EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE PREMIER

Actualisation du seuil d'application de la taxe forfaitaire sur les oeuvres d'art

Commentaire : Cet article a pour objet d'actualiser en fonction de l'inflation le seuil d'application de la taxe forfaitaire sur les oeuvres d'art prévue à l'article 150 V bis du code général des impôts qui n'a pas été modifié depuis 1976. On note que le nouveau seuil est fixé à la contre-valeur en francs de 10 000 euros.

Déjà votée par le Sénat lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2000 mais non reprise par l'Assemblée nationale, cette mesure simple se trouve déjà suggérée dans le rapport de M. André Chandernagor sur le marché de l'art d'avril 1998.

En effet, si le gouvernement a bien accepté l'alignement du taux de la taxe payée par les galeries sur celui de 4,5 % en vigueur pour les ventes publiques, il a refusé sans véritable discussion au fond d'actualiser le mécanisme.

Le seuil de 20.000 francs -ainsi que celui de 30.000 correspondant à un mécanisme de décote- n'ont pas été réévalués depuis 1976, date d'instauration de taxe forfaitaire représentative de l'imposition des plus-values.

Il s'agit du type même de ces prélèvements rampants dénoncés par le rapporteur général de votre commission des finances dans son rapport sur la loi de finances pour 2000 résultant de la non actualisation des seuils du code général des impôt.

Du point de vue du marché de l'art, la non actualisation signifie non seulement des prélèvements plus importants mais aussi des contraintes administratives qui ne sont jamais favorables à la compétitivité des acteurs du marché, maisons de ventes aux enchères ou marchands, chargés de collecter la taxe.

Décision de la commission : Votre commission vous demande d'adopter cet article.

ARTICLE 2

Extension de l'exemption de droits de reproduction à l'ensemble des catalogues de vente

Commentaire : Cet article - déjà adopté par le Sénat en deuxième lecture du projet de loi sur les ventes volontaires de meubles aux enchères et, pour l'instant, encore en navette - a pour objet d'étendre à l'ensemble des catalogues de vente, qu'il s'agisse de ceux des futures maisons de vente aux enchères ou de ceux des galeries, l'exemption de droits de reproduction dont bénéficient actuellement les seuls catalogues de vente des officiers ministériels. Cette exemption est limitée aux reproductions des oeuvres mises en ventes.

Actuellement, les commissaires-priseurs sont en application de l'article 17 de la loi du 27 mars 1997 exemptés du droit de reproduction que les auteurs peuvent leur réclamer dès lors que la reproduction ne peut être considérée comme la " courte citation " prévue par la loi de 1957. Ce régime de faveur n'était pas applicable aux galeries.

Bien que la société qui se charge des droits de la plupart des artistes ait annoncé qu'elle n'entendait pas réclamer à la fois le droit de suite et le droit de reproduction, il y a là, pour votre rapporteur, une question de principe qui ne peut venir d'une renonciation unilatérale, toujours révocable mais qui doit être tranchée par la loi.

On ne voit pas nettement ce qui distingue, du point de vue de l'artiste, une vente publique d'une vente judiciaire. Il serait incohérent de faire dépendre l'application du droit de reproduction du statut juridique de la vente et la qualité de celui qui l'organise - qu'il soit ou non commerçant .

En outre, on pourrait assister, compte tenu de la tendance de la jurisprudence, à l'utilisation par certains ayants-droit de cette position de force juridique comme un moyen de pression sur les modalités d'organisation de la vente.

Telle est la raison pour laquelle votre commission des finances vous propose de ne pas soumettre au droit de reproduction prévu à l'article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle, les reproductions, intégrales ou partielles, d'oeuvres d'art graphiques ou plastiques destinées à figurer dans le catalogue d'une vente ou sur une affiche mis à la disposition du public sur les lieux ou à l'occasion de la vente.

L'exonération est donc limitée aux oeuvres effectivement mises en vente sans englober celles simplement exposées à l'occasion de la vente ou dont la reproduction servirait à la description des oeuvres mises en vente. On note que la mesure est non discriminatoire entre galeries et maisons de vente.

Il s'agit en quelque sorte d'éviter une redondance en ne soumettant pas au droit de reproduction des oeuvres entrant dans le cadre du droit de suite.

