III. MAIS LEUR TAUX D'INSERTION DANS L'EMPLOI DEMEURE INFÉRIEUR À CELUI DES JEUNES HOMMES.

A. LE CONSTAT

Intégré dans les contrats signés par les préfets de région avec les missions locales d'insertion et les PAIO pilotes du programme, l'objectif fixé à TRACE par la circulaire du 23 octobre 1998 est de conduire 50 % des jeunes qui sont suivis à l'emploi durable .

L'accès à l'emploi durable est entendu comme la conclusion d'un contrat à durée indéterminée (CDI), d'un contrat à durée déterminée (CDD) d'au moins six mois (y compris au titre d'un contrat initiative emploi-CIE), d'un contrat d'apprentissage ou d'un contrat de qualification, ou d'un emploi jeune ; le contrat doit avoir été confirmé à l'issue de la période d'essai et sa poursuite constatée pendant huit semaines à compter de l'embauche.

D'après la DARES, près de la moitié des jeunes qui étaient entrés dans le programme TRACE en 1999 en étaient sortis début 2001 (date d'arrêt des statistiques de son dernier bilan). Ils avaient alors majoritairement un emploi (aidé ou non), un contrat d'alternance ou une formation rémunérée. Les situations à la sortie restent globalement identiques pour les jeunes entrés au cours de l'année 2000.

On compte plus de 50 % de « sorties positives » (emploi ou formation), 33 % des jeunes occupent un emploi marchand durable (plus de six mois), la majorité bénéficie de ressources propres (revenu ou droits au chômage). On note par ailleurs un doublement de la part des sorties vers l'alternance entre 1999 et 2000 (14 % des jeunes contre 6,4 %), ce qui renvoie à l'amélioration générale de la conjoncture constatée à l'époque ainsi qu'aux efforts accrus de service public de l'emploi.

On manque de statistiques sexuées en la matière et c'est une des grandes faiblesses du logiciel Parcours qui assure la « remontée des informations » en provenance des structures d'insertion. Cependant il ressort des réponses au questionnaire de la délégation qu' une différence sensible existe au plan de l'insertion entre garçons et filles, au détriment de ces dernières : les jeunes filles sont moins nombreuses à trouver un emploi en fin de parcours ; en outre, les types de contrats qui leur sont proposés sont plus souvent précaires (phénomène, il est vrai, qui dépasse le programme TRACE...).

La plupart des constats locaux l'établissent : le public féminin connaît globalement des difficultés d'insertion professionnelle plus marquées que les hommes, et, comme le note la DARES, la situation est paradoxale : « disposant d'un meilleur niveau de formation, les filles ne sortent pas pour autant plus fréquemment vers l'emploi. C'est même l'inverse : parmi les entrées de 1999, 48 % seulement des sortantes ont trouvé un emploi, contre 53 % des sortants ; parmi les entrées de 2000, le pourcentage de réussite reste le même pour les filles alors qu'il remonte à 60 % pour les garçons. Les sorties vers l'alternance doublent d'une année sur l'autre et sont deux fois plus importantes pour les hommes » .

Mme Brigitte Grésy a indiqué devant la délégation qu'à la sortie du programme TRACE la ventilation des emplois s'établissait comme suit : 14,6 % des jeunes femmes signent un contrat emploi-solidarité (7,8 % pour les hommes), 2,8 % un contrat d'emploi consolidé (1,6 % pour les hommes), 3 % un contrat initiative-emploi, le CIE étant par nature plus proche de l'emploi marchand (4 % pour les hommes), 5,5 % un contrat à durée déterminée à temps partiel (1,1 % pour les hommes) et 18,3 % un contrat à durée indéterminée à temps complet (23% pour les hommes).

Les jeunes femmes qui sortent vers l'emploi occupent ainsi plus souvent que les hommes un emploi aidé du secteur non-marchand (il est à noter que les contrats emploi-solidarité sur lesquels elles sont très majoritaires ne sont pas considérés comme emploi durable au sens des circulaires TRACE); par ailleurs, lorsqu'elles trouvent une embauche dans le secteur marchand (CDD ou CDI), il s'agit le plus souvent d'un temps partiel. Il est vrai qu'elles vont vers des secteurs qui pratiquent plus que d'autres le temps partiel (postes de garde-malade, employée de ménage en hôtellerie ou pour des sociétés de nettoyage etc...).

