B. L'ADAPTATION DU CRITÈRE D'OUVERTURE : UNE DÉMARCHE NÉCESSAIRE MAIS DÉLICATE

Découlant en apparence de façon mécanique d'une définition fondée sur une approche comptable, la détermination de la date de la cessation des paiements laisse place à une réelle marge d'appréciation et cette date est parfois en décalage avec la réalité économique.

1. La cessation des paiements : une définition apparemment claire et objective

La cessation des paiements constitue une notion clé des procédures collectives : son constat et sa déclaration en déclenchent l'ouverture. Par ailleurs, la fixation de la date de cessation des paiements, qui peut être reportée par décision du tribunal sans cependant pouvoir être antérieure de plus de dix-huit mois à la date du jugement d'ouverture, est le point de départ de la période dite « suspecte » au cours de laquelle certains actes effectués en fraude des droits des créanciers peuvent être annulés. En outre, la notion de cessation des paiements est cruciale car elle contribue à la détermination du champ d'application du droit pénal des procédures collectives.

L'article 3 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, devenu l'article L. 621-1 du code de commerce, la définit comme « l'impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ». En outre, un délai de quinze jours au plus est imparti au débiteur à compter de la cessation des paiements pour effectuer la déclaration devant le tribunal et demander l'ouverture de la procédure. Cette définition, empruntée à la jurisprudence de la Cour de Cassation, remontait à 1978 (Cass. Com., 14 février 1978).

La notion s'articule autour de trois critères juridico-comptables : l'impossibilité de faire face, le passif exigible, l'actif disponible.

Le « passif exigible » regroupe les dettes certaines, c'est-à-dire non contestées, liquides et exigibles. Il ne s'agit pas du passif exigible au sens strictement comptable dans la mesure où celui-ci inclut le passif à court terme, c'est-à-dire les dettes à échéance d'un an. Ici, la notion d'exigibilité implique de ne tenir compte ni des dettes dont le terme n'est pas survenu, ni des dettes dont la condition suspensive n'est pas réalisée. Les dettes concernées sont celles qui sont échues et susceptibles d'exécution forcée. Elles peuvent être de nature civile ou commerciale ; une dette personnelle telle qu'un impayé de loyer peut ainsi conduire au redressement judiciaire d'une entreprise individuelle.

La notion d'« actif disponible » est restrictive puisqu'elle ne recouvre que les sommes dont l'entreprise peut disposer sans délai, les sommes immédiatement mobilisables telles que les espèces détenues en caisse, les dépôts sur compte bancaire, les effets de commerce à vue et la réserve de crédit bancaire. En revanche, les immobilisations corporelles ou incorporelles, telles que les stocks et les créances détenues sur les clients de l'entreprise ne font pas partie de l'actif disponible. L'actif disponible est ainsi constitué de la trésorerie actuelle et potentielle (réserve de crédit) de l'entreprise.

L'expression « l'impossibilité de faire face » n'a pas de signification technique précise : la cessation des paiements résulte du simple fait pour le débiteur de ne pas s'acquitter de ses dettes ; il n'y a pas lieu de s'interroger sur le caractère intentionnel ou non de cette attitude du débiteur.

Ainsi explicitée, la notion de cessation des paiements paraît à la fois claire et empreinte d'objectivité. Notion spécifique au droit commercial, elle se distingue de celle d'insolvabilité du débiteur qui correspond à la situation dans laquelle le passif, dans sa globalité, dépasse l'actif. Sa mise en oeuvre est cependant moins évidente qu'il n'y paraît et son caractère statique masque parfois une certaine inadéquation aux réalités économiques nécessitant, de la part du juge commercial, une approche pragmatique.

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