Le dispositif retenu est celui qui résulte du large débat qui a eu lieu en commission des Lois à l'occasion de l'examen par cette dernière des amendements extérieurs en deuxième lecture du projet de loi relatif aux ventes publiques de meubles aux enchères. Le texte est donc encore en navette mais votre rapporteur a cru bon de le reprendre dans le cadre de cette proposition de loi dans la mesure où il y a vu l'occasion de débattre de la question avec la ministre de la Culture.

Décision de la commission : Votre commission vous demande d'adopter cet article.

ARTICLE 3

Octroi d'un crédit d'impôt en matière de droits de mutation aux personnes faisant don à l'État d'une oeuvre d'art, de livres, d'objet de collection ou de documents de haute valeur artistique ou historique

Commentaire : La mesure proposée - qui n'a jamais été présentée au Sénat - a pour objet d'octroyer à toute personne faisant don à l'État d'une oeuvre d'art, de livres, d'objet de collection ou de documents de haute valeur artistique ou historique dans les conditions prévues à l'article 1131 du code général des impôts, d'un crédit d'impôt en matière de droits de mutation, égal au tiers de la valeur du bien fixée par la commission des dations. On note que le don peut être fait avec réserve d'usufruit, moyennant une diminution de la valeur du don calculée suivant le barème du code général des impôts partageant la valeur d'un bien entre usufruit et nue-propriété en fonction de l'âge de l'usufruitier.

Il s'agit d'encourager les manifestations de générosité des personnes privées par l'octroi d'un avantage fiscal suivant un principe analogue à celui en vigueur depuis longtemps en matière d'impôt sur le revenu. L'État prend donc à sa charge sous forme de déduction du revenu imposable ou de crédit d'impôt une partie du don effectué par le contribuable.

En l'occurrence, le dispositif proposé tend à rendre plus incitatif le régime de l'article 1131 du code général des impôts en concrétisant une idée contenue dans le rapport de M. Maurice Aicardi : " l'acquéreur devrait bénéficier d'un crédit d'impôt (sur le revenu, sur la fortune, sur les sociétés, droits de mutation) égal selon les cas à la totalité, si la donation est pure et simple, ou à une fraction du prix d'acquisition, s'il se réserve un usufruit limité dans le temps ".

S'agissant d'un mécanisme fiscal novateur, votre commission a préféré s'en tenir à des paramètres plutôt restrictifs : limitation du crédit d'impôt aux seuls droits de mutation, compte tenu des nouvelles possibilités envisagées en matière d'impôt sur le revenu ; fixation du crédit d'impôt au niveau relativement modéré du tiers de la valeur du don, telle qu'agrée par la commission des dations.

L'avantage fiscal se justifie par le fait qu'il fait jouer un effet de levier en faveur de l'enrichissement des collections publiques . Il s'agit d'un mécanisme soumis à agrément et donc au coût entièrement contrôlable par l'administration.

Décision de la commission : Votre commission vous demande d'adopter cet article.

ARTICLE 4

Octroi d'une réduction d'impôt sur le revenu pour les personnes faisant don à l'État d'une oeuvre d'art, de livres, d'objet de collection ou de documents de haute valeur artistique ou historique

Commentaire : La mesure -qui n'a jamais été présentée au Sénat ni sous forme d'amendement, ni dans le cadre de la proposition de loi n°469- a pour objet de permettre aux contribuables de bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu au titre de leurs dons d'oeuvres d'art à l'État - agréés par la commission des dations - de la même façon et sous les mêmes limites qu'ils peuvent le faire pour leurs dons aux associations et organismes d'intérêt général en application de l'article 200 du code général des impôts. On note que la réduction d'impôt résultant d'un même don peut être répartie en fractions égales sur deux années consécutives.

On peut rappeler qu'à l'initiative de l'Assemblée nationale, la loi de finances pour 2000 a réorganisé le régime fiscal des dons et versements des particuliers à divers organismes d'intérêt général. Il a été ainsi décidé de :

•  fixer à 6 % du revenu imposable le plafond global des versements ouvrant droit aux réductions d'impôt, quel que soit le type et le statut de l'organisme bénéficiaire et, en particulier, qu'il s'agisse d'oeuvre d'intérêt général et d'associations de financement des partis politiques ;

•  élever à 50 % au lieu de 40 %, la réduction d'impôt accordée au titre des dons pour le financement des partis politiques et des campagnes électorales.

Votre commission des finances a considéré que les dons d'oeuvres d'art à l'État pouvaient être considérés comme d'intérêt public et donc bénéficier des réductions d'impôt dont sont assorties les dons et versements aux organismes d'intérêt général, dans la même limite de 6 % du revenu imposable.