Elles sont moins concernées par les contrats en alternance qui sont, pour l'essentiel, pratiqués dans les secteurs plutôt masculins à faible niveau de qualification. Et si la sortie en contrat d'intérim n'est pas reconnue comme insertion durable, les hommes vont, par ce biais, plus souvent que les femmes vers l'emploi sans qualification.

Quelques illustrations locales des tendances ainsi observées à l'échelon national. A la mission locale de Poitiers, l'insertion dans l'emploi durable à la sortie du programme TRACE concerne 31,6 % des garçons et seulement 21,2 % des filles ; on compte en CDI 15,8 % des premiers et 11,7 % des secondes ; 10,3 % des garçons sont en CDD de plus de six mois contre 4,3 % des filles. A la PAIO (APIJ) de Saint-Germain-en-Laye, le taux d'insertion à la sortie est de 61,1 % pour les jeunes hommes et de 42,8 % pour les jeunes femmes et aucune d'entre elles ne bénéficie d'un CDI ce qui est en revanche le cas de 7 de leurs homologues masculins. A la mission locale de Saint-Nazaire, l'insertion vers l'emploi durable est de 36 % pour les garçons et de 25 % pour les filles. A l'agence locale pour l'emploi de Nemours, la proportion des jeunes qui bénéficient à la sortie d'un CDI ou d'un CDD est de 53,3 % pour les garçons et de 37,5 % pour les filles. A la mission locale de Montereau, le taux d'insertion des jeunes hommes est à la sortie du programme TRACE deux fois celui des jeunes femmes (66 % contre 33 %), 26 % d'entre eux ont un CDI (contre 9 % des femmes) et 30 % un CDD (contre 7 % pour les femmes). A la mission locale du bassin d'emploi de Meaux, le taux d'insertion dans l'emploi est de 38 % pour les femmes et 51 % pour les hommes. A la mission locale du Roussillon, 45,97 % des hommes ont trouvé un emploi durable contre 37,5 % des jeunes femmes.

Il existe certes localement des exceptions et il peut arriver que les jeunes filles réussissent mieux leur insertion professionnelle que les garçons à la sortie du programme TRACE dans telle ou telle mission locale. On relève ainsi à la mission du Pays niortais une réussite dans l'insertion similaire pour les deux sexes et même plus de CDI chez les jeunes filles, et la PAIO du secteur Nord-ouest-Vendée fait état d'une insertion de 38 % pour les filles contre 33 % pour les garçons.

Mais des chiffres meilleurs pour les jeunes femmes cachent souvent un statut plus précaire dans l'emploi. A la PAIO précitée, le seul CDI signé a bénéficié à un jeune homme ; à la mission locale de L'Aigle-Mortagne-au-Perche dans l'Orne, le taux d'insertion est le même pour les deux sexes (21,13 %), mais les jeunes filles sont moins nombreuses à bénéficier d'un CDI (9,86 % contre 11,27 %) ; à la mission locale du Pays de Brest, les filles des cohortes de 1999 et 2000 sont plus souvent en emploi durable à la sortie que les garçons, elles ont obtenu plus souvent qu'eux un CDI, mais pour beaucoup d'entre elles il s'agit de CDI à temps partiel. A la mission intercommunale pour l'emploi des jeunes 4-93, dans la Seine-Saint-Denis, le taux d'insertion est meilleur pour les jeunes filles : en 1998, il était de 50 % dont 30 % en emploi durable (contre 45 % dont 28 % pour les hommes), en 1999 de 57 % dont 47 % d'emploi durable (contre 57 % dont 43 % pour les hommes) ; les jeunes filles, note la mission, sont plus nombreuses à s'insérer durablement que les garçons, non seulement parce qu'elles ont un meilleur niveau, mais aussi parce qu'elles ont moins de problèmes de comportement ; cependant, poursuit-elle, les jeunes hommes trouvent plus facilement un emploi par le biais de l'intérim.

Si l'on reprend les sorties à la mission locale de Poitiers déjà évoquées plus haut, les jeunes femmes sont plus nombreuses dans l'emploi non-durable (22,2 % de leur effectif) que les jeunes hommes (19,1 %) ; 14,9 % d'entre elles sont notamment en CES contre 6,8 % des hommes.

