise. Les projets concernés devront donc faire l'objet d'un contrôle et éventuellement d'un accompagnement de façon à maximiser les chances de réussite de ces projets. Tout en évitant d'instaurer une procédure lourde de formalités, il convient de veiller à ce que les dispositions ne soient pas détournées de leur objet et ne viennent alourdir inutilement les charges de l'Unedic.

C'est sans doute dans cet état d'esprit, marqué par une volonté de contrôle et d'accompagnement des projets, que les auteurs de la proposition de loi ont prévu l'intervention d'un décret en Conseil d'Etat pour fixer les conditions dans lesquelles les personnes concernées pourront bénéficier des allocations en cause. Il est envisageable de prévoir un dispositif qui permette de déléguer le contrôle de la réalité des projets à des organismes tiers chargés du suivi de la création d'entreprise, tels que les organismes intervenant dans le cadre de l'avance remboursable prévu par le dispositif EDEN. Le contrôle consisterait ainsi non seulement en une vérification, mais également en une amorce d'accompagnement dont on pourrait imaginer qu'il soit, le cas échéant, rendu obligatoire pour obtenir les allocations.

Votre commission estime cependant qu'il ne revient ni à la loi ni aux décrets d'organiser la mise en oeuvre de cette disposition mais aux partenaires sociaux dans le cadre de l'UNEDIC. S'il revient à la loi d'introduire une dérogation à un principe qu'elle avait préalablement fixé, comme c'est ici le cas avec la condition de perte involontaire d'un emploi, il revient aux partenaires sociaux de déterminer par voie d'accord, conformément à l'article L.351-8 du code du travail les mesures d'application des règles et dispositions législatives relatives à l'assurance chômage.

Ainsi, votre commission vous propose-t-elle de remplacer la référence au décret en Conseil d'Etat par celle d'un accord prévu par l'article L.351-8 du code du travail, ainsi de renvoyer aux partenaires sociaux le soin de définir dans le cadre de l'Unedic les mesures d'application du présent article.

Elle vous propose également de ne pas faire référence à l'article L.351-10 qui vise le régime de l'allocation de solidarité spécifique destinée aux personnes qui ont épuisé leur droit à l'allocation d'assurance.

Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi rédigé.

TITRE IV -

PROMOTION DES PETITES ET MOYENNES ENTREPRISES

CHAPITRE I er -

Agence de défense et de promotion des petites et moyennes entreprises

Votre commission vous propose d'intituler ce chapitre " Conseil national de la création d'entreprises ".

Article 18 -

Création et missions de l'Agence de défense et de promotion
des petites et moyennes entreprises - Conseil national de la création d'entreprise

Cet article prévoit la création d'une Agence de défense et de promotion des petites et moyennes entreprises, dont il définit les missions.

Le soutien public aux PME : éparpillement et complexité

Votre rapporteur avait été frappé, lors de la mission d'information 63( * ) qu'il avait conduite aux Etats-Unis sur les enseignements à tirer pour l'aide aux PME françaises du rôle joué par la Small business Administration (SBA), du contraste entre l'efficacité, outre Atlantique, d'une structure administrative puissante et unifiée d'aide aux PME et la faiblesse d'un système français d'accompagnement relativement éclaté , qui était d'ailleurs, au sens de votre commission, le reflet d'une culture administrative et politique traditionnellement étrangère aux préoccupations des petites entreprises.

Le rapport précité de votre commission faisait d'ailleurs un certain nombre de propositions sur la base de cette analyse, dont celle de créer un " Office de défense " des PME sur le modèle de " l'Office of advocacy " placé auprès de la SBA, structure de réflexion qui remplirait le rôle d'un observatoire des PME, qui serait chargé de simplifier les procédures administratives et de développer un " réflexe PME " auprès des décideurs publics.

Le diagnostic de l'éparpillement français n'a pas été infirmé par le rapport d'information précité de M. Eric Besson, même si ce dernier en tire des conséquences différentes de celles de la proposition de loi 64( * ) en matière de rationalisation des réseaux de soutien existants.

Ce rapport rappelle ainsi : " qu'environ 3.000 structures interviennent en soutien des créateurs, chiffre qui n'intègre pas les interventions, par nature ponctuelles, des professions libérales, les experts-comptables par exemple. "

" Dans la sphère publique , l'accueil et l'orientation du créateur d'entreprise sont de plus en plus intégrés par les structures de développement local ou d'expansion économique dont se dotent régions, départements, communes (...).

" Etablissements publics ne se percevant pas toujours comme tels, les " consulaires " ( Chambres de commerce et d'industrie, Chambres de Métiers ) consacrent une part de leurs activités et de leurs ressources à l'accompagnement du créateur.

" (...) La France connaît, par ailleurs, un net renforcement des réseaux associatifs d'aide à la création d'entreprises
".

Ce rapport juge sévèrement l'efficacité de ce système, à son sens " globalement peu performant " car " peu lisible pour le créateur " :

" Interrogés lors de tables rondes organisées pour la préparation de ce rapport, les créateurs se sont quasi-unanimement plaints de l'absence de lisibilité du dispositif .

" Si plusieurs indiquent avoir, après tâtonnements successifs, fini par rencontrer une personne ou une structure efficaces, beaucoup expliquent avoir perdu beaucoup de temps à réunir la première information nécessaire, disent avoir été dans un premier temps mal accueillis, mal orientés, mal informés
".

Comment s'étonner dès lors qu'un créateur sur dix seulement soit accompagné ? Le rapport poursuit en mettant en avant le fait que la complémentarité entre les réseaux est " insuffisante ", la gestion des ressources humaines " déficiente " et le coût du système croissant en argent public.

Le rapport de conclure : " la simplification, le regroupement et la coopération entre les principales structures d'appui apparaissent aux créateurs comme une nécessité absolue ".

S'il n'y a, dans ces propos, rien de nouveau par rapport aux conclusions de votre commission en 1997, votre rapporteur relève toutefois l'existence d'un consensus croissant autour de cet objectif.