Elle estime également que devrait être introduit ultérieurement un élément de souplesse supplémentaire en prévoyant que la réduction d'impôt afférente à un même don pouvait être répartie sur deux ou trois ans, de façon à autoriser des dons relativement importants.

Un tel mécanisme, qui suppose un agrément préalable de l'administration des finances dans les conditions prévues à l'article 1716 bis, c'est-à-dire par la commission des dations, devrait surtout être adapté aux dons correspondant à des oeuvres d'un niveau de prix modéré dont on peut rappeler qu'elles constitue une bonne partie des acquisitions des musées, notamment en régions.

En outre, il ne serait pas inconcevable que le taux de la réduction d'impôt soit porté de 50 à 60 % pour les versements effectués à l'occasion de souscriptions destinées à retenir sur le territoire national des biens ayant la qualité de trésor national au sens de la loi modifiée du 31 décembre 1992.

Il faut également souligner qu'il s'agit d'un mécanisme soumis à agrément et donc au coût entièrement contrôlable par l'administration.

Décision de la commission : Votre commission vous demande d'adopter cet article.

ARTICLE 5

Exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit des objets mobiliers classés

Commentaire : la mesure -qui a déjà été présentée au Sénat sous une forme voisine et adoptée par lui à l'occasion de l'examen en première lecture de la proposition de loi relative aux trésors nationaux - a pour objet d'exonérer les objets mobiliers classés à partir du premier janvier 2001 de droits de mutation à titre gratuit à raison de la totalité de la valeur de l'oeuvre pour la première mutation à compter du classement et de 50 % de cette valeur pour les mutations suivantes. On note qu'il est prévu une durée minimale de détention pour le bénéfice de l'exonération.

Il a été amplement montré au cours de l'exposé général que les crédits publics actuellement consacrés aux acquisitions d'oeuvres d'art, étaient structurellement insuffisants pour permettre d'endiguer l'exode du patrimoine artistique ou historique national.

De même, il est illusoire de croire que, sans incitations fiscales nouvelles, on puisse espérer rassembler des concours publics ou des fonds de mécénat à la hauteur des besoins : sur près de 270 millions de francs qui ont été consacrés à l'acquisition de trésors nationaux depuis 1993, 107 millions de francs, certes, ont été fournis en dehors des crédits d'État et des concours des collectivités locales. Mais cette somme apparaît en fait éclatée en de multiples petites opérations, hors de proportion avec les quelque 150 à 200 millions de francs que coûte un tableau impressionniste majeur.

La seule voie pour atténuer l'hémorragie est donc de s'efforcer de fixer les oeuvres en amont en accordant des avantages fiscaux aux propriétaires acceptant de maintenir leur bien sur le territoire national.

En l'occurrence, il est proposé d'assortir le classement d'une exonération de droits de mutation à titre gratuit à raison de la totalité de la valeur de l'oeuvre pour la première mutation à compter du classement et de 50% de cette valeur pour les mutations suivantes.

Une exonération totale a paru nécessaire pour augmenter le caractère incitatif de la mesure et désarmer les critiques de tous ceux pour qui une telle mesure serait inefficace et donc inutile, parce que hors de proportion avec l'importance du préjudice financier subi par les propriétaires acceptant le classement de leur bien.

Il faut souligner que cette défiscalisation fait jouer des mécanismes économiques. La création d'un marché pour des actifs partiellement défiscalisés tend à augmenter la demande interne pour les oeuvres d'art et donc leurs prix, diminuant d'autant la pénalisation résultant de l'interdiction d'exportation consécutive au classement.

Toutefois, le bénéfice de la défiscalisation est limité aux oeuvres classées avec le consentement de leur propriétaire, de façon à éviter que l'un d'entre eux puisse éventuellement cumuler l'indemnisation contentieuse au titre de la loi de 1913 et l'avantage fiscal.

Au surplus, à ceux qui craignent que l'octroi de l'avantage fiscal ne suscite un afflux de demandes, on peut rappeler que l'administration conserve son pouvoir discrétionnaire en matière de classement et que la mesure n'est proposée que pour les classements opérés à compter du 1 er janvier 2001 et donc qu'il ne s'agirait pas de reprendre le " stock " d'objets mobiliers classés en mains privées.