A Saint-Nazaire, où les jeunes filles sont, bien qu'avec un taux global d'insertion inférieur, majoritaires sur les CDI et les CDD (respectivement 30 % et 40 % de l'effectif sorti contre 26 % et 16 % pour les garçons), elles sont en revanche très minoritaires sur les contrats de qualification (13,5 % contre 30 % pour les garçons) et les contrats d'apprentissage (13,5 % contre 21 %). A la mission locale de Montluçon, 3 % seulement des jeunes femmes sorties dans l'emploi sont en contrat d'apprentissage (6 % des jeunes hommes), 8 % sont en contrat de qualification (15 % chez les garçons), aucune n'est en contrat d'adaptation (contre 1,5 % des jeunes hommes).

A la mission locale de l'Agglomération tarbaise qui compte 52 % de femmes dans ses effectifs TRACE, les situations à la sortie du programme sont les suivantes : 28 % en emploi (25 % pour les femmes ; CDI : 13 hommes et 4 femmes ; CDI à temps partiel : 2 hommes et 10 femmes ;CDD intérim : 6 hommes et 1 femme), 18 % en emploi-formation (17 % pour les femmes ; CES : 7 hommes et 14 femmes ; contrat d'apprentissage : 14 hommes et 4 femmes), 3% en formation (3 % pour les femmes), 50 % hors de l'emploi ou de la formation (55 % pour les femmes).

A la mission locale de l'Agglomération nantaise, on trouve à la sortie du programme 27 % des hommes et 18 % des femmes en situation d'emploi, emploi-formation ou formation (autre présentation du bilan : 60 % de telles situations concernent des hommes et 40 % des femmes). Les hommes sont majoritaires sur les différents types de situations d'emploi (+ 14 %), en formation (+ 18 %), et en emploi-formation (+ 12 %). Ils sont deux fois plus nombreux à bénéficier d'un CDI et représentent 76 % des jeunes en CDD de six mois à la sortie de TRACE. Même tendance pour les contrats d'apprentissage (les garçons représentent 88 % des jeunes concernés) et les contrats de qualification (75 %). Les femmes quant à elles sont majoritaires sur les CDI à temps partiel (85 %) ; enfin, 25 % des jeunes sortis de TRACE sont sans emploi et 45 % sont des jeunes femmes.

Pour ce qui concerne les sorties hors de l'emploi durable ou non-durable , le logiciel Parcours envisage trois catégories : les « autres sorties » (formation, déménagement, maternité, incarcération/travail d'intérêt général...), les « sans solution au bout de dix-huit mois » et les « abandons ».

D'une mission à l'autre, la représentation de chacun des deux sexes dans les trois catégories précitées est variable.

A la mission locale de Poitiers, par exemple, les femmes sont plus nombreuses dans la première catégorie (22,2 % de leur effectif contre 19,1 % pour les hommes) et la troisième (21,5 % contre 10,3 %) et les hommes majoritaires dans la seconde (22,6 % de leur effectif, 16 % pour les femmes).

Les abandons correspondent souvent à la résolution de problèmes périphériques (règlement d'une situation administrative, d'un problème de santé ou d'hébergement, prise de responsabilités familiales -mariage, maternité- qui décalent sur le long terme l'objectif d'emploi). Le public masculin abandonnerait plus que les jeunes femmes par découragement (impatience vis-à-vis de l'accès rapide à l'emploi) ou par attrait de l'emploi non-déclaré. Une fraction non-négligeable des jeunes demeure par ailleurs réfractaire au marché du travail et inapte aux compromis qu'un emploi stable suppose...

Les sorties du dispositif TRACE vers le chômage représentent près du tiers des situations 20 ( * ) . Les femmes sont plus concernées que les hommes (+ 3 points) 21 ( * ) .

Si l'on considère que les données générales du marché du travail montrent elles-mêmes que les jeunes femmes sont plus touchées par le chômage (21,8 % des femmes de 15 à 24 ans étaient au chômage en mars 2001 contre 16,2 % des hommes du même âge) et qu'il ressort d'une étude du CEREQ 22 ( * ) que les inégalités entre les sexes par rapport à l'emploi sont très accentuées pour les faibles niveaux de qualification, on mesure bien que l'égalité des chances entre les hommes et les femmes est un enjeu de la réussite de TRACE et mérite d'être approfondie à l'occasion du renforcement du programme. Un objectif quantifié serait notamment nécessaire pour garantir aux femmes autant qu'aux hommes une sortie du dispositif vers l'emploi. Le programme TRACE peut être un des moyens d'atteindre l'objectif de la baisse d'un point de la part des femmes dans le chômage de longue durée fixé dans la circulaire du 14 novembre 2001 sur l'action territorialisée du service public de l'emploi pour 2002 23 ( * ) .

