B. L'INTERPRÉTATION DES RÉSULTATS

Pourquoi les jeunes filles qui ont globalement un meilleur niveau de formation, qui sont désormais majoritaires dans le programme TRACE, qui dans leur ensemble répondent mieux que les garçons à l'accompagnement rencontrent-elles des difficultés d'insertion dans l'emploi plus importantes et persistantes ? Comment expliquer que la plupart des missions locales, malgré toute l'attention qu'elles portent à l'égalité des sexes, aient à déplorer un déficit de sorties vers l'emploi durable du public féminin par rapport au public masculin ?

Une première réponse peut être trouvée dans l'existence d'une sectorisation des métiers en fonction du sexe, sectorisation qui est loin d'être propre aux jeunes de TRACE.

Les secteurs de prédilection des jeunes hommes (bâtiment -encore que ce secteur soit aujourd'hui relativement délaissé-, mécanique, manutention, magasinage...) sont plus nombreux et souvent plus porteurs en termes d'emploi que ceux des jeunes filles (métiers de services aux personnes 26 ( * ) -troisième âge et enfants surtout- et aux collectivités, distribution et vente). Les débouchés communs aux deux sexes, comme l'hôtellerie, existent mais ne sont pas majoritaires.

La mission locale de Marseille note que, s'agissant de jeunes très peu qualifiés, quatorze filières sont porteuses d'emploi pour les garçons, le BTP et le secteur de la propreté offrant le plus d'opportunités, et que les filières accessibles aux jeunes filles sont plus resserrées, seules six ou huit étant couvertes, avec une facilité d'accès aux métiers de services aux personnes (notamment propreté) et la vente.

L'amélioration du marché du travail qui a été constatée lors de la reprise économique des années 1998-2000 a bénéficié plus aux hommes qu'aux femmes, compte tenu de la « dominante masculine » des secteurs d'activité les plus dynamiques (bâtiment, industrie, transport-logistique...).

Ce constat a conduit la plupart des missions locales et PAIO à mettre en oeuvre des actions en direction des femmes qui visent à élargir leurs choix professionnels (ces actions n'étant pas nécessairement réservées au seul public du programme TRACE).

Les missions s'efforcent, aux divers stades de suivi des jeunes, de « casser » les représentations attachées aux métiers. Les champs de recherche traditionnels sont ainsi élargis lors de la phase d'orientation professionnelle pour la construction des objectifs. Sont organisés des informations collectives, tables- rondes, forums ou journées de sensibilisation sur les secteurs porteurs et les métiers considérés comme traditionnellement masculins (bâtiment, transports, industrie en général, armée...), des ateliers de découverte des métiers (ADM), des visites d'entreprises suivies à l'occasion d'une immersion pour approfondir cette première approche ; des accords sont passés avec les organisations professionnelles pour promouvoir tel ou tel métier auprès des femmes (comme celui qu'a conclu, par exemple, la mission locale de l'Agglomération tarbaise avec le syndicat départemental du bâtiment). Certains conseillers proposent systématiquement aux jeunes filles des offres d'emploi au-delà des postes sur lesquels elles ont l'habitude de se positionner ; des actions, comme les ateliers « Déclic », leur sont offertes pour travailler sur l'émergence et la valorisation de leurs compétences professionnelles d'emploi.

Mme Hélène Mignon a relevé devant la délégation que lorsque les opérateurs du programme TRACE travaillent sur l'élargissement des métiers, l'insertion des jeunes filles est meilleure.

A la mission locale de Limoges, un parcours découverte des métiers et des secteurs a été proposé à 81 jeunes et suivi par 30 d'entre eux, dont 26 jeunes femmes. La PAIO de Vendôme travaille à la réorientation des jeunes femmes vers les métiers représentés localement, qui sont essentiellement industriels. Des actions d'accompagnement mises en place par la mission locale du Médoc visent à encourager l'accès des femmes à des emplois considérés comme masculins (viticulture) et à permettre dans le même temps de changer la représentation que les employeurs ont des compétences du public féminin ; la même démarche est utilisée pour les hommes (diplôme professionnel d'aide soignant). En faveur de l'égalité d'accès et de l'objectif de mixité, la mission locale du Blésois à Blois déclare plus d'actions de parrainage, plus d'évaluation en milieu de travail, et des actions comme « Préjugés sur l'emploi ». A la mission locale de Strasbourg, certaines actions de formation professionnelle du programme régional jeunes de la région Alsace promeuvent l'accès à des fonctions plus généralement occupées par des garçons, dans le secteur de l'entreprise par exemple. A la mission locale du Pays de Brest, l'accent en direction des jeunes filles est mis sur la diversification des métiers, le positionnement sur des métiers non-traditionnellement féminins, les visites d'entreprise, les informations sur les possibilités offertes par le travail intérimaire.