L'Agence de défense des PME dans la version de la proposition de loi

Votre commission est convaincue que la culture juridique et l'organisation administrative de notre pays ne font pas encore toute la place qui lui revient à la petite entreprise. Pour intégrer cette préoccupation à tous les stades de l'action publique, de la conception de la réglementation à l'action de terrain et à l'organisation des structures de soutien aux entreprises, la proposition de loi propose de mettre en place une " Agence de défense et de promotion des PME ", inspirée de la Small Business Administration américaine -et plus précisément de son " Office of advocacy "-, modèle qui a prouvé son efficacité depuis près de 50 ans et qui a largement fait école de par le monde.

Cette structure, conçue comme une force de proposition indépendante, bien que située au coeur de l'Etat, aurait pour vocation :

- de proposer, dans les six mois à compter de sa création, des améliorations du système de soutien public des PME, et en particulier de l'organisation centrale et territoriale de l'Etat et des autres institutions et associations publiques, en vue d'une meilleure prise en compte des petites entreprises, d'une rationalisation des structures et de leur mise en réseau ;

- de veiller, en tant que groupe de pression " institutionnel ", à l'adaptation permanente de la réglementation aux besoins des jeunes entreprises ;

- de faire toutes études, évaluations et propositions qu'elle estime souhaitables pour l'intérêt des jeunes entreprises dans notre pays, en particulier au travers d'un rapport annuel sur l'Etat des jeunes entreprises ;

- de veiller à l'application de la " préférence PME " pour l'attribution des marchés publics (voir le commentaire de l'article 20 de la proposition de loi ci-dessous).

L'Agence de défense et de promotion des PME ne doit en aucun cas, au sens de votre commission, être un organisme de plus venant alourdir -au lieu de le simplifier- le paysage français de soutien à la création d'entreprises.

De l'Agence au Conseil national de la création d'entreprise

Dans cette optique, votre commission estime que cette agence, qu'elle vous propose de rebaptiser " Conseil national de la création d'entreprise ", pourrait être constituée à partir de l'Agence pour la création d'entreprises (APCE) et du Conseil national de la création d'entreprise (CNCE) dont elle reprendrait, notamment, les attributions et, s'agissant de l'APCE, les services et le budget.

Le CNCE

La composition et les missions du CNCE, mis en place par le précédent ministre des PME, notre collègue Jean-Pierre Raffarin, sont fixées par un arrêté du 16 mai 1997, dont on trouvera ci-dessous le texte :

ARRÊTÉ RELATIF AU CNCE

Art. 1 er . - Il est créé un Conseil national de la création d'entreprises, présidé par le ministre chargé des petites et moyennes entreprises.

Art. 2. - Le Conseil national de la création d'entreprises est chargé d'identifier et de valoriser les voies et moyens de nature à favoriser la création et le développement d'entreprises pérennes en France.

Son secrétariat est assuré par l'Agence nationale pour la création d'entreprises.

Art. 3. - Le Conseil national de la création d'entreprises est constitué :

de représentants, membres de droit, des ministères chargés :

- de l'éducation nationale ;

- de la recherche ;

- de l'aménagement du territoire ;

- de la ville ;

- de l'économie ;

- du budget ;

- des affaires étrangères ;

- de la jeunesse et des sports ;

- de l'outre-mer ;

- du travail ;

- du travail ;

- des affaires sociales ;

- de l'industrie ;

- de la justice ;

- des collectivités territoriales.

De chefs d'entreprises et de personnalités qualifiées, nommés par arrêté du ministre chargé des petites et moyennes entreprises.

Art. 4 - Le présent arrêté sera publié au Journal officiel de la République française ".

Le CNCE a un rôle, important, d'instance de réflexion et de concertation, réunissant un ensemble de personnalités de l'entreprise, de l'éducation, les principaux organismes territoriaux et professionnels, les représentants des secteurs ministériels concernés et des parlementaires.

Il est un lieu où peut s'organiser la complémentarité et la synergie des principaux acteurs, s'améliorer la connaissance et s'expérimenter de nouvelles formes d'accompagnement des créateurs. C'est aussi un lieu privilégié pour proposer des modifications et des innovations législatives et réglementaires.

Sa réflexion a d'ailleurs largement enrichi les travaux de votre commission.

Il paraît donc opportun de lui conférer une existence législative, tout en étoffant et précisant ses missions, mais en ne figeant pas, dans la loi, sa composition, votre rapporteur souhaitant y voir figurer un nombre plus important de personnalités directement issues du monde de l'entreprise.

L'APCE

L'Agence pour la création d'entreprises est une association dont l'existence est explicitement mentionnée par l'arrêté cité ci-dessus, qui a pour mission de :

- faire vivre le CNCE et animer son travail ;

- mettre à sa disposition une banque de données sur tout ce qui se fait en France et à l'étranger sur la création d'entreprises ;

- élaborer des guides des aides pour éclairer les créateurs sur les réseaux qui existent et leur donner les informations précises dont ils ont besoin.

L'APCE a bien rempli la mission que lui a confiée le Gouvernement puisqu'à l'heure actuelle, la connaissance de l'univers de la création d'entreprises repose essentiellement sur son travail : elle a joué le rôle " d'observatoire des PME " notamment dévolu à " l'Office of advocacy " de la SBA américaine.

Elle est présentée dans les termes suivants par la commission " Accompagnement des créateurs " du CNCE : " l'ex ANCE, l'APCE, a été repositionnée par les pouvoirs publics et a donc abandonné certaines de ses missions opérationnelles afin de développer son observatoire de la création d'entreprises en France, d'élaborer des produits multimédias accessibles aux opérateurs et aux porteurs d'idées et de projets, de promouvoir la création dans toutes les strates de la société française, d'être un creuset d'idées, de produits et de méthodes pour l'Etat et un centre de ressources pour tous les professionnels de la création et de la reprise d'entreprises, ainsi que pour les créateurs eux-mêmes ".

