II. LE CADRE LÉGISLATIF ACTUEL ET LES POLITIQUES PUBLIQUES EN FAVEUR DE LA CONTRACEPTION

Le cadre législatif qui régit en France le recours à la contraception a connu, depuis la loi novatrice défendue en 1967 par Lucien Neuwirth, plusieurs modifications pour en assouplir les dispositions et l'adapter aux évolutions de notre société. Mais si ce cadre a indiscutablement favorisé le développement de la contraception dans notre pays et, par corollaire, la maîtrise par les femmes de leur liberté d'avoir ou non des enfants, divers indicateurs montrent que la situation actuelle est encore loin d'être pleinement satisfaisante. Des progrès restent à accomplir qui, au demeurant, ne pourront résulter uniquement de nouvelles réformes, mais aussi d'une plus grande détermination dans la volonté de mieux informer les hommes et les femmes, et notamment les adolescents, sur la sexualité et sur la contraception.

A. LA LOI NEUWIRTH ET SES MODIFICATIONS

La loi n° 67-1176 du 28 décembre 1967 relative à la régulation des naissances et abrogeant les articles L. 648 et L. 649 du code de la santé publique, adoptée après des débats passionnés grâce à la ténacité de notre excellent collègue Lucien Neuwirth, alors député, qui en fut à la fois l'instigateur et le rapporteur, constitue l'acte fondateur de la libéralisation de la contraception en France. Jusqu'à son intervention, une loi de 1920 interdisait tout recours à la contraception, comme d'ailleurs à l'avortement, et punissait sévèrement la production, l'importation ou la vente de contraceptifs, ainsi que leur utilisation, qui était au demeurant criminalisée.

La loi de 1967 a ouvert aux femmes de France la possibilité de maîtriser leur fécondité en posant comme principe le droit à la contraception et à l'information, tout en l'encadrant de manière très rigoureuse. Si la fabrication et l'importation des produits, médicaments et objets contraceptifs ont été autorisées, leur vente ne pouvait s'effectuer qu'en pharmacie, sur ordonnance médicale ou certificat médical de non contre-indication nominatif, et elle était limitée quantitativement et dans le temps. Ainsi, aucune délivrance de contraceptif n'était possible dans les établissements d'information, de consultation ou de conseil familial et dans les centres de planification ou d'éducation familiale agréés.

En outre, la vente ou la fourniture de contraceptifs aux mineurs ne pouvait intervenir qu'après consentement écrit de l'un des parents ou du représentant légal. Enfin, toute propagande et toute publicité commerciale directe ou indirecte concernant les médicaments, produits ou objets de nature à prévenir la grossesse ou les méthodes contraceptives étaient interdites, sauf dans les publications destinées aux médecins ou aux pharmaciens. Ainsi, l'information ne pouvait être délivrée aux femmes que par des médecins ou les établissements d'information, de consultation ou de conseil familial et les centres de planification ou d'éducation familiale agréés. Le fonctionnement de ces établissements et de ces centres n'a été précisé par décret qu'en mars 1972 (les dispositions législatives relatives à la fabrication, à l'importation, à la prescription médicale et à la vente en pharmacie n'ayant elles-mêmes été rendues applicables que plus d'un an après la promulgation de la loi, par un décret du 3 février 1969).

Ce cadre législatif a été assoupli une première fois par la loi n° 74-1026 du 4 décembre 1974, puis par plusieurs textes datant notamment de mai 1982, de décembre 1989 et de janvier et décembre 1991, afin, tout à la fois, de prendre en compte les évolutions de la société française et de répondre aux nécessités de la lutte contre le Sida (et, incidemment, des autres maladies sexuellement transmissibles).

C'est ainsi que la délivrance sur prescription médicale a été limitée aux seuls contraceptifs hormonaux et intra-utérins (article 3 de la loi Neuwirth), que l'interdiction générale de la vente de contraceptifs aux mineurs sans accord parental a été supprimée (article 3), que les centres de planification ou d'éducation familiale ont pu délivrer, à titre gratuit, des médicaments, produits ou objets contraceptifs, sur prescription médicale, aux mineurs désirant garder le secret (article 4), et que la publicité relative aux préservatifs et aux autres contraceptifs a été autorisée, dans le respect des dispositions générales fixées par le code de la santé publique (article 5).

Au total,, toute femme majeure paraît aujourd'hui en mesure d'être informée et de bénéficier d'un traitement ou d'un dispositif contraceptif, lequel est remboursé par la sécurité sociale lorsqu'il est délivré sur ordonnance (les personnes ne bénéficiant pas de prestations maladie assurées par un régime légal ou réglementaire pouvant être prises en charge par un centre de planification ou d'éducation familiale). S'agissant des mineures, il est toutefois exact que la rédaction actuelle de l'article 3 de la loi Neuwirth, codifié cette année sous l'article L. 5134-1 du nouveau code de la santé publique, n'exonère pas les médecins de recueillir le consentement des parents pour leur délivrer des contraceptifs hormonaux ou intra-utérins, quand bien même il n'en ont pas l'obligation expresse. En effet, l'article 371-2 du code civil donnant aux père et mère l'autorité pour protéger l'enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité, toute prescription médicale à un mineur devrait nécessairement être précédée de l'accord de l'un d'entre eux.

On ne peut nier que, globalement, notre législation a connu en près de vingt-cinq ans, par touches successives, des évolutions propres à faciliter le recours à la contraception. Pourtant, de récents indicateurs montrent que la situation est encore loin d'être satisfaisante.

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