III. LE FONCTIONNEMENT DE LA COUR

A. LES ORGANES DE LA COUR

La Cour pénale internationale qui siégera à La Haye comprendra quatre organes distincts : la Présidence , les sections de jugement qui seront au nombre de trois : la Section des appels, la Section de première instance et la Section préliminaire : le Bureau du procureur , le Greffe . Elle sera composée de 18 juges, élus pour neuf ans par l'Assemblée des Etats parties et ayant la disponibilité requise pour exercer leurs fonctions à plein temps.

La Présidence

Elle est composée de trois magistrats : le Président, le premier et le Second vice-président. Tous trois sont élus pour trois ans et rééligibles une fois. La présidence ainsi composée est chargée des fonctions que lui confère le statut et de la bonne administration de la Cour, à l'exception du Bureau du procureur. Toutefois, pour toutes les questions d'intérêt commun, la Présidence est invitée à agir de concert avec le procureur et à rechercher son accord.

Les formations de jugement

Trois sections sont prévues :

La Section de première instance et la Section préliminaire sont chacune composées de six juges au moins ; la Section des Appels est composée du Président et de quatre autres juges.

Cette répartition administrative des juges par section sera opérée sur la base des compétences et de l'expérience de chacun des juges, chaque section devant comporter la " proportion voulue " de spécialistes du droit pénal et de la procédure pénale et de spécialistes du droit international. La Section préliminaire et la Section de première instance seront principalement composées de juges ayant l'expérience des procès pénaux.

Au sein de chaque section, des chambres permettront d'exercer les fonctions judiciaires de la Cour. Une chambre d'appel sera composée de tous les juges de la Section des appels (5 magistrats dont le Président) ; trois juges de la Section de première instance exerceront les fonctions de la chambre de première instance. Enfin, les fonctions de la chambre préliminaire seront exercées soit par trois juges, soit par un seul juge de la Section préliminaire, conformément au Règlement de procédure et de preuve. Si la charge de travail de la Cour pénale l'exige, plusieurs chambres de première instance ou chambres préliminaires pourraient être constituées. Enfin, si les juges affectés à la Section des appels y siègeront exclusivement et pendant toute la durée de leurs mandats, il en ira différemment des juges affectés à la Section préliminaire ou à celle de première instance : ils y siégeront au minimum pendant trois ans, sauf si le règlement d'une affaire dont ils ont eu à connaître nécessite le prolongement de leur affectation ; de même les juges de la Section de première instance pourront avoir une affectation provisoire à la Section préliminaire ou inversement.

Le Bureau du procureur

Présenté comme un organe distinct de la Cour et agissant indépendamment, le Bureau du procureur est chargé :

- de recevoir les communications et tout renseignement concernant les crimes relevant de la compétence de la Cour ;

- de les examiner ;

- de conduire les enquêtes ;

- de soutenir l'accusation devant la Cour.

Le Bureau est dirigé par le procureur, élu au scrutin secret par l'Assemblée des Etats parties à la majorité absolue de ses membres. Il comprend un ou plusieurs procureurs-adjoints élus comme le procureur sur une liste présentée par celui-ci.

Le Greffe

Le Greffe de la Cour dirigé par la greffier assisté d'un greffier-adjoint est responsable des aspects non judiciaires de l'administration et du service de la Cour. Le greffier est élu pour cinq ans par les juges à la majorité absolue et au scrutin secret. Il est rééligible une fois.

Il a notamment la charge de créer, au sein du greffe, une division d'aide aux victimes et aux témoins, destinée notamment à assurer leur protection et leur sécurité.

Le fonctionnement matériel de la Cour

Le financement de la Cour peut provenir de trois sources différentes :

- les contributions des Etats parties, calculées sur la base d'un barème de quotes-parts calqué sur celui de l'ONU ;

- de l'ONU elle-même -sous réserve d'approbation de l'Assemblée Générale des Nations Unies ;

- enfin, elle peut recevoir au titre de financements supplémentaires, " des contributions (...) " des particuliers, des entreprises et " d'autres entités ", selon les critères fixés par l'Assemblée des Etats parties.