C'est dans l'optique de ne pas voir naître une énième structure concurrente des instances actuelles que votre commission vous propose , à cet article :

- de supprimer la mention à une nouvelle " Agence " et de mettre en son lieu et place le nom de " Conseil national de la création d'entreprise ", ce qui peut revenir, en pratique, à consacrer l'existence du CNCE et à étoffer substantiellement ses missions ;

- d'alléger quelque peu la rédaction. Ainsi, au quatrième alinéa, il serait indiqué que les avis de ce Conseil seraient rendus publics, sans prévoir de formalisme particulier pour cette publicité. De même, le Conseil serait chargé d'évaluer, dans son rapport annuel, l'application du système de " préférence PME " pour les marchés publics, le dernier alinéa étant, en conséquence, supprimé. En outre, le troisième alinéa, relatif à la rationalisation des structures d'aide aux PME, serait supprimé.

Par souci de clarté rédactionnelle, le rapport annuel du Conseil (5 e alinéa) serait " remis " au Président de la République et " transmis " au premier ministre et au Parlement.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

Article 19 -

Composition et fonctionnement de l'Agence de promotion et de défense des petites et moyennes entreprises

Cet article de la proposition de loi fixe les règles de composition et de fonctionnement de l'Agence de promotion et de défense des petites et moyennes entreprises.

La rédaction de la proposition de loi

Dans la rédaction de la proposition de loi, cet article précise que l'Agence de promotion et de défense des petites et moyennes entreprises est composée de 15 membres :

- 5 députés ;

- 5 sénateurs ;

- 5 personnalités qualifiées nommées par décret pour trois ans en raison de leur expérience du monde de l'entreprise.

Des règles sont posées pour son mode de fonctionnement :

- la présidence est alternativement exercée pour 3 ans par un député et un sénateur ;

- le quorum de délibération est de 7 membres sur 15 ;

- l'Agence établit un règlement intérieur ;

- ses membres et agents sont soumis au secret professionnel ;

- les crédits nécessaires à l'Agence sont inscrits au budget du ministère chargé des PME.

Dans l'optique de ne pas alourdir, comme cela a été développé dans le commentaire de l'article précédent, le paysage administratif français, votre commission n'a pas souhaité intégrer cet article à ses conclusions.

En conséquence, votre commission n'a pas repris, dans ses conclusions, cet article de la proposition de loi.

CHAPITRE II -

Marchés publics réservés au petites et moyennes entreprises

Votre commission vous propose d'adopter un titre plus conforme au contenu de ce chapitre : " Accès des PME aux marchés publics ".

Article 20 -

Institution d'une " préférence PME " dans les marchés publics

Cet article tend à instaurer dans les marchés publics une préférence pour les PME, en cas d'offres équivalentes.

Disposant de moyens plus limités pour accéder à l'information sur les besoins des acheteurs, pour suivre les différentes phases de la procédure de passation des marchés et pour maîtriser les contraintes d'une procédure, par ailleurs, trop complexe, les PME accèdent peu aux marchés publics , et le plus souvent en tant que sous-traitantes, dans des conditions parfois peu satisfaisantes.

- Un accès difficile des PME aux marchés publics

Une enquête menée pour le compte de la BDPME montre que les principales raisons évoquées par les entreprises pour ne pas travailler ou travailler irrégulièrement avec le secteur public sont la méconnaissance des offres, la complexité des procédures et les délais de paiement.

Les principaux résultats de cette étude sont retracés ci-dessous :

LES DIFFICULTÉS DES PME FACE AUX MARCHÉS PUBLICS

Fréquence des principales raisons déclarées par les entreprises pour ne pas travailler ou travailler irrégulièrement avec le secteur public, en pourcentage

Alors que les pouvoirs publics s'efforcent de soutenir le développement des PME, il est paradoxal de constater qu'ils n'utilisent guère, dans cet objectif, l'achat public, qui pourrait se révéler être un instrument extrêmement efficace.

Votre rapporteur a pu observer, aux Etats-Unis, combien la politique de la Small Business Administration, qui a mis en place dans l'ensemble des Etats américains un dispositif de part réservataire destinée aux PME 65( * ) , était efficace. S'il eut été sans doute déraisonnable de vouloir reproduire trait pour trait en France ce système américain d'aide aux PME, il paraît nécessaire de faire de l'ouverture des marchés publics aux PME un objectif prioritaire de la réforme du code des marchés publics.

Les auteurs de la proposition de loi ont pu constater, lors des travaux du groupe de travail " Nouvelles entreprises et territoires " que cette réforme des marchés publiques était attendue avec une certaine impatience par l'ensemble des acteurs économiques et, en particulier, les PME. Un premier projet de loi, élaboré à la suite d'une large concertation et d'un rapport approfondi de M. Trassy-Paillogues, ancien député de Seine-Maritime, avait été déposé en mars1997 devant l'Assemblée nationale, qui n'a pu l'examiner en raison du changement de majorité. Depuis, le nouveau Gouvernement a annoncé le dépôt d'un nouveau texte, dont il a rendu publiques les principales orientations. Aucun calendrier n'est cependant prévu pour l'examen de ce texte, dont il est probable qu'il ne sera pas examiné avant la fin de la session.

- Des dispositions qui remédient au silence actuel du code des marchés publics.

Aussi, pour répondre à cette attente, la proposition de loi prévoit plusieurs dispositions en faveur d'une plus grande ouverture des marchés publics aux PME, dont l'extension à l'ensemble des PME des mécanismes d'attribution préférentielle des marchés publics, en cas d'offre équivalente, existant actuellement en faveur des sociétés coopératives ouvrières de production (SCOP).

