4. Des décisions incohérentes

Tout au long de ses pérégrinations, la commission d'enquête a eu connaissance d'exemples nombreux qui démontrent l'inadaptation de la réponse judiciaire à la délinquance des mineurs. Il y a bien réponse, mais cette réponse ne fait pas sens, parce qu'elle n'est pas adaptée, progressive et proportionnelle .

M. Jean-Marie Petitclerc, éducateur spécialisé, fait ainsi observer : « Le système judiciaire de réponse à la délinquance est fondé sur ce principe, non explicité, mais tellement inscrit dans les pratiques, qui a peut-être sa légitimité du côté des adultes, mais qui, à mes yeux, s'avère désastreux d'un point de vue pédagogique : la première fois, ce n'est pas grave ; ce qui est grave, c'est de recommencer. Or, je suis de ceux qui pensent, comme bon nombre de parents, que si l'on n'apporte pas une réponse crédible à la première transgression, on se discrédite pour la suite ».

De fait, la commission a eu connaissance de situations dans lesquelles plusieurs admonestations ou remises à parents successives sont prononcées contre un même mineur. Or, ce mineur a parfois déjà fait l'objet d'un rappel à la loi par un délégué du procureur...

Une telle attitude est désastreuse car elle persuade le mineur qu'il n'y aura jamais de « vraie » réponse.

L'admonestation ou la remise à parents, si elles ne fonctionnent pas dès la première tentative, ne fonctionneront pas par la suite. Elles ne devraient pouvoir être prononcées qu'une fois pour un même type d'infraction . En outre, si un magistrat annonce à un mineur qu'il encourt des mesures plus sévères en cas de récidive et que ces paroles ne sont pas suivies d'effets, la justice perd toute crédibilité.

La même situation se renouvelle lorsque les juridictions prononcent des sanctions pénales proprement dites. Combien de mineurs accumulent des mesures de sursis avec mise à l'épreuve parce que les juridictions ne se résolvent pas à incarcérer ? A Marseille, la commission a entendu le cas d'un jeune majeur, condamné à trois peines de sursis avec mise à l'épreuve lorsqu'il était mineur, qui venait d'être condamné à trois années d'emprisonnement ferme pour un fait mineur, le tribunal correctionnel ayant révoqué l'ensemble des sursis...

D'une manière générale, les mesures probatoires, comme le contrôle judiciaire ou le sursis avec mise à l'épreuve sont très rarement révoquées lorsqu'elles ne sont pas respectées, alors qu'elles reposent sur l'idée d'un contrat entre le magistrat et le mineur.

Les mineurs comprennent très vite ce mode de fonctionnement et ceux qui n'ont pas été dissuadés de récidiver dès le premier passage en justice ne risquent guère de l'être par les suivants.

La commission d'enquête ne plaide pas ici en faveur d'un emprisonnement massif des mineurs, mais constate que l'accumulation pour un même mineur d'admonestations, de remises à parents, de sursis simples puis de sursis avec mise à l'épreuve constitue un moyen très sûr de consolider son ancrage dans la délinquance.

La commission a déjà marqué sa volonté de voir développées les mesures de réparation. Le travail d'intérêt général peut lui aussi présenter un grand intérêt. 2.554 mesures de ce type seulement ont été ordonnées en 2000, ce qui est fort peu comparé aux 10.402 peines d'emprisonnement avec sursis. Il est souhaitable de relancer cette mesure. Des contacts directs entre magistrats et maires pourraient permettre de prévoir très rapidement la mise en place de postes de travail d'intérêt général dans de nombreuses communes. Une aide spécifique pourrait être créée pour aider les collectivités locales et les organismes publics qui mettent en place des travaux d'intérêt général, afin de compenser les charges entraînées par l'encadrement des mineurs.

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