La mission locale de Thiers, dans le Puy-de-Dôme, mène en direction des femmes les trois actions suivantes :

- action « Elles aussi » : projet européen visant à promouvoir l'emploi des femmes dans les métiers de l'industrie, du bâtiment, de l'agriculture, des transports et de l'artisanat ; cette action a conduit les jeunes femmes à visiter et élaborer une cassette vidéo sur l'emploi féminin dans ces secteurs ;

- action « Artisanat conjugué au féminin » : projet de la délégation régionale aux droits des femmes visant la mixité et la découverte des métiers de l'artisanat par le biais de visites en entreprises, exposition de photos et table ronde ;

- action « Chantier bâtiment femme » : projet contrat ville- DDTEFP avec pour but de faire découvrir les métiers du bâtiment et du second oeuvre, en particulier en réalisant la rénovation de deux appartements.

Dans le bassin d'emploi de Romorantin-Lanthenay, dans le Loir-et-Cher, caractérisé par une forte prédominance industrielle, métallurgique et automobile et où les offres d'emploi sont traditionnellement favorables aux hommes, deux actions ont été imaginées pour permettre l'accès des jeunes femmes aux emplois de ces secteurs: la première concerne les métiers de l'industrie (formation pré-qualifiante industrielle permettant aux femmes de découvrir ces métiers, et qualification dans ces professions avec un partenariat avec les entreprises locales), la seconde (« L'organisation territoriale », en projet), proposée par le conseil régional aux réseaux des missions locales et PAIO, vise à mettre en place en 2002 des actions spécifiques favorisant l'accès des femmes aux emplois industriels (parrainage, découvertes en entreprise des métiers de l'industrie, travail sur le stéréotypes freinant l'accès des femmes aux métiers industriels ...).

A la mission locale de l'arrondissement de Chateaubriant et à la PAIO du Pays d'Ancenis en Loire-Atlantique, a débuté en septembre 2001 une action « Femmes, en route vers l'emploi » qui a pour objectif de permettre à des femmes qui n'ont pas de qualification adaptée de retrouver un emploi ou d'engager un parcours de formation qualifiante sur un métier porteur dans les domaines de l'industrie, des transports et du bâtiment, métiers habituellement réservés aux hommes. Des jeunes femmes suivies dans le cadre de TRACE ont intégré cette formation.

On remarque, dans les efforts faits pour inciter les jeunes femmes à aller ainsi vers les métiers « masculins », que la formation « soudure » est une des plus proposées. Ainsi, à la mission locale pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes de Tarn-et-Garonne, une formation « soudure électronique câblage », qui permet d'accéder aux emplois de soudeur électronique, câbleur électronique, retoucheur, a été mise en place pour un public 100 % féminin demandeur d'emploi. A l'ANPE Basse Normandie de Flers, une jeune femme a trouvé un emploi dans une entreprise du bassin après avoir suivi une formation « soudure » qualifiante.

L'objectif de mixité des emplois passe aussi par le transfert de compétences « féminines » vers les métiers de l'industrie. Ainsi, à la mission locale des Quatre cantons à Pont-à-Mousson dans la Meurthe-et-Moselle, l'action « Femmes industrie » vise à transférer vers l'électronique les compétences « couture floue ».

Les résistances à l'élargissement des choix professionnels ne doivent cependant pas être sous-estimées, comme le laisse penser le bilan comptable des insertions.

