B. UN DÉCALAGE DE MENTALITÉ AVEC LE RESTE DU MONDE RENDU PLUS AIGU PAR LA MONDIALISATION

Ainsi la France est-elle porteuse d'une forme d'art de vivre reconnue et même saluée par un certain nombre d'observateurs étrangers. Théodore Zeldin, déjà cité, déclare : « la France a encore une carte à jouer auprès des étrangers. 26 ( * ) Il y règne un art de vivre différent de celui que véhicule le modèle anglo-saxon axé sur la recherche de la rentabilité... Dans un monde où il n'y a plus un modèle unique d'art de vivre, la France peut avoir un rôle pionnier... La France propose au monde une sorte d'écologie du bien-vivre. »

L'idée que la France ait un message universel à délivrer, du fait de son histoire et de sa culture, ne devrait cependant pas inciter nos compatriotes à cultiver une exception française qui les mettrait en décalage avec leur environnement économique mondial.

Pour conserver sa spécificité culturelle, la France a besoin de s'appuyer sur une économie forte. Celle-ci ne peut se bâtir sur des principes et, plus encore sur un environnement économique, qu'il soit fiscal, social, juridique, reposant sur des fondements par trop différents de ceux de ses principaux concurrents.

Or, nombreuses ont été les personnalités entendues par la mission qui, précisément, ont souligné qu'après avoir fait, notamment au début des années 1990, un effort d'adaptation remarquable, la France suivait à nouveau un chemin solitaire comme si elle s'évertuait à dévaloriser ses atouts par une accumulation de handicaps nouveaux, grands ou petits.

Ces mesures à contresens traduisent la résurgence de vieux réflexes teintés de malthusianisme ou frilosité, qui font aussi partie de notre héritage, dont on peut craindre qu'ils nous fassent « rater le coche » de la révolution culturelle amorcée par la mondialisation.

La France souffre en particulier d'une législation trop complexe, liée à la prolifération des textes, mais aussi à leur instabilité. Il en résulte une certaine insécurité juridique qui pénalise l'activité des entreprises. En outre, la mission a constaté que l'administration française, surtout les services fiscaux, était mal perçue par les contribuables qui la jugent peu ouverte au dialogue, tatillonne, voire soupçonneuse.

Le cas emblématique de cette propension bien française à réglementer étroitement ce qui ne l'est pas ou peu ailleurs nous a été fourni par l'exemple de la réduction de la durée du travail, qui a été cité par maints interlocuteurs comme étant difficilement compréhensible par des étrangers.

La France n'apparaît pas comme un site propice à l'éclosion des initiatives. Sans doute cette réputation, solidement ancrée dans la tête un certain nombre d'étrangers, et même de Français, comme le forum l'a montré, est-elle excessive ; mais il faut bien admettre que, dans certains secteurs ou dans certains domaines comme la recherche et l'innovation, on ne sait pas reconnaître l'excellence.

1. La complexité et l'instabilité des règles

La France n'a pas le monopole de la complexité. Nombre d'interlocuteurs ont signalé que les États-Unis pour ne prendre que cet exemple, n'avaient rien à envier à notre pays en la matière. En revanche, plus rares sont les pays, où, comme en France, la complexité se double d'une très grande variabilité.

a) Une prolifération non maîtrisée

En trente ans, le nombre moyen annuel des lois a augmenté de 35 % et celui des décrets de 20 %. Le Conseil d'État a dénoncé cette prolifération dans ses rapports annuels depuis une dizaine d'années. Il l'a fait de façon particulièrement systématique et vigoureuse dans celui de 1991, à propos des normes nationales. La situation a depuis empiré. Ainsi, entre 1990 et 2000, 371 lois ont été adoptées, 614 décrets publiés et sans compter les arrêtés édictés.

La prolifération des normes touche particulièrement le domaine de la fiscalité. Ainsi, sur la même période, 881 articles ont été créés dans le code général des impôts et dans le livre des procédures fiscales, 3.177 articles ont été modifiés tandis que 520 ont été abrogés.

Pour l'édition 2000, la mise à jour du code général des impôts et du livre des procédures fiscales a affecté 981 articles sur 5.000  dont 112 ont été créés, 142 abrogés, 124 sont devenus sans objet et 19 sont devenus périmés.

Le graphique suivant illustre la complexité croissante de la législation fiscale.

De nombreuses personnes interrogées par la mission ont critiqué ce phénomène.

Ainsi, M. Michael Jaffe, avocat fiscaliste associé du cabinet Landwell a déclaré : « la complexité du système fait que l'image produite est pire que la réalité ! ».

De même, M. Alain Py, directeur des ressources humaines de la Société générale, a illustré ses propos sur la complexité des règles en France en prenant l'exemple des feuilles de paye . Il a rappelé qu'il existait 150 lignes sur les feuilles de paye visibles pour le salarié et que 1.700 lignes étaient comptabilisés dans les logiciels permettant de remplir ces dernières. Il a estimé que le nombre des rubriques à remplir en France était dix fois plus élevé que celui en Grande-Bretagne. Enfin, il a fait remarquer qu'il existe 55 assiettes différentes pour le calcul des charges patronales et 15 pour le calcul des charges salariales .

Par ailleurs, de très nombreuses personnes rencontrées par la mission ont souligné le poids des formalités administratives en France, ainsi que la complexité du droit du travail.

* 26 Le Figaro cf Supra

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