Quant aux effets pervers qu'une telle exonération de droits de mutation aurait sur la dation en paiement , il faut souligner que les deux procédures sont complémentaires et non concurrentes : tandis que l'une tend à fixer des oeuvres dans le patrimoine national, l'autre permet d'enrichir les collections publiques à l'occasion de mutations à titre gratuit le plus souvent par décès.

L'éventualité évoquée par certains de faire échapper à l'impôt des successions essentiellement constituées d'oeuvres d'art ne constitue pas une vraie difficulté dans la mesure où l'administration n'est pas obligée de classer.

Encore une fois, il ne s'agit pas d'obliger systématiquement les détenteurs d'oeuvres d'art à les vendre et l'État à les acheter. Au contraire l'exonération pourrait permettre aux familles qui le souhaitent de garder les oeuvres auxquelles elles peuvent être attachées.

Là encore, on peut remarquer qu'il s'agit d'un mécanisme soumis à décision administrative exprès et donc au coût entièrement contrôlable par l'administration.

Décision de la commission : Votre commission vous demande d'adopter cet article.

ARTICLE 6

Agrément de droit au titre de la dation en paiement des oeuvres classées à l'issue d'un refus de certificat

Commentaire : la mesure -déjà présentée mais retirée à l'occasion de la discussion en première lecture de la proposition de loi relative aux trésors nationaux- a pour objet d'introduire un nouveau paragraphe II à l'article 1716 bis du code général des impôts pour prévoir que l'agrément est de droit pour les oeuvres qui ont été classées à la suite d'un refus de certificat.

Le bien ayant fait l'objet d'un refus de certificat et classé à la demande de son propriétaire bénéficierait dans le régime proposé par votre commission des finances d'un avantage en matière de droits de mutation à titre gratuit compensant la diminution de la valeur du bien consécutive à l'impossibilité de le mettre en vente au prix a priori plus élevé du marché international.

Mais cela ne correspond pas à tous les cas de figure de nature à justifier l'acquisition du bien. Il faut tenir compte de la volonté que pourrait manifester un particulier d'anticiper sur le règlement de sa succession en achetant un bien dont il sûr qu'il sera accepté en dation par l'État.

Tel est l'objet du présent article additionnel, qui tend à prévoir que l'agrément est de droit, à condition que la valeur libératoire proposée soit égale au prix fixé dans le cadre de la procédure de l'article 9-1 de la loi du 31 décembre 1992.

Il s'agit également d'une façon d'assurer la coordination de l'autorité administrative avec elle-même. Cette articulation, qui peut être critiquée au nom de l'indépendance des procédures, pourrait tout à fait être remplacée par une jurisprudence constante de la commission des dations aboutissant au même résultat. On note d'ailleurs que celle-ci tient déjà compte des évaluations judiciaires relatives au bien qui lui est proposé.

En outre, même s'il ne faut pas considérer que l'intérêt du patrimoine national se confonde toujours avec celui des collections publiques, on comprendrait mal qu'un bien retenu en tant que trésor national ne soit pas jugé digne d'être présenté dans un musée , dès lors que le prix auquel il est proposé soit celui résultant d'une expertise contradictoire.

Un tel mécanisme apparaît surtout adapté pour les oeuvres d'un niveau de prix très élevé : il ne serait pas interdit d'espérer que tel ou tel détenteur de grande fortune souhaite en acquérant par exemple une oeuvre de l'importance du tableau de Degas " La duchesse de Montejasi et ses filles Helena et Camilla ", à la fois profiter de la possession d'un chef-d'oeuvre et régler commodément à l'avance les droits dus à l'occasion de la transmission de son patrimoine.

Encore une fois, il s'agit d'une simple mesure de cohérence entre les différentes mesures de protection du patrimoine national et d'enrichissement des collections publiques. Un engagement du ministre indiquant qu'une telle cohérence pourrait être recherchée dans les faits, permettrait d'aboutir au même résultat.

Décision de la commission : Votre commission vous demande d'adopter cet article.

ARTICLE 7

Instauration d'une procédure d'expertise contradictoire préalable au classement des objets d'art mobilier en mains privées

Commentaire : la mesure, entièrement nouvelle mais qui tend à se substituer à un dispositif contenu dans la proposition de loi n°469 tendant à limiter les effets de la jurisprudence " Walter " - a pour objet d'instituer sur le modèle de ce qui doit être mis en place pour l'acquisition par l'État de trésors nationaux, une procédure d'expertise contradictoire sous contrôle du juge judiciaire du préjudice consécutif au classement d'office, afin de permettre à l'État de ne prendre de mesure de classement d'office d'objets d'art mobilier en mains privées qu'après détermination de l'indemnité due au propriétaire.