Ainsi, la mission intercommunale pour l'emploi des jeunes 4-93, dans la Seine-Saint-Denis, qui a organisé en 2000 deux chantiers-écoles dans le secteur du bâtiment et fortement sollicité les jeunes filles pour qu'elles y participent, déplore que ses efforts aient été vains. De même, les actions particulières en direction des femmes de la PAIO d'Ussel en Corrèze ont été jusqu'alors suivies de succès limités puisqu'une seule femme a participé aux formations pré-qualifiantes liées aux métiers industriels qu'elle a proposées et qu'une seule a participé à un parcours découverte de métiers « masculins » (magasinier-cariste). La mission locale de Montluçon précise, quant à elle, que toutes les actions de formation ont été proposées aux femmes, mais que certaines ont connu de la part de ces dernières une certaine désaffection en raison des secteurs professionnels visés (pré-qualification mécanique métallurgie).

Le souci de la mixité professionnelle est également pris en compte au niveau de la formation des conseillers qui assurent le suivi des jeunes du programme TRACE.

Des conseillers de la mission locale Avenir jeunes de Bayonne participent à une action « quelles sont les pratiques discriminatoires sur notre bassin d'emploi ? ». A la mission locale du Pays Villedieu-Granville, des conseillers se sont inscrits à un module de formation lié à « l'égalité des chances entre genres » mis en oeuvre avec la chargée de mission-délégation aux droits des femmes. Même démarche à la mission locale angevine où les professionnels sont sensibilisés par le suivi d'une formation menée par le centre d'information sur le droit des femmes sur la représentation des métiers et où un projet de formation à la connaissance du marché économique et de ses partenaires est en cours. La mission locale du Chatelleraudais dans la Vienne s'est attachée les compétences du CIDF car le bassin, à dominante industrielle, présente une spécificité d'offres d'emploi peu favorable aux femmes. A la PAIO du bocage bressuirais dans les Deux-Sèvres aussi on poursuit la professionnalisation des conseillers et leur sensibilisation à la mixité professionnelle : un conseiller a suivi une formation organisée par l'AFPA, l'ANPE, le service des droits des femmes, les autres conseillers étant inscrits pour les prochaines formations. A la PAIO du Sud-Charente, deux conseillers ont participé à une action de formation intitulée «sensibilisation à la mixité des rôles sociaux » organisée en Charente par l'association « Retravailler ».

S'il s'agit de briser les a priori sur les métiers du côté des jeunes filles, il faut aussi faire évoluer les mentalités du côté des employeurs , chez qui on déplore encore des comportements sexistes. Les missions locales disent qu'en ce qui les concerne, chaque jeune bénéficie, qu'il soit garçon ou fille, d'un soutien équivalent, mais elles avouent aussi que la décision finale de recrutement appartenant à l'employeur, elles sont, à ce niveau, moins affirmatives sur l'égalité des chances.

Un effort de communication est indispensable en direction des entrepreneurs sur l'impératif d'égalité de traitement entre les sexes. On rencontre chez eux des réticences au recrutement de personnels féminins pour certains postes et il faut les sensibiliser aux potentialités au moins égales des jeunes femmes pour occuper des emplois qui ont beaucoup évolué.

Dans le Pays de Montbéliard, où le tissu économique est composé essentiellement d'entreprises du secteur automobile, secteur actuellement porteur qui a permis à certains de retrouver un emploi (certes, parfois précaire), la mission locale territorialement compétente souligne que cette situation a aussi bénéficié aux jeunes femmes mais que leur accès à l'emploi a été plus difficile, plus lent que pour les jeunes hommes. En effet, il a fallu insister pour convaincre les employeurs du bien-fondé du recrutement de jeunes femmes dans l'industrie et de leur potentiel. Des actions de formation ont été mises en place pour faire découvrir le travail dans l'industrie puis pouvoir accéder à un emploi. Certaines de ces actions de formation étaient composées jusqu'à 85 % de femmes.

La mission locale pour l'insertion des jeunes en Chinonais, dans l'Indre-et-Loire, a mené une action de sensibilisation des agences d'intérim au public féminin. Devant son insistance, celles-ci ont proposé des jeunes femmes aux entreprises manquant de main-d'oeuvre masculine, sur des postes qui pouvaient être occupés par des femmes. Elle constate que la plupart des entreprises refusent cette main-d'oeuvre à laquelle elles ne sont pas habituées ou pour laquelle il y aurait parfois des efforts à faire concernant les locaux notamment au niveau des vestiaires.

