II. UNE POLITIQUE DE LA VILLE DONT L'EFFICACITÉ RESTE À PROUVER

La politique de la ville est née du constat que les difficultés de la vie dans les quartiers pouvaient générer des travers sociaux dont la délinquance des mineurs était le paroxysme. A mesure que ces quartiers ont été frappés par le chômage, que l'habitat s'y est dégradé, que les services publics et les commerces y ont disparu, cette intuition s'est révélée juste. Peu à peu, la politique de la ville, qui rassemble tous les programmes et les acteurs dédiés à prévenir cette dégénérescence, s'est imposée à la fois en tant que méthode de diagnostic et en tant que thérapeutique.

Mais « qui trop embrasse mal étreint » dit le vieux proverbe. La prolifération d'outils redondants et la multiplication des objectifs divergents, voire contradictoires, mettent aujourd'hui à mal la politique de la ville, rendant sa gestion complexe voire inextricable, ses logiques illisibles, sa mise en oeuvre impossible. Catalogue pour certains, véritable « ping-pong » institutionnel pour d'autres, où les acteurs se renvoient les difficultés, la politique de la ville doit à présent se réformer pour faire la preuve, depuis longtemps attendue, de son efficacité.

A. UNE POLITIQUE DE LA VILLE DONT L'INCAPACITÉ À SE REFORMER EST DÉMONTRÉE

1. Historique de la politique de la ville

A la fin des années 1970, des mouvements violents en zones urbaines reléguées, sporadiques puis étendus, ont fait prendre conscience aux pouvoirs publics de l'utilité d'une politique ciblée sur les quartiers. En août 1976, est créé un fonds d'aménagement urbain (FAU) complété l'année suivante par le lancement d'opérations Habitat et Vie sociale (HVS) dans une cinquantaine de quartiers. Ces deux initiatives constituent les deux premières pierres de la politique de la ville.

Dès le début des années 1980, la politique de la ville va s'amplifiant, en investissant plusieurs secteurs jugés stratégiques : le développement social des quartiers, le principe de l'éducation prioritaire, la lutte contre la toxicomanie.

Les années 1982 et 1983 marquent deux étapes importantes avec les rapports Bonnemaison « Face à la délinquance ; prévention, répression, solidarité » et Dubedout « Ensemble refaire la ville ». L'accent est mis sur les possibilités d'actions qu'offrent les collectivités locales et l'impérieuse nécessité de faire coexister dans une même structure la réflexion et l'élaboration d'actions préventives et répressives comme réponse à la délinquance. Avec les conseils départementaux et communaux de prévention de la délinquance (CDPD-CCPD) les différents acteurs de lutte contre la délinquance décident de mettre leur expérience en commun.

La fin des années 1980 connaît les premières évaluations du développement social des quartiers (rapport Levy) et la relance de la politique de la ville via la création de nouvelles structures, le Conseil national des villes (CNV), le comité interministériel des villes (CIV) et la délégation interministérielle à la ville (DIV). En 1989, M. Michel Rocard, alors Premier ministre, signe la « circulaire du 22 mai » qui fixe les programmes d'action pour la ville. La politique n'est plus centrée sur la prévention de la délinquance mais aborde d'autres aspects et notamment l'intégration, avec la création d'un Haut Conseil dédié à ce thème. Pourtant, les aspects de violences urbaines reviennent rapidement au premier plan avec une circulaire sur la prévention de la délinquance et le rapport Cardo relatif aux « mouvements collectifs et la violence dans les villes » .

A partir de cette date et de la loi d'orientation sur la ville (LOV), la politique de la ville va osciller entre la prévention de la délinquance et une ambition plus vaste -insertion, respect des droits, aménagement urbain- pourtant non dénuée de lien avec la prévention.

Le Pacte de relance pour la ville en 1996 a reposé sur le raisonnement suivant : la quiétude sociale passe par le développement économique des quartiers ; or celui-ci n'est possible que si la sécurité y est assurée.

Si les dispositifs de dynamisation économique, notamment les zones franches urbaines, ont donné de bons résultats, la participation des quartiers reste dans l'impasse depuis vingt ans. Et, malgré les mises en garde, les défauts signalés de la politique de la ville, ceux-là même qui ruinent son efficacité, ne sont pas corrigés .

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