6. Autres contributions

La Commission nationale consultative des Droits de l'homme (CNCDH) a abordé la question de l'accouchement sous X dans un avis adopté en assemblée plénière le 14 janvier 1999 et intitulé « Parentalité et Droits de l'homme en rapport avec les dispositions juridiques et les pratiques sociales » . Cet avis souligne la nécessité pour la mère d'être informée de son droit de pouvoir laisser son identité dans le dossier d'abandon de l'enfant , et de l'intérêt qui s'attache à ce qu'elle fasse l'objet d'un accompagnement psychologique et social . Par ailleurs, la CNCDH recommande que l'identité de la mère ne puisse être communiquée sans son accord , et qu'elle le soit exclusivement à l'enfant devenu majeur . Enfin, elle préconise que le délai pendant lequel la mère peut reprendre son enfant après l'avoir confié au service de l'aide sociale à l'enfance soit porté de deux à trois mois .

Sous le titre « Accouchement sous X et secret des origines : comprendre et accompagner les situations en présence » , le service des Droits des femmes et de l'égalité du ministère de l'emploi et de la solidarité a présenté en octobre 1999 une étude extrêmement instructive sur la question, fondée sur une observation statistique portant sur les années 1995 à 1999 et entreprise auprès d'une centaine de maternités.

Ce rapport a élaboré une typologie des femmes qui accouchent anonymement, que l'on peut résumer schématiquement par le profil suivant : d'un âge moyen sensiblement inférieur à celui des autres parturientes - peu sont mineures (10 %) ou âgées de plus de 35 ans (15 %) ; célibataire (seules 20 % ne le sont pas) ; primipare (mais certaines ont déjà eu des enfants qui, pour la plupart, sont à leur charge) ; sans autonomie et sans ressources propres (25 % seulement possèdent un emploi déclaré ou non) ; de nationalité ou d'origine étrangère (dont environ 50 % de maghrébines). En outre, l'étude a constaté que près de 25 % de ces femmes n'avaient pu obtenir une IVG faute d'une autorisation parentale, d'une situation régulière sur le territoire ou de l'avoir demandée dans les délais légaux, et que les cas de viols ou de « rapports contraints » n'étaient pas majoritaires, l'inceste étant en particulier très rare. Enfin, à peine plus de 10 % des parturientes ne sont restées qu'une journée à l'hôpital, et 65 % de celles ayant accouché en Ile-de-France se sont vu proposer un accompagnement psychosocial, qu'elles ont en majorité accepté.

Cette présentation synthétique met en évidence les difficultés particulières propres aux femmes qui ont recours à l'accouchement sous X : un manque d'autonomie et des problèmes matériels et psychologiques liés aux difficultés de l'entrée dans la vie d'adulte, qui les conduisent à s'estimer incapables d'assurer la charge et l'éducation de l'enfant ; une précarité au regard de la législation sur l'immigration, qu'accompagnent des contraintes culturelles plus importantes dans certaines communautés étrangères ; un isolement affectif, social et matériel, que rencontrent spécifiquement les familles monoparentales.

Pour parvenir à concilier les droits et les attentes de toutes les personnes concernées, le groupe de travail a formulé plusieurs propositions, parmi lesquelles la création d'un Conseil pour la recherche des origines familiales , autorité administrative indépendante, est sans conteste la plus importante puisque le projet de loi soumis à l'examen de la Délégation s'en inspire très étroitement, en particulier en ce qui concerne la définition et l'étendue des missions du Conseil (organisation du recueil et de la conservation de éléments relatifs à l'identité des personnes, centralisation des informations nécessaires au rapprochement des parties concernées, communication à l'enfant qui en fait la demande de l'identité de sa mère ou de son père de naissance si ceux-ci ont préalablement levé le secret, recherche de la mère ou du père biologique lorsqu'ils n'ont pas fait connaître leur intention pour s'assurer, éventuellement dans le cadre d'une médiation, de leur consentement exprès à la levée du secret de leur identité). Il convient à cet égard de relever la position du groupe de travail qui, dans sa majorité, a écarté la levée unilatérale et automatique du secret à la majorité de l'enfant , et ses propositions d' instituer dans chaque département un référent chargé de coordonner les actions relevant de l'accouchement secret (protocole d'accueil des femmes concernées, formation de l'équipe médico-sociale, coordination des relations avec les intervenants du service de l'aide sociale à l'enfance), de mieux organiser l'accompagnement psychologique des parturientes , et d' associer la question du père dans le traitement de la problématique de l'accès aux origines .