Ainsi qu'on l'a indiqué dans l'exposé général, la jurisprudence Walter a rendu quasiment caduc la procédure de l'article 16 de la loi de 1913 sur les monuments historique permettant de classer des objets mobiliers en mains privées sans le consentement de leur propriétaire.

Il y a là une situation qui n'est pas satisfaisante dans la mesure où elle abouti à la paralysie de l'action de l'État et partant à l'appauvrissement du patrimoine national que celui-ci n'est plus en mesure de défendre efficacement.

Il avait été envisagé de confier aux tribunaux administratifs traditionnellement mois généreux que l'autorité judiciaire, la compétence en matière d'indemnisation. Une telle solution n'était pas acceptable.

Votre commission vous propose d'explorer une autre voie consistant :

•  d'une part à mettre en place une procédure d'évaluation contradictoire du préjudice subi par le propriétaire de l'objet mobilier classé calquée sur celle prévue par la proposition de loi en cours de discussion relative aux trésors nationaux, comportant la désignation d'un expert par chacune des parties avec en cas de désaccord la désignation éventuellement après intervention des tribunaux judiciaires d'un troisième expert ;

•  d'autre part, à ne faire intervenir la décision de classement qu'à l'issue de ce processus d'expertise de façon à permettre à l'État de ne procéder au classement qu'en toute connaissance de cause financière et de se retirer de la procédure s'il apparaissait que le coût du classement était trop important de la même façon qu'il peut renoncer à acquérir un trésor national dont le prix s'avérerait trop élevé.

Ainsi, le classement définitif n'interviendrait par décret en Conseil d'État qu'à l'issue d'un processus d'expertise contradictoire sur le montant du préjudice, calculé en fonction de la différence entre le prix mondial et celui de l'objet assorti d'une servitude de non exportation constaté sur le seul marché français.

Décision de la commission : Votre commission vous demande d'adopter cet article.

ARTICLE 8

Assouplissement du régime fiscal des achats d'oeuvres d'art ancien et contemporain par les entreprises

Commentaire : Cet article -déjà présenté au Sénat et voté par lui en première partie du projet de loi de finances pour 2000- a pour objet d'assouplir le régime fiscal des achats d'oeuvres d'art ancien et contemporain par les entreprises : suppression de l'obligation de cession des oeuvres d'art ancien à l'issue d'une période de dix ans, qui sont donc acquises en pleine propriété ; raccourcissement du délai de déduction des achats d'oeuvres d'art contemporain de dix à cinq ans ; substitution à la contrainte d'exposition permanente au grand public d'une obligation de prêt à un musée pour une durée comprise selon la nature de l'oeuvre entre 1 et 3 trois ans.

Cet article a pour objet d'assouplir les conditions dans lesquelles les entreprises peuvent acquérir des oeuvres d'art et participer à deux tâches d'intérêt national ; la sauvegarde du patrimoine national et la revitalisation du marché de l'art contemporain.

Les dispositifs existants procèdent de la loi du 23 juillet 1987. Les précautions tatillonnes dont on avait assorti les possibilités d'achats et notamment les exigences en matière d'exposition au public, sont, avec une conjoncture moins propice, largement à l'origine du peu d'effets de ces dispositifs.

Pour l'art ancien, la procédure prévue à l'article 238 bis OA du code général des impôts, qui résulte de l'article 6 de la loi de juillet 1987, est un échec flagrant.

Cet article permet à une entreprise d'acheter en déduction de leur bénéfice imposable une oeuvre présentant une "haute valeur artistique ou historique", dans le but, dix ans après au plus tard, de l'offrir à l'État, si celui-ci en accepte la proposition. Pendant toute cette période, l'entreprise est tenue d'exposer l'oeuvre au grand public.

Pour l'art contemporain, l'article 238 bis AB du code général des impôts, issu de l'article 7 de la loi du 23 juillet 1987 prévoit que les entreprises qui achètent des oeuvres originales d'artistes vivants , peuvent déduire de leurs résultats dans certaines conditions et limites, une somme égale au prix d'acquisition des oeuvres concernées.

