C. LE DÉBAT ACTUEL

Aujourd'hui en France, l'existence d'un service universel des télécommunications et sa nécessité n'apparaissent contestées par personne. En revanche, son périmètre et son financement font débat .

1. Le périmètre du service universel

La plupart des syndicats de télécommunicants ayant répondu à votre rapporteur sont favorables à une extension du service universel .

Pour la CGT : « Le service universel doit être élargi bien au delà des dispositions actuelles à savoir au mobile, à Internet, au haut débit et à des services considérés hors marchands ».

Sud défend une position assez identique : « Sud est pour une extension du service universel aux mobiles et à l'accès à Internet rapide. En ce qui concerne la couverture haut débit une complémentarité doit être mise en place entre ADSL, Boucle locale radio et liaisons satellites. Le tarif demandé à l'usager devant être le même partout, grâce à la mise en place d'un système de péréquation tarifaire ».

La CFTC introduit une nuance dans cette orientation : « La CFTC demande que le GSM et l'internet de première génération fassent partie du service public et non du service universel qui n'impose que de répondre aux demandes dites raisonnables. En effet, cette raison économique à court terme est aux antipodes de la raison nationale qui nous impose d'aménager le territoire. Le coût pourrait alors en être diminué à mesure de l'extension de son usage par une procédure d'homologation des tarifs de tous les opérateurs qui tienne compte des nécessités du financement des investissements ».

FO prône l'élargissement : « Le service universel est et demeure le point le plus important de cette construction réglementaire. N'oublions pas qu'il est évolutif. Pour certains (en particulier les opérateurs du secteur concurrentiel) il est trop large et coûte trop cher, à la limite il ne devrait pas exister. Pour Force Ouvrière, son élargissement à l'Internet haut débit est une nécessité absolue si l'on veut promouvoir une véritable société de l'information ».

L'Assemblée des Départements de France (ADF) a répondu à ce sujet que « Les élus départementaux s'interrogent de plus en plus sur la possibilité de l'étendre aux réseaux à haut débit et notamment sur les conditions d'utilisation du fonds de service universel pour le financement de la création d'infrastructures de télécommunications ».

Les opérateurs , quant à eux, ne semblent guère s'intéresser à cette question. France Télécom n'a pas fait part de son opinion et selon Cégétel : « La définition et le contenu du Service Universel (SU) relèvent des pouvoirs publics, à l'échelon national comme au niveau communautaire ».

Pour les entreprises du secteur et leurs organisations représentatives, le débat central est celui du financement du service universel . La réponse de Cégétel, qui plaide depuis longtemps pour un financement par l'Etat des coûts du service universel, est, là encore, illustrative de cette approche du dossier : « Elargir le service universel aux mobiles et à l'Internet devrait conduire nécessairement à aborder la question de ce financement public naturel .

« L'accès aux services de données à haut débit pour tous, sur l'ensemble du territoire suppose un arbitrage entre le rôle du service public et celui de la concurrence. Les deniers publics en particulier ne doivent pas permettre la reconstitution d'un monopole sous prétexte de la bonne cause du service public. Dans les zones non rentables, les collectivités territoriales pourraient ainsi avoir un rôle à jouer sans qu'il soit fait appel forcément au SU ».

2. Le financement du service universel

D'une manière générale, opérateurs et fournisseurs d'accès à Internet contestent les modalités de calcul du service universel et son financement par la concurrence.

L'argumentation de l' AFORS Télécom (Association française des opérateurs de réseaux et services télécom) est particulièrement révélatrice de cette tendance : « Sans remettre en cause le principe du service universel contenu dans la loi de 1996, des éléments nouveaux aujourd'hui confirment la position des opérateurs de l'AFORS Télécom à avoir une interrogation sur les modalités de calcul du SU et une absence de justification de ce dernier . (...)

« L'AFORS Télécom considère notamment que le service universel relève d'une mission d'intérêt public. Si les avantages induits ne venaient pas compenser le coût du service universel, et qu'un financement s'avérait nécessaire, il appartiendrait à l'Etat, et non aux opérateurs, d'en supporter la charge financière éventuelle. »

L'association estime notamment que le dispositif existant n'est pas adapté à un environnement de plus en plus concurrentiel et fait peser sur les opérateurs des charges financières excessives car :

- toute ouverture d'un nouveau segment de marché emporte transfert de la charge du service universel de France Télécom vers les opérateurs alternatifs et pénalise mécaniquement le développement de cette nouvelle activité ;

- les modalités de calcul qui ont toujours été contestées par les opérateurs, pénalisent de plus, gravement, les activités émergentes (communications locales, Internet, numéros spéciaux, dégroupage ...) ;

- les modalités de paiement contraignent les opérateurs à des agences de trésorerie significatives, qui se sont toujours avérées largement surévaluées.

