CHAPITRE PREMIER
LA DÉLINQUANCE DES MINEURS
N'EST PAS UN FANTASME
OU UN SENTIMENT

« Nous avons peur de nos jeunes maintenant. C'est un séisme fort, diffus, que tout le monde ressent »

Père Guy Gilbert 6 ( * )

On n'agit bien que si l'on connaît bien. Forte de ce précepte, la commission d'enquête a tenté de mieux comprendre la réalité de la délinquance des mineurs aujourd'hui. Le constat qu'elle en tire n'est pas particulièrement rassurant : la délinquance des mineurs, qui reste sous-estimée, a fortement augmenté et concerne des adolescents plus jeunes et plus violents face auxquels les adultes sont de plus en plus désemparés. Les mineurs délinquants cumulent bien souvent de nombreux handicaps difficilement réductibles. Enfin, les mineurs sont souvent les premières victimes des mineurs.

I. UNE ÉVOLUTION PRÉOCCUPANTE

La délinquance des mineurs a toujours existé. La situation actuelle est cependant préoccupante par le caractère massif qu'elle revêt aujourd'hui.

A. UN PHÉNOMÈNE ÉTERNEL ?

Au VIIIème siècle avant J.C., Hésiode écrivait, dans Les travaux et les jours : « Je n'ai plus aucun espoir pour l'avenir de notre pays si la jeunesse d'aujourd'hui prend le commandement demain, parce que cette jeunesse est insupportable, sans retenue, simplement terrible. Notre monde atteint un stade critique. Les enfants n'écoutent plus leurs parents ».

C'est donc à bon droit que le sociologue M. Sébastian Roché, lors de son audition par la commission d'enquête, a constaté à titre liminaire que « Structurellement, la délinquance des jeunes a toujours existé ».

Plus précisément, M. Laurent Mucchielli, également sociologue, a souhaité rappeler que le vingtième siècle avait été marqué par trois périodes de forte délinquance juvénile :

- « La première période, c'est celle des années 1900-1914. Les jeunes délinquants avaient alors la figure des « apaches » et l'existence de bandes de jeunes délinquants réputés très violents devenait un élément majeur du débat politique et médiatique de l'époque, au point qu'un journaliste pouvait écrire, en 1907, à la une d'un des principaux quotidiens, La Petite République : « L'insécurité est à la mode, c'est un fait. » ;

- «  (...) lors de l'été 1959 surgissait dans la presse une nouvelle figure du jeune délinquant dangereux, le « blouson noir ». Or, lorsque l'on fait la comparaison systématique entre les sources et les travaux de cette époque et de la nôtre, on est frappé de constater que les (...) reproches qui étaient faits aux blousons noirs sont encore au coeur du débat sur la délinquance juvénile » ; de fait, les « blousons noirs » étaient responsables d'affrontements entre bandes, se voyaient reprocher des viols collectifs, des vols d'usage immédiat, enfin des actes de vandalisme contre les institutions ;

- depuis la fin des années 1970, la délinquance juvénile a de nouveau augmenté, régulièrement, jusqu'en 1996, puis de manière brutale.

On pourrait être tenté, dans ce contexte, de relativiser la situation présente, qui ne serait qu'un énième avatar d'un phénomène aussi vieux que le monde.

Une telle conclusion serait pourtant hâtive.

* 6 Educateur - Audition du 24 avril 2002.

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