Cette dernière modalité de financement est étonnante : qu'une instance internationale publique, au surplus à vocation judiciaire, puisse avoir besoin de recourir à des modes de financement privé n'est pas de nature -quelle que soit l'évidente compétence et intégrité de ses magistrats- à lui conférer l'image d'indépendance qui doit s'attacher à l'institution.

B. LES RÈGLES DE PROCÉDURE

Par-delà les dispositions très précises que contient la convention de Rome en ce qui concerne la procédure judiciaire -contrairement aux textes assez succincts des Tribunaux ad hoc en la matière- deux éléments principaux retiennent principalement l'attention : le rôle étendu confié à la chambre préliminaire et l'importance de la place faite aux victimes tout au long de la procédure judiciaire. Par ailleurs, des dispositions détaillées permettent de prendre en compte le principe du respect des droits de la défense.

. L'institution inédite de la chambre préliminaire

Sur les trois possibilités de saisine de la CPI -un Etat partie, le Conseil de sécurité, le procureur de la Cour lui-même-, cette dernière hypothèse a fait l'objet de longues négociations.

Initialement en effet, notre pays privilégiait les seuls deux premiers cas de saisine et ne s'est rallié à une auto-saisine de la Cour, par le truchement de son Procureur, qu'à la condition qu'elle soit collégiale : c'est le sens de l'institution d'une chambre préliminaire. En vertu de l'article 15 du statut, le Procureur ne pourra ainsi ouvrir une enquête sans l'accord préalable de la chambre préliminaire.

Le rôle de la chambre préliminaire ne se limite pas à cette phase liminaire de la procédure mais se poursuit dans la phase préalable au procès. C'est ainsi à la chambre préliminaire -sollicitée par le Procureur- qu'il revient notamment de délivrer un mandat d'arrêt ou une citation à comparaître contre une personne ; de même, les juges qui la composent tiennent-ils un rôle important dans le recueil des preuves et dans la conduite des investigations, équilibrant ainsi le rôle du Procureur. La chambre préliminaire décide, à la demande du Procureur, des mesures privatives ou limitatives de liberté ; après l'audience permettant d'examiner contradictoirement les charges réunies par le Procureur, c'est la chambre préliminaire qui décidera ou non du renvoi de la personne devant la formation de jugement, si les éléments à charge lui paraissent " sérieux ".

. Une place spécifique faite aux victimes

La France a activement plaidé, au cours des négociations, pour que les victimes se voient reconnaître un rôle particulier dans la procédure, tirant notamment en cela les leçons du fonctionnement des tribunaux spéciaux où les victimes n'ont pas de statut différent des autres témoins et sont souvent soumises à des interrogatoires et contre-interrogatoires parcellaires.

Cette spécificité reconnue aux victimes s'articule en trois points :

. elles bénéficient d'un droit de participation à la procédure : l'article 15 ouvre au procureur le droit de saisir la Cour au vu de renseignements reçus concernant des crimes relevant de sa compétence. L'article cite à cet égard explicitement, comme source de renseignements, non seulement les Etats ou l'ONU, mais également les Organisations non gouvernementales qui, par essence proches du terrain, peuvent aider les victimes à préparer une action judiciaire.

. L'article 68 du statut organise par ailleurs la protection et la participation des victimes et des témoins au procès afin d'assurer leur " sécurité, leur bien-être physique et psychologique, la dignité et le respect de leur vie privée " , pouvant aller, par dérogation à la règle de publicité des débats, jusqu'à décider du huis clos pour recueillir certaines dépositions. Une Division d'aide aux victimes et aux témoins , instituée par l'article 43, alinéa 6, conseille le procureur et la Cour sur les mesures de protection, les dispositions de sécurité et les activités de conseil et d'aide apportées aux victimes et aux témoins.