Le premier paragraphe du texte proposé rappelle les principes généraux qui président à l'ensemble des procédures de passation des marchés publics : principes de libre concurrence et d'égalité de traitement entre les candidats aux marchés publics. Ces principes, qui constituent des applications des principes, plus généraux, que sont l'égalité des citoyens devant les charges publiques et la liberté d'entreprendre, sont actuellement énumérés par l'article 47 du code des marchés publics, qui est de nature réglementaire.

Ce rappel, qui tend ainsi à inscrire le dispositif proposé dans un cadre législatif respectueux de la libre concurrence, n'a cependant qu'une valeur normative limitée dans la mesure où il se limite à rappeler le droit existant.

Le second paragraphe du texte proposé par cet article dispose qu'en-dessous d'un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat, par dérogation au paragraphe précédent, les marchés publics doivent être, en cas d'offre équivalente, réservés aux entreprises qui comptent moins de cinquante salariés, dont le chiffre d'affaires est inférieur à 50 millions de francs, et dont le capital est détenu majoritairement par des personnes physiques ou des personnes morales détenues par des personnes physiques.

Dans sa rédaction actuelle, le code des marchés publics ne permet pas de privilégier l'accès des PME aux marchés publics . Marqué par le double sceau de l'égalité des chances des candidats et du souci de la libre concurrence, le droit des marchés publics ne prévoit, en effet, que de très rares exceptions à ces principes.

Seuls les artisans, les sociétés coopératives d'artisans, celles d'artistes ainsi que les sociétés coopératives ouvrières de production bénéficient, aux termes des articles 61 et suivants et 26 et suivants, d'une situation juridique privilégiée qui favorise leur accès à la commande publique. Parmi les discriminations positives dont bénéficient ces entreprises , il convient de souligner que les articles 62, 70, 71, 261, 267 et 268 du code des marchés publics instaurent un système de préférence, à offres équivalentes, en faveur des sociétés coopératives ouvrières de production (SCOP). Ce dispositif n'élude pas toute mise en concurrence puisque les marchés demeurent ouverts à tous les candidats, la préférence ne jouant qu'à offre équivalente et la concurrence étant maintenue entre les sociétés bénéficiaires de ces dispositifs.

Le code des marchés publics ne permet pas aux acheteurs publics, ne serait-ce que ponctuellement, de mettre en place un dispositif similaire en faveur des PME . Si de nombreuses circulaires ministérielles 66( * ) ont incité les maîtres d'ouvrage à favoriser l'accès des PME aux marchés publics, les juridictions administratives n'ont jamais reconnu la portée réglementaire de ces circulaires et ont le plus souvent souligné la contradiction entre leur objectif et ceux poursuivis par le code des marchés publics.

Ainsi, le Conseil d'Etat a-t-il souligné dans les considérants de l'arrêt du 13 mai 1987 " Société Warmer Isofi Isolation " que : " quel que soit l'intérêt général qui s'y attache, la répartition équilibrée des marchés entre les petites, les moyennes et les grandes entreprises n'est pas au nombre des objectifs que les dispositions du code des marchés publics visent à atteindre ". Il a considéré en conséquence qu'en recommandant aux responsables des marchés d'écarter les candidatures de certaines entreprises au seul motif que leur chiffre d'affaires serait trop important au regard du montant des marchés, la directive ministérielle du 15 décembre 1977 a pour effet d'introduire une discrimination qui n'est pas en rapport avec l'objet de la réglementation des marchés publics, et de porter ainsi une atteinte injustifiée à l'égalité de traitement qui doit être assurée entre les entreprises candidates à la présentation d'une offre.

Les auteurs de la proposition de loi ont, dans ce contexte, considéré que seule l'inscription dans le droit des marchés publics du principe d'une préférence, à offre équivalente, en faveur des PME, permettrait d'ouvrir plus largement les achats publics à cette catégorie d'entreprises.

Dans cette perspective, il est proposé d'étendre aux PME les mécanismes d'attribution préférentielle des marchés publics existant en faveur des coopératives. Le dispositif proposé présente plusieurs caractéristiques qu'il convient de souligner.

- Des modalités pratiques qui respectent la législation communautaire.

Le dispositif proposé se situe, tout d'abord, en deçà d'un seuil dont la fixation est renvoyée à un décret en Conseil d'Etat . Il est apparu, en effet, nécessaire pour ne pas contrevenir aux différentes directives européennes sur les marchés publics de se situer en dessous des seuils communautaires. Depuis 1971, de nombreuses directives sur les marchés publics ont progressivement réglementé l'ensemble des marchés publics afin d'éliminer toute discrimination entre candidats susceptible d'entraver la mise en place du marché unique.

LES SEUILS COMMUNAUTAIRES

MARCHES

Seuil (en francs hors TVA)

Etat et ses établissements publics à l'exception des EPIC

 
 

Fournitures

900.000

 

Services

900.000

 

Travaux

32 700.000

Collectivités territoriales et leurs établissements publics

 
 

Fournitures

1 300.000

 

Services

1 300.000

 

Travaux

32 700.000

En offrant la possibilité de se situer au-dessous de ces seuils, par ailleurs élevés, le texte proposé tend ainsi à prémunir ce dispositif contre tous risques d'incompatibilité avec le droit communautaire. Le dispositif étant, en outre, ouvert à l'ensemble des PME des Etats membres de la Communauté et sans formalisme particulier susceptible de constituer une entrave indirecte à la liberté de prestation, il est également en conformité avec les principes établis par les traités instituant la communauté européenne et en particulier la liberté de prestation. Il exclut en particulier le recours, comme c'est le cas pour le régime des SCOP, à une liste des entreprises susceptibles de bénéficier de cette préférence, les entreprises n'ayant, en effet, dans le dispositif proposé, qu'à faire valoir lors de chaque consultation qu'elles remplissent bien les critères définis par la loi.