L'AFORS décroche aussi ses flèches contre le mécanisme du financement. Elle déclare que : « le montant de la contribution prévisionnelle a globalement diminué de 54 % entre 1997 et 2001, tandis que le montant de la contribution définitive diminuait de 75 %. Le niveau très inférieur de cette dernière par rapport au coût prévisionnel démontre l'énorme surévaluation du coût net prévisionnel payé par les opérateurs, et l'immobilisation de trésorerie qui en résulte, d'autant plus grave que les évaluations définitives se font avec beau ce retard -plus de six mois- alors que les paiement ont lieu aux dates prévues. Des sommes considérables sont ainsi immobilisées dégradant les bilans des opérateurs. Il n'est pas acceptable de pérenniser une telle situation.

« [Il est] nécessaire de supprimer le double mécanisme (prévisionnel - régularisation a posteriori) pour ne retenir qu'un seul et même mécanisme de paiement unique, a posteriori, fondé sur l'évaluation de la contribution définitive, à l'instar de l'impôt sur les sociétés ».

L'AFA (Association des Fournisseurs d'accès et de services Internet) n'épargne pas non plus ses critiques : « S'il n'est nullement question de remettre en cause le principe du service universel (SU), l'AFA constate que son coût est excessif et que son mode de répartition entre opérateurs est insupportable pour les fournisseurs d'accès ».

L'AFA dénonce tout particulièrement la clé de répartition du coût des obligations de service universel :

« Le coût de le fourniture du service universel est réparti entre les opérateurs au prorata de leurs volumes de trafic. Ainsi, pour un coût prévisionnel de 2,7 milliards de francs en 2001, la charge est de 0,86 centime HT par minute de trafic d'accès à Internet. A titre de comparaison, le tarif local Internet de France Télécom est d'une dizaine de centimes HT par minute.

« Le calcul des contributions au prorata du volume de trafic évalué en minutes de communication ne tient pas compte de prix des communications, qui sont différents selon qu'il s'agit du trafic voix ou du trafic Internet : ainsi, la recette par minute pour le trafic voix longue distance ou mobile est très supérieure à celle concernant le trafic Internet, comme le montre le rapport sur l'état du marché des télécommunications édité par l'ART. Par conséquent, le service universel représente donc une charge beaucoup plus importante par minute facturée pour Internet que pour la voix.

L'Association estime également que les bénéfices tirés de l'annuaire devraient être déduits du coût des autres missions relevant du service universel.

Elle souligne notamment que : « Si un opérateur dégage un bénéfice sur une des missions de service universel qu'il assure, il paraît légitime que celui-ci vienne en compensation des pertes entraînées par les autres missions. Et ce d'autant plus que les opérateurs concurrents concourent au financement des missions déficitaires ».

L'AFA s'interroge sur la pertinence du maintien en l'état de la composante « publiphonie » dans un contexte où l'empreinte de la téléphonie mobile est de plus en plus profonde.

Elle fait remarquer que :

« Le coût de fourniture des cabines publiques a selon tout vraisemblance augmenté de 12 % entre les exercices 1999 (chiffres définitifs) et 2001 (chiffres prévisionnels) sous l'effet de la pénétration du téléphone mobile. Cette composante ne peut donc qu'augmenter dans les années qui viennent, et ce alors que le Gouvernement a mis en oeuvre des mesures permettant aux opérateurs mobiles de couvrir la quasi-totalité du territoire national.

« Compte tenu de la couverture des réseaux GSM et de la pénétration du téléphone mobile, les charges qui pèsent sur France Télécom en termes de parc de cabines publiques sont-elles toujours d'actualité ? Est-il possible d'alléger ces charges ? »

Pour Cégétel également, si le principe du service universel ne saurait être remis en cause, il convient de « le débarrasser de quelques points hautement critiquables » :

« - son montant est surestimé ;

« - les avantages immatériels et les bénéfices induits ne sont pas pris en compte ;

« - il donne un avantage concurrentiel à l'opérateur qui en a la charge au détriment des autres contributeurs ;

« - il accroît indûment les charges des opérateurs mobiles qui supportent par ailleurs des obligations très semblables ;

« - il fait l'objet d'un financement privé, totalement atypique ».

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