IV. UN SEUL CHOIX POUR L'ENTREPRISE « FRANCE » : UNE STRATÉGIE OFFENSIVE

Au-delà de cette espèce de mal français qui empêche notre pays de tirer le meilleur parti des opportunités offertes par la mondialisation, il y a un contraste entre les réactions du secteur privé et celles du secteur public face au changement.

Lors de son audition par la mission, M. Roger Fauroux, ancien ministre, coauteur avec M. Bernard Spitz d'un ouvrage collectif intitulé « Notre État », a estimé que les entreprises françaises s'étaient adaptées de façon exemplaire au jeu de la mondialisation, le plus souvent aussi bien, voire mieux, que les entreprises des pays voisins, même dans les domaines marqués par une culture publique, comme le montre l'exemple de France Telecom. En revanche, il a souligné l'importance du handicap résultant d'insuffisances dans la gestion de notre appareil public.

Parmi les actions prioritaires qu'il convient de mener, selon la mission, pour permettre à la France de faire face au défi de la mondialisation, la réforme de l'État constitue à la fois la condition et le dénominateur commun de la plupart des propositions avancées par la mission :

• Elle est la condition de nombre des mesures proposées et, notamment, du volet fiscal, dont le financement ne saurait être dégagé sans de substantielles économies budgétaires, dont la source réside, précisément, dans une action de l'administration plus efficace et plus économe de moyens ;

• Elle est le dénominateur commun de l'ensemble de la stratégie offensive que la mission propose de mettre en oeuvre, qui implique un changement d'attitude de ceux qui nous administrent, pour les amener à se comporter comme les représentants d'entreprises attentives à leur marché et, plus encore, soucieuses de leurs « clients », qu'ils soient Français ou étrangers.

Qu'il s'agisse d'assurer la compétitivité de notre cadre fiscal et social, d'acclimater une culture du risque et de l'excellence, ou, plus fondamentalement, de définir une politique de la mobilité internationale et de l'expatriation, la mission estime que la bataille ne sera gagnée que si les Français parviennent à faire preuve d'esprit d'équipe et à se mettre résolument au service de l'entreprise « France ».

A. ASSURER LA COMPÉTITIVITÉ DE NOTRE CADRE FISCAL ET SOCIAL

Jusqu'à présent, la France a eu, comme on l'a vu, tendance à multiplier les mesures fiscales et sociales allant à contre-courant de ce que faisaient ses principaux partenaires.

La mission a considéré que, si l'on voulait mettre l'entreprise « France » en ordre de bataille, il convenait, au contraire, de nous rapprocher des pratiques des autres pays, notamment de ceux appartenant à l'Union européenne.

De ce point de vue, notre premier objectif doit être de parvenir à une meilleure harmonisation européenne.

Mais, eu égard à la lenteur du processus et à certains signes préoccupants d'une intensification de la concurrence fiscale, il paraît souhaitable de ne pas hésiter à adopter des dispositifs qui nous mettent en situation d'être compétitifs, tant pour les compétences que pour les capitaux et pour les entreprises.

La mission ne pouvait envisager de présenter, dans le cadre de ce rapport, un vaste plan de remise à plat de son système fiscal et social. Compte tenu des enjeux financiers, économiques et politiques, de la technicité aussi d'un certain nombre de dispositifs, cela n'était pas à la portée d'une structure aux ambitions nécessairement plus restreintes.

Elle a souhaité désigner des pistes d'évolution en distinguant des orientations à long terme destinées à rapprocher nos règles de celles de nos concurrents, et indiquer des mesures plus ponctuelles, a priori d'un coût limité, qui, sans changer fondamentalement la structure de nos prélèvements, constitueraient autant de « signaux » d'un changement d'attitude.

Pour concrétiser ces grandes orientations et trouver les bons signaux à adresser aux agents économiques tentés par l'expatriation, elle s'est efforcée de sélectionner, en fonction de sa propre sensibilité et de ses priorités, certaines propositions contenues dans les rapports du Sénat et, en particulier, de sa commission de finances et de M. Jean François-Poncet, ainsi que dans les rapports récents directement reliés à la question de l'expatriation des compétences des capitaux et des entreprises, en l'occurrence, le rapport de M. Frédéric Lavenir « L'entreprise et l'hexagone » et celui de Paris Europlace.

Mais, bien qu'elle n'ait en aucune façon l'ambition de présenter un plan d'ensemble, la mission souhaite attirer l'attention sur l'urgence d'une réforme fiscale répondant au défi de la mondialisation et sur la nécessité de bien la présenter à l'opinion et au monde des entreprises . Bref, il s'agit d'être attentif à bien « vendre » son plan, comme l'a fait le chancelier Schröder, qui est parvenu, grâce au relais des médias, à lui donner une dimension tout à fait spectaculaire.

Elle considère, également, que pour conforter la crédibilité d'une telle réforme fiscale, il faut, aussi, bien montrer que le souci de la compétitivité et de l'attractivité du territoire est placé au coeur des préoccupations gouvernementales.

Tel est l'objet de la première proposition, préalable aux adaptations à court ou moyen termes de la fiscalité des personnes et des entreprises, que préconise la mission.

1. Introduire des pratiques de « benchmarking » au coeur du processus législatif et réglementaire

Si l'on veut rendre crédibles des mesures destinées à jouer un rôle de signal d'un vrai changement de mentalité collective, il convient d'acclimater en France des pratiques de « benchmarking », consistant à situer, à la manière d'un produit, le site France par rapport à la concurrence.

A cet égard, le préalable à toute mesure fiscale consiste à organiser systématiquement une meilleure prise en compte des contraintes consécutives à la mondialisation, au coeur de l'action gouvernementale, de façon à bien montrer que l'on est désormais vigilant et que l'on s'engage à porter une attention constante aux conséquences de la mondialisation sur le fonctionnement du pays.

Il s'agirait, d'une part, de prévoir qu'à l'occasion de la présentation du budget , le rapport économique et financier comporte nécessairement une sorte d' état des lieux de notre compétitivité .

Cette analyse objective pourrait être effectuée, soit par les services de la Banque de France dont l'indépendance est garantie, soit par des organismes privés qui viendraient, un peu comme c'est le cas en matière de taux de croissance, faire contre-point aux analyses gouvernementales.

D'autre part, on pourrait demander que les mesures fiscales et sociales importantes fassent l'objet d'une étude d'impact du point de vue de notre compétitivité internationale . Il s'agit de mettre en place une procédure assurant que le Parlement, et plus généralement l'opinion, soient informés des conséquences des décisions qui sont sur le point d'être prises.

Bref, il s'agit de mettre en place des procédures qui assurent la prise en compte des contraintes internationales dans le fonctionnement de l'État et des pouvoirs publics.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page