Il convient, en outre, d'observer à ce propos que le droit communautaire apparaît au regard de la jurisprudence de la CJCE plus ouvert que le droit français à l'introduction de critères d'attribution additionnels. Dans un important arrêt du 28 septembre 1988 (aff. 31/87 Beentjes BV c/Etat des Pays-Bas), la Cour de Justice des Communautés européennes a, en effet, décidé que, en dehors même du cadre des critères de la directive Travaux et en dehors de la directive elle-même, les pouvoirs adjudicateurs peuvent poser des conditions supplémentaires de participation. Elle admet notamment l'introduction de préoccupations d'ordre social dans les marchés publics dès lors qu'elles ne sont pas génératrices de discriminations entre soumissionnaires des différents Etats membres et qu'elles ont été annoncées dans l'avis de marché.

Le mécanisme d'attribution préférentielle aux PME proposé ne joue ensuite qu'à offre équivalente . Il ne peut ainsi avoir pour conséquence de fausser la concurrence et d'imposer aux acheteurs publics une règle qui pourrait nuire à la qualité de leur achat ou entraîner des dépenses supplémentaires. Il se distingue du point de vue du mécanisme dit du " quart réservataire " qui impose dans certains marchés, aux acteurs publics, de réserver un quart des lots aux SCOP.

Il s'inspire, en revanche, largement des dispositions de l'article 62 du code des marchés publics, qui prévoit que lors de la passation d'un marché, un " droit de préférence est attribué, à égalité de prix ou équivalent d'offres [...] à la soumission de l'offre présentée par une société coopérative ouvrière de production ", en les étendant à l'ensemble des PME.

La notion d'offre équivalente s'entend ici aux regards des critères traditionnels de sélection des offres notamment visés par les articles 89, 95 et 97 bis, à savoir le prix des prestations, leur coût d'utilisation, leur valeur technique, et leur délai d'exécution mais également aux critères additionnels spécifiés préalablement dans le règlement de la consultation.

- Un mécanisme ciblé sur les petites entreprises indépendantes.

Le mécanisme d'attribution préférentielle s'adresse enfin aux petites PME indépendantes définies à travers trois critères :

1°. moins de 50 millions de chiffre d'affaires ;

2°. moins de 50 salariés ;

3°. un capital détenu majoritairement par des personnes physiques ou des personnes morales .

A travers ces trois critères, le dispositif proposé vise les petites entreprises indépendantes.

Les trois critères proposés correspondent aux critères traditionnellement retenus pour définir les PME. Si le critère du nombre de personnes occupées est certainement l'un des plus significatifs, l'introduction d'un critère financier est un complément nécessaire pour appréhender la véritable importance d'une entreprise, ses performances et sa situation par rapport à la concurrence. L'indépendance est apparue également comme un critère fondamental dans la mesure où une PME qui appartient à un grand groupe dispose de moyens et de soutien que n'ont pas leur concurrentes de taille équivalente.

Les seuils retenus -50 personnes, 50 millions de chiffre d'affaires- correspondant, par ailleurs, à une définition assez stricte des PME. Au niveau communautaire, le seuil retenu pour les PME est, en effet, de 250 salariés et nombreuses statistiques nationales retiennent le critère de 500 salariés.

Or si l'on s'en tient au seul critère du nombre de salariés, les PME de moins de 250 salariés - appartenant ou non à des grands groupes- recueillent 72 % du montant des marchés publics de travaux, comme l'illustre le tableau suivant.

MONTANT DES TRAVAUX SELON LE MAÎTRE D'OUVRAGE PUBLIC ET LA TRANCHE D'EFFECTIF DE L'ENTREPRISE, SANS PRISE EN COMPTE DU CRITÈRE DE L'INDÉPENDANCE

Unité en millions de francs

Tranches d'effectifs

Total

%

0 salarié

3.166

2

1 à 9 salarié(s)

29.256

16

10 à 49 salariés

59.863

33

50 à 249 salariés

39.487

22

Total PME

131.772

72

250 salariés

51.797

28

TOTAL

183.569

100

Source : Enquête annuelle d'entreprise de construction - 1995 -

SES/DAEI Ministère de l'Equipement, du Transport et du Logement.


Avec 250 salariés, le seuil en matière de marché public ne serait pas véritablement sélectif. Considérant qu'il y a lieu de fixer des seuils assez stricts pour définir les PME concernées, afin que le dispositif qui leur est destiné profite véritablement aux entreprises pour lesquelles la taille constitue un handicap, votre commission a en conséquence approuvé le choix du seuil de 50 salariés.

A ce seuil correspond en moyenne un chiffre d'affaires de 50 millions qui apparaît donc un seuil approprié et d'ailleurs repris dans de nombreux dispositifs.

Le critère de l'indépendance est enfin celui habituellement retenu par les dispositifs en faveur des PME indépendantes, tel que, par exemple, celui initialement retenu pour les fonds communs de placement dans l'innovation issus de la loi du 30 décembre 1996. Il s'agit, à travers la détention majoritaire par des personnes physiques ou des personnes morales directement détenues par des personnes physiques d'écarter ainsi du dispositif les filiales des grands groupes qui, profitant des moyens et des soutiens d'un grand groupe, n'ont pas vocation à bénéficier d'un dispositif tendant à compenser le handicap des petites entreprises indépendantes.

Votre commission vous propose d'adopter cet article dans le texte de la proposition de loi, sous réserve de deux modifications. Elle a tout d'abord estimé que le rappel du droit existant au premier alinéa n'avait pas de portée normative et l'a, en conséquence, supprimé.

Afin de lever une ambiguïté , votre commission a ensuite souhaité préciser, au dernier alinéa, qu'il s'agit d'entreprises majoritairement détenues par des personnes physiques ou par des personnes morales directement détenues par des personnes physiques.

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

CHAPITRE III -

Allotissement des marchés publics

Article 21 -

Allotissement des marchés publics

Cet article tend à confirmer dans son principe le recours à l'allotissement afin de favoriser l'accès des PME aux marchés publics.