La plupart des missions locales déclarent participer à la mixité des emplois en positionnant les jeunes sur les offres d'emploi sans regarder s'il s'agit d'un garçon ou d'une fille, ou en ne réalisant les positionnements qu'après avoir systématiquement vérifié qu'il n'existe aucun critère de discrimination. D'autres vont plus loin en menant une action de valorisation des compétences des jeunes filles auprès des employeurs ou en adressant à ces derniers des candidats des deux sexes lorsque l'offre d'emploi paraît concerner de prime abord davantage le public masculin.

Ainsi la mission locale de Boulogne dit mettre en valeur les compétences des candidates auprès des employeurs, tout comme la PAIO de Mehun-sur-Yèvre, dans le Cher, qui revendique la mise en oeuvre sous cette forme d'une discrimination positive en faveur des femmes ; la mission locale d'Amboise, dans l'Indre-et-Loire, déclare proposer à toutes les offres d'emploi autant de femmes que d'hommes, et ce sur tous les métiers. Quand un employeur lui demande un homme pour un emploi qui peut être aussi tenu par une femme, elle lui adresse une femme. La mission locale rurale des Marches de Bourgogne propose aussi bien des filles que des garçons face à une opportunité d'emploi dans le secteur forestier. La mission locale de Strasbourg fait valoir qu'elle travaille à l'égalité d'accès aux emplois par le biais d'une vigilance permanente de la part de chacun des conseillers référents, en lien avec la cellule de lutte contre les discriminations créée au sein de la mission en 1999. La mission locale Avenir jeunes de Bayonne propose aux employeurs un contrat pour la mixité des emplois. La mission locale du Pays niortais déclare faire un effort particulier en direction des chefs d'entreprise pour orienter et évaluer les femmes sur des métiers habituellement réservés aux hommes. A l'Espace Jeunes PAIO du Haut-Doubs, un travail est mené depuis septembre 2001 en collaboration avec le MEDEF sur la féminisation des métiers, notamment dans l'industrie. Bien qu'il ne soit pas spécifiquement tourné vers elles, il est susceptible de concerner les jeunes filles suivies dans TRACE.

La PAIO de Bar-sur-Aube dit avoir pu imposer auprès des entreprises industrielles locales des femmes sur des emplois non-qualifiés (sauf sur les postes avec port de charges) d'autant plus facilement que les hommes demandeurs d'emploi commençaient à se faire plus rares avec la reprise économique.

La collaboration avec le secteur marchand reste insuffisante .

D'une manière générale, la « mauvaise perméabilité avec le secteur économique marchand est sans doute le maillon faible du programme TRACE, alors que l'accès à l'emploi marchand reste un objectif important du dispositif » 27 ( * ) . Le constat est plus évident encore pour les jeunes femmes au-delà du fait qu'elles vont moins vers l'emploi concurrentiel en vertu de ce qui a été déjà dit sur la sectorisation.

Leur sur-représentation dans les contrats emploi-solidarité témoigne de la difficulté de les insérer dans l'emploi concurrentiel. On peut être tenté de rappeler, à ce sujet, la mise en garde 28 ( * ) de Mme Martine Aubry, alors ministre de l'Emploi et de la Solidarité, à l'occasion du débat au Sénat de la loi du 29 juillet 1998 : « il faut éviter ...de se « débarrasser de ces jeunes en les plaçant en CES. Le programme TRACE est une mobilisation qui doit aller vers la qualification ; le CES seul pendant dix-huit mois serait une facilité ».

A l'inverse, les jeunes filles sont peu nombreuses en contrat en alternance, contrat initiative-emploi, stage d'accès à l'emploi, ou contrat d'apprentissage, autant de formules qui favorisent l'insertion dans le monde de l'entreprise, qui permettent aux demandeurs d'emploi connaissant des difficultés particulières d'insertion d'exercer une activité professionnelle formatrice, et qui facilitent ainsi le parcours vers la qualification ou vers un emploi durable. Il faut insister, en outre, une nouvelle fois, sur le fait que ces voies qui sont insuffisamment explorées pour le public féminin, apparaissent comme un bon moyen, à la fois pour les jeunes filles et pour leurs employeurs potentiels, de briser les stéréotypes.

C'est pourquoi il est hautement souhaitable que le renforcement du programme TRACE s'accompagne de l'égalité d'accès pour les jeunes femmes aux emplois ou formations en lien direct avec l'emploi marchand .

