C. LES PATRIMOINES : C'EST BIEN UNE FUITE !

Tout au long de l'année 2000, la presse française s'était fait l'écho de la fuite de certains patrimoines français allant jusqu'à citer les noms des personnes ou des familles ayant quitté la France pour échapper à un niveau d'imposition jugé insupportable.

En juin 2000, la Direction générale des impôts adressait au Parlement, une étude statistique d'où il ressortait que le phénomène était d'ampleur tout à fait limitée. Cette analyse, qui a été confirmée à la mission par Mme Florence Parly, secrétaire d'État au budget, lorsqu'elle lui a présenté les données pour 1999, figure en annexe IV.

La mission a donc auditionné plusieurs représentants de grands cabinets de conseil et d'études notariales chargés de la gestion de patrimoines pour apprécier la réalité d'un phénomène, dont elle savait, d'avance, qu'il ne serait pas facile à mesurer.

S'agit-il de fuites ou de simples mouvements de capitaux ? Peut-on parler d'hémorragie, qui finirait par vider notre pays de sa substance ou doit-on y voir, seulement, la substitution au sein du capital de l'entreprise, d'un propriétaire à un autre, sans incidence réelle sur le revenu des Français ?

A ces questions, la mission apporte une réponse simple :

- les chiffres de la DGI sont partiels et ne recouvrent qu'une partie, sans doute faible, du phénomène. ;

- Les témoignages recueillis évoquent l'exode massif des patrimoines dans certains milieux, même s'il semble, effectivement, que l'on assiste à un certain tassement du phénomène.

1. L'étude de la Direction générale des impôts : la partie émergée de l'iceberg

Afin de disposer de chiffres plus précis permettant de quantifier les expatriations, en avril 2000, la Direction générale des impôts (DGI) a réalisé une étude sur les délocalisations de personnes physiques, contribuables de l'impôt sur le revenu et redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune en 1997 et 1998.

D'après ces études statistiques rigoureuses, le phénomène de l'expatriation des patrimoines privés aurait un caractère tout à fait limité.

La mission estime que les chiffres de l'étude de la DGI, intéressants en eux-mêmes, ne permettent en aucune façon de conclure au caractère marginal de l'expatriation des patrimoines, eu égard à la difficulté de mesure du phénomène.

a) Les évolutions récentes

En dépit de ses limites, l'analyse de la DGI apporte néanmoins certains enseignements sur la typologie des expatriés et surtout les destinations choisies.

(1) La typologie des expatriés

Les chiffres fournis montrent assez nettement que, tandis que les données relatives à l'impôt sur le revenu mettent surtout en avant un phénomène normal d'internationalisation croissante de l'activité des Français, celles portant sur les contribuables payant l'ISF témoignent d'une tendance à l'expatriation des patrimoines, déjà sensible, même si les données fournies ne peuvent prétendre capter l'ensemble des mouvements.

Les contribuables à l'impôt sur le revenu partis à l'étranger

En 1997 et en 1998, respectivement 25.000 et 24.000 contribuables ont été recensés comme ayant transféré leur domicile fiscal à l'étranger , soit un taux de départ d'environ 0,08 %. La perte fiscale en résultant est évaluée à un peu moins de 550 millions de francs pour chacune des deux années.

Si le mouvement de délocalisation des revenus touche tous les niveaux de revenu, le revenu moyen des « délocalisés » (un peu plus de 186.000 francs) est supérieur de près de 40 % à celui de l'ensemble des contribuables de l'impôt sur le revenu (un peu moins de 132.000 francs).

Par ailleurs, l'étude révèle que la structure des revenus des contribuables délocalisés, se caractérise par une part des revenus du patrimoine (14 %) plus élevée que dans les revenus de l'ensemble des contribuables à l'impôt sur le revenu (7 %).

Enfin, les contribuables délocalisés sont, en moyenne, plus jeunes que l'ensemble des contribuables à l'impôt sur le revenu.

En outre, en 1997 comme en 1998, 325 contribuables ayant déclaré des revenus supérieurs à 1 million de francs, sont partis à l'étranger, soit 0,3 % de l'ensemble des contribuables déclarant des revenus de ce niveau . Ce taux d'expatriation est quatre fois plus élevé que pour la moyenne des contribuables (0,08 %).

Pour cette étude, ces données ne permettent pas de conclure que le poids de l'imposition des revenus serait à lui seul à l'origine du départ à l'étranger de ces contribuables. En revanche, en mettant en perspective ces données avec les informations relatives à l'ISF, une distinction nette apparaît dans les niveaux et dans la structure des revenus, entre les titulaires d'un patrimoine important et les autres contribuables.

Parmi les 235 contribuables « délocalisés » ayant déclaré les revenus les plus hauts (supérieurs à 1,235 million de francs), 77 (soit un tiers) sont simultanément redevables de l'ISF. Le niveau et la structure de leurs revenus sont très différents selon qu'ils appartiennent, ou non, à un foyer redevable de l'ISF.

Ainsi, le revenu brut moyen des redevables de l'ISF, est trois fois supérieur à celui des non redevables de l'ISF. Il est constitué à plus de 40 % de plus-values non professionnelles.

Il apparaît vraisemblable que ces contribuables aient pu être tentés de se délocaliser afin d'échapper à la taxation des plus-values (en France, elles sont taxées à 26 %, alors qu'elles sont exonérées ou peu taxées à l'étranger) et à l'ISF.

En outre, la DGI reconnaît que dans les mouvements constatés, « il est probable que certains contribuables choisissent de quitter la France pour lever, à l'étranger, les stocks-options qui leur ont été distribuées alors qu'ils étaient résidents français ».

les contribuables à l'impôt de solidarité sur la fortune

En 1997 comme en 1998, 350 redevables taxés à l'ISF ont quitté le territoire . La perte de capital pour la France est estimée à 13 milliards de francs et la perte d'impôt qui en résulte à 140 millions de francs .

Le montant moyen de l'actif brut des redevables, délocalisés en 1997 (49 millions de francs), est quatre fois plus élevé que celui de l'ensemble des assujettis (12 millions de francs). Cet écart est en réalité encore plus significatif si l'on considère que, parmi les personnes délocalisées, les redevables disposant d'un montant d'actif supérieur à 60 millions de francs, possèdent près des trois quarts de la totalité du patrimoine.

D'après cette étude, 80 % de la perte d'impôt résulte du départ d'une population disposant d'un actif brut moyen de 170 millions de francs, qui payaient une cotisation d'ISF d'1,6 million de francs.

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