Cet article dispose, après avoir rappelé qu'aucune prestation ni aucun ouvrage ne peut être scindé en vue d'être soustrait aux procédures applicables aux marchés publics, que les prestations et travaux peuvent néanmoins, si leurs caractéristiques ou les conditions de leur exécution le permettent, être réparties en lots homogènes donnant lieu à un marché distinct.

Le texte proposé par cet article consacre ainsi la dévolution de marchés de travaux ou de prestation par lots séparés . L'allotissement consiste, en effet, à répartir un marché en lots susceptibles de faire l'objet d'une attribution distincte.

Contrairement à la dévolution à une entreprise générale qui le plus souvent a recours à une sous-traitance, l'allotissement permet un accès direct des PME à la concurrence publique. Il convient de souligner que le choix entre une dévolution en lots séparés ou en entreprise générale entraîne plusieurs conséquences importantes.

Dans le cas de l'allotissement, le maître de l'ouvrage divise son opération en lots et passe des contrats avec différents entrepreneurs et le cas échéant un maître d'oeuvre. La coordination est assurée par le maître d'oeuvre, le principal entrepreneur, ou par les services techniques du maître de l'ouvrage.

Dans le cas d'une entreprise générale, le maître de l'ouvrage signe un seul acte d'engagement avec une entreprise générale, qui sous-traite une partie de son marché à d'autres entreprises. L'entreprise générale assure, en outre, la coordination des opérations.

La répartition des responsabilités est également différente : en cas de recours à une entreprise générale, celle-ci devra assumer les conséquences d'une défaillance de l'un de ses sous-traitants. A contrario, dans le cadre de l'allotissement, c'est le maître d'ouvrage ou donneur d'ordre qui devra s'efforcer de trouver une société capable de remplacer dans les plus brefs délais l'un de ses cocontractants directs défaillant.

Une autre différence doit également être soulignée. Le recours à une entreprise générale implique la conclusion d'un contrat à un montant donné, pour une prestation globale. En pratique, ce n'est qu'une fois le marché conclu que l'entreprise générale passe un contrat avec les entreprises de sous-traitance qu'elle doit légalement faire accepter et agréer par le maître d'ouvrage.

Ce déroulement chronologique a une incidence financière majeure : l'entreprise générale doit rester dans le cadre du montant du marché, et ne peut le dépasser. L'offre qui a motivé le choix du maître de l'ouvrage ne peut pas être modifiée une fois le marché conclu. Les sous-traitants de l'entreprise générale, qui par définition sont des entreprises de petite taille, devront réduire globalement leurs marges s'ils souhaitent entrer dans la fourchette du titulaire du marché. Le phénomène est encore plus frappant, en cas de sous-traitance en chaîne : les sous-traitants de second rang devant tenir compte de la marge bénéficiaire déjà prise par le sous-traitant de l'entreprise générale.

L'allotissement permet, dans ce contexte, d'éviter la captation des marges bénéficiaires par les entreprises générales et peut limiter les risques d'impayés qu'entraîne le recours à la sous-traitance en cascade.

Le texte proposé par cet article consacre au niveau législatif le recours à l'allotissement qui est actuellement visé par les articles 77 et 274 du code des marchés publics. Dans leur rédaction actuelle issue du décret n° 92-1310 du 15 décembre 1992, ces articles n'autorisent le recours à l'allotissement que " lorsque le fractionnement est susceptible de présenter des avantages techniques et financiers ". La rédaction retenue par les auteurs de la proposition de loi ne soumet le recours à l'allotissement à aucune condition financière, considérant que l'accès des PME aux marchés publics constituait un des objectifs justifiant le recours à ce mode de dévolution .

Le texte proposé par cet article laisse, par ailleurs, le maître d'ouvrage seul juge de l'opportunité de recourir à l'allotissement . Il apparaît, en effet, que si l'allotissement constitue une voie intéressante permettant l'accès direct des entreprises à l'achat public, il n'est pas adapté à tous les marchés, ni aux possibilités de tous les maître d'ouvrages. La gestion d'un marché à lots séparés, plus lourde que le marché unique, peut, en effet, être pénalisante pour les petites maître d'ouvrage.

Le recours à l'allotissement est néanmoins soumis à deux conditions. Il est tout d'abord précisé que les marchés peuvent être répartis en lots homogènes donnant lieu à un marché distinct " si leurs caractéristiques ou les conditions de leur exécution le permettent ". Cette précision vise à souligner que l'allotissement ne saurait s'appliquer à des opérations dont les caractéristiques techniques n'autorisent logiquement aucun fractionnement par lots.

Ce critère doit être rapprochée d'une seconde condition figurant au début du texte proposé par cet article qui rappelle le principe selon lequel aucune prestation ni aucun ouvrage ne peut être scindé en vue d'être soustrait aux procédures applicables aux marchés publics afin d'éviter le détournement de ce dispositif.

Comme l'a observé le Conseil de la Concurrence dans son avis n° 96-A-08 du 2 juillet 1996 sur l'avant-projet de loi Galland, qui proposait une disposition similaire, la pratique consistant à diviser un marché en plusieurs marchés d'un montant moins élevé, et inférieur aux seuils prévus par le code des marchés publics, a pu être utilisée en vue de soustraire à l'appel public à la concurrence des fournitures, prestations ou travaux. C'est pourquoi il avait proposé que " la pratique de l'allotissement soit autorisée lorsque le permettent les circonstances, la nature des travaux, etc, mais que soient interdits les procédés visant à éviter les appels à la concurrence en divisant artificiellement un marché de sorte que le seuil ne soit pas atteint et préconisé une rédaction dont se sont inspirés les auteurs de la proposition de loi ".

S'inspirant de ces observations, la proposition de loi tend ainsi à prévenir tout détournement du dispositif.

Votre commission vous propose d'adopter cet article dans le texte de la proposition de loi.

CHAPITRE IV -

Délais de paiement des marchés publics

Article 22 -

Délais de paiement des marchés publics

Cet article tend à préciser les modalités de détermination des délais de mandatement des marchés publics et à généraliser le règlement par lettre de change-relevé.