On doit néanmoins saluer l'opération -« l'apprentissage au féminin »- actuellement conduite par le conseil régional du Limousin en partenariat avec la DRTEFP et les centres de formations d'apprentis (CFA). Son but est de faciliter l'accès des jeunes femmes à des qualifications porteuses d'emploi mais faiblement féminisées et donc d'élargir leurs perspectives professionnelles. Des actions ou des dispositifs de formation adaptés au public féminin sont développés auxquels participent les missions locales, comme celle de Limoges. En 2000, seules les femmes de niveau IV ont pu accéder à ce type d'action pour le secteur industriel ; en 2001, l'opération s'est élargie à d'autres secteurs (agriculture, espaces-verts, agroalimentaire, métiers de bouche) et est devenue accessible à des femmes de niveau V. La mission locale de Limoges participe à la promotion de ces actions, laquelle prend la forme d'informations collectives et de visites d'entreprises (avec notamment la possibilité de rencontrer de jeunes apprenties qui ont fait le pas de diversifier leurs choix professionnels). La mission locale de Brive-la-Gaillarde comptait elle-même relayer cette action de formation du conseil régional à partir d'octobre 2001 afin de permettre au public féminin de découvrir les métiers de l'industrie et notamment de la métallurgie, avec la possibilité pour celles qui le désirent de suivre une formation en alternance.

A la PAIO de Bar-sur-Aube, six femmes (et un homme) ont suivi en 2000 un stage de découverte des métiers en alternance ayant pour objet des contrats d'apprentissage ou de qualification. A la mission locale espace jeunes de Vichy et sa région, on relève une montée en puissance des femmes pour la recherche de contrats en alternance (formation Etat et région) : aucune femme et un homme en 1999, 10 femmes et 5 hommes en 2000, une femme et aucun homme pour les premiers mois de 2001.

A la mission locale angevine, une enquête est réalisée auprès d'un échantillon du public féminin afin de repérer les freins à l'insertion et le projet est en cours de confier des enquêtes professionnelles à de jeunes salariées, qui auraient le statut d'enquêtrice, avec pour objectif de mieux appréhender le marché local économique et négocier des postes de travail.

La situation des jeunes femmes dépend aussi des caractéristiques du bassin d'emploi . A cet égard, celles qui habitent une zone où l'emploi non-qualifié est avant tout intérimaire ou saisonnier, ou plus encore celles qui vivent en milieu rural, sont particulièrement pénalisées.

Il est beaucoup plus difficile d'aller à la rencontre des jeunes en zone rurale où les structures de prévention et les associations de réinsertion sont moins nombreuses. Et, alors qu'on trouve en ville une variété dans l'offre de formation, celle-ci est déficitaire à la campagne où elle se combine avec la faible mobilité des intéressés.

Les jeunes femmes sont les premières victimes de telles évidences. Pour elles, les freins à l'emploi sont particulièrement nombreux (manque d'infrastructures d'accueil des enfants et de transports collectifs) et sans une collaboration de l'entourage, leurs démarches d'insertion et de recherche d'emploi risquent de ne pas aboutir.

Ainsi, la PAIO de Mehun-sur-Yèvre ou la mission locale des Quatre cantons de Pont-à-Mousson ont-elles décidé de créer un groupe de travail sur l'insertion des femmes en milieu rural.

La mission locale pour l'insertion des jeunes en Chinonais (Indre-et-Loire), considérant que le bassin d'emploi est défavorable aux jeunes femmes, déclare mettre plus particulièrement l'accent sur ce public. Ainsi, elle a prévu, s'agissant du public normalement ciblé par TRACE (niveaux VI et V bis), des « dérogations pour les jeunes filles de niveaux V et IV selon les difficultés qu'elles rencontrent ». A ce jour, les dérogations représentent un peu moins de 10 % des entrées et, à une exception près, leurs bénéficiaires sont exclusivement des filles.

Il existe enfin, au stade de l'insertion dans l'emploi, des obstacles matériels et psychologiques propres aux jeunes femmes de très faible qualification.

On manque tout d'abord, en France, d'une réflexion sur les modes de garde des enfants des mères les plus démunies. Rappelons que l'on trouve, dans le programme TRACE, un nombre non-négligeable de jeunes mères ; lorsque le bassin d'emploi est porteur pour leur proposer des postes dans l'industrie, il leur arrive de ne pouvoir profiter des occasions qui s'offrent à elles parce qu'elles rencontrent de grandes difficultés pour s'adapter au rythme de travail imposé (travail d'équipe avec horaires décalés, travail de nuit) quand les infrastructures locales (crèches) sont inexistantes et les nourrices refusent la garde d'enfants de nuit pour des problèmes d'organisation.