De même le procureur est invité, dans le cadre des enquêtes et des poursuites qu'il conduit, à prendre en compte les " intérêts et la situation personnelle des victimes et des témoins, y compris leur âge, leur sexe (...) et leur état de santé ". Il lui revient également de porter une attention spécifique à la nature du crime, en particulier quand il comporte " des violences sexuelles, des violences à caractère sexiste ou des violences contre des enfants ".

. Enfin, l'article 75 du statut établit un droit de réparation en faveur des victimes ou de leurs ayants droit prenant la forme d'une restitution, d'une indemnisation ou d'une réhabilitation, que la personne condamnée peut se voir contrainte d'acquitter.

Un fonds spécifique peut être créé par les Etats parties, alimenté par le produit des amendes ou des confiscations, pour concourir au versement de l'indemnité versée aux victimes au titre des réparations.

. Des procédures respectueuses des droits de la défense

La règle de la présence de l'accusé à son procès a été retenue, bien que la France ait plaidé pour le principe de la contumace afin que l'impossibilité de procéder à l'arrestation de l'accusé n'entraîne pas de facto son impunité. L'audience est publique, le huis clos pouvant cependant être décidé dans certaines circonstances. Le statut énumère par ailleurs, à son article 67, les droits dont bénéficiera l'accusé : être informé rapidement des charges qui sont portées contre lui, pouvoir disposer du temps nécessaire à la préparation de sa défense, être jugé " sans retard excessif ", bénéficier du défenseur de son choix ou, à défaut, d'un défenseur commis d'office par la Cour et sans frais, pouvoir interroger ou faire interroger témoins à charge et à décharge, ne pas être contraint de témoigner contre lui-même et garder le silence, sans que cette attitude pèse d'une quelconque façon sur la détermination de sa culpabilité ou de son innocence.

Les juges de la Chambre de première instance " s'efforcent de prendre leur décision à l'unanimité, faute de quoi, ils la prennent à la majorité " ; leurs délibérations sont et demeurent secrètes. La décision est présentée par écrit et construit l'exposé complet et motivé des constatations de la Chambre sur les preuves et les conclusions.

La Cour peut prononcer, contre une personne déclarée coupable d'un des crimes relevant de sa compétence, une peine de prison de 30 ans ou " si l'extrême gravité du crime et la situation personnelle du condamné le justifient ", une peine d'emprisonnement à perpétuité.

Le procureur et le condamné peuvent interjeter appel d'une décision sur la culpabilité, la peine prononcée ou d'autres décisions prises par des instances de la Cour (compétence, refus de mise en liberté, décision affectant le déroulement équitable du procès...). Sauf décision contraire de la Chambre de première instance, la personne reconnue coupable reste détenue pendant la procédure d'appel. De même, les décisions sur la culpabilité peuvent faire l'objet d'une requête en révision de la part du coupable ou de ses ayants droit.

Les peines d'emprisonnement sont accomplies dans un Etat désigné par la Cour parmi ceux qui lui ont soumis leur accord à recevoir des condamnés. Si aucun Etat ne se propose, le condamné purgerait sa peine aux Pays-Bas, Etat-hôte de la Cour. Celle-ci contrôle l'exécution de la peine d'emprisonnement. L'Etat chargé de l'exécution ne peut libérer le détenu avant la fin de sa peine. Toute réduction de peine ne peut être décidée que par la Cour.

Ce n'est que lorsque la personne détenue a purgé les deux tiers de sa peine ou, dans le cas d'une condamnation à perpétuité, a accompli 25 ans d'emprisonnement que la Cour peut réexaminer la peine pour déterminer s'il y a lieu de la réduire. A cette fin elle prend notamment en compte le comportement coopératif du condamné avec la Cour dans ses activités d'enquête, de poursuite ou d'indemnisation des victimes.

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