b) Une certaine insécurité juridique

Mais le sentiment d'insécurité juridique qu'éprouvent aujourd'hui certains chefs d'entreprise ne naît pas seulement de l'accumulation des textes, il résulte, aussi, de la fréquence des changements et d'une excessive judiciarisation de la vie des affaires , soulignée notamment par M. Jacques Creyssel, directeur délégué au Mouvement des entreprises de France (Medef).

Par exemple, la loi de finances pour 1999 ne contenait pas moins de six modifications des dispositions applicables à l'impôt de solidarité sur la fortune. Elle modifiait également, et ce pour la cinquième fois depuis 1996, le régime de l'assurance-vie.

En matière d'impôt sur les sociétés et de calcul de son assiette, les hésitations, repentirs, variantes et retouches ne sont pas moins fréquents : 10 modifications depuis 1995 !

De même, le régime des options d'achat ou de souscription d'actions (« stock-options ») a fait l'objet de plusieurs modifications, au point que dans son rapport, M. Frédéric Lavenir estime qu'il vaut encore mieux laisser le régime en l'état avec ses incohérences que d'y toucher une nouvelle fois, au risque de brouiller une fois de plus les cartes.

La modification incessante des règles est encore plus grave, lorsqu'elle est rétroactive. En effet, la norme juridique doit être prévisible. Cela signifie que les contribuables connaissent le montant des impositions mises à leur charge, de telle manière que chacun d'entre eux puisse prendre des engagements en toute clarté. Lorsque la norme est rétroactive, le citoyen n'est plus en mesure d'appréhender la teneur des règles qui vont déterminer l'étendue de ses obligations. Elle devient arbitraire, ce qui a deux effets pervers. Non seulement elle altère l'esprit d'initiative des contribuables, mais elle remet aussi en cause le consentement à l'impôt et favorise la fraude fiscale.

M. Jean-Pierre Philibert, directeur des relations avec les pouvoirs publics au Medef, a attiré l'attention de la mission lors de son audition, sur le fait que, le critère de compétitivité juridique était pris en compte chez des candidats à l'investissement en France, qui évaluaient notre droit des affaires sous l'angle de la liberté contractuelle et sous celui de la sécurité juridique . Il a jugé obsolètes nos outils juridiques en matière économique, rappelant que la loi de 1966 sur les sociétés, qui régissait encore la matière, comportait un nombre très important de délits qu'il a qualifiés de « délit-obstacle », le droit de la concurrence souffrant, d'ailleurs, du même mal, malgré les améliorations résultant de l'adoption de la loi Galland.

Il a également affirmé que le droit social était lui aussi trop réglementé et trop pénalisé à la fois, l'ordre public social étant devenu extensif, citant, à titre d'exemple, des délits tels que la non convocation, dans les délais réglementaires, du comité d'entreprise et déplorant l'excessive judiciarisation des conflits sociaux.

D'une façon générale, on retrouve, chez un certain nombre d'interlocuteurs, le regret que la France fasse beaucoup plus de place au règlement qu'au contrat, au détriment du dialogue social .

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