Par ailleurs, les environnements professionnels très masculinisés sont redoutés par les femmes les plus fragiles -pour leurs conditions de travail, mais pas seulement- et certaines d'entre elles vont jusqu'à refuser un emploi pour ce motif. Il faudrait développer les actions de parrainage ou de tutorat à la sortie du programme TRACE, notamment à destination du public féminin. Le parrainage, qu'il vienne de l'extérieur ou de l'intérieur de l'entreprise, est de nature à guider, à rassurer les jeunes femmes, à les aider à surmonter appréhension psychologique et difficultés matérielles quotidiennes. Prévue par plusieurs circulaires 29 ( * ) , cette formule d'accompagnement doit être plus systématiquement utilisée.

On observe enfin qu'un certain nombre de jeunes filles ne sont pas en situation d'insertion à la fin du programme TRACE, parce qu'elles se sont trouvées enceintes pendant le parcours et l'ont abandonné. Ce constat devrait conduire les responsables de l'insertion à une information systématique des intéressées sur la contraception à l'entrée dans TRACE . Il s'agit d'une population défavorisée qui n'a pas eu forcément accès à une telle information auparavant.

La mission locale du Pays niortais note que les femmes cumulent les mêmes freins à l'emploi que les hommes (mobilité, logement, santé, dépendances), mais que le problème de la garde d'enfants vient s'ajouter ; elle étudie actuellement des solutions concrètes qui devraient être mises en place avec le renforcement du programme TRACE en 2002. La mission locale des Monts d'Or et des Monts du Lyonnais mentionne aussi comme frein à l'insertion des femmes les difficultés de garde des enfants pour les jeunes mères célibataires. A la mission locale du Pays de Brest, on souligne que mobilité géographique, modes de garde et horaires atypiques sont des questions qui concernent particulièrement le public féminin.

La mission locale de Saint-Quentin, dans l'Aisne, devait créer à la fin de 2001 une action « Etre mère et s'insérer dans la vie professionnelle » pour tenir compte des difficultés spécifiques rencontrées par certaines femmes du programme.

A la mission locale de Bourges, un groupe de réflexion s'est réuni pour traiter des difficultés d'accès à l'emploi rencontrées par les jeunes filles et notamment pour identifier les postes et les entreprises accessibles à ces jeunes filles non-qualifiées, et pour rechercher des moyens pour lever des freins tels que la garde des enfants (tant au niveau financier que d'organisation).

En Dordogne, la mission locale Riberacois-Vallée de l'Isle, qui déclare avoir mis l'accent sur les jeunes filles non-qualifiées pour les positionner sur des secteurs déficitaires en main-d'oeuvre où les employeurs peuvent être tentés de réviser leurs préjugés sexistes, note que les intéressées rencontrent des obstacles nombreux à l'insertion ; identité fragile, métiers comme ceux du bâtiment, des transports, de la métallurgie, qui demandent une grande disponibilité -horaires, mobilité géographique- peu compatible avec la vie de famille.

La mission locale de Montluçon, où 1/5 ème des jeunes femmes sont mères et 13 % élèvent leurs enfants seules, souligne qu'il s'agit là d'un vrai frein à l'insertion professionnelle, car l'entrée en formation ou la prise de poste entraîne des frais supplémentaires, voire une organisation de la garde difficile à gérer. Elle précise que le problème est amplifié en milieu rural.

A la mission locale pour l'insertion des jeunes en Chinonais, sur 93 jeunes filles, 15 ont eu un enfant en cours de dispositif.

* 26 L'attrait des jeunes filles pour ces métiers pourrait traduire la nécessité pour elles de compenser les manques affectifs dont elles souffrent ou ont souffert.

* 27 DARES. Premières informations et premières synthèses. Août 2000.

* 28 10 juin 1998

* 29 Circulaires DIIJ/DPM/DGEFP/DIV/DAS n° 2000-313 du 7 juin 2000, n° 2001-211 du 7 juin 2001 et charte nationale du parrainage vers l'emploi du 27 juillet 1999.

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