Dans le cas d'achat d'oeuvres d'artistes vivants, le système est presque identique à celui applicable aux oeuvres d'art ancien, à cela près que -l'objectif n'étant pas d'enrichir les collections publiques, mais de favoriser la création contemporaine - l'entreprise reste propriétaire de l'oeuvre ; en revanche, on retrouve la même déduction sur dix ans du prix d'achat -sous réserve du plafond -, en contrepartie de la même obligation d'exposer au grand public.

Le rapporteur n'a pas souhaité changer radicalement de système en dépit du peu de succès des procédures actuelles. Il lui a semblé possible dans un esprit pragmatique de se contenter d'assouplir les régimes existants en proposant des aménagements limités :

Pour l'art ancien , il a paru souhaitable :

1.  de limiter le bénéfice du régime aux seuls biens classés - avec le consentement de leur propriétaire - ce qui simplifie la tâche des entreprises qui n'ont pas à demander un agrément et favorise le maintien sur le territoire français de biens de nature à constituer des " trésors nationaux "

2. de substituer au système de donation sous réserve d'usufruit, un régime d'acquisition en pleine propriété ;

3.  d'autoriser comme pour les achats d'art contemporain la déduction du résultat et non du bénéfice imposable ;

4.  d'alléger la contrainte d'exposition au public pour la remplacer par une obligation de prêt limitée : 3 ans sur les dix ans de la période de déduction.

On note que pour l'art ancien, on ne fait que calquer le nouveau régime sur celui déjà applicable à l'art contemporain ce afin d'inciter les entreprises qui le souhaiteraient d'imiter les banques italiennes , qui ont constitué des collections importantes -on pense à celle du Monte Paschi di Siena mais aussi à de nombreuses caisses d'épargnes locales - allégeant d'autant les achats publics d'oeuvres d'art. Grâce aux achats des entreprises, l'Italie défend ces dernières années son patrimoine de façon très efficace avec des crédits d'acquisition publics relativement modestes.

Encore une fois la stratégie préconisée par cet amendement est de créer un marché intérieur pour les oeuvres classées réduisant d'autant la pénalité résultant pour les propriétaires qui acceptent le classement, de l'impossibilité d'exporter et donc de bénéficier des hauts prix du marché international.

Pour l'art contemporain , on se contenterait de conserver le régime actuel en en assouplissant les modalités, comme pour l'achat d'oeuvres anciennes :

1.  la déduction serait encouragée par un raccourcissement de la durée de la période de déduction qui passerait ainsi de 10 à 5 ans,

2.  la contrainte d'exposition serait allégée en conséquence par simple obligation de prêt d'un an sur la période de 5 ans.

Il s'agit, par ces propositions, de relancer une demande des entreprises, qu'il n'est pas besoin d'enserrer dans des règles par trop contraignantes dans la mesure où les risques de voir ces articles être détournés de leur objet est limité par les règles du droit commercial qui sanctionnent l'abus de bien social et l'acte anormal de gestion.

Le dispositif du code des impôts est resté lettre morte. Au moment où il est question d'évaluation et où l'on dénonce régulièrement une surcharge législative, il convient de faire un choix : supprimer le dispositif ou l'adapter . Votre rapporteur vous propose une adaptation à la marge mais peut-être faudrait-il, après une large consultation des entreprises intéressées, de changer radicalement de mécanisme fiscal.

On note enfin que la mesure proposée est la seule incitation fiscale de la présente proposition de loi à ne pas comporter que des mesures entièrement contrôlables a priori par l'administration : si tel est bien le cas pour les achats d'art ancien qui supposent un classement et donc une mesure discrétionnaire préalable de l'administration, il n'en est pas de même des achats d'art contemporain, qui ne seront donc limités que par le plafonnement général des dépenses de mécénat de 3,25 pour mille du chiffre d'affaires . Il y a là une souplesse nécessaire à la relance du marché de l'art contemporain en France .

Décision de la commission : Votre commission vous demande d'adopter cet article.

ARTICLE 9

Gage

Commentaire : Cet article a pour objet prévoir la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts pour compenser les pertes de recettes consécutives à la présente proposition de loi.

On peut noter que pour faire suite aux nouvelles règles d'affectation du produit des droits sur les tabacs, il est prévu de couvrir les moins-values de recettes fiscales résultant du dispositif ci-dessus par la création d'une taxe additionnelle et non par une simple augmentation de ces droits.

Décision de la commission : Votre commission vous demande d'adopter cet article.

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