Le texte proposé par cet article tend à préciser les règles relatives aux délais de paiement des marchés publics.

Si les délais de paiement des marchés publics sont, pour une part importante, imputables à des difficultés de trésorerie ou même de financement des administrations publiques, cette explication n'est cependant pas exclusive. Pour partie, les retards dans le paiement des achats publics sont, en effet, liés au fonctionnement des services chargés de l'exécution de la dépense. Dans ce contexte, l'article 22 de la proposition de loi tend à travers une modification des modalités de paiement à contribuer à améliorer les délais de paiement.

Le premier alinéa du texte proposé par cet article rappelle l'existence d'un délai maximal pour le mandatement des sommes dues aux titulaires de marchés. Ce rappel, nécessaire à l'économie de l'article, reprend le principe qui figure actuellement à l'article 178 pour les marchés de l'Etat du code des marchés publics.

Le code des marchés publics prévoit, en effet, que seul est pris en considération le délai s'écoulant à partir, soit de la survenance d'un terme préfixé, soit de la présentation par le fournisseur de sa demande de paiement jusqu'au mandatement par l'administration des sommes dont elle se reconnaît débitrice. Ainsi, ni les délais nécessaires au comptable pour payer la dépense mandatée, ni ceux qui s'écoulent avant que le compte du bénéficiaire soit effectivement crédité ne sont pris en compte.

Le délai de droit commun, déterminé par l'article 178 du Code des marchés publics, s'applique aux acomptes de toutes les catégories de marchés, ainsi qu'aux règlements partiels définitifs ou aux soldes, respectivement des marchés de fournitures courantes et de services et des marchés de prestations intellectuelles, quelle que soit leur durée d'exécution. Le délai de droit commun s'applique également aux marchés de travaux, aux marchés industriels, mais seulement lorsque leur durée d'exécution est égale ou inférieure à six mois, ainsi qu'aux travaux sur mémoires et aux achats sur factures.

Pour les marchés de l'Etat, le délai de droit commun, qui était précédemment de quarante-cinq jours, a été réduit à trente-cinq jours à compter du 1 er janvier 1995. Pour les marchés des collectivités locales , au terme de l'article 352 du Code des marchés publics, l'article 178 est applicable aux collectivités locales. Toutefois, s'agissant du délai de mandatement, l'article 352 bis , inséré dans le Code des marchés publics par le décret du 7 septembre 1994, maintient pour leurs marchés ainsi que pour ceux passés par leurs établissements publics, le délai de quarante-cinq jours .

Il existe, en outre, des délais spécifiques, déterminés par un arrêté du 17 janvier 1991, concernant les marchés de travaux et les marchés industriels dont la durée d'exécution contractuelle est supérieure à six mois.

Selon l'enquête annuelle menée par la Direction générale de la comptabilité publique (DGCP), les délais moyens de mandatement de l'Etat se situe en 1998 à 34 jours, ceux des collectivités territoriales à 43 jours. Ce délai s'est fortement réduit dans les dix dernières années. Il ne reflète cependant qu'imparfaitement la réalité vécue par les entreprises. Il faut, en effet, à ce délai de mandatement ajouter le délai de paiement qui repose sur la date du mandatement jusqu'à la date à laquelle est crédit le compte de l'entreprise. Selon une étude de l'Association française de crédits ménagers et conseils (AFCM), ce délai global s'élève à 69 jours. Ces chiffres masquent, en outre, la très grande disparité entre collectivité publique. Ainsi, les délais moyens de règlement relevé par la DGCP sont de 44 jours pour les HLM et de 64 jours pour les communes de plus de 10.000 habitants.

Ces moyennes recouvrent, enfin, des délais parfois plus courts mais aussi nettement plus longs. Il n'est ainsi pas rare que certaines PME attendent plus d'une centaine de jours pour être payées. Or, les PME ne disposant pas de trésorerie comparable aux grandes entreprises sont particulièrement pénalisées par ces retards.

Le dispositif juridique actuel suscite de ce fait de nombreuses réserves de la part des créanciers de l'administration. Les entreprises créancières de paiements publics sont, en effet, majoritairement favorables à la substitution d'un délai limite de paiement au délai limite de mandatement applicable actuellement.

Aussi, votre rapporteur s'est-il interrogé sur l'opportunité de proposer une telle substitution dans le cadre de cette proposition de loi. La mise en place d'un délai global de règlement semble, en effet, de nature à répondre efficacement aux attentes légitimes des entreprises. La communauté européenne qui est en cours d'adoption d'un projet de directive concernant la lutte contre les retards de paiement dans les transactions commerciales s'oriente, elle-même, vers la mise en place d'un délai global conventionnel de paiement. Cette réforme du droit communautaire obligera, à terme, la France à modifier sa législation, comme le souligne le document d'orientation sur la réforme du Code des marchés publics rendu public en avril dernier par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

L'introduction en droit positif d'un délai de paiement des marchés publics conduirait à une évolution importante de l'organisation financière et comptable publique française. Elle suppose, en effet, une nouvelle organisation du partage des responsabilités dans le retard de paiement entre ordonnateur et comptable. Aussi, sur ce point, votre commission a-t-elle souhaité laisser la commission des lois, si elle le juge opportun, introduire un tel dispositif.

Le deuxième alinéa de l'article vise les situations dans lesquelles le donneur d'ordre ne dispose pas d'une date certaine de demande de paiement qui permette de fixer un point de départ pour la liquidation éventuelle d'intérêts moratoires. Par défaut, ce point de départ est fixé par le texte proposé à la date de la facture augmentée de deux jours. Cette disposition permettra en particulier de rendre automatique, pour les entreprises, le versement des intérêts moratoires exigibles.

L'application d'un délai de mandatement ou la mise en place d'un délai global de paiement donnant lieu, en cas de dépassement, au versement d'intérêt moratoire, supposent que l'on connaisse avec certitude la date du début du mandatement. Actuellement, aux termes de l'article 180 du Code des marchés publics, à défaut de stipulations particulières, le délai court à partir de la réception de la demande de paiement du titulaire ou de la transmission par celui-ci de la demande de son sous-traitant.

