2. La réversibilité du secret de la naissance

Le projet s'attache ensuite à favoriser la connaissance des origines des enfants adoptés et pupilles de l'Etat en organisant plus précisément qu'aujourd'hui la réversibilité du secret de la naissance . La procédure se fonde toutefois sur la nécessité d'un accord exprès du parent concerné (mère ou père) et de l'enfant, pour que le secret soit levé .

A cet égard, il n'envisage pas de levée automatique du secret de l'identité des parents biologiques à la majorité de l'enfant qui la demande . Il ne prévoit pas davantage de prévenir automatiquement l'enfant devenu majeur n'ayant formulé aucune demande de recherche de ses origines, que sa mère ou son père de naissance ont expressément autorisé la levée du secret de leur identité . L'une comme l'autre des ces deux hypothèses ont été écartées tant par le Gouvernement que par l'Assemblée nationale.

La levée automatique du secret est une revendication d'un certain nombre d'associations, de personnalités, voire d'institutions, telle la Défenseure des enfants. Comme les députés, votre Délégation n'est pas insensible aux objections qu'elle soulève. Au plan des principes, l'automaticité de la levée du secret serait ainsi attentatoire à la liberté des femmes de préserver l'intimité de leur vie privée. Elle mésestimerait par ailleurs les graves difficultés psychologiques et matérielles rencontrées par quelques femmes qui, bien que peu nombreuses, méritent particulièrement l'attention et la protection des pouvoirs publics et de la loi. Enfin, elle serait susceptible de conduire certaines de ces femmes à refuser de remettre leur identité sous le sceau du secret ou à la falsifier délibérément, voire à accoucher clandestinement, avec tous les risques sanitaires que cela comporte pour elles-mêmes et pour leur enfant, puis à abandonner celui-ci dans des conditions extrêmes de précarité ou, pire encore, de se livrer à l'infanticide. Ces craintes seraient d'ailleurs corroborées par la situation observée dans certains pays voisins, tels l'Allemagne, l'Italie ou la Belgique, dans lesquels les abandons d'enfants seraient en recrudescence ou dont quelques citoyennes viendraient spécialement en France ou au Luxembourg, seuls pays de l'Union européenne qui organisent l'accouchement sous X, pour y accoucher anonymement. A cet égard, diverses informations font état de réflexions menées dans ces pays pour mettre en place une législation sur l'accouchement secret proche de la nôtre, par exemple en Belgique, à l'instigation de son Comité consultatif de bioéthique ( ( * )1).

Pourtant, si l'on entre dans le jeu des comparaisons internationales, force est de constater que, globalement, la situation de notre pays en matière d'infanticides (encore estimés à une dizaine par an) et d'abandon précaire et anonyme de nouveaux-nés ne semble pas significativement différente de celle de ses voisins qui ne connaissent pas l'accouchement sous X, alors que la proportion des mères fragiles et en danger y est a priori la même. Il en est ainsi, par exemple, du Royaume uni ou de l'Espagne, dont les législations autorisent la libre recherche des origines génétiques par l'enfant à sa majorité. Au Royaume uni, l' Human fertilization and embryology Act a autorisé en 1990 l'enfant âgé de 18 ans à accéder aux fichiers le concernant pour connaître sa filiation génétique ( ( * )2). Cette loi a précisément eu pour objet de tirer les conséquences d'un arrêt Gaskin du 7 juillet 1989 par lequel la Cour européenne des Droits de l'homme (CEDH) avait condamné l'administration britannique en charge de l'aide sociale à l'enfance pour avoir refusé de communiquer à M. Gaskin le dossier complet sur sa petite enfance qu'elle avait constitué ( ( * )3). En Espagne, une procédure faisant dépendre de la volonté de la parturiente son enregistrement à la maternité a été déclarée inconstitutionnelle par le Tribunal Suprême en 1999. Désormais, l'enfant adopté peut en toute circonstance obtenir à sa majorité l'identité de ses parents de naissance en accédant à sa fiche d'état civil originale, qui ne peut être effacée même en cas d'adoption plénière et de nouvelle inscription de naissance faisant apparaître le nom des parents adoptants ( ( * )1).

Ainsi, la question de la levée éventuelle du secret de manière unilatérale à la majorité de l'enfant relève-t-elle davantage de positions de principe que de ses éventuelles conséquences en terme de santé publique, qu'il est impossible de déterminer précisément. Aussi doit-on examiner cette question au regard des droits à l'accès à ses origines de l'enfant lui-même tout autant qu'à celui de la femme au respect de sa vie privée.

Le texte ne prévoit par ailleurs pas d' informer automatiquement l'enfant devenu majeur qui n'aurait formulé aucune demande de recherche de ses origines, que sa mère ou son père de naissance ont expressément autorisé la levée du secret de leur identité . Votre Délégation estime légitime de laisser au seul enfant l'initiative de la recherche. La grande majorité des quelque 400 000 pupilles de l'Etat et enfants adoptés n'ont semble-t-il pas éprouvé la nécessité d'obtenir des informations sur leur mère ou leur père de naissance, et on peut supposer qu'il en sera de même à l'avenir. Il serait ainsi pour le moins curieux qu'alors que ces personnes seraient parvenues à se construire sur le seul fondement de leur histoire connue, souvent au sein d'une famille d'adoption dans laquelle ils se sentent pleinement intégrés, la loi permette qu'un passé effacé, devenu étranger à eux-mêmes, fasse soudainement irruption dans leur vie au risque de la déstabiliser.

* (1) Voir le rapport Henrion de l'Académie nationale de médecine - 18 avril 2000.

* (2) Voir le rapport de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les droits de l'enfant en France - 15 mai 1998.

* (3) Voir l'avis de la Défenseure des enfants sur l'accès aux origines - 18 mai 2001.

* (1) Voir l'avis de la Défenseure des enfants sur l'accès aux origines - 18 mai 2001.

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