Le 18 avril 2000, l'Académie nationale de médecine a adopté le rapport, intitulé « A propos de l'accouchement dit sous X » , d'un groupe de travail présidé par le M. Professeur Roger Henrion. Rappelant que la législation actuelle a pour objet de prendre en compte la détresse de la mère, de préserver sa liberté de décision et le choix de son avenir, et de la mettre à l'abri des pressions, voire des menaces qui peuvent s'exercer sur elle dans certains milieux, le groupe de travail a toutefois estimé que sa raison majeure est de sauvegarder l'enfant.

Aussi, après avoir évoqué les termes du débat relatif à la recherche des origines, l'Académie nationale de médecine a conseillé de maintenir l'accouchement dit sous X en assortissant cette préconisation de plusieurs propositions. Les premières suggèrent d'en modifier l'environnement en améliorant l'information et le suivi des femmes enceintes en détresse , en désignant, dans chaque service de gynécologie-obstétrique, un « référent » chargé de favoriser l'accompagnement de ces parturientes et d'assurer la coordination des différents intervenants médicaux, médico-sociaux et éventuellement associatifs , et de faire des efforts spécifiques en matière de formation initiale et continue de ces intervenants . D'autres insistent sur la nécessité d' harmoniser les pratiques actuelles , dont la diversité est extrême, en matière de recueil et de conservation des informations non identifiantes . Les dernières, enfin, préconisent :

- de compléter le dispositif législatif et réglementaire existant en vue de garantir l'information réelle de la mère sur ses droits, actuels et ultérieurs, avant son départ de la maternité ,

- de favoriser la concordance des intentions de la mère et de son enfant par rapport à la levée du secret ,

- d' instituer un conseil indépendant pour la recherche des origines familiales qui aurait une fonction d'information et de médiation destinée à favoriser la rencontre d'une mère et de son enfant en cas de démarches spontanées et concordantes, ainsi qu'une mission de collecte des données « qui manquent cruellement de nos jours, ce qui laisse libre cours à toutes les interprétations » , conclut le rapport.

Enfin, Mme Claire Brisset, Défenseure des enfants, a émis le 18 mai 2001 un avis relatif à l' « Accès aux origines » portant précisément sur le projet de loi déposé par le Gouvernement, dans lequel elle rappelle le droit de tout enfant à connaître ses origines, maternelle et paternelle, dans la mesure du possible. A cet égard, observant qu'être parent, c'est transmettre, elle distingue trois notions de transmission, qui peuvent certes être confondues avec un père et une mère uniques et mariés, mais qui peuvent aussi, comme en témoigne l'évolution des couples et des familles, être distinctes. Ces trois notions sont « la transmission biologique ou génétique, la transmission patronymique et la transmission éducative / domestique / de l'amour quotidien (ceux qui aident l'enfant à construire son autonomie) » .

Ayant pour souci de voir respectés les engagements internationaux ratifiés par la France et l'intérêt de l'enfant placé au premier rang, et pour principe directeur de distinguer ce qui relève du colloque singulier, de nature privée, de ce qui relève du domaine d'intervention de la puissance publique, la Défenseure des enfants, tout en soulignant le grand progrès que représente le projet de loi sur l'accès aux origines, regrette qu'il ne pose pas comme principe la suppression de l'accouchement sous X , fut-elle progressive et sujette à exceptions (inceste, viol), et qu'il permette à la mère de naissance de conserver l'anonymat en ne prévoyant pas l'automaticité de la levée de son secret à la majorité de son enfant , si celui-ci souhaite connaître son identité. Enfin, elle estime que « l'un des rôles les plus importants que devrait jouer le futur Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (CNAOP) sera d'élaborer un "guide des bonnes pratiques", tant pour la gestion des dossiers que pour l'accompagnement des familles et des usagers » , qui permette d'homogénéiser dans l'ensemble des départements les pratiques liées à l'accouchement sous X ou aux procédures d'adoption , dont la très grande disparité est aujourd'hui soulignée et dénoncée.

*

S'il n'y a pas d'unanimité dans les propositions émises depuis dix ans en matière d'accès aux origines, force est cependant de constater qu'un réel consensus se dégage en faveur d'un aménagement et d'une clarification des règles de droit applicables , dans une double optique : concilier les droits des femmes et ceux des personnes à la recherche de leurs origines , et instituer une structure nationale chargée d'intervenir en médiation, d'harmoniser les pratiques et de garantir leur bon exercice, notamment par des actions de formation .

C'est précisément ce que vise le projet de loi soumis à l'avis de votre Délégation.

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