VIII. DES OBJECTIFS DE SERVICE TROP GENERAUX ET DES INDICATEURS DE QUALITÉ DE SERVICE PEU QUANTIFIÉS

Ce document de planification se projette à l'horizon 2020 pour dresser les grands contours d'un système de transport qui vise à être performant tout en satisfaisant au mieux aux exigences environnementales nouvelles.

Dans ce cadre, définir les critères de qualité de service est indispensable tant pour apprécier la situation actuelle et les évolutions passées (identification des dysfonctionnements et estimation de leur ampleur) que pour se fixer des objectifs à vingt ans.

Or, ces critères sont évoqués très partiellement et souvent en termes vagues.

Le chapitre 322 (Modalités de suivi de l'efficacité des actions réalisées) résume les principaux critères « qui doivent permettre d'observer la qualité des services de transport et suivre les résultats des actions mises en oeuvre » :

• « la commodité et la fiabilité des transports : fréquences, confort, régularité et autres critères de qualité de service ;

• le coût des services, pour l'usager (tarification) et pour la collectivité (investissement et fonctionnement) ;

• le rééquilibrage intermodal, au profit des modes de transport ferroviaires, maritimes et fluviaux alternatifs à la route ou à l'avion ;

• la fluidité des infrastructures, pour adapter leur qualité de service à la croissance et à la diversité des demandes ;

• la qualité environnementale, pour diminuer les effets négatifs globaux et locaux des transports sur l'environnement, la sécurité et la santé ;

• l'accessibilité du territoire, au profit d'une organisation équilibrée s'appuyant sur des grands ensembles régionaux. »

Dans la suite de ce chapitre, les formulations qui suivent pour chacun des cinq grands enjeux stratégiques restent tout aussi générales.

Ce même texte du chapitre 322 reconnaît explicitement cette lacune à deux reprises :

• « .... les méthodes et les systèmes d'observation seront précisés et mis en oeuvre postérieurement à l'approbation de ces schémas »

• « Ces critères seront déclinés selon les orientations et axes stratégiques présentés en deuxième partie. Leur expression sous forme d'indicateurs susceptibles de mesure et de suivi régulier nécessite un long travail de méthode et d'organisation dont la mise en oeuvre opérationnelle sera progressive ».

Il en résulte nécessairement une image bien floue de ce que sont les réels objectifs de l'Etat à l'horizon 2020 , et a fortiori de ce que pourraient être les performances attendues à cette échéance :

• Est-ce que les volumes d'encombrements routiers actuels, présentés dans la carte 7.3 doivent être stabilisés, réduits ou n'augmenter que dans une certaine proportion ?

• Quelles sont les progressions des vitesses commerciales de train de fret que l'on souhaite atteindre en 2020 ? Les temps de parcours « voyageurs » actuels et futurs au départ de Paris (carte 32) sont indiqués avec une grande précision. Dans la mesure où le développement du fret ferroviaire s'avère un axe central de la politique gouvernementale, il aurait été utile qu'une carte nous présente aussi pour les grands flux internationaux de fret (ceux sur lesquels l'Etat compte s'appuyer au premier chef pour doubler d'ici 2010 et tripler d'ici 2020 les trafics ferroviaires totaux) la progression des vitesses commerciales, au moins sur le territoire français.

• Dans quelles proportions les niveaux de services en transport collectif (vitesse, fréquence) des accès terrestres aux principaux aéroports français seront améliorés d'ici 2020 ?

• Quels niveaux de desserte vise-t-on en 2020, par le fer et par la voie d'eau, pour les pré et post-acheminements des grands ports français ?

• Pour les transports aériens, rien n'est indiqué en ce qui concerne les statistiques de ponctualité des avions. On sait pourtant qu'une des causes majeures de retard provient du contrôle aérien et que les passagers exaspérés par la détérioration de qualité qui en résulte. Il est indiqué que la technologie permettra une augmentation continue de la qualité. Mais on sait que d'autres moyens sont envisagés chez nos voisins (Grande Bretagne) en touchant aux structures et à l'organisation.

L'énumération des questions en suspens pourrait être longue.

Une bonne méthodologie de schéma directeur doit bien évidemment associer des expressions quantitatives de critères techniques à des objectifs qualitatifs d'essence plus politique . En d'autres termes, conjuguer la prévision du technicien et la vision du politique.

Cette vision du politique, qui ne peut résulter que d'une large concertation partenariale entre l'Etat et les Collectivités Territoriales d'une part et les opérateurs d'autre part, apparaît ici et là sans pour autant s'affirmer avec la vigueur nécessaire. Ainsi l'amélioration de la desserte des territoires enclavés (« 20 % du territoire et 8 % de la population », tels que l'indique le document SMSCT) est arrêtée à partir des trois objectifs suivants :

• « Prévoir les infrastructures ou services complémentaires qui apparaissent économiquement justifiés à terme pour améliorer leurs chances de développement local ;

• Favoriser les aménagements qualitatifs nécessaires pour accéder à ces territoires dans des conditions de viabilité et de sécurité convenables, lorsque leur environnement ou la faiblesse des trafics s'opposent à la réalisation d'investissements lourds ;

• Assurer la complémentarité entre les transports collectifs routiers, ferroviaires et aériens pour la desserte de certains territoires peu peuplés. »

Quelles seront en conséquence les qualités de desserte de ces territoires en 2020 ? Où se situeront les améliorations majeures ? Que peuvent espérer des bassins d'activités dont la mise à l'écart des réseaux de transport à haut niveau de service réfrène dès à présent les possibilités de développement ?

La plupart des formulations du chapitre 23 (les objectifs et actions pour la desserte des territoires), qui a vocation à préciser le contenu physique des aménagements projetés, restent délibérément vagues. Parmi bien d'autres, citons le cas de la liaison Toulouse-Lyon (RN88) qui doit largement contribuer au désenclavement de six départements (Tarn, Aveyron, Lozère, Haute-Loire, Ardèche et Loire) et dont il est dit que l'aménagement en route express à 2 fois 2 voies sera réalisé « progressivement en fonction des besoins du trafic ».

En opposition à cette démarche hésitante, rappelons le projet politique fédéral américain, lancé juste après la seconde guerre mondiale, qui visait à construire un réseau autoroutier national conçu de sorte que soient desservies par ce réseau toutes les agglomérations de plus de 50 000 habitants. C'est ainsi qu'a été réalisée en 35 ans, grâce à une vision politique forte d'aménagement du territoire, le réseau de base d'un pays immense (70 000 km d'autoroutes ont été construites) qui a reçu ainsi des infrastructures essentielles sur lesquelles ont pu s'appuyer les Collectivités Territoriales et les acteurs locaux pour favoriser le développement économique et social de leur territoire.

Il est regrettable que l'aspect novateur de ces schémas de service, dans la mesure où il donne des objectifs généraux par grands services à satisfaire et déterminent les enjeux nationaux, se réduit pour finir à une liste très générale de critères de qualité de service, alors que les chiffrages des niveaux de service attendus sont fondamentaux tant pour débattre de l'intérêt des orientations proposées que pour donner une vision claire des réels objectifs que l'Etat se fixe à l'horizon 2020.

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