Il n'existe à l'heure actuelle aucun objectif quantifié quant à la sortie des jeunes femmes vers l'emploi, même si l'on ne peut nier que le souci de l'égalité des chances entre les deux sexes dans le programme TRACE a été réaffirmé dans des textes récents : le PNAI 24 ( * ) qui prévoit que le renforcement de TRACE fixera des objectifs quantifiés pour l'accueil et le suivi des femmes peu qualifiées, le PNLE 25 ( * ) aux termes duquel le programme sera élargi « à certains jeunes diplômés (CAP et au-delà) dont la situation de chômage tient à leur orientation professionnelle (notamment les filles) ou à des difficultés personnelles (discrimination, absence de mobilité, handicap), la condition à la dérogation de diplôme [étant] de 20 % », la circulaire de l'action territorialisée du service public de l'emploi pour l'année 2002 qui indique que, dans le cadre du PNAI, la France s'est engagée à fixer des objectifs quantifiés pour l'accès des femmes aux aides en lien direct avec le secteur marchand et au programme TRACE.

SITUATION DÉTAILLÉE D'EMPLOIS À LA SORTIE DE TRACE

(en pourcentage)

Situation détaillée

des sorties vers l'emploi

Hommes

Femmes

Ensemble

CDI à temps complet

22,8

18,3

20,8

CDI à temps partiel

4,0

13,9

8,4

CDD à temps complet

15,3

15,3

15,3

CDD à temps partiel

1,1

5,5

3,1

Intérim

14,5

5,9

10,7

Contrat Emploi-Solidarité (CES)

7,8

14,6

10,9

Contrat de Qualification (CQ)

9,0

6,7

8,0

Contrat d'Apprentissage

11,2

5,9

8,8

Contrat Initiative-Emploi (CIE)

4,0

3,1

3,6

Nouveaux Services -

Nouveaux Emplois

3,0

3,0

3,0

Contrat Emploi Consolidé (CEC)

1,6

2,8

2,1

Autres contrats de travail

5,7

5

5,3

Ensemble

100,0

100,0

100,0

Source : Parcours - Traitement DARES

SITUATION À LA SORTIE DE TRACE

(en pourcentage)

Situation à la sortie de TRACE

Hommes

Femmes

Ensemble

Emploi non aidé

29,5

26,4

28,0

Emploi aidé

8,0

10,1

9,0

Alternance

10,2

5,6

8,0

Total emploi

47,7

42,1

45,0

Formation

4,7

5,5

5,1

Chômage

32,9

35,2

34,0

Autres situations

5,8

8,5

7,1

Situation inconnue

8,9

8,7

8,8

Ensemble

100,0

100,0

100,0

Source : Parcours - Traitement DARES

RÉPARTITION DES SITUATIONS DE SORTIE PAR NIVEAU DE FORMATION

(en pourcentage)

Situation à la sortie de TRACE

Niveau IV

Niveau V

Niveau

V bis

Niveau VI

Ensemble

Emploi non aidé

34,8

32,9

25,5

24,0

28,0

Emploi aidé

12,6

9,6

7,8

9,2

9,0

Alternance

7,1

7,9

9,0

7,1

8,0

Formation

4,6

5,0

5,1

5,2

5,1

Chômage

24,4

30,2

36,2

37,5

34,0

Autres situations

8,0

6,5

7,4

7,3

7,1

Situation inconnue

8,5

7,9

9,0

9,7

8,8

Ensemble

100,0

100,0

100,0

100,0

100,0

Source : Parcours - Traitement DARES

* 20 Source DARES.

* 21 DIIJ/données de pilotage au 25 mars 2001.

* 22 Centre d'études et de recherches sur les qualifications - Bref n° 178, septembre 2001.

* 23 Circulaire DGEFP n° 2001/41

* 24 PNAI : Plan national d'action pour l'inclusion.

* 25 PNLE : Programme de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.

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