Toutefois, la date de la réception de la demande de paiement fait elle-même l'objet de contentieux en dépit de l'intervention du décret n° 85-1143 du 30 octobre 1985 qui instaure une dispositif visant à rendre incontestable la date de réception de la demande de paiement. Aux termes de ce décret, celle-ci doit s'effectuer soit par lettre recommandée avec avis de réception postal, soit contre délivrance par la collectivité d'un récépissé dûment daté.

L'absence de recommandé, les contestations sur la date réelle de réception, ont conduit le ministère des finances à rappeler dans une circulaire du 22 juillet 1997 sur les modalités d'amélioration des délais de paiement ou titre d'achats publics que " le manque d'information fiable sur la date d'arrivée des factures dans les services gestionnaires constitue un obstacle majeur au suivi des délais de paiement. Elle a aussi pour effet de priver les comptables des moyens de vérifier la correcte application de la réglementation relative aux intérêts moratoires ".

Dans cette perspective, cette circulaire invite les ordonnateurs à assurer la certification de la date d'arrivée dans leurs services. Elle prévoit, en outre, qu'à défaut d'apposition de la date de réception sur la demande de paiement, le point de départ du délai de mandatement sera désormais la date d'émission de la facture augmentée de deux jours.

Cette règle ne vaut cependant que pour les marchés publics d'Etat. C'est pourquoi, afin de donner à cette règle une valeur législative et de l'étendre aux collectivités territoriales, la proposition de loi -reprenant l'ancien projet de réforme du code des marchés publics, présenté par M. Galland-, préconise de fixer la date de départ du délai de mandatement à la date de la facture plus deux jours.

Le troisième alinéa a pour objet d'étendre à l'ensemble des marchés publics et en conséquence aux marchés des collectivités territoriales et des établissements publics locaux, le bénéfice, à l'initiative du fournisseur, du règlement par lettre de change-relevé qui existe actuellement pour les marchés de l'Etat.

Dans sa rédaction actuelle, l'article 179 bis du Code des marchés publics prévoit que la lettre de change-relevé est obligatoirement acceptée comme moyen de paiement des marchés de l'Etat. Or si en matière de délais de règlement le livre troisième du Code des marchés publics relatif aux marchés des collectivités territoriales se borne pour l'essentiel à renvoyer aux dispositions applicables aux marchés de l'Etat, l'obligation d'accepter le paiement par lettre de change relevé introduite en 1994 n'a pas été étendu aux collectivités territoriales. Le texte proposé par cet article tend, en conséquence, à étendre cette obligation aux marchés des collectivités territoriales et de leurs établissements publics.

Il convient de rappeler que le lettre de change-relevé est une adaptation de la lettre de change à des procédés de traitement informatique ayant pour effet d'accélérer les règlements et de faire bénéficier un destinataire de paiements à date certaine.

En adoptant la lettre de change-relevé comme l'un des modes de règlement des marchés, l'administration a voulu répondre à une revendication constamment exprimée par ses créanciers. En effet, plus encore qu'une accélération des règlements, au demeurant souhaitée, ce qui importe aux titulaires de marchés, c'est de bénéficier de paiements à date certaine. Tel est bien le cas avec le lettre de change-relevé. La date à laquelle le titulaire aura la disposition de ses fonds est déterminée dès la date d'envoi par l'administration de l'autorisation d'émettre une lettre de change-relevé.

L'extension aux marchés publics des collectivités territoriales et des établissements publics locaux de la possibilité pour les entreprises d'exiger le bénéfice d'un paiement par lettre de change-relevé porte sur plus de 50 % des marchés publics recensés. C'est en conséquence une mesure qui peut avoir des effets importants sur les délais des paiements publics. Il convient, à ce propos, de souligner que la généralisation dans la pratique du recours aux lettres de change-relevé permettrait de facto la mise en place d'un délai conventionnel global de paiement.

Pour que cette généralisation soit effective, votre commission estime cependant qu'il faudrait, au-delà des dispositions du présent article, veiller à mieux informer les entreprises, les ordonnateurs et les comptables des avantages des lettres de change-relevé et, le cas échéant, à simplifier le cadre réglementaire définissant leurs modalités de gestion.

Votre commission vous propose d'adopter cet article dans le texte de la proposition de loi sous réserve d'une modification tendant à préciser au troisième alinéa que la personne publique est tenue d'accepter une lettre de change relevé lorsque le mode de règlement est proposé par un candidat et non par " l'entreprise ". Il s'agit, en effet, de se situer en amont de la procédure de sorte qu'un candidat ne puisse être écarté sur le fondement qu'il propose comme modalité de paiement une lettre de change relevé et non en aval, une fois le titulaire du marché désigné .

Votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi rédigé.

CHAPITRE V -

Incidences sur les recettes de l'Etat et compensation

Article 23 -

Compensation financière de la proposition de loi

Cet article constitue le gage financier de la proposition de loi.

Cet article prévoit que les pertes de recettes pour l'Etat résultant de l'adoption de la proposition de loi seront compensées par une augmentation à due concurrence de droits sur les tabacs.

Ce gage a naturellement un caractère très formel. Il serait en réalité souhaitable que ces diminutions de recettes soient compensées par des économies sur les dépenses de l'Etat. En outre, votre commission considère que l'adoption de la proposition de loi ne pourra qu'avoir un impact globalement positif sur l'équilibre financier de l'Etat, compte tenu des créations d'entreprises et, partant, des rentrées fiscales qu'elle est susceptible de générer.

Votre commission vous propose d'adopter cet article dans le texte de la proposition de loi.

*

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Votre commission vous demande d'adopter la proposition de loi dans le texte résultant de ses conclusions, tel qu'il est inclus dans le présent rapport.

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